Ministère Public
c/
Monsieur Hervé B...
Monsieur Stéphane C...
Monsieur Bernard Y...
et autres

République française
Au nom du Peuple français

Tribunal de Grande Instance de Paris

10eme chambre

N° d'affaire : 9424630230

Jugement du : 06 novembre 1997

 

 

NATURE DES INFRACTIONS : PARTICIPATION À UNE ASSOCIATION DE MALFAITEURS EN VUE DE LA PRÉPARATION D'UN CRIME, DÉTENTION SANS AUTORISATION D'ARMES OU DE MUNITIONS DE 1ERE OU 4E CATÉGORIE, TRANSPORT, SANS MOTIF LÉGITIME, D'ARME DE 6EME CATÉGORIE.

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 04 mars 1997 suivie d'un citation.

PERSONNE POURSUIVIE :
Monsieur Hervé B...
(...)
Mesures de sûreté : ordonnance de mise en détention provisoire en date du 03 septembre 1994, mandat de dépôt article 135 code de procédure pénale en date du 03 septembre 1994, ordonnance de refus de mise ne liberté en date du 11 octobre 1994, ordonnance de mise en liberté article 148 code de procédure pénale en date du 06 janvier 1995, ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 06 janvier 1995, ordonnance modifiant les obligations du contrôle judiciaire en date du 03 mars 1995, ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire article 179 code de procédure pénale en date du 04 mars 1997.
Situation pénale : placé sous contrôle judiciaire
Comparution : non comparant.

 

NATURE DES INFRACTIONS : PARTICIPATION À UNE ASSOCIATION DE MALFAITEURS EN VUE DE LA PRÉPARATION D'UN CRIME, TRANSPORT, SANS MOTIF LÉGITIME, D'ARME DE 6EME CATÉGORIE.

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 04 mars 1997 suivie d'une citation.

PERSONNE POURSUIVIE :
Monsieur Stéphane C...
(...)
Mesures de sûreté : ordonnance de mise en détention provisoire en date du 03 septembre 1994, mandat de dépôt article 135 code de procédure pénale en date du 03 septembre 1994, ordonnance de prolongation de la détention provisoire correctionnelle en date du 21 décembre 1994, ordonnance de mise en liberté article 148 code de procédure pénale en date du 06 janvier 1995, ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 06 janvier 1995, ordonnance de maintien sous contrôle judiciaire article 179 code de procédure pénale en date du 04 mars 1997.
Situation pénale : placé sous contrôle judiciaire
Comparution : comparant aux débats, absent au prononcé.

Assisté par Maître BALAN avocat au Barreau de Paris commis d'office.

 

NATURE DES INFRACTIONS : PARTICIPATION À UNE ASSOCIATION DE MALFAITEURS EN VUE DE LA PRÉPARATION D'UN CRIME.

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 04 mars 1997 suivie d'une citation.

PERSONNE POURSUIVIE :
Monsieur Bernard Y...
(...)
Mesures de sûreté : ordonnance de mise en détention provisoire en date du 03 septembre 1994, mandat de dépôt article 135 code de procédure pénale en date du 03 septembre 1994, ordonnance de refus de mise en liberté en date du 18 octobre 1994, demande de mise en liberté en date du 06 décembre 1994, ordonnance de refus de mise en liberté en date du 09 décembre 1994, ordonnance de refus de mise en liberté en date du 09 décembre 1994, ordonnance de prolongation de la détention provisoire correctionnelle en date du 21 décembre 1994.
Situation pénale : libre
Comparution : comparant assisté de Me JEHAN-LUC CARDONA avocat du Barreau de Paris, et par Me Bruce AOUDAI, du Barreau de Paris.

 

NATURE DES INFRACTIONS : PARTICIPATION À UNE ASSOCIATION DE MALFAITEURS EN VUE DE LA PRÉPARATION D'UN CRIME.

TRIBUNAL SAISI PAR : Ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 04 mars 1997 suivie d'une citation.

