République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 1999
Appel d'une décision rendue par le T.I. SAINT-PAUL en date du 24 SEPTEMBRE 1996 suivant déclaration d'appel en date du 23 JANVIER 1997
R.G. : n° 97/00088
Sté CISE RÉUNION SA
c/
- Madame Gisèle X...
- COMMUNE DE SAINT-PAUL
APPELANTE :
SA CISE RÉUNION
Résidence Halley
Rue Camille Vergoz
97 400 SAINT-DENIS
assistée de Me Michel LAGOURGUE, avocat au barreau de ST DENIS
INTIMÉES :
- Madame Gisèle X...
assistée de Me Marie Catherine GUIGNARD, avocat au barreau de SAINT DENIS
- COMMUNE DE SAINT-PAUL
en la personne de son Maire en exercice
97 460 SAINT-PAUL
assistée de Me Jean-Jacques MOREL, avocat au barreau de SAINT-DENIS
CLÔTURE : 23/07/1999
COMPOSITION DE LA COUR
A l'audience publique du 01/10/1999 tenue devant Mr le Conseiller BLOT qui a
entendu les parties en leurs plaidoiries, celles-ci et leurs conseils ne s'y
étant pas opposés, l'arrêt a été rendu ce jour
après que ce magistrat en ait rendu compte à la Cour composée
de :
Monsieur Bertrand DAROLLE Président de Chambre
Monsieur Yves BLOT Conseiller
Monsieur Gérard GROS Conseillers
qui en ont délibéré conformément à la loi,
prononcé par Monsieur Bertrand DAROLLE Président de Chambre
GREFFIER LORS DES DÉBATS ET DU PRONONCÉ : Madame Marie Josée SERY
Suivant contrat conclu le 09/12/1991 la Commune de SAINT-PAUL a confié à la Sté CISE RÉUNION SA l'exploitation par affermage du service d'assainissement de l'eau sur l'ensemble du territoire communal
La Sté CISE RÉUNION SA a établi une facture d'assainissement le 08/12/1992 pour la période du premier semestre 1992 d'un montant de 1 106,87 F au nom de Madame Gisèle X...
La facture n'ayant pas été réglée, la Sté CISE RÉUNION SA a introduit une procédure d'injonction de payer à l'encontre de cet usager devant le Juge d'Instance de SAINT-PAUL
Par ordonnance rendue le 10/12/1993 le Juge d'Instance de SAINT-PAUL a enjoint à Madame Gisèle X... de payer à la Sté CISE RÉUNION SA la somme de 1 012,05 F correspondant en principal au montant des redevances d'assainissement facturées le 08/12/1992
Le 08/02/1994 Madame Gisèle X... a fait opposition à cette ordonnance signifiée le 13/01/1994
Par jugement contradictoire rendu le 24/09/1996 le tribunal d'instance de SAINT-PAUL a débouté la Sté CISE RÉUNION SA de sa demande en paiement, laissé les dépens à sa charge et mis hors de cause la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX également atteinte dans la procédure
Selon déclaration faite au greffe de la Cour le 23/01/1997, la Sté CISE RÉUNION SA a interjeté appel à l'encontre de Madame Gisèle X... de cette décision non signifiée
La Sté CISE RÉUNION SA demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner Madame Gisèle X... à lui verser outre une indemnité de 5 000 F sur la base de l'article 700 du NCPC, la somme de 1 106,87 F correspondant au montant de la facture d'assainissement émise le 08/12/1992 majorée des frais avec intérêts au taux légal du jour de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer
L'appelante fait valoir que contrairement à ce qui a été décidé par le premier juge, l'existence de deux tarifs d'assainissement sur le territoire de la commune de SAINT-PAUL avant le mois de mars 1993 ne viole nullement le principe d'égalité mais s'explique par le fait qu'il y avait effectivement deux catégories d'usager. Elle ajoute que cette dualité de tarif justifiée a très vite disparu dès l'uniformisation des tarifications réalisée aux termes de l'avenant n° 2 conclu le 11/03/1993
Selon assignation délivrée le 20/02/1998 la Sté CISE RÉUNION SA a appelé en intervention forcée devant la Cour le commune de SAINT-PAUL en estimant cette mise en cause nécessaire puisque le premier juge avait considéré que l'existence de tarifs différents avait eu pour conséquence de rompre l'égalité entre les usagers du servie public et que le problème de la régularité des tarifs d'assainissement appliqués par elle en relation avec la commune selon le contrat d'affermage les liant implique cette collectivité
Madame Gisèle X... conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelante à lui verser une indemnité de 5 000 F au titre des rais irrépétibles en faisant principalement valoir que la discrimination tarifaire pratiquée par la Sté CISE RÉUNION SA en exécution de l'avenant n° 1 conclu le 09/12/1991 constitue une atteinte au principe d'égalité viciant radicalement la facturation émise par cet organisme
Comme elle l'avait fait devant le premier juge, Madame Gisèle X...
