Entretien au Ministère de
l'Environnement le 16 mars 2001
Réforme de la politique de l'eau - Projet de loi sur l'eau
Synthèse des propositions de la CACE
(Coordination nationale des Associations de Consommateurs d'Eau)
sur la réforme de la loi sur l'eau
L'eau, patrimoine commun de la Nation,
ne peut être une simple marchandise
1- Suppression de la redevance d'occupation du domaine
public pour les concessions d'eau, d'assainissement et de déchets
Cette redevance, légale, s'applique à toute occupation du domaine
public. Le Conseil Municipal en vote toutes les années le tarif sous l'appellation
"permission de voirie". Pour ce qui concerne les concessions d'eau, d'assainissement
et de déchets, la question se pose différemment :
- Le législateur a interdit les droits d'entrée pour ces concessions
considérant qu'il s'agissait d'une méthode malsaine ;
- L'interdiction des droits d'entrée est détournée par
l'application de la redevance d'occupation du domaine public ;
- Rien ne justifie l'application de cette redevance pour les concessions concernées.
Toutes les tentatives de justification qui nous sont données ne sont
pas crédibles. Cette redevance n'a rien à voir avec les redevances
que paient EDF/GDF, les opérateurs de télécommunication,
etc. Les communes ne concèdent pas leur réseau électrique,
de gaz ou téléphonique. Elles n'ont pas financé, par l'intermédiaire
des usagers, ces réseaux. Or les réseaux d'eau et d'assainissement
ont été financés par les usagers. Par conséquent,
faire payer à ceux-ci une redevance parce qu'une société
privée exploite leur réseau devient absurde ;
- La Direction des Services Fiscaux nous indique que cette redevance constitue
la contrepartie d'avantages et profits que tirent la société privée
de l'exploitation du réseau payé par les usagers : on leur fait
payer une taxe supplémentaire !
- Cette redevance, comme l'a souligné la Cour des Comptes, va directement
dans le budget principal de la collectivité. Il s'agit d'un transfert
de charges, interdit aussi par la loi, et qui contrevient au principe "l'eau
doit aller à l'eau".
2- Interdiction de certaines pratiques abusives
Il faut exclure de la facture :
- Le dépôt de garantie ;
- L'avance sur consommation ;
- La demande de caution solidaire ;
- Les frais d'ouverture et de fermeture de compteur ;
- Les frais de dossier.
3- Encadrement des tarifs et révision des règlements
de service
Le projet de loi sur l'eau doit nécessairement préciser, sans
aucune ambiguïté, les éléments à prendre en
compte pour la fixation du prix payé par l'usager :
- Mise en place d'un système qui permettrait à toutes les communes
de garantir un prix de l'eau raisonnable :
- Tarification comportant un forfait gratuit pour une consommation définie
comme "vitale" ;
- Aide spécifique aux communes rurales en fonction de leurs réseaux
souvent très importants (revoir l'attribution du FNE -ex FNDAE-), une
sorte de péréquation entre les communes rurales et urbaines.
- Tarification assise sur le seul volume d'eau réellement consommé
;
- Suppression de la part fixe de l'eau et de l'assainissement pour les collectivités
et les délégataires, seul un abonnement (convention à prix
limité pour l'usage habituel d'un service) peut être envisagé.
Il doit exclure toute idée de provision concernant l'investissement,
et être destiné uniquement aux collectivités. Le tarif binôme
favorise les gros consommateurs et va à l'encontre des économies
d'eau ;
- Application dans l'établissement du règlement du service des
eaux de la recommandation n° 851 de la Commission des Clauses Abusives ;
- Le règlement doit exposer clairement les droits et obligations de
chaque partie. La rédaction d'un nouveau modèle de règlement
actualisé s'avère aujourd'hui indispensable. Il doit être
joint au texte de loi sur l'eau et "faire loi". Le service des eaux devra favoriser
l'installation de compteurs individuels, gérés par lui, dans le
cas d'immeubles collectifs afin que l'usager ne paie que la part réelle
qui lui incombe. La limitation du nombre de compteurs à installer devra
être interdit dans la rédaction des règlements des services
des eaux. La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 (article 93) doit
être repris dans le projet de loi. La suppression de la TVA est demandée.
Elle devrait l'être obligatoirement pour les redevances annexes : contribution
versée aux agences de bassin - FNE - redevance pollution.
4- Limitation de la durée des contrats d'affermage
ou de concession et possibilité de renégociation - Soutien pour
le retour à la gestion directe dans tous les cas où cela est possible
Si la loi Sapin part d'un bon sentiment, elle est tout à fait insuffisante
pour régler tous les problèmes. L'organisation des services publics
doit faire l'objet d'un profond remaniement pou répondre aux intérêts
des consommateurs :
- Les financements de tous genres apportés par les sociétés
fermières aux collectivités sont une des causes principales de
la dérive des contrats. Les financements doivent être exclus des
contrats d'affermage (ils conduisent à des contrats de trop longue durée
; ils empêchent la concurrence ; ils conduisent à des recettes
pour le délégataire non prévues au contrat ; le fermier,
société industrielle, n'a pas à jouer un rôle de
banque ;
- La durée des contrats devrait être limitée à
5 ou 6 ans ce qui permettrait à de nouveaux élus de ne pas être
bloqués par des choix faits par des élus antérieurs.