PERSONNE POURSUIVIE :
Monsieur Régis Z...
(...)
Mesures de sûreté : mandat de dépôt article 135 code de procédure pénale en date du 27 juillet 1995, ordonnance de mise en détention provisoire en date du 27 juillet 1995, demande de mise en liberté en date du 04 août 1995, ordonnance de mise en en liberté article 147 code de procédure pénale en date du 07 septembre 1995.
Situation pénale : libre
Comparution : comparant assisté de Me STIFANI avocat du Barreau de Grasse et Me RIVOLET avocat du Barreau de Toulon.

 

PARTIE CIVILE :
Monsieur Jacques X...
chez Me CABANES GELLY
Comparution : comparant

 

 

PROCÉDURE D'AUDIENCE

Monsieur Hervé B... est prévenu d'avoir à PARIS, courant 1994 et sur le territoire national et depuis temps non prescrit,
1°- détenu sans autorisation des armes de la quatrième catégorie en l'espèce un fusil à canon et crosse sciés, démonté en trois éléments de marque BAIKAL calibre 12, un fusil à pompe MOSSBERG calibre 12, une carabine RELMINGTON calibre 12, un revolver de marque SMITH et WESSON 357 magnum et de munitions de la quatrième catégorie.

Faits prévus par article 32 alinéa 1 2, article 20 décrêt-loi 39 du 18 avril 1939 et réprimés par article 32 alinéa 1 2, alinéa 3 décrêt-loi 39 L000 du 18 avril 1939.

2°- d'avoir du mois de juin 1994 au mois de septembre 1994, participé à l'association de malfaiteur, groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis de dix ans d'emprisonnement.

Faits prévus par article 450-1 code pénal et réprimés par article 450-1 alinéa 2, article 450-3 code pénal.

3°- d'avoir à Paris, courant 1994, sur le territoire national et depuis temps non prescrit, transporté ou été trouvé porteur, hors de son domicile et sans motif légitime d'une ou plusieurs armes, de munitions de la sixième catégorie ou d'éléments d'armes de la sixième catégorie, en l'espèce une arme d'alarme, une grenaille fumigène, une bombe lacrymogène, un coup de poing américain, une matraque.

Faits prévus par les articles 32 alinéa 1 - 32 - dernier alinéa du décret-loi du 18 avril 1939 modifié.

Monsieur Stéphane C... est prévenu d'avoir à Paris, courant 1994, sur le territoire national et depuis temps non prescrit,
1°- transporté ou été trouvé porteur, hors de son domicile et sans motif légitime d'une ou plusieurs armes, de munitions de la sixième catégorie ou d'éléments d'armes de la sixième catégorie, en l'espèce une arme d'alarme, une grenaille fumigène, une bombe lacrymogène, un coup de poing américain, un cran d'arrêt.

Faits prévus par article 32 alinéa 1 2, article 20 décret-loi 39 du 18 avril 1939 et réprimés par article 32 alinéa 1 2, alinéa 3 décret-loi 39 L000 du 18 avril 1939.

2°- d'avoir du mois de juin 1991 au mois de septembre 1994, participé à l'association de malfaiteur, groupement formé ou entente établie en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis de dix ans d'emprisonnement.

Faits prévus par les article 450-1, 450-1 alinéa 2, 450-3 du code pénal.

Monsieur Bernard Y... est prévenu d'avoir du mois de juin 1994 au mois de septembre 1994 participé à l'association de malfaiteur, groupement formé ou entente établie en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis de dix ans d'emprisonnement.

Faits prévus par article 450-1 code pénal et réprimés par article 450-1 alinéa 2, article 450-3 code pénal.

Monsieur Régis Z... est prévenu d'avoir du mois de juin 1994 au mois de septembre 1994, participé à l'association de malfaiteur, groupement formé ou entente établie en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis de dix ans d'emprisonnement.

Faits prévus par article 450-1 code pénal et réprimés par article 450-1 alinéa 2, article 450-3 code pénal.

