Arrêt du Conseil d'État statuant au contentieux du 16/02/1996 n° 141485 SYNDICAT DE LA COPROPRIÉTÉ DE LA RÉSIDENCE "LA BALME"

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État les 21 septembre 1992 et 21 janvier 1993, présentés pour le Syndicat de la copropriété de la résidence "La Balme", représenté par son syndic en exercice ; le syndicat demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler le jugement du 26 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du 20 juillet 1987 du conseil municipal de Val d'Isère fixant la tarification de l'eau potable et de l'assainissement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M Froment-Meurice, Conseiller d'État,
- les observations de Me Luc-Thaler, avocat du Syndicat de la copropriété de la résidence "La Balme", de la SCP Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de la commune de Val d'Isère, et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la Compagnie générale des eaux ;
- les conclusions de M Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

 

Considérant qu'après avoir décidé, par une délibération du 20 mai 1987, d'affermer à la Compagnie générale des eaux les réseaux d'eau potable et d'assainissement de la commune, le conseil municipal de Val d'Isère (Savoie) a, par une délibération du 20 juillet 1987, arrêté le barème des tarifs d'eau potable et d'assainissement ; que le Syndicat de la copropriété de la résidence "La Balme" fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 20 juillet 1987 ;

 

Sur l'intervention de la Compagnie générale des eaux :

Considérant que la Compagnie générale des eaux a intérêt au maintien de la délibération attaquée ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

 

Sur la légalité de la délibération attaquée :

Considérant, d'une part, que le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 12 septembre 1986, devenu définitif, annulé deux délibérations du conseil municipal de Val d'Isère des 25 avril et 20 mai 1985, en tant qu'elles prévoyaient "qu'un droit au service de la fourniture d'eau sera applicable aux unités d'habitation ne faisant pas l'objet d'un abonnement individuel et de la pose d'un compteur distinct" ; que la délibération attaquée du 20 juillet 1987 n'a pas repris la disposition que le tribunal administratif avait annulée ; qu'ainsi le moyen tiré par le Syndicat de la copropriété de la résidence "La Balme" de ce qu'en rejetant sa demande dirigée contre la délibération du 20 juillet 1987, les premiers juges auraient méconnu l'autorité de chose jugée par leur précédente décision du 12 septembre 1986, ne peut qu'être écarté ;

Considérant, d'autre part, que les tarifs arrêtés par la délibération du 20 juillet 1987 comportent, pour l'eau potable comme pour l'assainissement, outre une partie "consommation", une partie dite "abonnement" ; que celle-ci comprend elle-même, d'une part, un "terme fixe" d'un montant, pour les abonnés particuliers, de 40 F et, pour les abonnés propriétaires ou syndics de copropriété d'immeubles collectifs, de la même somme de 40 F, multipliée par le nombre de lots à usage d'appartement ou de local commercial ou professionnel que comporte l'immeuble collectif, d'autre part, un "terme variable", égal à 3,04 F pour l'eau et à 3,20 F pour l'assainissement, multiplié par un nombre de points calculé, pour chaque abonné, en fonction d'un barème de points de "capacité à consommer" ; que le mode de calcul du "terme fixe" de la partie "abonnement", applicable à chacune des deux catégories d'abonnés distinguées par la délibération attaquée en raison des différences qui caractérisent leurs situations respectives ne méconnaît pas le principe d'égalité des usagers devant le service public ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'application, pour le calcul du "terme variable", d'un barème de points de "capacité à consommer" soit de nature à créer entre des usagers placés dans des situations comparables des différences de traitement ;

Considérant, enfin, que la délibération attaquée n'a ni pour objet, ni pour effet de décider la prise en charge par le budget de la commune de dépenses au titre des services publics de l'eau et de l'assainissement ; que dès lors, le moyen tiré de ce que cette délibération méconnaîtrait les dispositions du dernier alinéa de l'article L322-5 du code des communes, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Syndicat de la copropriété de la résidence "La Balme" n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune irrégularité, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

 

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Val d'Isère, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au Syndicat de la copropriété de la résidence "La Balme" la somme réclamée par celui-ci au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les mêmes dispositions s'opposent à ce que le syndicat soit condamné, au même titre, à payer à la Compagnie générale des eaux , à laquelle son intervention ne confère pas la qualité de partie à la présente instance, la somme qu'elle demande ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 75-I précité et de condamner le Syndicat de la copropriété de la résidence "La Balme" à payer à la commune de Val d'Isère une somme de 10 000 F ;

 

 

DÉCIDE :

Article 1 : L'intervention de la Compagnie générale des eaux est admise.

Article 2 : La requête du Syndicat de la copropriété de la résidence "La Balme" est rejetée.

Article 3 : Le Syndicat de la copropriété de la résidence "La Balme" paiera à la commune de Val d'Isère une somme de 10 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Les conclusions présentées par la Compagnie générale des eaux, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au Syndicat de la copropriété de la résidence "La Balme", à la commune de Val d'Isère, à la Compagnie générale des eaux et au ministre de l'intérieur.