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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE (Nord-Pas-de-Calais) Instance n° 95-1281 SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD c/ COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE Audience du 29 juin 1995 Nature de l'affaire : 54.02.03.02 Code Publication C |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE 2ème Chambre |
Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 16 mai 1995, sous le n° 95-1281, la requête présentée pour la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD, société anonyme dont le siège est à LILLE 59800, 217 boulevard de la Liberté, agissant par ses représentants légaux et par Me Christian BETTINGER, avocat à la cour de Paris ; la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD (SEN) demande au tribunal :
1°) de dire qu'il résulte de l'article 26-5 du contrat de concession de distribution d'eau conclu avec la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE (CUDL) que la Commission arbitrale n'est susceptible d'être installée qu'en vue d'une révision des tarifs appropriée et dans les cas énumérés aux a), b) et c) de cet article 26-5 ;
2°) de dire que cette Commission arbitrale n'est, aux termes de cette disposition contractuelle, compétente que pour vérifier la réalisation de ces trois cas de variation, sans que sa compétence puisse être étendue à l'hypothèse de révision générale quinquennale prévue à la première phrase du 1er paragraphe dudit article 26-5, et sans qu'elle ne puisse se substituer aux parties pour opérer une semblable révision ;
La SEN fait valoir que la CUDL a, par délibération du 9 décembre 1994, décidé, après un certain nombre d'années d'exécution du contrat de concession, de mettre en application l'article 26-5 dudit contrat en entamant la négociation sur le prix de base de l'eau ; que selon la CUDL, si la négociation amiable ne peut aboutir dans le délai de quatre mois à compter de la demande de révision, cette révision tarifaire ne peut être que l'oeuvre de la Commission arbitrale visée par cet article 26-5 ; que la SEN ne fait pas la même lecture de cet article dans la mesure où la Commission arbitrale est seulement chargée de faire ces constations et non de réviser autoritairement les tarifs ; que les conditions d'un recours en interprétation sont remplies ; que l'article 26-5 de la convention comporte deux régimes de révision distincts ; que la Commission arbitrale n'intervient pas pour la révision générale mais pour la révision particulière quand l'une des trois hypothèses énumérées aux a), b) ou c) est réalisée ; que la mise en place de cette Commission dépend de l'échec ou de l'accord des négociations entre les parties ; que cette Commission n'est compétente que pour vérifier la réalisation des trois cas de variation ;
Vu, enregistré le 15 juin 1995 le mémoire en défense présenté pour la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE par Me Maurice-Alain CAFFIER, avocat au Barreau de LILLE, tendant à ce que le tribunal :
1°) dise que les dispositions des alinéas 2, 3 et 5 de l'article 26-5 du traité de concession trouvent à s'appliquer tant dans l'hypothèse d'une révision spéciale des tarifs que dans celle de la révision générale quinquennale ;
2°) dise que pendant la négociation à intervenir, le tarif au 9 décembre 1994 sera maintenu, et ce, jusqu'à l'approbation de l'avenant à conclure ;
La CUDL fait valoir que, sans contester l'existence de deux régimes de révision, la nécessité d'une "demande" doit se comprendre dans tous les cas car il n'y a pas de mise en auto-révision du contrat ; que dans le cahier des charges type il n'y a pas de référence à la notion de "demande" ; qu'écarter du champ d'intervention de la Commission, la révision post quinquennale reviendrait à priver de toute portée la révision tarifaire et à aboutir à une situation de blocage ; que la rédaction de l'article 26-5 s'explique par la situation particulière qui existait lors de la formation du contrat ; que la procédure engagée a été validée par le Conseil d'État ; que les comptes de la SEN laissent apparaître des "provisions" d'un montant excessif ; que la SEN a refusé toute discussion en se retranchant derrière le contrat de concession ; que les huit réunions entre les parties se sont soldées par un échec ; que la SEN n'a pas contesté la délibération du conseil de la communauté en date du 9 décembre 1994 notifiée le 11 janvier 1995 prévoyant le recours à la procédure de l'article 26-5, 3° alinéa ; que le concessionnaire conteste l'interprétation de cet article après écoulement du délai de quatre mois ; que même sans être contractuellement prévue cette renégociation se situe dans le droit fil de l'évolution législative et jurisprudentielle récente ; que les anciens tarifs demeurent seuls applicables jusqu'à l'approbation de l'avenant à intervenir ;