présente d'autres moyens de défense pour s'opposer à la
demande en paiement de la Sté CISE RÉUNION SA. Madame Gisèle
X... soutient que :
- les règles de facturation en sont pas respectées par la Sté
CISE RÉUNION SA ainsi que le démontrent l'envoi d'une facture d'acompte
contraire aux dispositions de l'article R 372-9 du code des communes selon lesquelles
la redevance d'assainissement est assise sur le nombre de m3 réellement
prélevés,
- le fait que le prix du m3 assaini facturé par la Sté CISE RÉUNION
SA est forfaitaire et on dégressif comme il devrait l'être à
l'instar de ce qui est prévu par l'article L 371-8 du code des communes
pour la redevance du Fonds National pour le Développement des Adductions
d'Eau,
- le fait enfin que les factures d'assainissement émises par l'appelante
comportent une double redevance proportionnelle et forfaitaire alors que selon
l'article R 372-9 susvisé, la redevance est exclusivement assise sur l'eau
réellement prélevée
La Commune de SAINT-PAUL qui a été appelée pour la première fois en intervention forcée devant la Cour par la Sté CISE RÉUNION SA conclut, au principal, à l'irrecevabilité de cette mise en cause en l'absence d'évolution du litige
A titre subsidiaire et si par extraordinaire la Cour rejetait sa fin de non recevoir, elle considère que sa mise en cause forcée ne relève pas de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire mais de celles de l'ordre administratif puisqu'elle tend à instaurer le débat sur la légalité des tarifs d'assainissements appliqués sur le territoire de la Commune de SAINT-PAUL en vertu d'une délibération du Conseil Municipal et d'un traité d'affermage
A titre infiniment subsidiaire, la Commune de SAINT-PAUL conclut au débouté de la Sté CISE RÉUNION SA
En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de la demanderesse en intervention forcée à lui verser une indemnité de 1 000 F au tire des frais irrépétibles
SUR CE LA COUR
Attendu que la mise en cause forcée devant la Cour d'une personne qui n'a été ni partie ni représentée en première instance implique selon les dispositions de l'article 555 du NCPC une évolution du litige ; que tel n'est pas le cas lorsque les éléments dont se prévaut le demandeur en intervention forcée étaient déjà connus de lui en première instance ;
Attendu qu'en l'espèce, aucune évolution du litige n'est de nature à justifier la mise en cause forcée de la Commune de SAINT-PAUL devant la juridiction d'appel dès lors que le moyen relatif à la rupture d'égalité auquel se réfère la Sté CISE RÉUNION SA dans son assignation en intervention forée était connu d'elle pour avoir été soulevé par les usagers devant le premier juge et qu'aucun élément nouveau n'avait été révélé par le jugement ou n'était survenu postérieurement à celui-ci ; que la litige restant inchangé par rapport à celui dont le premier juge a eu à connaître, il s'ensuit que la demande en intervention forcée formée par la Sté CISE RÉUNION SA à l'encontre de la Commune de SAINT-PAUL ne répond pas aux conditions de l'article 555 du NCPC et se trouve donc être irrecevable ; que la Commune de SAINT-PAUL qui a du engager des frais irrépétibles à l'occasion de cette mise en cause est fondée à obtenir le versement d'une indemnité de 1.000 F sur l base de l'article 700 du NCPC ;
Attendu que selon les dispositions des articles R 372-8 et R 372-9 du Code des Communes, la redevance d'assainissement dont le consommateur d'eau raccordé ou raccordable à un réseau est redevable, que la consommation provient du réseau de distribution publique ou de toute autre source, est assise sur le volume d'eau prélevé par l'usager ;
Attendu que la Sté CISE RÉUNION SA réclame à Madame Gisèle X... le paiement des redevances d'assainissement afférentes à la période du premier semestre 1992 et calculées sur la base du nombre de m3 d'eau réellement consommé tel qu'il figure sur le compteur soit 291 m3 en l'espèce ; que la Sté CISE RÉUNION SA a pour chiffrer sa créance appliqué le tarif figurant dans le contrat d'affermage conclu le 09/12/1991 avec la Commune de SAINT-PAUL ;
Attendu que l'examen de cette convention révèle que des tarifs différents ont été fixés selon que l'usager réside dans le secteur de Saint Gilles les Bains ou dans le secteur de SAINT-PAUL Ville ; qu'ainsi pour l'année 1992 la Sté CISE RÉUNION SA était autorisée à facturer sa prestation pour les usagers résidant à Saint Gilles et pour la partie proportionnelle de la redevance, sur la base unitaire de 2,61 F HT le m3 alors qu'il n'était réclamé à l'usager de Saint Paul ville que 0,75 F HT ; que cette disposition ayant eu pour conséquence de rompre l'égalité entre les usagers du service public; Madame Gisèle X... a refusé d'acquitter la facture d'assainissement établie sur la base de cette discrimination tarifaire et contesté, avec succès, devant le tribunal d'instance de SAINT-PAUL la prétention de la Société CISE RÉUNION SA ;
Attendu que la Sté CISE RÉUNION SA, qui a interjeté appel du jugement rejetant sa demande en paiement, reconnaît l'existence de tarifs différents mais estime que cette discrimination tarifaire ne viole pas le principe d'égalité dès lors que le service de l'assainissement de l'eau sur le territoire de la Commune de SAINT-PAUL lui a été concédé en plusieurs étapes, d'abord en régie puis en affermage, et qu'il existe sur le périmètre d'exploitation deux réseaux différents avec des stations d'épuration distinctes, l'un concernant Saint Gilles, l'autre Saint Paul ville, de telle sorte que la discrimination tarifaire mise en place était justifiée par ces catégories différentes d'usagers ;
Attendu néanmoins que le fait qu'existent deux réseaux d'assainissement sur le territoire de la Commune de SAINT-PAUL ne justifie pas que l'on puisse considérer qu'il existe deux catégories d'usagers devant relever de régimes différents dès lors que les circonstances qui fondent cette discrimination résultent du fait même de l'une des parties, en l'occurrence le service chargé de l'exploitation ; que force est d'ailleurs de constater que la Commune de SAINT-PAUL et la Sté CISE RÉUNION SA elles mêmes conscientes de l'illécéité de cette discrimination, ont dès le 11/03/1993 supprimé cette double tarification et uniformisé le taux de la redevance d'assainissement sur l'ensemble du territoire de SAINT-PAUL et le fixant pour 1993 et pour la partie proportionnelle, à la somme de 2,64 F HT le m3 assaini ; qu'ainsi le premier juge a pu valablement considérer que l'existence d'une discrimination tarifaire non justifiée par des circonstances objectives constituait une atteinte au principe d'égalité entre les usagers du service public et que la violation de ce principe fondamental était de nature à vicier radicalement la facturation émise par la Sté CISE RÉUNION SA ; que la décision de première instance sera dès lors confirmée sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par Madame Gisèle X... pour contester la prétention de l'appelante ;
Attendu que la Sté CISE RÉUNION SA qui succombe sera condamnée aux entiers dépens ; qu'elle devra en outre verser à Madame Gisèle X... une indemnité de 2.000 F pour compenser les frais irrépétibles exposés par cette dernière pour se défendre contre un appel injustifié ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare irrecevable la demande en intervention forcée formée par la Sté CISE RÉUNION SA à l'encontre de la Commune de SAINT-PAUL et la condamne à verser à cette dernière une indemnité de 1.000 F sur la base de l'article 700 du NCPC ;
Déboute la Sté CISE RÉUNION SA de son appel à l'encontre de Madame Gisèle X... ;
Confirme le jugement rendu par la tribunal d'instance de SAINT-PAUL le 24/09/1996 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant, condamne la Sté CISE RÉUNION SA à payer à Madame Gisèle X... une indemnité de 2.000 F au titre des frais irrépétibles ;
Condamne l'appelante aux entiers dépens ;
La minute du présent arrêt a été signée par le Président et le Greffier