Conseil d'État
statuant
au contentieux
N° 274103
3ème et 8ème sous-sections réunies
Mme Isabelle Lemesle, Rapporteur
M. Glaser, Commissaire du gouvernement
Mme Hagelsteen, Président
SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP CHOUCROY, GADIOU, CHEVALLIER
Lecture du 10 août 2005
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance du 9 novembre 2004, enregistrée le 12 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Marseille transmet au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE MONTAGNE ET SOLEIL ;
Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2004 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE MONTAGNE ET SOLEIL, représenté par son syndic, Monsieur Pierre X... ; le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE MONTAGNE ET SOLEIL demande à la cour administrative d'appel :
1°) d'annuler le jugement du 25 février 2004 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a déclaré conforme aux dispositions de l'article 13 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau la tarification des redevances d'eau potable et d'assainissement fixée par les avenants du 30 mai 1994 aux conventions d'affermage du 20 février 1987 par lesquelles le SYNDICAT INTERCOMMUNAL À VOCATION MULTIPLE DE LA HAUTE VALLÉE DU SÈGRE (Pyrénées-Orientales) a délégué à la SOCIÉTÉ SUEZ LYONNAISE DES EAUX la gestion de ces services publics ;
2°) de déclarer illégale la tarification des redevances d'eau et d'assainissement fixée par les avenants du 30 mai 1994 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992
;
Vu le code général des collectivités
territoriales ;
Vu le
code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle
Lemesle, Maître des Requêtes,
- les observations
de la SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier, avocat du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES
DE LA RESIDENCE MONTAGNE ET SOLEIL et de la SCP Célice,
Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIÉTÉ SUEZ LYONNAISE DES EAUX,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par jugement du 2 février 1999, le tribunal de grande instance de Perpignan, saisi d'un litige opposant la SOCIÉTÉ SUEZ LYONNAISE DES EAUX, gestionnaire des réseaux de distribution d'eau potable et d'assainissement du SYNDICAT INTERCOMMUNAL À VOCATION MULTIPLE DE LA HAUTE VALLÉE DU SÈGRE (Pyrénées-Orientales), au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE MONTAGNE ET SOLEIL, a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la question préjudicielle de la validité des modifications apportées par deux avenants du 30 mai 1994 aux conventions d'affermage du 20 février 1987 ; que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE MONTAGNE ET SOLEIL relève appel du jugement du 25 février 2004 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a déclaré conforme aux dispositions du II de l'article 13 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau la tarification des redevances d'eau potable et d'assainissement fixée par ces avenants ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la SOCIÉTÉ SUEZ LYONNAISE DES EAUX et le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-VALLÉE DU SÈGRE :
Considérant qu'aux termes du II de l'article 13 de la loi du 3 janvier 1992, aujourd'hui repris à l'article L. 214-15 du code de l'environnement : Dans le délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi, toute facture d'eau comprendra un montant calculé en fonction du volume réellement consommé par l'abonné à un service de distribution d'eau et pourra, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume, compte tenu des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement (...) ; que ces dispositions n'obligent pas les organes délibérants des collectivités publiques ou établissements publics dont relève le service d'eau et d'assainissement à instituer un tarif uniforme par mètre cube prélevé ; qu'ils peuvent légalement instituer un tarif dégressif ou progressif, en fonction des tranches de consommation ; qu'une telle variation peut résulter de l'institution d'un tarif d'eau et d'une redevance d'assainissement comportant une partie fixe et une partie proportionnelle au volume d'eau prélevé ;
Considérant, en premier lieu, que, pour déclarer conforme aux dispositions précitées de l'article 13 de la loi du 3 janvier 1992 la tarification des redevances d'eau et d'assainissement arrêtée par les avenants du 30 mai 1994, le tribunal administratif de Montpellier a relevé que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-VALLÉE DU SÈGRE avait pu légalement prendre en considération, dans la détermination de la partie fixe du tarif, les caractéristiques particulières du branchement, et qu'au nombre de ces dernières figurait, dans le cas des immeubles d'habitation collectifs disposant d'un compteur unique, le nombre de logements desservis ; qu'ainsi, les premiers juges n'ont pas omis de répondre au moyen invoqué devant eux, qui entrait dans le champ de la question préjudicielle posée par le tribunal de grande instance de Perpignan à la juridiction administrative ;
Considérant, en second lieu, que le nombre de copropriétaires d'un immeuble collectif est, par lui-même, sans incidence sur les besoins en eau de cet immeuble et ne détermine donc ni les dimensions du branchement qui le dessert, ni les particularités techniques des installations situées en amont ; que, par suite, il ne peut être regardé comme une caractéristique du branchement au sens du II de l'article 13 de la loi du 3 janvier 1992 ; qu'en l'espèce, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'en prévoyant, dans les avenants du 30 mai 1994, approuvés par une délibération du conseil syndical du même jour, que pour les immeubles collectifs ayant un compteur général à l'entrée, la prime fixe facturée serait, pour l'eau potable, égale à autant de fois la prime fixe de base (...) qu'il y a de copropriétaires dans l'immeuble desservi, le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA HAUTE-VALLÉE DU SÈGRE a entendu se référer au nombre des logements ou locaux assimilés distincts, desservis par un même branchement d'immeuble collectif en copropriété ; que, d'ailleurs, il est constant que l'ensemble des redevances facturées par la SOCIÉTÉ SUEZ LYONNAISE DES EAUX, et notamment celles mises à la charge du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE MONTAGNE ET SOLEIL ont, depuis 1994, toujours été calculées en fonction du nombre d'appartements desservis ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la tarification fixée par les avenants du 30 mai 1994 méconnaît les dispositions du II de l'article 13 de la loi du 3 janvier 1992 en ce qu'elle met à la charge des syndicats de copropriétaires d'immeubles collectifs une partie fixe calculée, en fonction, non pas du nombre d'appartements mais du nombre de propriétaires de lots, doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE MONTAGNE ET SOLEIL n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier n'a pas déclaré contraire à la loi du 3 janvier 1992 la tarification des redevances d'eau et d'assainissement résultant des avenants du 30 mai 1994 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE MONTAGNE ET SOLEIL la somme de 2 500 euros que la SOCIÉTÉ SUEZ LYONNAISE DES EAUX demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, ainsi que la somme de 2 000 euros que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL À VOCATION MULTIPLE DE LA HAUTE VALLÉE DU SÈGRE demande au même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE MONTAGNE ET SOLEIL est rejetée.
Article 2 : Le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE MONTAGNE ET SOLEIL versera au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la SOCIÉTÉ SUEZ LYONNAISE DES EAUX la somme de 2 500 euros et au SYNDICAT INTERCOMMUNAL À VOCATION MULTIPLE DE LA HAUTE VALLÉE DU SÈGRE la somme de 2 000 euros.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE MONTAGNE ET SOLEIL, à la SOCIÉTÉ SUEZ LYONNAISE DES EAUX, au SYNDICAT INTERCOMMUNAL À VOCATION MULTIPLE DE LA HAUTE VALLÉE DU SÈGRE, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.