RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS

 

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

 

rendue par Marie-Pierre DUBOIS, Président,

 

Le 5 MARS 1998

N° 9800223

ENTRE
COMPAGNIE DE SERVICES ET D'ENVIRONNEMENT (CISE)
36/38 rue de la Princesse
78 430 LOUVECIENNES
DEMANDERESSE
Représentée par Me SIRAT (PARIS)

ET :
usagers
DÉFENDERESSE
Représentés par Me NGUYEN (LYON)

INTERVENANTE VOLONTAIRE
ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE (ACF)
DÉFENDERESSE
Représentée par Me NGUYEN (LYON)

 

Nous, Marie-Pierre DUBOIS Président du Tribunal de Grande Instance de PRIVAS (Ardèche), tenant audience publique des référés, au Palais de Justice, assistée de Janine LEXTRAIT, faisant fonction de Greffier ;

Vu les assignations des 14, 15, 16, 19, 20 21 janvier 1998 ci-annexées ;

Après avoir entendu les conseils des parties à l'audience du 29 janvier 1998, l'affaire a été mise en délibéré au 26 février 1998 et prorogé au 5 mars 1998 ;

Vu l'ensemble des pièces versées au débat contradictoire, dont les notes d'audiences prises par le Greffier ;

Attendu que la COMPAGNIE DE SERVICES ET D'ENVIRONNEMENT "CISE" demande l'autorisation au juge des référés de fermer le branchement alimentant en eau potable le logement de divers abonnés jusqu'à complet paiement par eux des sommes dont ils sont débiteurs, et leur condamnation sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que les défendeurs lui opposent une exception d'incompétence au profit du Tribunal d'Instance de LARGENTIÈRE en faisant observer que les sommes en jeu sont inférieures à 30 000 francs ;

Mais attendu que la demande est en réalité indéterminée, qu'il s'agit d'abord pour la CISE d'obtenir une autorisation de fermeture du branchement alimentant les abonnés, que le juge des référés du Tribunal de Grande Instance peut donc retenir sa compétence ;

Attendu que les défendeurs soulèvent une incompétence ratione materiae, en relevant que l'article L.311-2 du Nouveau Code de Procédure Civile attribue compétence exclusive au Tribunal de Grande Instance en matière fiscale ;

Mais attendu que la CISE précise que le fondement de sa demande repose sur le droit de la vente, et notamment l'article 1612 du Code Civil dont elle demande l'application, que le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de céans est compétent pour en connaître ;

Attendu que les défendeurs estiment le juge judiciaire incompétent dès lors qu'est en jeu la validité d'un contrat administratif, laquelle ne pourrait être appréciée que par le Tribunal Administratif de LYON, et ce en vertu de l'article 49 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que si une question préjudicielle s'impose au juge de droit commun, encore faut-il que la contestation qui la sous-tend ait un caractère sérieux ;

Attendu que le syndicat pour l'étude, la réalisation, l'exploitation des réseaux d'eau potable et d'assainissement de Basse Ardèche (SEBA) a confié à la Société SOCEA BALENCY aux droits de laquelle se trouve la CISE, la gestion par affermage du service de distribution d'eau potable, et ce aux termes d'un cahier des charges du 16 mars 1982 ;

Que ce cahier des charges fait l'objet de plusieurs avenants, que parmi ceux-ci l'avenant n° 5 conclu le 17 juillet 1991 a prolongé la durée du contrat initial de 15 ans à compter du 1er septembre 1991 ;

Attendu que les défendeurs invoquent la nullité de cet avenant, en ce que le Président du Syndicat des Eaux de la Basse Ardèche n'a pas été régulièrement habilité à le signer par délibération du Comité Syndical, et par voie de conséquence le défaut de titre de la CISE pour agir à l'encontre des abonnés ;

Attendu que l'avenant n° 5 proroge la durée de vie du contrat d'affermage initial de 15 ans à compter du 1er septembre 1991 ;

Qu'il a été conclu entre la CISE et le Syndicat des Eaux de la Basse Ardèche sous la signature de son président ;

Attendu que le Syndicat des Eaux de la Basse Ardèche est dit représenté par son président en vertu d'une délibération du syndicat dont la date, certes n'est pas précisée ;

Attendu que manque l'habilitation dudit Président par délibération du Comité Syndical ;

Attendu que les défendeurs font valoir qu'aux termes de l'article L.163-13 du Code des Communes désormais codifié L5212-12 du Code Général des Collectivités Territoriales, le Comité Syndical ne peut déléguer ses attributions concernant la gestion d'un service public ;

Mais attendu qu'en l'espèce la gestion même du service public de distribution d'eau potable n'est pas en cause en ce sens que l'avenant n° 5 ne remet pas en question ni l'existence du contrat d'affermage, ni son bénéficiaire ;

Que l'avenant se borne à en modifier une modalité, à savoir la durée, que la délégation ne peut donc être exclue de ce chef ;

Attendu d'ailleurs qu'aux termes d'une délibération du même jour le bureau du syndicat est venu approuver l'avenant n° 5 au cahier des charges pour l'exploitation du service de production d'adduction, de distribution d'eau potable, couvrant ainsi l'irrégularité commise ;

Attendu dans ces conditions, que la question préjudicielle soulevée n'apparaît pas suffisamment sérieuse pour contraindre le juge des référés à surseoir à statuer ;

Attendu que la CISE sollicite l'autorisation de fermer les branchements de distribution d'eau potable en vertu de l'article 19 du contrat d'abonnement des usagers, en évoquant le trouble illicite engendré par le refus des usagers de payer la surtaxe litigieuse ;

Attendu certes que le non-paiement par l'usager de la totalité du prix de l'eau engendre bien un trouble illicite ;

Mais attendu que les sommes retenues sont résiduelles, que la CISE filiale du groupe SAUR ne saurait sérieusement prétendre que le non paiement allégué et prouvé met en péril son équilibre économique et financier ;

Attendu, en revanche, que la suspension de la distribution de l'eau créerait un trouble bien supérieur à celui subi actuellement par la CISE, qu'en effet de nombreuses familles pourvues d'enfants se trouveraient brutalement privées d'un élément essentiel à la vie, à savoir l'eau potable ;

Que l'importance du trouble qui en résulterait et des préjudices subséquents conduit à débouter la CISE de sa demande ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont engagées, qu'elles seront déboutées de leur demande formée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

 

PAR CES MOTIFS :

Au nom du peuple français, statuant publiquement et par ordonnance contradictoire, en premier ressort,

Nous, Juge des Référés, vu l'urgence, tous droits et moyens des parties demeurant réservés :

REJETONS les exceptions d'incompétence soulevées

DÉBOUTONS la COMPAGNIE DE SERVICES ET D'ENVIRONNEMENT (CISE) de ses demandes

DÉBOUTONS les parties de leurs prétentions relatives à l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNONS la COMPAGNIE DE SERVICES ET D'ENVIRONNEMENT (CISE) en tous les dépens.

Fait à PRIVAS, le 5 mars 1998