CONSEIL D'ÉTAT statuant au contentieux Nos 227419, 227420 -------------------- Madame Laigneau Monsieur Séners Séance du 24 juin 2002 |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'État statuant au contentieux Sur le rapport de la 3° sous-section de la Section du contentieux |
Vu 1°, sous le n° 227419, l'ordonnance du 20 novembre 2000 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a, en application de l'article R 81 du code de justice administrative, renvoyé au Conseil d'État la requête du Syndicat des Eaux de la Basse Ardèche (SEBA) tendant à l'annulation du jugement du 31 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Lyon a déclaré illégal le contrat signé le 16 mars 1982 par lequel le Syndicat pour l'Étude, la Réalisation et l'Exploitation des réseaux d'eau potable de la Basse Ardèche (SEREBA) a confié à la société SOBEA la gestion du service de l'eau ainsi que divers avenants audit contrat ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 2 août 2000, présentée par le SEBA dont le siège est situé au Plais de Justice de Largentière (07 110) représenté par son président en exercice dûment habilité et tendant à l'annulation du jugement du 31 mai 2000 par le quel le tribunal administratif de Lyon a déclaré illégal le contrat signé le 16 mars 1982 par le quel le SEREBA a confié à la société SOBEA la gestion du service de l'eau ainsi que divers avenants audit contrat ;
Vu 2°, sous le n° 227420, l'ordonnance du 20 novembre 2000 par laquelle le président de la cour administrative de Lyon a, en application de l'article R 81 du code de justice administrative, envoyé au Conseil d'État la requête de la SOCIÉTÉ SAUR FRANCE tenant à l'annulation du jugement du 31 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Lyon a déclaré illégal le contrat signé le 16 mars 1982 par lequel le SEREBA a confié à la société SOBEA la gestion du service de l'eau ainsi que divers avenants audit contrat ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour administrative de Lyon le 4 août et le 30 octobre 2000, présentés par la SOCIÉTÉ SAUR FRANCE, ayant son siège social 1 av Eugène Freyssinet à Saint-Quentin en Yvelines (78 064), représentée par son président en exercice dûment habilité et tendant :
1°) à l'annulation du jugement du 31 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Lyon a déclaré illégal le contrat signé le 16 mars 1982 par lequel le SEREBA a confié à la société SOBEA la gestion du service de l'eau ainsi que divers avenants audit contrat ;
2°) à la condamnation de l'ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE et des 364 requérants de première instance à lui verser les sommes versées au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code général des collectivités territoriales
;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;
Vu la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 ;
Vu la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Madame Laigneau, Maître des Requêtes ;
- les conclusions de M Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, saisis de litiges portant sur le paiement de factures établies par la société qui exploite en fermage le réseau de distribution d'eau de la Basse Ardèche, les tribunaux d'instance de Largentière et d'Aubenas ainsi que le tribunal de commerce d'Aubenas ont sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la question préjudicielle portant sur la validité du contrat d'affermage signé le 16 mars 1982 par lequel le SEREBA, auquel a succédé le SEBA, a confié à la société SOBEA puis à la SOCIÉTÉ SAUR FRANCE, la gestion du service de l'eau ainsi que sur la validité de divers avenants à ce contrat ; que, par jugement du 31 mai 2000, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, prononcé un non lieu sur la question préjudicielle posée par le tribunal de commerce d'Aubenas, qui avait entre temps révoqué son jugement, mais a, d'autre part, estimé qu'il restait saisi des questions posées par les tribunaux d'instance de Largentière et d'Aubenas et a déclaré invalides le contrat et les avenants en cause ; que le SEBA et la SOCIÉTÉ SAUR FRANCE font appel de ce jugement ; qu'il y a lieu de joindre leurs requêtes et de statuer par une seule décision ;
Sur l'objet de la question préjudicielle :
Considérant qu'à la date à laquelle le tribunal a statué, les jugements des tribunaux d'instance de Largentière et d'Aubenas posant la question préjudicielle n'avaient pas été révoqués ; que par suite, le tribunal administratif était tenu de répondre à cette question préjudicielle, alors même qu'était pendant un appel dirigé contre les jugements de renvoi dès lors que cette question relevait de sa compétence, sans avoir à apprécier si cette question commandait ou non la solution du litige pendant devant ces tribunaux ni à tenir compte de la chose jugée par un arrêt de la Cour de cassation intervenu dans un litige distinct ;
Sur l'étendue de la question préjudicielle :
Considérant que les jugements de renvoi invitaient le juge administratif à statuer d'une part, sur la validité du contrat d'affermage du 16 mars 1982 et des avenants n° 1, 2, 3, 5 et 9 au regard du moyen tiré du défaut de transmission au préfet de la délibération habilitant le président du syndicat à signer ces contrats et d'autre part, sur la nullité des avenants n° 3, 4, 5 et 9 au regard du moyen tiré de l'incompétence du même président ; que le tribunal administratif n'a pas commis d'omission à statuer sur les conclusions dont il était saisi, en se prononçant sur la validité du contrat et des avenants n° 1, 2, 3, 4, 5 et 9 au regard des deux moyens susmentionnés ; que dès lors, l'association n'est pas fondée par la voie de l'appel incident à soutenir que le tribunal administratif n'aurait pas pleinement répondu à la question préjudicielle posée ;
