Tribunal d'Instance de Nancy du 12/04/2000 n° 1205/1999 COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE

 

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SUR CE

Attendu que l'article 63 du contrat d'affermage du service de distribution d'eau potable, conclu le 15 mai 1997 entre la commune de Richardmenil et la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE prévoit que le fermier doit vérifier la qualité de l'eau distribuée et se trouve toujours responsable des dommages qui pourraient être causés par sa mauvaise qualité ;

Attendu qu'en concluant ce contrat, la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE s'est engagée à fournir aux abonnés du service de distribution une eau d'une qualité conforme à l'usage auquel elle est destinée et à la réglementation en vigueur ;

Attendu que la distribution de l'eau destinée à la consommation humaine est réglementée par le décret n° 89-3 du 3 janvier 1989, pris en application du titre premier du code de la santé publique ;

Que l'article 2 dudit décret dispose qu'au lieu de leur mise à disposition, les eaux destinées à la consommation humaine doivent satisfaire aux exigences de qualité définies en annexe qui fixe à 50ug par litre la teneur maximale en manganèse ;

Attendu qu'il résulte des résultats d'analyse produits aux débats, que l'eau prélevée le 14 mai 1999 présentait, en deux points distincts de distribution, une teneur en manganèse supérieure aux normes chimiques de potabilité (90 et 135 ug par litre) ;

Qu'il résulte de plusieurs correspondances adressées au Maire de Richardmenil depuis l'année 1995, que l'eau distribuée sur le territoire de la commune présente "une turbidité importante et est de plus en plus chargée en manganèse" (lettre de l'agence de l'eau Rhin Meuse en date du 22 juillet 1996), qu'elle "comporte des éléments en suspension" (lettre d'une station service abonnée au service, en date du 29 novembre 1995) ;

Que les nombreuses réclamations d'usagers, alertés par la coloration de l'eau distribuée, ont conduit le Maire de la ville à s'adresser, le 26 novembre 1998, à la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE pour l'inviter à y remédier ;

Que la société, tout en rappelant qu'elle avait attiré depuis longtemps l'attention de la Commune sur le problème, a reconnu elle-même, dans sa réponse en date du 26 novembre 1998, que "des particules noirâtres colorées par des oxydes de manganèse polluent périodiquement l'eau distribuée" et a émis l'hypothèse selon laquelle ces éléments proviendraient de "l'ancien forage, où les analyses ont de longue date mis en évidence des apports de manganèse" ;

Qu'ainsi il est établi que l'eau distribuée aux usagers du service a été polluée périodiquement par des particules indésirables et par le manganèse, depuis une date antérieure au premier janvier 1998 ;

Que la société fermière n'a pas obtenu une dérogation administrative lui permettant de s'affranchir temporairement du respect des normes de concentration de manganèse, une telle dérogation ne pouvant être accordée "implicitement" ;

Qu'il est donc établi que la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE n'a pas respecté son obligation de fournir de façon continue et régulière une eau d'une qualité conforme à la réglementation en vigueur et à l'usage auquel elle est destinée ;

Attendu, dès lors, que par application des dispositions de l'article 1147 du code civil, les demandeurs, usagers du service, sont fondés à lui demander réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de la livraison d'eau polluée ;

Attendu que la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE conteste la durée et le degré de la pollution dont les demandeurs font état ;

Mais attendu qu'il est établi, et d'ailleurs non contesté, que l'eau distribuée était périodiquement polluée par la manganèse pendant la période du premier janvier 1998 au 17 mai 1999, de sorte que les usagers ne pouvaient disposer régulièrement d'une eau conforme ;

Que le seul fait suffit à établir que la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE n'a pas respecté son obligation contractuelle pendant toute la période considérée ;

Qu'en outre, la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE avait l'obligation contractuelle de vérifier la qualité de l'eau distribuée, de sorte qu'elle ne saurait, à présent, se prévaloir du fait qu'elle n'a effectué aucune analyse sur la période considérée, pour soutenir que les demandeurs n'établissent pas suffisamment la durée et le degré de pollution ;

Attendu que le préjudice subi par les demandeurs comprend, d'une part, le coût de la fourniture d'eau potable, minérale ou de source, dont ils ont dû faire l'acquisition  pour ne pas avoir à consommer l'eau polluée, et, d'autre part, le trouble de jouissance qu'ils ont subi du fait de la mauvaise qualité de l'eau qu'ils ont consommé ;

Attendu que chacun des demandeurs peut donc prétendre, à titre de dommages-intérêts, au paiement d'une somme égale au prix de sa consommation d'eau minérale ou de source, sur la base de 1,30 F le litre et à la moitié du prix de sa consommation d'eau tirée du réseau communal ;

Que la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE sera condamnée au paiement des sommes suivantes : ....... ;

Attendu que l'ancienneté du litige justifie que soit prononcée l'exécution provisoire du présent jugement ;

Attendu qu'il est équitable, enfin, de condamner la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE à payer à chacun des demandeurs, la somme de 700 F par application des dispositions de l'article 700 du NCPC ;

 

 

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Condamne la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE à payer .........

Ordonne l'exécution provisoire de ces chefs,

Condamne la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE à payer à chacun des demandeurs, à l'exception de l'association Eau de Richardmenil, la somme de 700 F soit 106,71 euros par application des dispositions de l'article 700 du NCPC,

Déboute les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires,

Condamne la COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE aux dépens

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