Ordonnance du vice-président délégué du tribunal administratif de Strasbourg, juge des référés du 23/05/1997 SOCIÉTÉ LYONNAISE DES EAUX c/ COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU PIÉMONT DE BARR et SERVICE DES EAUX ET DE L'ASSAINISSEMENT DU BAS-RHIN

 

Requête par laquelle la Société lyonnaise des eaux demande au tribunal administratif :
- d'annuler la délibération par laquelle, le 14 janvier 1997 le conseil de la Communauté de communes de Piémont de Barr a décidé de conclure un contrat avec le service départemental des eaux et de l'assainissement du Bas-Rhin pour lui confier l'exploitation de service assainissement à compter du 1er octobre 1997,
- d'ordonner que soit suspendue la passation de contrat,
- d'ordonner à la Communauté de communes de lancer une procédure de publicité et de mise en concurrence ;

Au vu de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, du code des marchés publics, du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, notamment l'article L 22 et la décision en date du 19 décembre 1994, par laquelle le président du tribunal administratif a désigné Monsieur Raymond, vice-président, comme juge du référé administratif en application des dispositions de l'article L 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Considérant que l'article L 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dispose : <<Le président du tribunal administratif, ou son délégué, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. - Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations>> ;

Considérant que le référé introduit par la société lyonnaise des eaux est dirigé contre la procédure négociée retenue par la communauté de communes du Piémont de Barr pour charger le service des eaux et de l'assainissement du Bas-Rhin (SDEA) de certaines prestations pour l'exploitation du service d'assainissement et de la station d'épuration de Valff à compter du 1er octobre 1997 ;

 

Sur la qualification du contrat en cours de négociation :

Considérant qu'il résulte de l'article 2 d de ses statuts que le SDEA peut, à la demande des communes ou des établissements les regroupant, assurer l'exploitation des services d'assainissement ; que les statuts de la communauté de communes du Piémont de Barr donne compétence à cette communauté en matière d'exploitation des réseaux d'assainissement et de la station d'épuration de Valff ; que la seule adhésion de la communauté de communes du Piémont de Barr au SDEA n'a pas transféré à celui-ci de compétences en matière d'assainissement ; que, toutefois, par une délibération du 14 janvier 1997 la communauté a décidé de confier l'exploitation de son service d'assainissement au SDEA en invoquant les dispositions du second alinéa de l'article L 5111-1 du code des collectivités territoriales ;

Considérant que cet alinéa dispose : <<Les collectivités territoriales peuvent conclure entre elles des conventions par lesquelles l'une d'elle s'engage à mettre à la disposition d'une autre collectivité ses services et moyens afin de lui faciliter l'exercice de ses compétences>> ; que ni la communauté de communes ni le SDEA ne sont des collectivités territoriales ; que par suite les dispositions précitées ne peuvent servir de fondement légal à la convention que la communauté de communes du Piémont de Barr entend passer avec le SDEA ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la délibération en cause que la rémunération du SDEA sera évalué <<à livre ouvert>> ; qu'ainsi cette rémunération ne peut être regardée comme assise sur les résultats de l'exploitation ; qu'il s'en suit que le contrat envisagé ici n'est pas une délégation de service public au sens des articles L 1411-1 et suivants du code des collectivités territoriales ; que, par suite, le SDEA n'est pas fondé à exciper des dispositions de l'article L 1411-12 du même code aux termes desquels <<Les dispositions des articles L 1411-1 à L 1411-11 ne s'appliquent pas aux délégations de service public : ... b) Lorsque ce service est confié à un établissement public et à condition que l'activité déléguée figure expressément dans les statuts de l'établissement>> pour soutenir que le contrat en cause n'était pas soumis aux obligations de publicité imposées par ledit code pour la passation des conventions de délégation de service public ;

Considérant que si le contrat en cause n'est pas un marché public au sens du code des marchés publics, dans la mesure où il constitue une opération d'assistance entre deux établissements publics, il doit être regardé, de par ses caractéristiques et nonobstant la circonstance que la communauté ait décidé de gérer en régie le service d'assainissement, comme un marché public de service au sens des dispositions de la directive n° 92/50 du Conseil des Communautés européennes du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de service dès lors qu'il s'agit d'un contrat à titre onéreux conclu entre un pouvoir adjudicateur et un prestataire de service au sens de l'article 1-a de cette directive ;

 

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 92/50 CEE :

Considérant que l'État français devait mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à ladite directive avant le 1er juillet 1993 ; que cependant, il est constant que l'État français a manqué à cette obligation ; qu'ainsi la société requérante est recevable à invoquer devant le juge des référés définis à l'article L 22 précité du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel l'illégalité des dispositions du droit français relatives à la passation des marchés publics de services en tant qu'elles n'ont pas prescrit le respect de procédures préalables de publicité et de mise en concurrence conforme aux dispositions claires, précises et inconditionnelles de la directive en cause ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11,2° de cette directive : <<Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés publics de services en recourant à une procédure négociée après avoir publié un avis de marché dans les cas suivants : ... b) ..., lorsqu'il s'agit de services dont la nature où les aléas ne permettent pas une fixation préalable et globale des prix>> ; qu'il résulte des pièces jointes au dossier que si le coût du marché prévu est estimé à un montant supérieur à 750 000 écus, il est impossible de fixer immédiatement le prix du futur marché de services en cause ici ; que par suite, la Communauté défenderesse, qui ne prétend pas avoir procédé ni même avoir l'intention de procéder à la publication d'un avis de marché méconnaît les dispositions précitées et a ainsi manqué à ses obligations de publicité ; qu'il s'en suit, en application de ce qui est dit ci-dessus, que la société requérante est fondée à invoquer l'irrégularité d'une procédure diligentée en méconnaissance des dispositions claires, précises et inconditionnelles de la directive susvisée ;

Considérant qu'il échet en conséquence d'ordonner à la communauté de communes du Piémont de Barr de se conformer aux obligations susmentionnées et de suspendre la passation du contrat et l'exécution de toute décision qui s'y rapporte jusqu'à ce que la communauté de communes du Piémont de Barr ait satisfait aux obligations de publicité ainsi mise à sa charge ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le surplus des conclusions de la requête susvisée de la société lyonnaise des eaux doit être rejeté (injonction à la communauté de communes de procéder à la publication d'un avis de marché de services ; suspension de la procédure en cours)

(Monsieur Raymond, juge des référés ; Mes Richer, Sonnenmoser, avocats)