Tribunal Administratif de Grenoble du 29 avril 1998 n° 942445, 953373, 963175, 964272, 972764 et 972999 ASSOCIATION AGIR SAINT-GERVAIS

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APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :

Considérant que les requêtes susvisées n° 942445, n° 953373, n° 963175, n° 964272, n° 972764 et n° 972999 de M..., M... et M... et de L'ASSOCIATION AGIR SAINT-GERVAIS présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul jugement,

 

Sur la légalité des délibérations fixant la tarification pour les utilisateurs d'eau ayant des besoins industriels ou agricoles à un usage non domestique, partiel ou total :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de ces délibérations :

Considérant que, par une délibérations n° 10 en date du 76 juin 1996 le conseil municipal de SAINT-GERVAIS a institué un tarif particulier pour les utilisateurs d'eau ayant des besoins industriels ou agricoles à un usage non domestique, partiel ou total pour la période de consommation du 1er juillet 1996 au 30 juin 1997 ; que cette tarification a été reconduite pour la période du 1er juillet 1997 au 30 juin 1998 par la délibération n° 18 en date du 25 juin 1997 du conseil municipal de SAINT-GERVAIS ; que lesdites délibérations ne prévoient pas l'assujettissement de ces consommateurs à la redevance d'assainissement dont ils ne sauraient nullement être dispensés, sauf dans l'hypothèse où ils n'utiliseraient pas ce service ; que, par suite, les délibérations attaquées sont entachées d'erreur de droit et doivent être annulées ;

 

Sur la légalité des délibérations relatives à l'affectation du résultat d'exploitation du service de l'eau et de l'assainissement pour les exercices 1994 et 1995 et de la délibération portant approbation du compte administratif du budget du service de l'eau et de l'assainissement pour l'exercice 1995 :

Considérant que M..., M... et M... demandent l'annulation des délibérations n°3 et n°1 respectivement en date du 30 juin 1995 et du 26 juin 1996 du conseil municipal de SAINT-GERVAIS, relatives à l'affectation du résultat d'exploitation du service de l'eau et de l'assainissement pour les exercices 1994 et 1995 ainsi que de la délibération n°3 en date du 26 juin 1996 portant approbation du compte administratif du budget du service de l'eau et de l'assainissement pour l'exercice 1995, par voie de conséquence de l'annulation des délibérations fixant la tarification de l'eau et de l'assainissement pour les exercices considérés; que, toutefois, les illégalités dont sont entachées les délibérations fixant la tarification de l'eau et de l'assainissement pour les exercices 1994 et 1995 sont sans effet sur la légalité des délibérations attaquées ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la non-concordance, dans la délibération n° 3 du 30 juin 1995, entre le résultat d'exploitation de l'exercice 1994 et l'affectation chiffrée de ce résultat constitue une simple erreur matérielle, sans incidence sur la légalité de cette délibération ;

Considérant que la présentation des projets de délibérations à la commission consultative des usagers des services publics locaux prévue en application de l'article L.322-2 du code des communes ne constitue pas une condition préalable à l'adoption des délibérations relatives à la gestion de ces services ; que, par suite, l'association A.G.I.R. SAINT-GERVAIS ne saurait utilement soutenir que la délibération n° l en date du 26 juin 1996 serait intervenue sur une procédure irrégulière ; que la circonstance, à la supposer établie, que les membres du conseil municipal n'aient pas été informés des réserves émises par l'association A.G.I.R. SAINT-GERVAIS lors de la réunion de la commission consultative le 25 juin 1996, est sans incidence sur la légalité de la délibération du 26 juin 1996 ;

Considérant que les dispositions de l'article L.332-5 du code des communes, qui prévoient que les budgets des services publics industriels et commerciaux doivent être équilibrés en recettes et en dépenses, n'ont pas pour objet ou pour effet d'interdire une exploitation excédentaire desdits services ; que la circonstance que l'utilisation faite de l'excédent ne serait pas conforme aux intérêts des abonnés, relative à l'opportunité des choix opérés à cet égard par le conseil municipal de SAINT-GERVAIS est sans incidence sur la légalité des délibérations en date du 30 juin 1995 et du 26 juin 1996 ;

 

Sur les conclusions présentées par M..., M... et M... et par l'association A.G.I.R. SAINT GERVAIS au titre des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt. Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public doit à nouveau prendre une décision après une nouvelle instruction, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel saisi de conclusions en ce sens, prescrit par le même jugement ou le même arrêt que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé"; qu'aux termes de l'article L. 8-3 du même code : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L. 8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L. 8-4 et dont il fixe la date d'effet.";

