Entretien au Ministère de
l'Environnement et du Développement Durable
le 17 septembre 2004
Réforme de la politique de l'eau - Projet de loi sur l'eau
Synthèse des propositions de la CACE
(Coordination nationale des Associations de Consommateurs d'Eau)
sur la réforme de la loi sur l'eau
L'eau, patrimoine commun de l'humanité,
n'est pas une marchandise
1-
Interdiction de certaines pratiques abusives
- Dépôt de garantie ;
- Avance sur consommation ;
- Demande de caution solidaire ;
- Frais d’ouverture et de fermeture de compteur ;
- Frais de dossier ;
- Suppression de la redevance d’occupation du domaine public pour les
délégations d’eau, d’assainissement et des déchets.
2- Encadrement des tarifs et révision
des règlements
de
service
Le projet de loi sur l’eau doit préciser, sans aucune ambiguïté,
les éléments exhaustifs à prendre en compte pour la fixation
du coût de l’eau à la charge des usagers :
- a) Mise en place d’un système permettant à toutes
les collectivités
et leurs établissements de garantir un prix de l’eau raisonnable
:
- Application rigoureuse du principe selon lequel l’usager ne peut se
voir facturer que la stricte contrepartie d’un service rendu ;
- Révision des contrats léonins ; remise en question et révision
voire suppression des formules d’indexation des prix sur des indices économiques
;
- Suppression de la dégressivité des tarifs de consommation
;
- Progressivité de la tarification au m3, au-delà de
300 m3 annuels pour encourager les économies de consommation
d’eau ;
- Aide aux communes rurales notamment pour celles dotées d’un
réseau
important (revoir l’intervention du FNDEA) ; péréquation
urbain/rural.
- b) Suppression de la tarification binôme eau et assainissement pour une
tarification au volume réellement consommé :
- Suppression de la partie fixe remplacée par un véritable
abonnement
excluant toute avance sur consommation ;
- La tarification binomiale favorise les gros
consommateurs au
détriment des économies d’eau.
- c) Application dans l’établissement du règlement des
services d’eau et d’assainissement de la recommandation n° 85-01
de la commission des clauses abusives réactualisées.
En outre,
- Le règlement de service doit exposer clairement les droits et
obligations de chaque partie ;
- L’individualisation des compteurs doit être rendue
obligatoire (loi SRU) pour que chaque résident d’immeuble collectif
paie ce qu’il consomme et soit en mesure de le vérifier ;
- Mais pas d’individualisation
des contrats qui conduit à une
augmentation du prix de l’eau pour les usagers et des recettes supplémentaires
non justifiées pour les opérateurs.
- d) Suppression de la TVA notamment sur les redevances
aux agences, au FNDEA, aux VNF puisque les sommes collectées serviront à financer des
investissements eux aussi soumis à la TVA ;
- e) La comptabilité doit faire apparaître la rémunération
du fermier ;
- f) Le prix de l’eau doit être relié directement de manière
comptable aux charges de l’exploitation des services :
- D’une part au niveau de la fixation du prix initial de l’eau à travers
l’analyse d’un compte d’exploitation où chaque ligne
a été évaluée en référence aux prix
pratiqués sur le terrain ;
- D’autre part en supprimant la formule
de révision et
en la remplaçant par une mise en place d’un budget annuel, aussi
bien en délégation qu’en régie où c’est
la pratique courante ;
- Le prix de l’eau doit être fixé chaque
année non
pas sur des bases statistiques contestables quant à leur emploi, mais
sur un compte d’exploitation prévisionnel concurrentiel, mis lui-même
en concurrence avec le mode de gestion alternatif non opérationnel sur
le cas d’espèce (régie en délégation et délégation
dans le cas de la régie).
3- Limitation de la durée des contrats d’affermage – différenciation
entre contrats d’affermage et de concession – possibilités
réelles de renégociation et non de révision simple des
contrats en cours – faciliter les retours en gestion publique
Les lois Sapin, Mursec et Mazeaud sont insuffisantes pour supprimer les abus
des fermiers basés sur des contrats léonins d’où les
modifications suivantes :
- Exclusion, dans les contrats d’affermage, des financements apportés
par les fermiers ; ceux-ci devenant ainsi banquiers et opérateurs des
financements. Pratiques dénoncées par les CRC ;
- Limitation de la
durée des contrats à 5 ou 6 ans voire renouvelables
chaque année puisque en affermage, le fermier se contente d’exploiter
un bien investi par les usagers via leur collectivité. Sous-traitant
pratiquement tous les travaux (souvent à leurs filiales), le délégataire
ne peut invoquer la durée d’un quelconque amortissement ;
- Cette limitation de la durée des contrats doit être assortie
de la possibilité de résiliation des contrats en cours d’une
durée résiduelle de 5 ans pour que les mesures précédentes
aient la possibilité réelle d’être appliquées
;
- Le retour en gestion publique doit être aussi aisé que le passage
du public au privé, non seulement par la réduction de la durée
des contrats, mais aussi par la présentation,
par l’exécutif de la collectivité, d’un rapport technique
mettant objectivement en parallèle les avantages et inconvénients
chiffrés des 2 modes de gestion soumis, d’une part à la
CCSPL et d’autre part à l’assemblée délibérante.