 

 

L'affaire a été appelée, successivement, aux audiences du :
- 20 mars 1997, pour première audience au fond et renvoyée pour fixation ;
- 02 octobre 1997, pour audience au fond et renvoyée pour délibération ;
- et ce jour, pour prononcé du jugement.

A son audience du 02 octobre 1997, après avoirs constaté l'identité de Monsieur Stéphane C..., Monsieur Bernard Y... et Monsieur Régis Z....

En l'absence de comparution de Monsieur Hervé B..., constatant que la citation n'a pas été délivréeà la personne de l'intéressé et qu'il n'est pas établi que celui-ci en ait eu connaissance, il y a lieu de statuer par jugement de défaut à son égard, par application des dispositions de l'article 412 du code de procédure pénale.

Après avoir examiné les faits et documents de la cause, donné lecture des pièces du dossier, entendu Monsieur Stéphane C..., Monsieur Bernard Y..., Monsieur Régis Z... en leurs explications, entendu Monsieur Jacques X... en sa déposition et en sa demande de partie civile, le Ministère Public en ses réquisitions, Me BALAN conseil de Monsieur Stéphane C..., Me CARDONA et AOUDAI conseils de Monsieur Bernard Y..., Me STIFANI et RIVOLET conseils de Monsieur Régis Z... en leur plaidoirie, Monsieur Stéphane C..., Monsieur Bernard Y... et Monsieur Régis Z... en leurs moyens de défense, a renvoyé l'affaire à l'audience de ce jour pour le jugement être rendu, qu'avertissement de cette remise a été immédiatement donné par Madame le Président aux parties, conformément aux dispositions de l'article 462-2 du code de procédure pénale, et audit jour le Tribunal après en avoir délibéré conformément à la loi, dans la même composition qu'à l'audience précédente ;

 

 

MOTIFS

SUR LES CONCLUSIONS IN LIMINE LITIS

In limine litis le conseil de Monsieur Régis Z... a déposé des conclusions aux fins d'annulation de l'ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel en faisant valoir qu'aux termes de cette ordonnance, son client est renvoyé devant le Tribunal Correctionnel pour avoir du mois de juin 1994 au mois de septembre 1994, participé à l'association de malfaiteur, groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis de dix ans d'emprisonnement, faits prévus et réprimés par les articles 450-1, 450-3 du code pénal ; et qu'ainsi l'ordonnance n'a pas suffisamment précisé la prévention et n'a pas donné toute possibilité au concluant de préparer sa défense puisqu'il ignore le délit qu'il aurait préparé au moyen de l'entente.

Il résulte des dispositions de l'article 184 du code de procédure pénale que les ordonnances de règlement rendues par le Juge d'Instruction doivent indiquer la qualification légale du fait imputé à la personne mise en examen et de façon précise les motifs pour lesquels il existe ou non contre elle des charges suffisantes.

Le Tribunal relève que Monsieur Régis Z... a été mis en examen le onze juillet 1995 du chef d'association de malfaiteurs et longuement interrogé sur les faits, à savoir une entente avec les autres mis en examen pour réaliser une opération d'intimidation, opération qui au vu des armes et du matériel saisi, de l'âge et des activités dérangeantes de Monsieur Jacques X... pour la CMESE constituait à l'évidence, le délit d'extorsion par violence, menaces de violences sur une personne particulièrement vulnérable.

Que dès lors l'ordonnance de renvoi, qui mentionnait adopter les motifs du réquisitoire de renvoi, lequel reprenait en détail l'instruction et exposait les charges existant contre Monsieur Régis Z..., qui comportait la date des faits et leur qualification juridique a dès lors conformément aux dispositions de l'article 184 du code de procédure pénale suffisamment précisé la prévention.

Le Tribunal rejettera en conséquence les conclusions déposées in limine litis.

 

SUR L'ACTION PUBLIQUE

Le premier septembre 1994, un renseignement confidentiel apprenait aux fonctionnaires de la BRB que deux individus dont le signalement était fourni ayant rendez-vous place Clichy à Paris 18° le même jour s'apprêtaient à se rendre dans le midi pour y commettre un vol à main armée.