Considérant que M..., M... et M... et par l'association A.G.I.R. SAINT-GERVAIS demandent au Tribunal, en application des dispositions des articles L. 8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel susrappelées, d'enjoindre à la commune de SAINT-GERVAIS de déterminer la partie fixe de la tarification de l'eau et de l'assainissement en fonction du diamètre des branchements et d'appliquer un tarif unique pour la consommation d'eau, de porter sur chaque facture d'abonné mention du nombre de branchements et de leur diamètre ainsi que le diamètre des compteurs, d'installer des compteurs sur tous les branchements desservant des locaux et installations publics et de facturer leur consommation d'eau, de supprimer les avantages consentis à la S.T.B.M.A., d'installer des moyens efficaces de détection des fuites du réseau, d'établir le budget de l'eau et de l'assainissement pour la période du 1er juillet 1995 au 30 juin 1996, de reverser aux abonnés toutes les sommes illégalement perçues depuis le 2 janvier 1994, de prendre, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 2.000 francs par jour de retard, une nouvelle délibération relative à la tarification de l'eau, de saisir la chambre régionale des comptes pour qu'il soit procédé à un examen approfondi des comptes de l'eau et de l'assainissement de la commune de SAINT-GERVAIS pour les années 1994, 1995 et 1996 et de désigner un expert judiciaire, aux frais de la commune, avec mission d'évaluer les charges du service des eaux susceptibles d'être incorporées au prix de l'eau et de déterminer les règles applicables à la facturation de l'eau pour les années précitées ;

 

Sur la légalité des délibérations du conseil municipal de SAlNT-GERVAIS relatives à la tarification de l'eau et de l'assainissement :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 II de la loi du 3 janvier 1992 : "Dans le délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi, toute facture d'eau comprendra un montant calculé en fonction du volume réellement consommé par l'abonné à un service de distribution d'eau et pourra, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume, compte tenu des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement.",

Considérant en premier lieu que, par les délibérations n° 19 et 19 bis en date des 29 juin 1994, n° 5 en date du 30 juin 1995, n° 9 en date du 26 juin 1996 et n° 19 en date du 25 juin 1997 fixant la tarification de l'eau et de l'assainissement respectivement pour les périodes du 1er juillet 1993 au 30 juin 1995, du 1er juillet 1995 au 30 juin 1996, du 1er juillet 1996 au 30 juin 1996 et du 1er juillet 1997 au 30 juin 1998, le conseil municipal de SAINT-GERVAIS a imposé le paiement de la partie correspondant aux charge fixes du service de distribution à des unités d'habitation ne faisant pas l'objet d'un abonnement et d'un branchement particulier ; qu'ainsi, en instituant une tarification comportant une partie fixe calculée sur le nombre d'appartements desservis par un branchement unique le conseil municipal de SAINT-GERVAIS a retenu un autre critère que ceux prévus par l'article 13-lI précité de la loi du 3 janvier 1992 et, par suite, commis une erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, que la fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service commande cette mesure ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'institution, par les délibérations attaquées, des trois tarifs différents du mètre cube d'eau tels que fixés par les délibérations précitées en fonction du volume de consommation soit en l'espèce justifiée par l'existence entre les usagers de différences de situation appréciables ou par des nécessités d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ; que, dès lors, le conseil municipal de SAlNT-GERVAIS a méconnu le principe d'égalité des usagers du service public municipal de distribution de l'eau et de l'assainissement en instituant ces différents tarifs ;

Considérant, en troisième lieu, que la consommation d'eau des services publics et des équipements collectifs de la commune n'a pas fait l'objet d'une facturation pour les années 1993, 1994 et 1995 ; qu'en l'absence de toute disposition législative ou réglementaire dispensant les services publics d'acquitter leur consommation d'eau, le conseil municipal de SAINT-GERVAIS a commis une erreur de droit en exonérant les services communaux du paiement de leur consommation d'eau ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation des délibérations précitées ;

 

Sur l'intervention de l'association A.G.I.R SAINT-GERVAIS dans l'instance n°942445 :

Considérant que l'association A.G.I.R. SAINT-GERVAIS a, aux termes de ses statuts, notamment pour objet "de rassembler sur l'initiative de ses membres, analyser et porter à leur connaissance les informations ...concernant notamment les budgets de la commune et de l'eau" qu'elle a, par suite, intérêt à intervenir au soutien des conclusions de M..., M... et  M... présentées dans l'instance n°942445 à l'encontre des délibérations du conseil municipal de SAlNT-GERVAIS en date du 29 juin 1994 relatives à la tarification de l'eau et de l'assainissement pour les périodes du 1er juillet 1993 au 30 juin 1994 et du 1er juillet 1994 au 30 juin 1995 ;

 

Sur la compétence de la juridiction saisie :