Vu, enregistré le 27 juin 1995 le mémoire présenté pour la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD tendant aux mêmes fins que la requête initiale et au rejet de la demande reconventionnelle d'interprétation du dernier alinéa de l'article 26-5 de la convention présentée par la CUDL ; la SEN fait valoir que la procédure de révision générale n'est pas encadrée comme l'est le régime particulier prévu à l'article 26-5 et n'est pas limitée aux quatre mois de la demande ; qu'il ne peut y avoir de blocage puisque le droit général des concessions permet une variété de solution sous le contrôle du juge ; que la clause tarifaire présente un caractère réglementaire ; que le cahier des charges type ne saurait être utilement invoqué ; que la SEN garantissant le renouvellement de toutes les installations confiées par le traité de concession au fur et à mesure des nécessités, le montant des provisions doit s'apprécier par rapport aux charges encourues et aux risques couverts ; que l'exposant n'a pas refusé toute discussion ; que le texte du dernier alinéa de l'article 26-5 ne prévoit pas la blocage des anciens tarifs pendant la durée de la négociation mais le maintien du jeu de la formule de variation tarifaire existante ;
Vu, enregistré le 26 juin 1995 le mémoire présenté par la CUDL tendant au maintien de ses précédentes observations par les mêmes moyens ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives
d'appel ;
Vu les avis d'audience notifiés conformément aux dispositions de
l'article R 193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives
d'appel ;
Après avoir entendu à l'audience publique du
29 juin 1995 :
- le rapport de Monsieur BELE, président,
- les observations de Me BETTINGER pour la SOCIÉTÉ DES EAUX DU
NORD,
- les observations de Me CAFFIER pour la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE,
- les conclusions de Monsieur YEZNIKIAN, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26-5, relatif à la révision des tarifs et des termes correctifs, du traité de concession conclu entre la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE et la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD pour la distribution publique d'eau potable et d'eau non potable : "Les tarifs et termes correctifs seront revu après 5 ans de mise en application. En outre, pour maintenir les tarifs en harmonie avec les charges de l'entreprise suivant les variations des circonstances économiques, ceux-ci pourront être révisés à la demande, soit de la communauté, soit du concessionnaire :
a) En cas de variation de plus de 20 % du volume global vendu calculé sur la moyenne des trois dernières années, depuis la dernière révision
b) Si le prix défini à l'article 26 a varié de plus de 50 % par rapport au prix constaté au moment de la dernière révision
c) Si le montant des impôts et redevances à la charge du concessionnaire varie de façon significative
Dans les cas ci-dessus, la révision sera opérée en partant des tarifs fixés par le présent article et en modifiant ces tarifs pour tenir un compte équitable de la répercussion sur le prix de revient de l'eau et des prestations des conditions nouvelles d'exploitation.
Si, dans les quatre mois à compter de la date de la demande de révision, un accord entre les parties n'est pas intervenu, il sera procédé à cette révision par une Commission arbitrale de trois membres dont l'un sera désigné par la communauté, l'autre par le concessionnaire et le troisième par les deux premiers. Faute par ceux-ci de s'entendre dans le délai de quinze jours, la désignation du troisième membre sera faite par le président du Tribunal Administratif de LILLE. Il en sera de même pour les membres qui n'auraient pas été désignés par les parties dans le même délai.
Pendant la négociation, les anciennes conditions tarifaires seront maintenues jusqu'à l'approbation de l'avenant à intervenir." ;
Sur les conclusions présentées par la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD :
Considérant que par un recours en interprétation la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD demande au tribunal de dire, d'une part, que la Commission arbitrale prévue par l'article 26-5 susvisé du traité de concession conclu avec la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE n'est susceptible d'être installée que dans l'hypothèse d'une demande de révision particulière des tarifs par application des seuls cas de variation mentionnés aux a) b) et c) dudit article, d'autre part, que cette même Commission n'est compétente que pour vérifier la réalisation des trois cas de variation sans que sa compétence puisse être étendue à l'hypothèse de révision générale quinquennale et sans qu'elle puisse se substituer aux parties pour opérer une semblable révision ;
Considérant qu'il résulte de l'analyse des termes mêmes de l'article 26-5 précité, d'une part, que les signataires du traité de concession ont prévu de s'en remettre à une Commission arbitrale en cas de désaccord sur la révision des tarifs et des termes correctifs, d'autre part, qu'ils n'ont pas entendu limiter la faculté de recourir à la Commission arbitrale au seul cas de révision particulière déterminée par le jeu des alinéas a) b) et c) dudit article ;
Considérant, par ailleurs, que contrairement à ce que prétend la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD la mise en oeuvre de la procédure de révision générale, même si elle présente un caractère impératif après cinq années d'application du contrat, est, au même titre que la révision particulière, nécessairement subordonnée à l'introduction d'une demande par l'une ou l'autre des parties ;
Considérant, enfin, que les dispositions de l'avant dernier alinéa de l'article 26-5 du traité de concession ne limitent pas les prérogatives des trois membres composant la Commission arbitrale aux seules constations techniques permettant de s'assurer de la réalisation des trois cas de variation définis par les alinéas a) b) et c), mais leur confèrent le pouvoir de procéder à cette révision ; que, toutefois, quel que soit le type de révision, le résultat de la négociation engagée par la Commission arbitrale, composée des représentants des parties, doit être validé par un avenant approuvé par les signataires du traité de concession ;
Sur les conclusions reconventionnelles présentées par la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE :
Considérant que la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE demande au tribunal de dire qu'en vertu des dispositions du dernier aliéna de l'article 26-5 du traité de concession, les tarifs et termes correctifs doivent être maintenus au niveau auquel ils se trouvaient au 9 décembre 1994 et cela pendant toute la durée de la négociation jusqu'à approbation de l'avenant à intervenir ;
Considérant qu'il résulte des termes de ce dernier alinéa de l'article 26-5 que, contrairement à l'interprétation qu'en donne la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE, le maintien des anciennes conditions tarifaires pendant la négociation doit être regardé comme ayant été explicitement prévu pour permettre aux clauses du contrat de continuer à s'appliquer normalement jusqu'à l'approbation de l'avenant destiné à les modifier ; que, par suite, les tarifs et termes correctifs ne sauraient être considérés comme figés à la date du 9 décembre 1994, date de la délibération par laquelle le Conseil de la Communauté a décidé de mettre en application l'article 26-5 du traité de concession entre la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE et la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD pour la distribution publique d'eau potable et d'eau non potable ;
DÉCIDE :
Art 1 : Il est déclaré que la Commission arbitrale prévue à l'article 26-5 du traité de concession conclu entre la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE et la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD pour la distribution publique d'eau potable et non potable peut être valablement saisie dans l'hypothèse où le négociation engagée en vue de la révision générale des tarifs et termes correctifs après cinq années d'application du contrat n'a pas abouti dans le délai de quatre mois à compter de la date de la demande de révision formulée par l'un des cocontractants.
Art 2 : Il est déclaré que la Commission arbitrale procède à une révision des tarifs et termes correctifs sous réserve de l'approbation par les signataires du contrat de l'avenant à intervenir.
Art 3 : Il est déclaré que les anciennes conditions tarifaires, maintenues jusqu'à l'approbation de l'avenant à intervenir, ne sont pas figées à la date du 9 décembre 1994.
Art 4 : Le présent jugement sera notifié à la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD et à la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE.
Copie, pour information, en sera adressée au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.
Délibéré à l'issue de l'audience du 29 juin 1995 où siégeaient :
Monsieur BELE, président,
Monsieur LEPERS et Madame BOROT, conseillers,
assistés de Madame VERHILLE, greffier.
Lu en séance publique le 6 juillet 1995.
La République mande et ordonne au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.