Un dispositif étais mis en place qui aboutissait rapidement à l'interpellation gare de Lyon de Monsieur Hervé B... et Monsieur Stéphane C....

Monsieur Stéphane C..., trouvé lors de la palpation de sécurité en possession d'un couteau à cran d'arrêt de type Laguiolle était également porteur d'un sac qui contenait deux jeux neufs de fausses plaques d'immatriculation, une paire de gants et une paire de lunettes de soleil.

Monsieur Hervé B... était porteur de deux sacs qui contenaient outre une somme de dix neuf mille francs et des billets de train pour Béziers, un pistolet d'alarme calibre 9 mm dont le chargeur était vide, un fusil en trois éléments démontés dont la crosse et le canon avaient été sciés, un coup de poing américain, une perruque, une paire de lunettes de soleil, une paire de gants, un appareil photo, une grenade lacrymogène, une grenade fumigène, des cartouches de calibre 12, une matraque, un rouleau de ruban adhésif.

La perquisition effectuée chez celui-ci permettait la découverte d'autres armes et objets suspects : un revolver SMITH ET WESSON calibre 357 approvisionnés de six cartouches, cinquante cartouches de calibre 357, un fusil à pompe MOSSBERG de calibre 12, un fusil à pompe REMINGTON de calibre 12 approvisionné de sept cartouches, un grand nombre de cartouches 12 mm (avec balle en caoutchouc ou en plomb), trois étuis d'arme de poing, sept petits postes de radio portatifs (émetteur-récepteur), une copie en plastique d'une arme à répétition, deux perruques et une paire de menottes.

Après avoir fourni des explications fantaisistes, Monsieur Hervé B... finissait par indiquer qu'il avait été contacté courant juillet 1994, téléphoniquement à son domicile par son ancien employeur, Monsieur Bernard Y..., pour se rendre à Béziers, afin d'y effectuer une "action d'intimidation" à l'égard d'un certain Monsieur Jacques X... moyennant la remise d'une somme de quarante mille francs ; il avait accepté cette mission et proposé à Monsieur Stéphane C..., compte tenu de sa stature, de l'accompagner.

Monsieur Stéphane C... allait rapidement confirmer les déclarations de Monsieur Hervé B..., précisant l'avoir déjà accompagné à Béziers lors d'une mission de repérage dans le courant du mois d'août.

Au vu de ces déclarations, Monsieur Bernard Y..., gérant de la société EXPORT TRADING SERVICES, sise 12, rue des Épinettes à Paris 17°, société spécialisée dans la vente "d'équipements spéciaux notamment pour les Ministères de la Défense, de l'Intérieur et de la Justice", était interpellé.

Il reconnaissait avoir effectivement employé Monsieur Hervé B... de juillet août 1993 à mars 1994 dans une de ses sociétés mais niait en revanche lui avoir confié une mission d'intimidation envers le nommé Monsieur Jacques X... qu'il prétendait alors ne pas connaître.

Entendu, Monsieur Jacques X..., retraité, ancien directeur régional de la société Lyonnaise des Eaux à la tête d'un bureau d'études ayant pour vocation d'aider les municipalités et les collectivités locales à renégocier leurs contrats d'eau et d'assainissement avec des compagnies privées évoquait l'hypothèse que l'action menée par Monsieur Hervé B... et Monsieur Stéphane C... était la suite logique de difficultés rencontrées notamment avec la société CMESE, filiale de la CGE (COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX) à l'occasion de missions effectuées dans le département du Var.

Les policiers orientaient alors leur enquête en ce sens et établissaient que peu avant l'interpellation de Monsieur Hervé B... et Monsieur Stéphane C... des appels téléphoniques avaient été adressés du siège régional de la CMESE à la société dirigée par Monsieur Bernard Y..., c'est dans ces conditions que Monsieur Régis Z... directeur de la CMESE était également interpellé.