Sur la déclaration d'illégalité prononcée par le tribunal administratif :
Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, départements et régions, alors en vigueur dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 22 juillet 1982 susvisée "I. Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'État dans le département (...) II. Sont soumis aux dispositions du paragraphe I du présent article les actes suivants (...) les conventions de concession ou d'affermage de service public industriel ou commercial" ; qu'en vertu de l'article 16 de la loi du 22 juillet 1982, ces dispositions ont été rendues rétroactivement applicables à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 2 mars 1982 ; qu'il résulte de ces dispositions rendues applicables aux actes pris par les syndicats de commune par l'article L 163-11 du code des communes alors en vigueur, que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 2 mars 1982 le président d'un syndicat de communes ne peut légalement signer un contrat avant que la délibération autorisant cette signature n'ait été rendue exécutoire par sa transmission au préfet ; que cette illégalité ne peut être régularisée par la seule transmission ultérieure au préfet de ladite délibération ; qu'il ressort du dossier que le président du SEBA a signé le contrat d'affermage le 16 mars 1982, sont avenant n° 1 le 27 juin 1984, son avenant n° 2 le 24 septembre 1986, son avenant n° 3 le 30 avril 1987, son avenant n° 5 le 17 juillet 1991 et son avenant n° 9 le 28 avril 1997 ; qu'à chacune de ces dates la délibération du comité syndical ou du bureau, autorisant cette signature, n'avait pas encore été transmise au sous-préfet de Largentière ; que dès lors, ces actes étaient illégaux ; que la référence faite par chacun des avenants aux stipulations du contrat dans sa rédaction antérieure, ne saurait avoir eu pour effet de régulariser le contrat précédent ;
Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article L 163-4 du code des communes alors en vigueur, "Le syndicat de communes est administré par un comité" ; que l'article L 163-13 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 janvier 1988 dispose que : "Le président ou le bureau peuvent par délégation du comité être chargés du règlement de certaines affaires et recevoir à cet effet délégation du comité" ; que l'article L 163-12 du même code dans sa rédaction en vigueur dispose que : "Le comité se réunit au moins une fois par trimestre ou lorsque le syndicat a été formé en vue d'une seule oeuvre ou d'un seul service d'intérêt communal une fois par semestre" ; que la délégation de pouvoir accordée le 18 septembre 1985 par le comité du SEREBA à son bureau "pour tout ce qui concerne l'administration du syndicat (...) en dehors des sessions prévues à l'article L 163-12 du code des communes" à l'exclusion du vote du budget et du recours à l'emprunt, méconnaît par sa généralité la portée de l'article L 163-13 précité et ne pouvait donc fonder la délibération du bureau en date du 30 avril 1987 habilitant son président à signer l'avenant n° 3 au contrat dont s'agit ;
Considérant que l'article L 163-13 du code des communes dans sa rédaction issue de la loi du 5 janvier 1988 ensuite codifié à l'article L 5212-12 du code général des collectivités territoriales jusqu'à son abrogation par la loi du 12 juillet 1999, permet au comité du syndicat de déléguer une partie de ses attributions au bureau, à l'exception notamment de "la délégation de la gestion d'un service public" ; que ces dispositions faisaient obstacle à ce que le bureau du syndicat puisse, sur la base de délégations de pouvoir données ultérieurement par le comité, approuver les avenants au contrat d'affermage n° 4 du 22 février 1989, n° 5 du 17 juillet 1991 et n° 9 du 28 avril 1997 et autoriser le président à les signer ;
Considérant en troisième lieu, et au surplus que l'illégalité du contrat d'affermage du 16 mars 1982 prive de base légale ses avenants n° 1, n° 2, n° 3, n° 4, n° 5 et n° 9 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a déclaré invalides le contrat d'affermage en date du 16 mars 1982 ainsi que ses avenants n° 1, n° 2, n° 3, n° 4, n° 5 et n° 9 ;
Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE soit condamnée à rembourser à la SOCIÉTÉ SAUR FRANCE les sommes exposées par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de faire application des mêmes dispositions et de condamner la SOCIÉTÉ SAUR FRANCE et le SEBA à verser solidairement à l'ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE la somme de 2 290 euros ;
DÉCIDE
Article 1 : Les requêtes du SYNDICAT DES EAUX DE LA BASSE ARDÈCHE et de la SOCIÉTÉ SAUR FRANCE sont rejetées.
Article 2 : L'appel incident de l'ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE et autres est rejeté.
Article 3 : Le SYNDICAT DES EAUX DE LA BASSE ARDÈCHE et la SOCIÉTÉ SAUR FRANCE sont condamnés à verser solidairement à l'ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE la somme de 2 290 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES EAUX DE LA BASSE ARDÈCHE, à la SOCIÉTÉ SAUR FRANCE, à l'ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Délibéré dans la séance du 24 juin 2002 où siégeaient : Monsieur Stirn, président adjoint de la Section du Contentieux, président ; Monsieur Martin Laprade, Madame de Saint Pulgent, présidents de sous-section ; Monsieur Bordry, Monsieur Lecat, Monsieur de la Verpillière, Madame Laurent, Monsieur Arrighi de Casanova, Conseillers d'État et Madame Laigneau, Maître des Requêtes-rapporteur.
Lu en séance publique le 29 juillet 2002.
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
(...)