Cour administrative d'appel de Lyon statuant au contentieux du 17/12/1990 n° 89LY00501 VILLE DE MANOSQUE

(...)

Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 2 janvier 1989, par laquelle le président de la 7e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée le 25 janvier 1988 par Me BOUTHORS, avocat aux Conseils, pour la ville de Manosque ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 25 janvier et 25 mai 1988, présentés pour la ville de Manosque représentée par son maire en exercice, par Me BOUTHORS, avocat aux Conseils ;
La ville de Manosque demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à rembourser aux époux X... une somme de 33 579 francs, avec intérêts à compter du 29 novembre 1983, correspondant à une participation aux dépenses d'équipement ;
2°) de rejeter la demande des époux X... et de dire qu'il n'y a pas lieu au remboursement de ladite somme ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi du 18 juillet 1985 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 4 décembre 1990 :
- le rapport de M ZUNINO, conseiller ;
- et les conclusions de M JOUGUELET, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Monsieur X... :

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en jugeant que l'exclusion du champ d'application de la taxe locale d'équipement sur le territoire de la commune de Manosque n'avait pas été prononcée pour l'ensemble de la commune dans les conditions prévues à l'article 1585 A du code général des impôts, le tribunal administratif de Marseille a expressément répondu aux moyens relatifs à la portée de la délibération du conseil municipal du 14 octobre 1974 ; qu'ainsi le moyen tiré de l'omission à statuer sur ce point manque en fait ;

 

Sur la recevabilité de la demande de Monsieur X... :

Considérant qu'aux termes de l'article 25-VIII de la loi du 18 juillet 1985 :  "Les participations exigées des bénéficiaires d'autorisations de construire ou de lotir dans les zones qui ont été exclues du champ d'application de la taxe locale d'équipement antérieurement à l'entrée en vigueur du présent titre demeurent acquises à la collectivité ou à l'établissement public intéressé Le régime de ces participations demeure applicable dans les mêmes zones pendant un an à compter de l'entrée en vigueur du présent titre Passé ce délai, la zone est réintroduite de plein droit dans le champ d'application de la taxe locale d'équipement si la commune n'a pas délibéré conformément à l'article L 332-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la présente loi" ; que ces dispositions, qui se bornent à faire échapper les participations exigées des constructeurs antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi aux règles nouvelles qu'elle institue, et qui n'ont eu ni pour objet ni pour effet de valider lesdites participations, n'ont, contrairement à ce que soutient le ministre de l'équipement, institué aucune forclusion qui serait opposable à la demande formée par Monsieur X... ;

 

Au fond :

Considérant qu'aux termes de l'article L 332-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à l'espèce, "Dans les communes où est instituée la taxe locale d'équipement et dans celles qui ont, dans les conditions prévues au 1° de l'article 1585 A du Code général des impôts, renoncé à la percevoir, aucune contribution aux dépenses d'équipements publics ne peut être obtenue des constructeurs, notamment sous la forme de participation financière, de fonds de concours ou de réalisation de travaux" ; qu'aux termes de l'article 1585 C III du code général des impôts, alors en vigueur :  "le conseil municipal peut décider d'exclure du champ d'application de la taxe les constructions édifiées dans les zones dont l'urbanisation n'est pas prévue" ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, pour les projets de construction envisagés dans les zones dont l'urbanisation n'est pas prévue et pour lesquelles le conseil municipal a décidé d'une exclusion du champ d'application de la taxe locale d'équipement, sans avoir renoncé à la perception de cette taxe dans les conditions prévues à l'article 1585 A du code général des impôts, une participation aux dépenses d'équipements publics peut être exigée ;

Considérant que par délibération du 14 octobre 1974, le conseil municipal a décidé d'exclure du champ d'application de la taxe locale d'équipement les constructions édifiées en zone NA du plan d'occupation des sols ; que le projet de Monsieur X... se situait dans une des zones visées par cette délibération ; que par suite la commune était en droit, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, d'exiger de Monsieur X... une participation aux dépenses d'équipement ; qu'elle est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif lui a dénié ce droit ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner, en l'absence de tout autre moyen soulevé par Monsieur X... en première instance, les questions d'ordre public soulevées par ce litige ;

Considérant qu'en évaluant les participations exigées des constructeurs s'installant dans les zones NA à 7 % du montant des constructions, et non en fonction du coût des équipements publics rendus nécessaires par l'exécution du projet, le conseil municipal a méconnu l'objet desdites contributions tel qu'il résulte du code de l'urbanisme, et a, en réalité, crée une imposition nouvelle dont ni le principe ni le taux n'étaient prévus par le code général des impôts, méconnaissant ainsi les limites de ses compétences ; que par suite la participation en cause, exigée par application d'une réglementation illégale, était elle-même illégale ;

 

Sur les conclusions subsidiaires de la commune tendant à ce que le montant de l'indemnisation réclamée par les époux X... soit réduit du montant de la taxe locale d'équipement due par ces derniers :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, par une délibération du 14 octobre 1974, le conseil municipal de Manosque a exclu du champ d'application de la taxe locale d'équipement les terrains sur lesquels devait être édifiée la construction des époux X... ; que dès lors les conclusions sus-analysées ne peuvent qu'être rejetées ;

 

Sur les conclusions de la commune tendant à ce que les sommes versées soient considérées comme une participation au financement d'équipements propres à la construction de Monsieur X... :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les sommes dont s'agit ont été affectées à la réalisation d'équipements ayant bénéficié aux constructions envisagées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ville de Manosque n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à rembourser à Monsieur X... la somme de 33 579 francs ;

 

Sur l'appel en garantie :

Considérant qu'il n'est pas établi que les services de l'Etat auraient, en l'espèce, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que par suite la demande de garantie présentée par la ville de Manosque doit être rejetée ;

 

DECIDE :

Article 1er : La requête de la ville de Manosque et les conclusions du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer sont rejetées.