TRIBUNAL ADMINISTRATIF de LYON N° 9500229-9500246-9500302-9500160
|
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif de LYON (2ème chambre) |
Objet :
44-02-01-02 : Installations classées pour la protection de l'environnement
- champ d'application de la législation - Installations entrant
dans le champ d'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976
44-06-01-04 : Enquête publique préalable aux travaux susceptibles
d'affecter l'environnement (loi du 12 juillet 1983) - Champ d'application
- Déroulement de l'enquête
LE LITIGE
1°) L'ASSOCIATION POUR RÉFLÉCHIR ENSEMBLE, ainsi que (page 1 : noms et adresses d'usagers), ont saisi le tribunal administratif d'une requête présentée par Me BERN, avocat au barreau de Chambéry, enregistrée au greffe le 18 janvier 1995 sous le n° 9500229 ;
Les requérants demandent au tribunal :
* l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté
en date du 22 novembre 1994 par lequel le préfet de l'Ain a autorisé
le Syndicat Mixte Intercommunal de Gestion des Déchets du Faucigny-Genevois
(SIDEFAGE à exploiter sur le territoire de la commune de Bellegarde
sur Valserine les installations suivantes :
- stockage et traitement des ordures ménagères
et autres déchets assimilables aux résidus urbains par incinération
avec récupération d'énergie et production d'électricité
;
- aire de stockage et de maturation des mâchefers
;
- centre de tri des déchets industriels et
commerciaux banals et encombrants et de produits issus de la collecte auprès
des ménages ;
- installation de combustion de fioul domestique
;
- dépôt enterré de liquides
inflammables de 2ème catégorie ;
- installation de compression ;
* la condamnation de l'État à leur payer une somme de
15 000 francs au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs
et des cours administratives d'appel ;
Par un mémoire enregistré le 8 mars 1995, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête ;
Par un mémoire enregistré le 2 mai 1995, le SIDEFAGE, représenté par Me BONNARD, avocat au barreau de Lyon, conclut au rejet de la requête et, en outre, à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 10 000 francs au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) Madame Colette X... a saisi le tribunal administratif d'une requête
enregistrée au greffe le 19 janvier 1995, sous le n° 9500246, et demande
au tribunal :
* l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté
en date du 22 novembre 1994 par lequel le préfet de l'Ain a autorisé
le Syndicat Mixte Intercommunal de Gestion des Déchets de Faucigny-Genevois
(SIDEFAGE) à exploiter sur le territoire de la commune de Bellegarde
sur Valserine les installations susdécrites ;
Par un mémoire enregistré le 27 mars 1995, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête ;
Par un mémoire enregistré le 4 mai 1995, le SIDEFAGE, représenté par Me BONNARD, avocat au barreau de Lyon, conclut au rejet de la requête ;
3°) Madame Nicole Y... a saisi le tribunal administratif d'une requête
enregistrée le 23 janvier 1995 sous le n° 9500302, et demande au tribunal
:
* l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté
en date du 22 novembre 1994 du préfet de l'Ain ;
Par un mémoire enregistré le 16 mars 1995, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête ;
Par un mémoire enregistré le 4 mai 1995, le SIDEFAGE, représenté par Me BONNARD, avocat au barreau de Lyon, conclut au rejet de la requête ;
4°) Monsieur Jean-Marie Z... a saisi le tribunal administratif d'une requête
enregistrée au greffe le 13 janvier 1995, sous le n° 9500160, et demande
au tribunal :
* l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté
en date du 22 novembre 1994 du préfet de l'Ain ;
Par un mémoire enregistré le 20 mars 1995, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête ;
Par un mémoire enregistré le 4 mai 1995, le SIDEFAGE, représenté par Me BONNARD, avocat au barreau de Lyon, conclut au rejet de la requête ;
L'AUDIENCE
Les parties ont été régulièrement averties de l'audience publique qui a eu lieu le 27 septembre 1995 ;
Le Tribunal a entendu à l'audience publique :
- le rapport de Madame WIDMANN, conseiller,
- les observations de Me BERN, avocat de l'association requérante, de
Me BONNARD, avocat du SIDEFAGE, et de Monsieur Jean-Marie Z...,
- les conclusions de Monsieur MARTIN, commissaire du gouvernement,
LA DÉCISION
Après avoir examiné les requêtes, la décision
attaquée, ainsi que les mémoires et les pièces produits