 

Monsieur Hervé B... expliquait, qu'ancien officier de renseignement, il avait quitté l'armée et était devenu directeur technique au sein d'une société d'import-export et de protection des biens tant publics que privés, la Société Technologie Équipement, dirigée par Monsieur Bernard Y..., jusqu'en mars 1994, date à laquelle il avait été licencié, que néanmoins celui-ci continuait à faire appel à lui pour des missions ponctuelles.

Il maintenait dans une premier temps devant le juge d'instruction, les déclarations faites au cours de l'enquête confirmant à plusieurs reprises qu'il était question de "faire passer un message à Monsieur Jacques X..." en lui faisant peur et que les armes découvertes par les policiers en leur possession avaient été emportées à cet effet.

Ultérieurement le mis en cause allait minimiser l'action dont il était chargé, en expliquant qu'il s'agissait simplement d'effectuer une surveillance sur les clients et fournisseurs de Monsieur Jacques X....

 

Monsieur Stéphane C..., au cours de l'enquête, confirmait les déclarations de Monsieur Hervé B... dès qu'elles étaient portées à sa connaissance à savoir qu'il était question d'intimider un certain Monsieur Jacques X..., mais qu'il en ignorait les raisons ainsi que le nom du commanditaire de cette opération.

Il maintenait au cours de l'instruction avoir en connaissance de cause accompagné Monsieur Hervé B... pour les repérages et avoir su que le sac transporté par celui-ci contenait des armes.

 

Monsieur Bernard Y... : mis en cause très précisément et dès le début de la procédure par Monsieur Hervé B..., contestait les faits au cours de l'enquête, maintenait ses dénégations devant le Juge d'Instruction, pour en définitive pratiquement à la fin de l'information admettre enfin avoir confié à Monsieur Hervé B... à la demande d'un certain Monsieur Louis A..., chargé de mission à  la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX, une mission de renseignements et de surveillance sur Monsieur Jacques X... affirmant toutefois que la mission s'était terminée à la fin du mois d'août, par l'envoi d'un rapport à Monsieur Louis A.... Il prétendait avoir lui même avancé la somme versée à Monsieur Hervé B... pour cette opération et n'avoir jamais eu le moindre contact avec Monsieur Régis Z... au sujet de cette affaire.

 

Monsieur Régis Z... admettait avoir fait la connaissance de Monsieur Jacques X... lors de la révision de contrats entre la société CMESE et la commune de Sainte Maxime et s'être à cette occasion rendu à son domicile afin de lui remettre des documents.

Il affirmait en revanche, dans un premier temps, ne pas connaître Monsieur Bernard Y... et ses sociétés, avant de donner une nouvelle version des faits, et expliquer avoir effectivement projeté de faire appel à Monsieur Bernard Y... dont les coordonnées lui avaient été fournies par Monsieur Louis A... chargé de mission à la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX pour faire effectuer une enquête sur Monsieur Jacques X.... Il prétendait cependant ne pas avoir contacté Monsieur Bernard Y... et ne l'avoir jamais rencontré, en dépit des déclarations contraires sur ce point faites par Monsieur Louis A... lors d'une audition.

 

A l'audience Monsieur Hervé B... ne se présentait pas, Monsieur Stéphane C... maintenait les déclarations faites à l'instruction, Monsieur Bernard Y... et Monsieur Régis Z... réaffirmaient que seule une enquête sur les activités et le train de vie de Monsieur Jacques X... avait été envisagée, et contestaient le chef de prévention.

Le conseil de Monsieur Régis Z... concluait à la relaxe de son client au motif que les éléments constitutifs du délit reproché à son client n'étaient pas réunis en l'espèce.

 

Le délit d'association de malfaiteurs suppose que soit démontrée d'une part la préparation caractérisée par des faits matériels d'un crime ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, et d'autre part l'existence d'une entente entre plusieurs individus pour préparer ou commettre cette infraction.

