RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL de GRANDE INSTANCE de PRIVAS

 

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

 

rendue par Achille BROQUET, Vice-Président

 

le 26 AVRIL 1999

 

N° 720/99

ENTRE :
- usagers
- ASSOCIATION DES CONSOMMATEURS DE LA FONTAULIÈRE (ACF)
DEMANDEURS
représentés par Me Corinne DASSONVILLE, avocat postulant
Avocat au Barreau de l'ARDÈCHE
assisté par Me Nathalie N'GUYEN, avocat plaidant
Avocat au Barreau de LYON

ET :
LA COMPAGNIE DE SERVICES ET D'ENVIRONNEMENT / SNC CISE
Immeuble Challenger - Triangle Nord
1, Av. Freyssinet à 78 280 GUYANCOURT
ayant pour avocat Me Charles SIRAT de la SCPA SIRAT - GILLI du barreau de PARIS

 

 

Vu l'assignation datée par erreur du 21 mars 1999 au lieu du 21 avril 1999 émanant de 17 usagers de la CISE et de l'Association de Consommateurs de la FONTAULIÈRE (ACF) visant principalement à enjoindre à la CISE le rétablissement de la fourniture d'eau dans le délai d'un jour à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 F par jour de retard ;

Vu les conclusions déposées par la CISE lors de l'audience de référé du 23 avril 1999 ;

Après avoir entendu les parties en leurs observations lors des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 26 avril 1999 ;

 

MOTIFS :

 

Il convient tout d'abord de mettre hors de cause Monsieur André X... qui s'est désisté de sa demande et de rejeter l'intervention de l'ACF représentée par sa Présidente, cette dernière n'ayant produit aucun mandant spécial de l'Assemblée Générale pour ester dans la présente instance et ne pouvant disposer d'une délégation générale de représentation en justice ;

Les demandeurs invoquent à l'appui de leur demande la qualification de voie de fait, la CISE ayant réalisé ces coupures d'eau au mépris des décisions des Tribunaux d'Instance de LARGENTIÈRE et de PRIVAS en date du 15 septembre 1998, qui avaient sursis à statuer sur les créances que leur réclamait la CISE ;

Ils prétendent aussi que la CISE s'était cru autorisée à effectuer ces coupures suite à l'arrêt de la Cour de NÎMES en date du 2 septembre 1998 qui lui permettait de suspendre à l'expiration d'un délai de 2 mois à compter de la signification dudit arrêt la livraison d'eau potable aux intimés qui n'auraient pas intégralement payé le prix de l'eau déjà consommée, que ces intimés n'étaient qu'au nombre de onze et n'étaient pas tous visé par les coupures récentes beaucoup plus nombreuses ;

Ils invoquent enfin le fait que la disposition du règlement de service de la CISE prévoyant ces coupures à titre de sanction pour non paiement de leurs factures d'eau ne leur était pas opposable puisque ledit règlement ne leur avait pas été notifié régulièrement ;

La CISE rétorque que les conditions de la voie de fait n'étaient pas réunies et invoque les dispositions de l'article 1612 du C.C. pour rappeler la nature de droit privé des relations d'un fermier avec ses usagers et justifier lesdites coupures en contrepartie du refus opposé depuis 1993, par certains d'entre eux, de régler ses fournitures, d'autant qu'un arrêt récent du Conseil d'État en date du 6 novembre 1998 avait validé sa tarification de l'eau pour 1992 ;

Tout d'abord les demandeurs ne sauraient invoquer le défaut de publicité du règlement de service de la CISE auquel leur contrat d'abonnement fait expressément référence et qui a fait l'objet d'un affichage dans toutes les mairies concernées ;

De même ils ne peuvent opposer l'effet restrictif de l'arrêt de la Cour d'Appel de NÎMES du 2 septembre 1998 qui ne concernait que 11 usagers, ce moyen, comme le précédent étant insuffisant pour justifier la voie de fait qu'ils invoquent alors qu'incontestablement il s'agit d'un même litige opposant un fermier à ses usagers ;

Enfin l'arrêt du Conseil d'État en date du 6 novembre 1998 n'est pas venu régler définitivement le problème de la validité des créances de la CISE puisque cet arrêt n'a avalisé que la tarification de l'eau pour l'année 1992 alors qu'il apparaît comme admis que les créances en cause concernent des redevances des exercices postérieurs ;

Le juge des référés ne saurait remettre en cause les dispositions de l'arrêt de la Cour qui avait admis que si les coupures d'eau constituaient des troubles illicites le refus de paiement des redevances d'eau pouvait constituer un trouble plus important dans le cadre du seul contrat d'abonnement liant les parties ;

Mais lorsque la Cour disait autoriser les suspensions de livraison d'eau potable aux usagers qui n'auraient pas intégralement payé le prix de l'eau consommée, elle sous entendait inévitablement la condition de l'exigibilité des créances de la CISE et ignorait les décisions qui allaient être rendues quelques jours plus tard par les Tribunaux d'Instance de LARGENTIÈRE et PRIVAS qui ont sursis à statuer sur leur validité ;

Suite à ses jugements et en l'état de la contestation régulière de ses créances la CISE ne peut prétendre au paiement de ces créances qui ne sont ni liquides ni exigibles et , pour contraindre ses usagers, procéder à des coupures d'eau qui, présentement, sont injustifiées ;

Par conséquent l'empressement quelque peu arbitraire de la CISE, jouant sur la "contrariété" apparente de ces décisions successives, constitue une voie de fait qu'il convient de faire cesser au moins jusqu'au prononcé des décisions de la Cour de NÎMES sur les appels des jugements du 15 septembre 1998 en lui enjoignant de rétablir le fourniture d'eau potable aux usagers ayant fait l'objet de coupures et ce, dans les 48 heures de la signification de la présente ordonnance avec astreinte de 400 F par jour passé ce délai ;

 

Sur les frais non répétibles :

L'équité et la particularité du litige en cause commandent que chacune des parties supporte les frais non répétibles dont elle a dû faire l'avance dans le cadre de cette instance ;

 

DÉCISION :

Nous, juge des référés,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort, vu l'urgence, tous droits et moyens des parties étant réservés,

Constatons le désistement de Monsieur André X... et rejetons l'intervention de l'ACF non valablement représentée ;

Renvoyons les parties à se pourvoir au principal ainsi qu'elles aviseront ;

Dores et déjà,

Enjoignons à la Compagnie de Services et d'Environnement (CISE) de procéder au rétablissement de la fourniture d'eau chez les demandeurs, usagers ayant bénéficié d'un sursis à statuer, le 15 septembre 1998, par les Tribunaux d'Instance de LARGENTIÈRE et de PRIVAS dans le cadre de l'exigibilité de ses créances jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour d'Appel de NÎMES sur ses appels de ces décisions ;

Disons que ce rétablissement de la fourniture d'eau devra intervenir dans les 48 h de la signification de la présente ordonnance sous peine d'astreinte de 400 F par jour de retard passé ce délai ;

Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du NCPC ;

Condamnons la CISE aux dépens ;

Prononcé à PRIVAS, le 26 avril 1999.

 

En conséquence la République Française mande et ordonne à tous Huissiers de Justice sur ce requis de mettre les présentes à exécution,

Aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la République près des Tribunaux de Grande Instance d'y tenir la main

A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis

En foi de quoi la présente grosse a été délivrée par le Greffier en Chef soussigné.