par les parties avant la clôture de l'instruction et vu les textes
suivants :
- la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation
des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement,
- la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations
classées pour la protection de l'environnement,
- le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l'application
de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées
pour la protection de l'environnement,
- le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 pris pour l'application
de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983,
- le décret n° 94-484 du 9 juin 1994,
- la loi n° 75-663 du 15 juillet 1975 modifiée par la loi
du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets
et à la récupération des matériaux,
- le code de l'environnement,
- le code des tribunaux administratifs et des cours administratives
d'appel et la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986,
- les articles 1089 B et 1090 A du code général des impôts
et l'article 10 de la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977, complétés
par l'article 44 de la loi de finances pour 1994,
LE TRIBUNAL
Considérant que les requêtes n° 9500229, 9500160, 9500302, 9500246 sont dirigées contre un même arrêté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par la même décision ;
Considérant que le Syndicat Mixte Intercommunal de Gestion des Déchets du Faucigny-Genevois (SIDEFAGE) a intérêt au maintien de la décision attaquée ; que, dès lors, son intervention est recevable ;
Considérant que par arrêté en date du 22 novembre 1994
le préfet de l'Ain a autorisé le SIDEFAGE à exploiter sur
le territoire de la commune de Bellegarde sur Valserine les installations suivantes
:
- stockage et traitement des ordures ménagères et autres déchets
assimilables aux résidus urbains par incinération avec récupération
d'énergie et production d'électricité ;
- aire de stockage et de maturation des mâchefers ;
- centre de tri de déchets industriels et commerciaux banals et encombrants
et de produits issus de la collecte sélective auprès des ménages
;
- installations de combustion de fioul domestique ;
- dépôt enterré de liquides inflammables de 2ème catégorie
;
- installation de compression ;
Sur le moyen tiré de l'absence de mention des textes régissant l'enquête publique et la façon dont elle s'insère dans la procédure administrative relative à l'opération considérée :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1983 : "La réalisation d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux, exécutés par des personnes publiques ou privées, est précédée d'une enquête publique soumise aux prescriptions de la présente loi, lorsqu'en raison de leur nature, de leur consistance ou du caractère des zones concernées, ces opérations sont susceptibles d'affecter l'environnement. La liste des catégories d'opérations visées à l'alinéa précédent et les seuils et critères techniques qui servent à les définir sont fixés par décret en Conseil d'État... Lorsque des lois et règlements soumettent l'approbation de documents d'urbanisme ou les opérations mentionnées au premier alinéa du présent article à une procédure particulière d'enquête publique, les règles régissant ces enquêtes demeurent applicables dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions de la présente loi" ; qu'il résulte de l'article 1er du décret du 23 avril 1985 pris pour l'application de la loi du 12 juillet 1983, et du tableau qui lui est annexé, que les installations classées pour la protection de l'environnement, contrairement à ce que soutient l'administration, sont régies par les dispositions de cette loi ; qu'aux termes de l'article 6-II-2° du décret du 23 avril 1985 : "Le dossier soumis à l'enquête publique comprend la mention des textes qui régissent l'enquête publique en cause et l'indication de la façon dont cette enquête s'insère dans la procédure administrative relative à l'opération considérée" ; que, par suite, en application de ces dispositions, combinées à celles de l'article 3 du décret du 21 septembre 1977 le dossier de l'enquête publique doit mentionner les textes la régissant et l'indication de la façon dont elle s'insère dans la procédure administrative relative à l'opération considérée ;
Considérant que cette mention des textes et de la procédure applicable est nécessaire pour permettre aux intéressés de formuler utilement leurs appréciations sur chacun des éléments que doit comporter le dossier de l'enquête ; qu'ainsi cette mention constitue une formalité substantielle ;
