DU 1er JUIN 2001

RÉPERTOIRE N° 1339/2000
Code n° 564

TRIBUNAL D'INSTANCE DE NANCY

 

JUGEMENT DU PREMIER JUIN DE L'AN DEUX MILLE UN

 

 

EN DEMANDE :

Monsieur X...
Demeurant à Richardménil
Représenté par Maîtres BUISSON, BEHR et Partenaires,
Avocats au Barreau de Nancy
 

EN DÉFENSE :

SCA Compagnie des Eaux et de l'Ozone
Prise en la personne de son représentant légal
Dont le siège est à Paris (75 008) - 52 rue d'Anjou
Représentée par Maître P. HOFMANN, Avocat au Barreau de Metz

 

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Juge : Xavier DOUXAMI
Greffier : Michelle GUILLAUME

Débats en audience publique le 20 avril 2001

Le Président a mis l'affaire en délibéré et a indiqué aux parties la date à laquelle le jugement serait rendu.

Jugement contradictoire prononcé publiquement en dernier ressort

 

 

Par acte d'huissier du 30 juin 2000, Monsieur X... a fait assigner la société COMPAGNIE DE EAUX ET DE L'OZONE pour obtenir, avec exécution provisoire, paiement des sommes suivantes :
- 6 852,30 francs au titre de la consommation d'eau minérale, sur une base quotidienne de trois litres par adulte et d'un litre et demi par enfant de moins de 12 ans, pendant 502 jours, à 1,30 franc du litre ;
- 2 689,65 francs correspondant à la moitié de ses factures d'eu en réparation de son trouble de jouissance ;
- 700 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur X... expose que la COMPAGNIE DE EAUX ET DE L'OZONE est chargée de la distribution de l'eau pour la commune de Richardménil et qu'elle a, du 1er janvier 1998 au 17 mai 1999, soit pendant 502 jours, distribué une eau impropre à la consommation en raison d'une teneur excessive en manganèse.

La société COMPAGNIE DE EAUX ET DE L'OZONE comparait et ne conteste ni sa responsabilité, ni la durée de la pollution, à savoir 502 jours.

La société fait valoir que :
- Monsieur X... ne justifie pas de l'acquisition d'eau minérale ou de source, qu'elle a fait constater par huissier de justice que l'eau de source la moins chère était vendue 44 centimes le litre et que l'indemnisation de ce chef de préjudice doit donc être calculée sur la base de 44 centimes le litre,
- la réparation du trouble de jouissance ne peut se faire que sur la part de facturation concernant la distribution d'eau lui revenant, à l'exception de la part assainissement, des taxes et autres prélèvements.

La société demande donc au tribunal de :
- dire que l'évaluation du préjudice né de l'acquisition d'eau minérale ou de source doit être calculée sur la base de 44 centimes le litre,
- limiter l'indemnisation de Monsieur X... aux seuls 502 jours de pollution,
- dire que l'évaluation du trouble de jouissance doit être calculée au maximum à hauteur de la moitié de la part fermier sur la distribution d'eau et doit être basée sur la moyenne journalière de consommation de la période,
avant-dire-droit,
- enjoindre à Monsieur X... de préciser sa situation de famille et le nombre de personnes vivant à son domicile,
- ordonner une expertise sur pièces aux fins de calculer les indemnités revenant à Monsieur X... en fonction des critères retenus par le tribunal.
 

Pour une bonne administration de la justice, le tribunal a ordonné la disjonction de la procédure initialement engagée par 254 demandeurs. Nonobstant la disjonction, la présente décision est rendue en dernier ressort par application de l'article 36 du nouveau code de procédure civile.

 

SUR QUOI LE TRIBUNAL

Le doit à l'indemnisation

La société ne conteste pas devoir réparer le préjudice né de la mauvaise qualité de l'eau distribuée.

Ainsi, et sur le fondement de l'article 1147 du code civil, la société doit réparer le préjudice subi par Monsieur X...

 

La consommation d'eau minérale ou de source

Monsieur X... ne produit aucune facture d'achat d'eau minérale ou de source. L'indemnisation de ce chef de préjudice ne peut donc se faire que sur la base du prix de l'eau la moins chère vendue dans le commerce. Aux termes d'un procès-verbal de constat dressé par Maître Gérard PIERRE, huissier de justice, l'eau de source la moins chère est vendue 66 centimes le litre, et non 44 centimes comme le soutient la société (eau Saint-Yorre magasin Ecomarché de Richardménil, eau Cristalline Quellwasser magasin Cora de Houdemont).

Les parties s'accordent pour
- estimer la consommation quotidienne d'eau à trois litres par adulte et un litre et demi par enfant de moins de 12 ans,
- dire que la pollution a duré 502 jours.

Monsieur X... produit une fiche familiale d'état civil de laquelle il ressort que le foyer se compose de 2 adultes et 3 enfants nés avant le 1er janvier 1998 et âgés de moins de 12 ans.

Dès lors, son préjudice né de l'achat d'eau en bouteille s'établit comme suit :
- consommation quotidienne d'eau du foyer : 10,5 litres
- consommation d'eau pendant 502 jours : 5271 litres
- préjudice: 3 478,86 francs

 

Le trouble de jouissance

En raison de la mauvaise qualité de l'eau consommée, Monsieur X... a subi un trouble de jouissance qui doit être indemnisé à hauteur de moitié du coût global de la consommation d'eau.

Ainsi, il n'y a pas lieu de distinguer ce qui ressort de la distribution de l'eau, de la collecte et du traitement des eaux usées et des divers prélèvements et taxes car ces postes de facturation ne constituent que des éléments du prix de l'eau.

Enfin, le consommateur est étranger aux relations liant la compagnie aux diverses personnes (commune, FNDAE, agence de l'eau, trésor public) auxquelles elle reverse partie du prix. Dès lors, il appartiendra à la compagnie de recourir contre les bénéficiaires des reversements si elle estime que partie d'entre eux sont indus.

Les factures produites couvrent la période allant du 4 décembre 1997 au 27 mai 1999, soit 540 jours, sachant que la période de pollution va du 1er janvier 1998 au 17 mai 1999, soit 502 jours.

Dès lors, l'évaluation du trouble de jouissance s'établit comme suit :
- somme des trois factures (1 194,98 + 1 222,00 + 1 164,52) : 3 581,50 francs
- prix par jour (3 581,50 / 540) : 6,63 francs
- prix pour 502 jours : 3 328,26 francs
- préjudice (3 328,26 / 2) : 1 664,13 francs

En conséquence et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise, la COMPAGNIE DE EAUX ET DE L'OZONE doit être condamnée à payer à Monsieur X... la somme de 5 142,99 francs (3 478,86 + 1 664,13) en réparation de son préjudice.

 

L'exécution provisoire

Aucun élément de l'espèce ne vient justifier l'exécution provisoire.

 

L'article 700 du nouveau code de procédure civile

Il n'est pas inéquitable d'allouer à Monsieur X... la somme de 500 francs au titre des frais engagés pour le procès et non compris dans les dépens.

 

 

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

CONDAMNE la société LA COMPAGNIE DE EAUX ET DE L'OZONE à payer à Monsieur X... la somme de 5 142,99 francs en réparation de son préjudice ;

CONDAMNE la société LA COMPAGNIE DE EAUX ET DE L'OZONE à payer à Monsieur X... la somme de 500 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

REJETTE les demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la société LA COMPAGNIE DE EAUX ET DE L'OZONE aux dépens.

 

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ EN AUDIENCE PUBLIQUE LES JOUR, MOIS ET AN QUE-DESSUS.