5- En cas d'affermage ou de concession : contrôle
rigoureux des délégataires
Les comptes des délégataires ne correspondent jamais à la réalité
des coûts du service. Il faut que les obligations des délégataires
soient mieux définies et plus complètes :
- Paramètres et ratios techniques ;
- Gestion des comptes de renouvellement ;
- Dotation et travaux effectués ;
- Comptes d'exploitation avec utilisation des données de comptabilité
générale ;
- Calculs de justification de tout calcul analytique à partir de la
comptabilité générale ;
- Améliorer le jeu de la concurrence, initié par la loi Sapin
;
- Donner la possibilité aux collectivités de résilier
sans indemnités tous les contrats en cours d'une durée supérieure
à 12 ans.
6- Renforcement du rôle des associations d'usagers
aux organismes et commissions
Création de comités d'usagers des services publics d'eau et
d'assainissement dans toutes les communes :
- Participation des représentants des usagers aux organismes nationaux
autant que locaux ;
- Participation automatique aux CLE des associations locales régulièrement
déclarées et pas seulement celles qui ont un caractère
environnementaliste ;
- Obligation de propositions de participation dans les SAGE ;
Devraient être systématiquement soumis au comité consultatif
:
- Les projets de règlement de service ;
- Les modifications de tarif ;
- Les programmes de travaux ;
- Toute délégation et avenants ;
- Les budgets eau et assainissement avant le vote du conseil ;
- Les rapports techniques, financiers et sur la qualité de l'eau ;
- Le taux de rendement de la dépollution pour l'assainissement et les
mesures prises ou à prendre ;
Les documents de travail doivent être transmis au moins 15 jours avant
la date de la prochaine réunion afin de permettre aux parties de les analyser.
Les associations d'usagers devraient pouvoir saisir directement le Haut Conseil
en cas de conflit.
La CACE, qui rassemble des associations ayant la spécificité des
services publics d'eau et d'assainissement, doit être reconnue comme interlocuteur
auprès de administrations, organismes, ministères et responsables
politiques sur tous les problèmes et projets relatifs à l'eau et
à l'assainissement.
7- Protection des ressources - Qualité de l'eau
- Prise en compte de tout le système hydrographique par les SAGE, aussi
bien les ressources souterraines que superficielles ;
- Moratoire sur les autorisations d'installations classées, poulaillers
et porcheries industrielles en zone de bassins versants. Application stricte
et immédiate de la réglementation sur tous les élevages
;
- Fréquence plus élevée des analyses complètes
de l'eau à destination humaine et leur affichage lisible. L'eau ne peut
être déclarée conforme qu'à l'issue d'analyses complètes
(64 paramètres) ;
- Garantie de l'indépendance des laboratoires d'analyse ;
- Création de parcs naturels hydrographiques ;
- Réelle police de l'eau avec création de brigades vertes ayant
pouvoir de verbaliser ;
- Annulation sans indemnités du contrat d'affermage ou de concession
lorsque la société distributrice a été condamnée
pour non respect des normes de qualité ;
- Priorité absolue à la prévention de la pollution sans
exclusive de l'application du principe pollueur-payeur ;
- Contrôle effectif du devenir des lisiers, fientes et boues d'épuration.
Pour ces dernières, interdiction d'utilisation directe ou indirecte dans
la chaîne alimentaire ;
- Strict respect des périmètres de captage ;
- Développement des lagunages, favoriser les innovations ou solutions
non polluantes et le solutions d'assainissement non collectif.
8- Précarité
En 1996 la "charte solidarité eau" est signée entre le ministère
du logement, les collectivités territoriales et le syndicat des distributeurs
d'eau.
La "commission solidarité eau" devant contribuer à aider les familles
en précarité ne sera jamais mise ne place par les préfets.
La signature de la charte est renouvelée en avril 2000, cependant aucun
des signataires n'a prévu dans son budget le fonctionnement de cette structure.
Le 29 juillet 1998 la charte est renforcée par la loi contre l'exclusion.
L'eau étant un besoin vital :
- Un service minimum de fourniture d'eau aux familles en précarité
doit être assuré gratuitement sans faire appel au rétablissement
des bornes fontaine ;
- Les commissions eau doivent être mises en place très rapidement
avec un financement de l'État et des sociétés distributrices.
Les usagers doivent être représentés au sein de ces commissions
;
- Aucune pénalité ne doit être appliquée en cas
de retard de paiement contrairement à la clause prévue souvent
par le règlement du service des eaux ;
- La coopération humanitaire financée par les services de distribution
d'eau conduirait à majorer les factures des usagers. Ce financement devrait
relever du budget de l'État.
L'eau, bien naturellement pur, ne peut continuer à
se troubler sous l'effet d'une minorité de requins chercheurs d'or
La transparence de celle-ci doit être restaurée
et une nouvelle loi sur l'eau doit l'y aider