CP
N° 89LYO1122 
N° 89LYO1123  
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Société les Téléphériques du Massif du Mont Blanc 
Commune de St-Gervais 
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Madame LATOURNERIE 
Président de la cour 
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Madame LEMOYNE de FORGES 
Rapporteur 
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Monsieur JOUGUELET 
Commissaire du gouvernement 
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Arrêt du 9 avril 1991

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

   

Classement CNIJ : 39-04-05-02

LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON

(formation plénière)

 

 

Vu les décisions en date des 30 janvier et 3 mars 1989, enregistrées au greffe de la cour le 3 mars 1989 par lesquelles le président de la 6ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, les requêtes présentées pour la commune de SAINT-GERVAIS-LES-BAINS par Me DELVOLVE, avocat aux Conseils et pour la société les Téléphériques du Massif du Mont-Blanc, par Me CHOUCROY, avocat aux Conseils ;

Vu 1°) sous le numéro 89LYO1122 la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, les 31 mai et 30 septembre 1988, présentés pour la commune de SAINT-GERVAIS-LES-BAINS (Haute Savoie), représentée par son maire en exercice ;

La Commune de SAINT-GERVAIS-LES-BAINS demande au Conseil d'État d'annuler le jugement en date du 31 décembre 1987 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de GRENOBLE a annulé la résiliation de la concession de remontées mécaniques du secteur dit de Bellevue confiée par elle à la société des Téléphériques du Massif du Mont-Blanc et de rejeter la demande de cette société tendant à l'annulation de cette résiliation ;

Vu 2°) sous le n° 89LYO1123 la requête complémentaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État les 9 mai, 2 juin et 15 juillet 1988, présentés pour la société Les Téléphériques du Massif du Mont-Blanc (STMMB) dont le siège social est 160 rue de l'hôpital à SALLANCHES (74703) ;

La Société des Téléphériques du Massif du Mont-Blanc (STMMB) demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 1987 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de GRENOBLE a rejeté ses conclusions dirigées contre la résiliation sans indemnité de la concession de remontées mécaniques du secteur dit du Mont d'Arbois et contre la délibération du Conseil Municipal de SAINT-GERVAIS du 18 mars 1987 l'ayant décidée ;

2°) d'annuler cette résiliation ainsi que la délibération du 18 mars 1987 ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 1991 :
- le rapport de Madame LEMOYNE de FORGES, conseiller ;
- les observations de Me GILLI substituant Me CHOUCROY, avocat de la société des Téléphériques du Massif du Mont-Blanc ;
- et les conclusions de Monsieur JOUGUELET, commissaire du gouvernement ;

 

Considérant que les requêtes susvisées tendent à l'annulation du même jugement par lequel le tribunal administratif de GRENOBLE a d'une part rejeté comme irrecevables les conclusions de la société Les Téléphériques du Massif du Mont-Blanc (STMMB) dirigées contre la résiliation par la commune de SAINT-GERVAIS-LES-BAINS de la concession de remontées mécaniques du secteur dit "Mont d'Arbois" et d'autre part annulé la résiliation par la même commune de la concession de remontées mécaniques du secteur dit "Bellevue" confiée à la même société ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

 

Sur les conclusions de la commune de SAINT-GERVAIS-LES-BAINS :

Considérant que, par délibération du 29 mai 1936, le conseil municipal de SAINT-GERVAIS a attribué à la société Les Téléphériques du Massif du Mont-Blanc (STMMB) la concession des remontées mécaniques sur le secteur dit "Bellevue" ; que, motif pris de ce que 74 % des actions de la société STMMB avaient été cédées, malgré son désaccord, à la société d'économie mixte du Jaillet, elle-même contrôlée par la commune de MEGEVE, la commune de SAINT-GERVAIS a prononcé la résiliation de cette concession ;