4- Renforcement du rôle des associations d’usagers
aux organismes et commissions de gestion rattachées à toutes
les collectivités
territoriales
La transparence doit être l’un des principes de base des gestions
des services publics d’eau et d’assainissement :
- Obligation de mise
en application immédiate de la loi « démocratie
de proximité » sous menace de pénalisation des collectivités
récalcitrantes et de leurs responsables. Bien préciser que cette
loi doit être appliquée dans les cas prévus mais qu’elle
doit l’être aussi quelle que soit la taille de la collectivité (suppression
des seuils) ;
- Extension des compétences de ces commissions en leur donnant
non seulement celle de donner un avis sur le gestion des services, mais aussi
la possibilité de
communiquer leur avis aux usagers via les courriers de facture d’eau par
exemple et toutes les publications des collectivités ;
- Formation des militants
associatifs et des élus participant à ces commissions
mais aussi possibilité pour ces commissions de disposer d’un budget
leur permettant de consulter des experts de leur choix et de commanditer
des études
de leur choix afin d’aiguiller leur réflexion ;
- Participation accrue
en nombre de sièges, des association d’usagers
domestiques aux Conseil National de l’Eau, aux Comités de Bassin,
CLE, SAGE, … avec les mêmes exigences que pour les CCSPL ;
- Exiger
de ces commissions, comme cela est prévu par la loi :
- Qu’elles contribuent à l’élaboration des règlements
de service eau et assainissement ;
- Qu’elles contribuent à l’élaboration
des programmes d’investissement et de renouvellement des réseaux
financés
par les usagers, en régie comme en délégation ;
- Qu’elles
analysent les comptes rendus techniques et financiers des délégataires
comprenant le compte d’exploitation détaillé du service,
les rapports des maires et présidents sur le prix et la qualité des
services rendus, les comptes administratifs et les comptes de gestion ;
- Que soient
prises en compte leurs propositions d’amélioration
de ces gestions ;
- Que soient stigmatisées les rendements hydrauliques de
réseaux
désastreux (inférieurs à 70 % ) aussi bien en régie
qu’en délégation ;
- Etendre le champ des CCSPL aux régies directes.
5- Protection des ressources – qualité de
l’eau
La transparence doit être là aussi la règle.
Les affichages légaux doivent être respectés pour l’information
des usagers.
Les normes légales quant à la concentration des polluants doivent être
respectées sans atteinte au principe de la continuité du service
public.
Toute infraction sera pénalisée non au niveau de la gestion du
service de l’eau mais à celui de la personne même du distributeur.
Il est inconcevable de faire supporter à l’usager une carence du
fermier en demandant réparation de la faute au service public de l’eau
en cas de délégation. Sinon, où situer les risques et périls
du fermier délégataire ?
La réglementation de la protection des captages par les DUP doit être
respectée partout.
6- Précarité
L’accès à l’eau est un droit pour tout être
humain. Ceci doit être inclus dans la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme.
La distribution d’eau ne peut être interrompue chez quiconque
sans l’aval d’une décision de justice avec rappel des ses
droits à l’usager
en situation de précarité.
Mise en place obligatoire des Chartes de Solidarité Eau sur le 3 axes
prévus :
- Maintien des services publics de l’eau et de l’assainissement
pour les familles en situation de pauvreté et de précarité ;
- Prise
en charge financière de tout ou partie de leur facture d’eau
lorsqu’elles ne peuvent pas s’en acquitter temporairement ;
- Actions
d’information en direction des usagers du bon usage de l’eau.
7- Agences de Bassin
La mise en œuvre des SDAGE et des SAGE doit être accélérée.
Le principe pollueur payeur ne doit pas se transformer en droit de polluer.
Le dépassement des normes de pollution doit entraîner l’arrêt
de l’activité polluante.
La gestion de la ressource doit être réalisée dans une
optique de durabilité avec toutes les conséquences que cela impose
sur certaines pratiques agricoles : élevages
hors sol illégaux, abus des engrais, abus des pesticides, gaspillage
de l’eau
d’arrosage, mauvais choix des cultures fait en fonction des subventions
et de la rentabilité de la culture au détriment des possibilités
des sols…
La représentation des usagers domestiques de l’eau dans les
Comités
de Bassin doit être revue à la hausse.
Les Agences de Bassin doivent développer une mission de conseil et d’expertise
indépendants auprès des collectivités, usagers
domestiques et leurs associations pour contre balancer le monopole et l’omniprésence
des délégataires souvent en position de juge et partie. Il est
par exemple désolant de constater la quasi absence de données
statistiques sur les coûts et performances des gestions des distributions
d’eau potable et d’assainissement commune par commune.
La loi sur l’eau doit donner aux usagers les moyens de se réapproprier
leurs services publics,
de les contrôler efficacement et d’en orienter la gestion vers celle
du bien commun