CONSEIL D'ÉTAT 
statuant au contentieux 

N° 170999 
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COMMUNE DE BANDOL 
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Monsieur Collin 
Rapporteur 
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Monsieur Goulard 
Commissaire du Gouvernement 
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Séance du 17 mars 1999 
Lecture du 9 avril 1999

RÉPUBLIQUE FRANçAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANçAIS

 

Le Conseil d'État statuant au Contentieux, 

(Section du contentieux, 

9ème et 8ème sous-sections réunies)

 

Sur le rapport de la 9ème sous-section, 

de la Section du Contentieux

 

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet et 13 novembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentés par la COMMUNE DE BANDOL ; la COMMUNE DE BANDOL demande que le Conseil d'État :

1°) annule le jugement du 6 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a, à la demande de Monsieur Jean-Pierre X... et Monsieur Jean-Charles Y..., annulé la délibération du 17 décembre 1990 du conseil municipal de la commune portant inscription en recette à son budget général de l'excédent du budget annexe du service de distribution d'eau ;

2°) rejette la demande de Monsieur Jean-Pierre X... et Monsieur Jean-Charles Y... ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;

Après avoir entendu en audience publique :

 

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des demandes présentées en première instance par Monsieur Jean-Pierre X... et Monsieur Jean-Charles Y... :

Considérant que la COMMUNE DE BANDOL a confié, par un contrat d'affermage en date du 12 décembre 1973, la gestion de son service des eaux à la Société des Eaux de Marseille ; qu'aux termes de ce contrat, les dépenses d'investissement liées à l'entretien du réseau de distribution d'eau et au raccordement des nouveaux usagers demeurent à la charge de la commune ainsi que les dépenses d'achat d'eau auprès des différents fournisseurs ; que le fermier reverse en contrepartie à la commune une fraction des redevances perçues sur les usagers ; que ces dépenses et recettes communales sont retracées dans un budget annexe ; que, par une délibération en date du 17 décembre 1990, le conseil municipal de Bandol a décidé d'affecter au budget général de la commune pour l'année 1990 l'excédent de 2,4 M.F. apparu au compte administratif du budget annexe de l'eau de la commune pour l'année 1989 ; que le tribunal administratif de Nice ayant annulé cette délibération au motif que l'excédent ainsi affecté était le résultat de recettes illégalement perçues au titre des exercices antérieurs, la commune fait appel de ce jugement ;

Considérant que la délibération par laquelle une commune décide d'affecter l'excédent dégagé dans le compte administratif d'un budget annexe au titre d'une année déterminée ne constitue pas une mesure d'application des délibérations adoptant le budget annexe du même service pour les années antérieures ; que, par suite, la commune requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'illégalité des délibérations ayant, pour des exercices antérieurs, adopté en recettes et en dépenses les budgets annexes de la commune pour en déduire l'illégalité de la délibération décidant l'affectation de l'excédent en litige dans la présente espèce ;

Considérant toutefois, qu'il appartient au Conseil d'État, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Monsieur Jean-Pierre X... et Monsieur Jean-Charles Y... devant le tribunal administratif de Nice ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L 322-5 du code des communes alors en vigueur : <<Les budgets des services publics à caractère industriel ou commercial, exploités en régie, affermés ou concédés doivent être équilibrés en recettes et en dépenses. Il est interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre de ces services publics. Toutefois, le conseil municipal peut décider une telle prise en charge lorsque celle-ci est justifiée par l'une des raisons suivantes :

que, contrairement à ce que soutiennent Monsieur Jean-Pierre X... et Monsieur Jean-Charles Y..., les dispositions précitées, relatives à la prise en charge par le budget propre d'une commune de dépenses d'un service public à caractère industriel et commercial, ne peuvent être interprétées comme interdisant à une commune d'affecter à son budget général l'excédent dégagé par le budget annexe d'un tel service public ;

Considérant, en second lieu, que selon l'article R 323-111 du code des communes, applicable aux budgets annexes des régies dotées de la seule autonomie financière (dont les termes sont d'ailleurs repris par l'article R 323-57-1 du même code, pour les budgets des régies dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière) : <<L'excédent comptable est affecté :

que ces dispositions sont applicables aux budgets annexes retraçant les opérations qu'il incombe à une commune ayant affermé un service industriel et commercial d'effectuer en propre et directement au titre de ses obligations prévues par le contrat d'affermage ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'espèce l'excédent du budget annexe de l'eau aurait été nécessaire pour apurer le solde débiteur du compte Report à nouveau du budget annexe ou pour financer des dépenses d'investissement pour un montant équivalant aux plus-values de cessions d'éléments d'actif, de telle sorte que son affectation au budget général, décidée par la délibération attaquée, l'aurait été en méconnaissance de l'ordre de priorité prévu par les 1° et 2° de l'article R 323-111 ;

Considérant que si la règle d'équilibre des budgets annexes des services publics industriels et commerciaux posé par l'article L 322-5 du code des communes ne fait pas obstacle, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à l'affectation au budget général de l'excédent dégagé par un tel budget annexe et si le 3° de l'article R 323-111 du code des communes ne prévoit pas d'ordre de priorité entre les trois d'affectations de l'excédent du budget annexe qu'il autorise, un conseil municipal ne saurait, sans entacher sa délibération d'une erreur manifeste d'appréciation, décider le reversement au budget général des excédents du budget annexe d'un service public industriel ou commercial qui seraient nécessaires au financement de dépenses d'exploitation ou d'investissement qui devraient être réalisées à court terme ;

Considérant qu'il ne ressort pas en l'espèce des pièces du dossier, nonobstant la circonstance que la commune aurait demandé, quatre ans après la date de la délibération attaquée du 17 décembre 1990, lors de la renégociation du contrat d'affermage, le versement par le fermier d'une contribution de 5 M.F. au titre du financement des investissements d'extension et d'amélioration du réseau à réaliser au cours des années 1994 à 2009, que l'excédent du budget annexe de l'eau constaté au compte administratif pour 1989 aurait été nécessaire à des dépenses d'exploitation ou d'investissement devant être réalisées à court terme ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE BANDOL est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaquée, le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération du 17 décembre 1990 du conseil municipal de la commune portant inscription à son budget des sommes représentant le montant de l'excédent du budget annexe de l'eau pour 1989 et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué ;

 

 

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement attaqué du 6 décembre 1994 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La demande de Monsieur Jean-Pierre X... et Monsieur Jean-Charles Y... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BANDOL, à Monsieur Jean-Pierre X... et Monsieur Jean-Charles Y... et au ministre de l'intérieur.