En ce qui concerne la préparation d'un crime ou d'un délit puni d'une peine de dix ans d'emprisonnement, le Tribunal relève que Monsieur Hervé B..., dans ses premières déclarations, renouvelées ensuite devant le Juge d'Instruction, évoquait une opération destinée à faire passer un message au dénommé Monsieur Jacques X... dont l'âge lui avait été communiqué, qui avait un contentieux politico-financier avec un de ses clients et que Monsieur Stéphane C... lui même confirmait qu'il avait été engagé pour impressionner et dire à Monsieur Jacques X... "de ne plus embêter une certaine personne".

Dès lors, compte tenu de ce qui précède, mais également au vu des armes, et du matériel (et notamment une matraque, un rouleau de ruban adhésif) en possession de Monsieur Hervé B... et Monsieur Stéphane C..., du choix de Monsieur Stéphane C... pour sa stature ; il apparaît établi, qu'il ne s'agissait pas d'effectuer une enquête, comme Monsieur Hervé B... devait le prétendre en fin d'information mais bien d'intimider Monsieur Jacques X... qu'il savait âgé de 64 ans afin qu'il mette un terme à ses activités considérées comme gênantes.

De tels agissements constituent à l'évidence le délit d'extorsion défini dans l'article 312, comme étant le fait d'obtenir par violence, menaces de violence, une renonciation et puni de dix ans d'emprisonnement lorsqu'il est commis au préjudice d'une personne dont la vulnérabilité en raison de son âge est connue de son auteur, leur préparation est caractérisée par la présence de Monsieur Hervé B... et de Monsieur Stéphane C... Gare de Lyon munis de billets de train pour Béziers, lieu de résidence de Monsieur Jacques X... et en possession des armes et du matériel déjà décrit.

En ce qui concerne l'existence d'une entente entre les prévenus pour préparer ou commettre l'infraction, le Tribunal constate que la participation de Monsieur Stéphane C... et de Monsieur Hervé B... en connaissance de cause à l'opération projetée résulte des circonstances mêmes de leur interpellation et de leurs premières déclarations.

S'agissant de Monsieur Régis Z... et de Bernard CARYON qui contestent formellement les faits qui leur sont reprochés, le Tribunal relève :
- le caractère mensonger des premières déclarations, des deux prévenus puisque l'un et l'autre avaient longtemps déclaré tout ignorer de la mission projetée à Béziers pour admettre en définitive qu'il avait été question d'une enquête sur Monsieur Jacques X... ;
- le caractère invraisemblable de leurs dernières versions puisqu'il faudrait en déduire : que Monsieur Hervé B... et Monsieur Stéphane C... le jour de l'interpellation agissaient pour leur propre compte et en dehors de la mission d'enquête pour laquelle ils avaient été payé et qui était terminée, et que Monsieur Bernard Y... lui-même leur avait confié cette mission en la payant de ses deniers personnels en dehors de toute instruction émanant de la personne concernée au premier chef à savoir Monsieur Régis Z... ;
- la mise en cause réitérée de Monsieur Bernard Y... par Monsieur Hervé B... qui affirmait dès son arrestation et ultérieurement au cours de l'instruction que la mission d'intimidation lui avait été confiée par son ex employeur ;
- la mise en cause de Monsieur Régis Z... par Monsieur Louis A... chargé de mission à la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX qui déclarait lui avoir fourni les coordonnées de Monsieur Bernard Y... pour faire effectuer une enquête sur Monsieur Jacques X... et avoir indiqué à Monsieur Bernard Y... que la décision viendrait de Monsieur Régis Z..., lui-même n'ayant pas le pouvoir de la prendre.

Compte tenu de ces éléments le Tribunal considérera comme établie l'entente entre les quatre prévenus en vue de l'intimidation de Monsieur Jacques X..., opération dont il a été démontré qu'elle constituait bien un délit puni d'une peine de dix ans d'emprisonnement et dont la préparation est caractérisée par les circonstance de l'interpellation de Monsieur Hervé B... et Monsieur Stéphane C....

Les infractions à la législation sur les armes sont parfaitement constituées à l'égard de Monsieur Stéphane C... et Monsieur Hervé B....