Considérant qu'il est constant que les textes applicables en l'espèce n'ont pas été mentionnés dans le dossier soumis à l'enquête publique ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que l'enquête est entachée d'irrégularité ;
Sur le moyen tiré de l'extension du périmètre de collecte des déchets :
Considérant qu'aux termes de l'article 4-1 de la loi du 19 juillet 1976 tel que modifié par l'article 6-III de la loi du 13 juillet 1992 : "Les dispositions prises en application de la présente loi doivent, lorsqu'elles intéressent les déchets, prendre en compte les objectifs de la loi n° 75-663 du 15 juillet 1975 précitée" ; qu'il résulte de l'article 1er de la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des métaux que "Les dispositions de la présente loi ont pour objet : (...) 2° D'organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume" ; que l'article 20-1 du décret du 21 septembre 1977 modifié par le décret n° 94-484 du 9 juin 1994 dispose que : "L'exploitant d'une installation d'élimination de déchets doit obtenir une nouvelle autorisation lorsqu'il entend modifier notablement l'origine géographique des déchets telle qu'elle est indiquée dans la demande d'autorisation ou, en l'absence d'indications dans celle-ci, telle qu'elle a été constatée jusqu'alors" ; qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions que l'assise territoriale de la collecte des déchets doit être regardée comme l'un des éléments déterminants de l'autorisation délivrée au titre de la police des installations classées ;
Considérant qu'en l'espèce, l'ensemble du dossier soumis à enquête publique a présenté un projet de valorisation des déchets limité géographiquement au périmètre du SIDEFAGE ; que l'étude d'impact précise ainsi dans une introduction consacrée à la présentation du SIDEFAGE que ce dernier regroupe quatre-vingt-dix-huit communes, soixante-cinq en Haute-Savoie et trente-trois dans l'Ain, représentant une population d'environ deux cent mille habitants à laquelle il convient d'ajouter une population touristique saisonnière ; que l'article 3-1 de l'arrêté du préfet de l'Ain en date du 22 novembre 1994 dispose que : "L'usine traitera les déchets provenant des adhérents du SIDEFAGE et des syndicats voisins en fonction des accords qui pourront être signés et qui devront respecter les orientations fixées par le plan départemental de gestion des déchets ménagers et assimilés" ; qu'en autorisant ainsi un élargissement indéterminé de l'aire de collecte des déchets, au-delà de ce qui était prévu dans le dossier soumis à l'enquête, l'arrêté du préfet de l'Ain du 22 novembre 1994 a méconnu les dispositions susrappelées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que l'arrêté litigieux a été pris à l'issue d'une procédure illégale et par voie de conséquence à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenu aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'État à payer à L'ASSOCIATION POUR RÉFLÉCHIR ENSEMBLE et autres la somme de 7 000 francs qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant que le tribunal ne peut pas faire bénéficier l'intervenant du paiement d'une partie des frais qu'il a exposé à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le SIDEFAGE doivent dès lors être rejetées ;
DÉCIDE
Art 1 : L'intervention du Syndicat Mixte Intercommunal de Gestion des Déchets du Faucigny-Genevois est admise.
Art 2 : L'arrêté du préfet de l'Ain en date du 22 novembre 1994 autorisant l'exploitation d'un centre de valorisation des déchets par le SIDEFAGE est annulé.
Art 3 : l'État versera à L'ASSOCIATION POUR RÉFLÉCHIR ENSEMBLE et autres la somme de 7 000 francs (sept mille francs).
Art 4 : Les conclusions du SIDEFAGE tendant à l'application de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Art 5 : Le présent jugement sera notifié conformément aux dispositions de l'article R 211 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Délibéré à l'issue de l'audience du 27 septembre
1995, où siégeaient :
Monsieur LANZ, président,
Monsieur KOLBERT et Madame WIDMANN, conseillers,
assistés de Madame MICHON-RAJON, greffier ;
Prononcé en audience publique le dix-huit octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze,
La République mande et ordonne au préfet de l'Ain, en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.