Considérant que les règles générales applicables même sans texte aux concessions du service public autorisent l'autorité concédant à prononcer la résiliation d'une telle concession attribuée à une personne morale lorsqu'elle constate que, par suite de mouvements affectant la répartition du capital social, le concessionnaire ne présente plus les garanties techniques et financières ou de tout autre ordre au vue desquelles la concession avait initialement été attribuée ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, la prise de contrôle de la société STMMB par la société d'économie mixte du Jaillet, elle-même contrôlée par la commune de Mégève constituait, même si, contrairement à ce que soutient la commune requérante, elle n'avait pas à être soumise à son autorisation et n'a, dès lors, pas été fautive, un changement substantiel de circonstances qui, compte tenu de l'importance du service public des remontées mécaniques pour la commune de SAINT-GERVAIS et des risques durables de conflits d'intérêts pouvant survenir entre elle et la commune de MEGEVE, autorisait la commune requérante à regarder son concessionnaire comme ne présentant plus de garanties équivalentes à celles au vu desquelles la concession avait été attribuée ; qu'elle était, par suite, en droit de tirer les conséquences du changement intervenu dans le capital social en résiliant la concession pour le motif sus-indiqué sans autre obligation pour elle que celle d'indemniser son co-contractant de la valeur des actifs qu'il doit lui céder ; que, par suite, la commune de SAINT-GERVAIS-LES-BAINS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de GRENOBLE s'est fondé sur l'absence de motif légitime de la résiliation en cause pour l'annuler ;

Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen présenté par la société STMMB devant le tribunal administratif ;

Considérant que s'il résulte des termes des délibérations des 17 septembre et 17 décembre 1986 que le conseil municipal avait envisagé de procéder au rachat, avec effet au 30 avril 1987, de la concession et chargé le maire d'engager la procédure devant y conduire, cette position du conseil municipal ne créait aucun droit acquis au profit de la STMMB et ne le privait pas de la possibilité de procéder à la résiliation de la concession dès lors que le rachat n'avait pas été effectivement prononcé avant la délibération du 18 mars 1987 prononçant ladite résiliation ; que, par suite, la société STMMB n'est pas fondée à soutenir que la résiliation ainsi prononcée aurait méconnu ses droits ;

Considérant qu'il suit de là que la commune de SAINT-GERVAIS-LES-BAINS est fondée à demander l'annulation de l'article 1 du jugement attaqué qui a annulé la résiliation de la concession concernant le secteur "Bellevue" ;

 

Sur les conclusions de la société Les Téléphériques du Massif du Mont-Blanc :

Considérant en premier lieu que, dans le dernier état de ses écritures, la société STMMB déclare renoncer à obtenir l'annulation de la résiliation de la concession de remontées mécaniques qui lui était confiée sur le secteur dit "Mont d'Arbois" ; qu'une telle renonciation doit être regardée comme valant désistement des conclusions dirigées contre le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de cette résiliation ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Considérant en second lieu qu'il résulte de l'instruction que les conclusions dirigées contre la délibération du 18 mars 1987, par laquelle le conseil municipal de SAINT-GERVAIS qui avait précédemment chargé le maire d'engager une procédure de rachat de cette concession, en a décidé la résiliation sans indemnité doivent, dans les circonstances de l'espèce, être regardées comme tendant à faire déclarer par le juge du contrat que la résiliation a été abusive ; qu'il résulte de l'article 16 de l'avenant du 31 décembre 1984 à la convention du 29 avril 1942 qui régissait la concession du secteur dit "Mont d'Arbois" que si l'exploitant estime abusive la résiliation sans indemnité prononcée par l'autorité concédante, il lui appartient de recourir à la procédure de conciliation préalable à la saisine de la juridiction administrative prévue à l'article 20 dudit avenant ; qu'il est constant que la société requérante n'a pas recouru à cette procédure avant de saisir le tribunal administratif de GRENOBLE le 24 avril 1987 ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que ses conclusions, en tant qu'elles portaient sur les conditions financières de la résiliation de la concession, ont été rejetées comme irrecevables par le jugement attaqué ;

 

 

DÉCIDE :

Art 1 : il est donné acte du désistement des conclusions de la société STMMB dirigées contre le jugement en date du 31 décembre 1987 du tribunal administratif de GRENOBLE en tant que ce jugement a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la résiliation de la concession des remontées mécaniques concernant le secteur "Mont d'Arbois"

Art 2 : l'article 1 du jugement du 31 décembre 1987 du tribunal administratif de GRENOBLE est annulé

Art 3 : la demande de la société STMMB dirigée contre la résiliation de la concession du secteur dit de Bellevue et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées