COUR d'APPEL de NIMES Arrêt
n° 108 RG : 4191/02
Monsieur X... et autres |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CE JOUR, QUATRE FÉVRIER DEUX MILLE TROIS |
A l'audience publique de la PREMIÈRE CHAMBRE de la COUR d'APPEL de NIMES, Monsieur CHALUMEAU, Président, assisté de Madame BERNARD, Greffier, a prononcé l'arrêt suivant dans l'instance opposant :
D'UNE PART :
Monsieur X... (page 2 : nom et adresse d'usagers des services publics d'eau et
d'assainissement)
Ayant pour avoué constitué la SCP FONTAINE-MACALUSO-JULLIEN
et pour avocat Maître NGUYEN Nathalie
APPELANTS
D'AUTRE PART :
LA SA SAUR FRANCE
Poursuites et diligences du président de son conseil d'administration
en exercice domicilié en cette qualité au siège social
1 av Eugène Freyssinet 78 280 GUYANCOURT
Ayant pour avoué constitué la SCP TARDIEU et pour avocat
Maître GRAVIER Laurent
INTIMÉE
Statuant sur assignation à jour fixe.
Après que :
- Monsieur CHALUMEAU, président rapporteur, désigné
conformément à la loi, ait tenu seul l'audience publique
du 19 décembre 2002, les avocats ne s'y opposant pas (article 786
du Nouveau Code de Procédure Civile),
- assisté de Madame BERNARD, Greffier, présente lors de
l'audience,
qui ont entendu les avoués et avocats des parties en leurs conclusions
et plaidoiries.
Le prononcé de la décision a été ensuite
fixé à la date du 30 janvier 2003, prorogé à
ce jour, le magistrat rapporteur en ayant ensuite rendu compte à
la Cour composée en outre de :
- Monsieur DE MONREDON, Conseiller,
- Monsieur COURSOL, Conseiller.
Les magistrats du siège en ont ensuite délibéré en secret conformément à la loi.
Vu l'ordonnance de référé du président du Tribunal de Grande Instance de PRIVAS en date du 14 août 2002 qui, d'une part, a débouté les appelants de leur demande tendant au rétablissement de leur alimentation en eau par le réseau public de distribution d'eau potable du Syndicat des Eaux de la Basse Ardèche (SEBA), service public géré en affermage par la SA SAUR FRANCE, motif pris de l'absence de voie de fait ou de trouble illicite, d'autre part, s'est déclaré incompétent sur la demande reconventionnelle en paiement de provision de la SAUR eu égard à l'existence d'une difficulté sérieuse ;
Vu l'appel régulièrement interjeté le 1er octobre 2002 par les demandeurs au référé et l'ordonnance du premier président de la Cour d'Appel de NIMES les autorisant à assigner la SAUR à jour fixe à l'audience du 19 décembre 2002 ;
Vu les conclusions des appelants aux termes desquelles ils demandent à la Cour de :
Réformer l'ordonnance de référé du 14 août 2002 ;
Dire que la SAUR a commis une voie de fait en cessant de son propre chef la fourniture du service public d'eau alors qu'elle était sans droit ni titre pour exercer un tel acte d'une gravité exceptionnelle ;
Que la SAUR sera donc condamnée à rétablir la fourniture d'eau dans les 24 heures du prononcé de l'arrêt à venir sous astreinte de 7 623 euros par jour de retard ;
Que la SAUR sera condamnée à payer à chacun des appelants une somme de 2 287 euros à titre de dommages et intérêts pour voie de fait et trouble manifestement illicite constituant un abus de droit ;
Condamner la SAUR aux entiers dépens.
Vu les dernières écritures de la SA SAUR FRANCE aux termes desquelles elle demande à la Cour de :
Débouter les requérants de l'intégralité de leurs demandes ;
A titre reconventionnel, condamner chacun des demandeurs à régler à SAUR FRANCE leurs factures impayées, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée le 21 mai 2002 ;
Dire et juger que la part de ce montant en principal sera majoré de 25 % pour ce qui concerne la part afférente à l'assainissement, et ce, compte tenu des dispositions de l'article R 2333-13 du Code Général des Collectivités Territoriales et du caractère infructueux de la mise en demeure adressée le 11 juillet 2002 ;
Condamner solidairement les appelants à verser à SAUR FRANCE une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du NCPC ;
Condamner solidairement les défendeurs aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Michel TARDIEU, avoué près la Cour d'Appel par application des dispositions de l'article 699 du NCPC.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La SA SAUR FRANCE, titulaire d'un contrat d'affermage pour distribution d'eau potable consenti par la syndicat pour l'étude, la réalisation et l'exploitation des réseaux d'eau potable et d'assainissement de la Basse Ardèche (SEREBA), devenu le syndicat des eaux de la Basse Ardèche (SEBA) a, après vaines mises en demeure aux appelants à régler leurs factures d'eau impayées, fait procéder le 5 août 2002 à la fermeture des branchements d'alimentation en eau de ces derniers ;
Pour rejeter la demande de rétablissement de la fourniture d'eau, le premier juge a énoncé que n'étaient caractérisés ni de voie de fait ni de trouble manifestement illicite dans la mesure où, d'une part, le juge judiciaire n'a pas compétence pour apprécier et appliquer les conséquences des décisions administratives intervenues sur la légalité des clauses tarifaires, d'autre part, que les usagers sont liés à la SAUR FRANCE par un contrat privé d'abonnement, étranger au contrat de droit public d'affermage permettant au fermier, par application des articles 1582, 1603 et 1650 du Code Civil, d'interrompre sa prestation en cas d'inexécution par son cocontractant de son obligation de payer celle-ci ;
Cette analyse se heurte au fait que par jugement du 31 mai 2000, le Tribunal Administratif de LYON a déclaré illégal le contrat d'affermage du 16 mars 1982 ainsi que divers avenants audit contrat, le recours contre ce jugement formé par la SAUR FRANCE ayant été rejeté par arrêt du Conseil d'État du 29 juillet 2002 ;
Or, ainsi que l'a relevé la Cour de Cassation dans une affaire parfaitement transposable (Civ. I 18 septembre 2002), visée par les appelants, la décision du Juge Administratif s'impose à la juridiction judiciaire en ce qui concerne les clauses tarifaires du contrat d'affermage, lesquelles ont un caractère réglementaire et, si le contrat d'abonnement est distinct du contrat d'affermage, se validité n'en est pas moins subordonnée à celle dudit contrat ;
Il s'ensuit que, en procédant aux coupures d'eau incriminées alors que le titre sur lequel elle fondait sa prétention avait été déclaré illégal, la SAUR FRANCE a causé aux appelants un trouble manifestement illicite ;
Il convient, en conséquence, de faire droit à la demande de rétablissement de la fourniture d'eau selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt ;
Les appelants ne justifient aucunement d'un préjudice effectif résultant de l'initiative de la SAUR FRANCE. Ils seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts formulée à ce titre ;
La demande reconventionnelle de la SAUR FRANCE tendant au paiement à titre provisionnel des factures impayées excède, comme l'a justement énoncé l'ordonnance déférée, la compétence du juge des référés eu égard à la déclaration d'illégalité du contrat d'affermage et de divers avenants ;
Le juge des référés n'a pas davantage qualité pour apprécier la portée et les effets de la délibération du SEBA du 26 novembre 2002 validant rétroactivement les tarifs de l'eau pour les années 1992 à 2002 ;
La demande de provision de la SAUR ne peut donc qu'être rejetée ;
Les dépens qui suivent la principale succombance incomberont à la SAUR FRANCE qui sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du NCPC ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile
et en dernier ressort,
Reçoit l'appel régulier en la forme ;
Le dit bien fondé ;
Réforme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande tendant au rétablissement de la fourniture d'eau ;
Dit que la SAUR FRANCE devra rétablir la fourniture d'eau au profit de chacun des appelants dans les 24 heures du prononcé du présent arrêt à peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Confirme l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la demande de provision de la SAUR FRANCE et débouté cette dernière de toutes ses prétentions à cet égard ;
Déboute les appelants de leur demande de dommages et intérêts ;
Déboute l'intimée de sa demande au titre de l'article 700 du NCPC ;
Condamne la SA SAUR FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ses derniers au profit de la SCP FONTAINE-MACALUSO-JULLIEN, avoué ;
Arrêt qui a été signé par Monsieur CHALUMEAU, président et par Madame BERNARD, Greffier.
(...)