Considérant que les conclusions présentées par M..., M... et  M... et par l'association A.G.I.R. SAINT-GERVAIS sont dirigées contre les délibérations du conseil municipal de SAINT-GERVAIS relatives au service de l'eau et de l'assainissement, lesquelles présentent le caractère d'actes réglementaires relatifs à l'organisation d'un service public industriel dont il appartient à la juridiction administrative de connaître ;

 

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de SAINT-GERVAIS à l'encontre de M..., M... et  M... dans l'instance 942445 :

Considérant que M..., M... et  M..., en leur qualité d'habitants et de contribuables de la commune de SAINT-GERVAIS, ont intérêt à demander l'annulation des délibérations attaquées dans la requête n° 942445 susvisée ; que, par suite, la commune de SAINT-GERVAIS n'est pas fondée à soutenir que les requérants ne présenteraient pas d'intérêt pour agir ;

 

Sur la recevabilité des conclusions de L'ASSOCIATION AGIR SAINT-GERVAIS dirigées contre la délibération n°11 du 26 juin 1996 (requête 963175) :

Considérant que, dans la requête n°963175, l'association A.G.I.R. SAINT-GERVAIS demande notamment l'annulation de la délibération n°11 en date du 26 juin 1996 relative au rapport annuel sur le prix et la qualité de l'eau potable et de l'assainissement pour l'exercice 1995 ; que ladite délibération, qui ne présente pas un caractère décisoire, n'est pas susceptible de recours ; que, dés lors, L'ASSOCIATION AGIR SAINT-GERVAIS n'est pas recevable à en demander l'annulation ;

Considérant que le présent jugement implique nécessairement que, dans le délai de six mois à compter de sa notification, le conseil municipal de SAINT-GERVAIS prenne une nouvelle décision pour fixer la tarification de l'eau et de l'assainissement dans la commune,

Considérant, toutefois, qu'il n'appartient pas à la Juridiction administrative de faire oeuvre d'administrateur ni d'adresser des injonctions à l'administration en dehors des hypothèses prévues à l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, par suite, le surplus des conclusions présentées par les requérants au titre de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, qui tendent au prononcé d'injonctions, doivent être rejetées ;
 
 

Sur les conclusions présentées par M..., M... et  M... et par L'ASSOCIATION AGIR SAINT-GERVAIS au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation",

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la COMMUNE DE SAINT-GERVAIS à verser la somme de 200 francs à M..., M... et  M... et la somme de 500 francs à L'ASSOCIATION AGIR SAINT-GERVAIS au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

 

Sur les conclusions présentées par la commune de SAINT-GERVAIS au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de SAINT-GERVAIS doivent, dés lors, être rejetées ;

 

 

DÉCIDE :

 

Article 1 : L'intervention de l'association A.G.I.R. SAINT-GERVAIS dans l'instance n° 942445 est admise,

Article 2 : Les délibérations du conseil municipal de SAlNT-GERVAIS n° 19 et n° 19 bis en date du 29 juin 1994, n° 5 du 30 juin 1995, n° 9 du 26 juin 1996 et n° 19 du 25 juin 1997 fixant la tarification applicable à la consommation d'eau et a l'usage du service d'assainissement pour les périodes des 1er juillet 1993 au 30 juin 1994, 1er juillet 1994 au 30 juin 1995, 1er juillet 1995 au 30 juin 1996 du 1er juillet 1996 au 30 juin 1997 et du 1er juillet 1997 au 30 juin 1998 et les délibérations n° 10 et n°18 en date des 26 juin 1996 et 25 juin 1997 fixant la tarification pour les utilisateurs d'eau ayant des besoins industriels ou agricoles un usage non domestique, partiel ou total sont annulées,

Article 3 : Le conseil municipal de SAINT-GERVAIS prendra, dans le délai de six mois, une nouvelle délibération fixant le tarif de l'eau et de l'assainissement,

Article 4 : La commune de SAINT-GERVAIS versera la somme de 200 francs à M..., M... et  M... et la somme de 500 francs à l'association A.G.I.R. SAINT-GERVAIS au titre de l'article de L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel,

Article 5 : Le surplus des conclusions de M..., M... et  M... et de l'association AGIR SAINT-GERVAIS est rejeté,

Article 6 : Les conclusions de la commune de SAINT-GERVAIS présentées au titre de L'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées,

Article 7 : Le présent jugement sera notifié :
- à M...
- à M...
- à M...
- à l'association A.G.I.R. SAINT-GERVAIS
- et à la commune de SAINT-GERVAIS
conformément aux dispositions du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie

Délibéré dans la séance du 4 mars 1998 où étaient présents :

Monsieur VALETTE, Président,
Madame ENCONTRE, Conseiller-Rapporteur,
Monsieur JAYET, Conseiller,

Lu en séance publique le 29 avril 1998

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