CIV. 1 

 

COUR DE CASSATION 

Audience publique du 18 septembre 2002 

Monsieur LEMONTEY, président 

 

Pourvoi n° U 01-01.424 

Arrêt n° 1305 F-P 
ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE (ACF)

I.K 

Cassation 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS 

 

 

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

 

Sur le pourvoi formé par :

1°/ l'ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE (ACF), dont le siège est BP 01, 07 380 Pont de Labeaume,

2°/ l'ASSOCIATION ÉCOLES LIBRES (ASSOCIATION ORGEC, ORGANISME DE GESTION DES ÉCOLES CATHOLIQUES), dont le siège est 54 av Centrale, 07 389 Lalevade d'Ardèche,

en cassation d'un arrêt rendu le 28 novembre 2000 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre, section A) au profit de la SOCIÉTÉ SAUR FRANCE, société anonyme, anciennement dénommée COMPAGNIE DE SERVICES ET D'ENVIRONNEMENT (CISE), dont le siège est 1 av Eugène Freyssinet, 78 064 Saint-Quentin en Yvelines Cedex,

défenderesse à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 juin 2002, où étaient présents : Monsieur Lemontey, président, Monsieur Renard-Payen, conseiller rapporteur, Monsieur Durieux, conseiller, Madame Petit, avocat général, Madame Aydalot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Monsieur Renard-Payen, conseiller, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de l'ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE et de l'ASSOCIATION ÉCOLES LIBRES, de Me Choucroy, avocat de la SOCIÉTÉ SAUR FRANCE, les conclusions de Madame Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et l'article 1351 du Code civil ;

Attendu que, par cahier des charges du 16 mars 1982, le SYNDICAT POUR L'ÉTUDE, LA RÉALISATION ET L'EXPLOITATION DES RÉSEAUX D'EAU POTABLE ET D'ASSAINISSEMENT DE LA BASSE-ARDÈCHE (SEREBA), devenu le SYNDICAT DES EAUX DE LA BASSE-ARDÈCHE (SEBA), a confié à la société SOBEA, à laquelle s'est substituée la CISE, devenue la SA SAUR FRANCE, la gestion par affermage de son service public de distribution d'eau potable ; qu'un certain nombre d'usagers ayant contesté les factures présentées par la CISE, se sont regroupés au sein de l'ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE (ACF) ; que l'ÉCOLE LIBRE de Lavelade (l'école), membre de cette association, ayant refusé, à partir de 1995, de payer les factures d'eau, la SAUR l'a assignée en référé devant le tribunal de grande instance de Privas aux fins d'être autorisée à suspendre l'alimentation en eau potable du bâtiment, propriété de l'école, en se fondant sur le règlement du service des eaux ;

Attendu que, pour faire droit à cette demande et constater le trouble manifestement illicite causé à la SAUR, l'arrêt attaqué relève, d'une part, que l'école ne peut se prévaloir du jugement du 31 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Lyon a déclaré illégaux le contrat d'affermage et ses avenants, d'autre part, que les relations entre les usagers et la société fermière sont régies par un contrat d'abonnement distinct du contrat d'affermage, ne comportant aucune clause exorbitante du droit commun ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, le jugement du tribunal administratif s'imposait à elle en ce qui concernait les clauses tarifaires du cahier des charges du contrat d'affermage, lesquelles ont un caractère réglementaire, alors que, d'autre part, si le contrat d'abonnement était distinct du contrat d'affermage, sa validité n'en était pas moins subordonnée à celle dudit contrat, la cour d'appel à violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la SOCIÉTÉ SAUR FRANCE aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge où à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille deux.

 

 

 

Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, Avocat aux Conseils, pour l'ASSOCIATION DE CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE (ACF) et la société ÉCOLES LIBRES :

MOYEN ANNEXÉ à l'arrêt n° 1305 (CIV. I) ;

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir autorisé la société SAUR FRANCE, anciennement dénommée CISE, à suspendre la livraison d'eau potable à l'ÉCOLE LIBRE de Lalevade tant que celle-ci n'aurait pas réglé intégralement le prix de l'eau déjà consommée, fixé provisoirement à la somme de 16 658,52 francs ;

AUX MOTIFS, SUR L'ILLÉGALITÉ DU CONTRAT D'AFFERMAGE QUE si, par un jugement du 31 mai 2000, le tribunal administratif de Lyon avait déclaré illégaux le contrat d'affermage du 16 mars 1982 et les avenants successifs de celui-ci, l'ÉCOLE LIBRE de Lalevade ne pouvait cependant se prévaloir de cette décision qui avait fait l'objet d'un recours et à laquelle elle n'était pas partie ; qu'en outre, les relations entre les usagers et la société fermière étaient régies par un contrat d'abonnement distinct du contrat d'affermage ne comportant aucune clause exorbitante du droit commun ; que chaque abonné s'était engagé à se conformer en tous points au règlement du service d'eau potable rendu exécutoire par décision préfectorale ;

ALORS QUE D'UNE PART, toute déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire par le juge administratif, dût-elle non décidée à la suite d'une recours pour excès de pouvoir, mais d'un recours en appréciation de la légalité, s'impose au juge civil qui ne peut plus faire application du texte illégal si bien qu'en refusant à l'ÉCOLE LIBRE de Lalevade de se prévaloir du jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon du 31 mai 2000 ayant déclaré illégaux le contrat d'affermage et les avenants successifs de celui-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi méconnu le principe de la séparation des pouvoirs et violé la loi des 16-24 août 1790 et l'article 1351 du code civil ;

ALORS QUE D'AUTRE PART, dans ses conclusions, l'ÉCOLE LIBRE de Lalevade soutenait que le cahier des charges et le règlement du service d'eau potable avaient une valeur réglementaire, laquelle les rendaient illégaux conformément au jugement du tribunal administratif de lyon du 31 mai 2000 de telle sorte qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS , SUR LE TROUBLE MANIFESTEMENT ILLICITE, QUE le refus par l'abonné (qui ne justifie ni d'un paiement partiel, ni d'une consignation, d'ailleurs non autorisée) de régler l'eau fournie par la société SAUR FRANCE occasionnait à celle-ci un trouble manifestement illicite, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des facultés financières de cette société ;

ALORS QUE le juge doit apprécier le caractère manifestement illicite du trouble causé de telle sorte qu'en se bornant à affirmer que l'absence de paiement par l'abonné occasionnait au fermier un trouble manifestement illicite sans vérifier si l'illégalité du contrat d'affermage n'était pas de nature à retirer au trouble son caractère manifestement illicite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 809 alinéa 1er du nouveau code de procédure civile.

(...)