Les mis en cause seront déclarés coupables des faits visés à la prévention et condamnés à une peine d'emprisonnement qui sera assortie intégralement d'un sursis.

 

SUR L'ACTION CIVILE

Monsieur Jacques X... se constitue partie civile et demande au Tribunal de condamner les prévenus à lui payer la somme de cinquante mille francs à titre de dommages intérêts et la somme de cinq mille francs en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Toutefois le plaignant n'évoque aucun préjudice résultant directement des faits reprochés aux prévenus et sa demande devra en conséquence être déclarée irrecevable.

 

 

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l'encontre de Monsieur Stéphane C..., Monsieur Bernard Y..., Monsieur Régis Z..., prévenus, à l'égard de Monsieur Jacques X..., partie civile, par jugement défaut en application de l'article 412 du code de procédure pénale à l'encontre de Monsieur Hervé B..., prévenu.

SUR L'ACTION PUBLIQUE :

DÉCLARE Monsieur Hervé B... COUPABLE des faits qui lui sont reprochés.

CONDAMNE Monsieur Hervé B... à 2 ANS d'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du code pénal.

DIT qu'il sera sursis pour une durée de 18 mois à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles.

 

DÉCLARE Monsieur Stéphane C... COUPABLE des faits qui lui sont reprochés.

CONDAMNE Monsieur Stéphane C... à 24 mois d'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du code pénal.

DIT qu'il sera sursis pour une durée de 20 mois à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles.

En l'absence de Monsieur Stéphane C... lors du prononcé de la décision, le Tribunal n'a pu lui notifier l'avertissement prévu par l'article 132-40 alinéa 2 du code pénal.

 

DÉCLARE Monsieur Bernard Y... COUPABLE des faits qui lui sont reprochés.

CONDAMNE Monsieur Bernard Y... à 24 mois d'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du code pénal.

DIT qu'il sera sursis pour une durée de 20 mois à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l'avertissement, prévu à l'article 132-29 du code pénal, au condamné que s'il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du code pénal.

Vus les articles susvisés.

CONDAMNE Monsieur Bernard Y... à une amende de TRENTE MILLE FRANCS.

DIT QU'IL NE SERA PAS FAIT MENTION DE LA PRÉSENTE CONDAMNATION AU BULLETIN NUMÉRO DEUX DU CASIER JUDICIAIRE DE Monsieur Bernard Y....

 

DÉCLARE Monsieur Régis Z... COUPABLE des faits qui lui sont reprochés.

CONDAMNE Monsieur Régis Z... à 2 ANS d'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du code pénal.

DIT qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine dans les conditions prévues par ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l'avertissement, prévu à l'article 132-29 du code pénal, au condamné que s'il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du code pénal.

Vus les articles susvisés.

CONDAMNE Monsieur Régis Z... à une amende de SOIXANTE MILLE FRANCS.

 

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de SIX CENTS FRANCS (600 francs) dont est redevable Monsieur Hervé B..., de SIX CENT FRANCS (600 francs) dont est redevable Monsieur Stéphane C..., de SIX CENT FRANCS (600 francs) dont est redevable Monsieur Bernard Y..., de SIX CENT FRANCS (600 francs) dont est redevable Monsieur Régis Z....

 

DÉCLARE IRRECEVABLE LA DEMANDE DE LA PARTIE CIVILE.

 

 

A l'audience du 02 octobre 1997, 10ème chambre, le Tribunal était composé de :
Président : Madame FORKEL, Président
Assesseurs : Madame FALCOZ-MOREAU, Juge ; Madame CAZENAVE-LACROUTZ, Juge
Ministère Public : Monsieur BIGNON, Premier Substitut
Greffier : Madame VENARD-COMBES, Greffier

A l'audience du 06 novembre 1997, 10ème chambre, le Tribunal était composé de :
Président : Madame FORKEL, Président
Assesseurs : Madame CAPITAINE, Juge ; Madame CAZENAVE-LACROUTZ, Juge
Ministère Public : Monsieur GILLET, Substitut
Greffier : Madame VILETTE, Greffier

(...)