TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MARSEILLE

N° 94-5892
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Union Fédérale des Consommateurs d'Avignon
c/
Commune d'Avignon
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Monsieur COUSIN
Rapporteur
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Madame FEDI
Commissaire du gouvernement
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Audience du 5 octobre 1999
Lecture du 19 octobre 1999

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

Le Tribunal Administratif de MARSEILLE

 

3ème chambre

 

 

Vu la requête enregistrée le 10 octobre 1994, présentée pour L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS D'AVIGNON (UFC) par Me ROSELLO-MANIACI. L'UFC demande que le Tribunal annule :
1- la délibération en date du 28 avril 1994 par laquelle le conseil municipal d'Avignon a approuvé l'avenant n° 5 à la convention conclue entre la VILLE D'AVIGNON et la SOCIÉTÉ AVIGNONNAISE DES EAUX (SAE), les nouveaux règlements d'abonnement et a autorisé le maire à signer tout document à intervenir s'y rapportant,
2- la décision du maire en date du 28 avril 1994 de signer ledit avenant,
3- la décision en date du 11 août 1994 par laquelle le maire d'Avignon a rejeté le recours gracieux tendant à ce que le maire rapporte les décisions susvisées ;

Vu les autres pièces du dossier
Vu la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986
Vu la loi du 3 janvier 1992
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 1999 :
- le rapport de Monsieur COUSIN, président
- les observations de Me ROSELLO-MANIACI pour l'UFC
- les observations de Me DUBRUEL substituant Me BONNARD pour la commune d'Avignon
- et les conclusions de Madame FEDI, commissaire du gouvernement ;

 

Considérant que L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS D'AVIGNON demande l'annulation de la délibération en date  du 28 avril 1994  par laquelle le conseil municipal d'Avignon a approuvé l'avenant n° 5 à la convention conclue entre la VILLE D'AVIGNON et la SOCIÉTÉ AVIGNONNAISE DES EAUX (SAE) pour l'exploitation par affermage des services de distribution d'eau potable et d'assainissement ainsi que les nouveaux règlements d'abonnement et a autorisé le maire à signer tout document à intervenir s'y rapportant ; que la requérante demande en outre l'annulation de la décision du maire en date du 28 avril 1994 de signer le dit avenant et de la décision en date du 11 août 1994 par laquelle le maire d'Avignon a rejeté le recours gracieux tendant à ce qu'il rapporte les décisions susvisées :

 

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que contrairement à ce qui est soutenu en défense par la commune, l'assemblée générale de l'association requérante a dans sa réunion du 7 avril 1995 confirmé le mandat donné à son président d'ester en justice contre les décisions ci-dessus mentionnées ; que, par suite, il n'y a pas lieu de retenir l'irrecevabilité tirée de ce que le président de l'association n'aurait pas eu l'autorisation d'agir au nom de l'association,

Considérant que L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS D'AVIGNON a, le 23 juin 1994, demandé au maire d'Avignon de rapporter la délibération susmentionnée du conseil municipal en date du 28 avril 1994 ainsi que sa décision de signer l'avenant n° 5 ; que, par lettre en date du 11 août 1994, le maire a rejeté cette demande ; que, dés lors, contrairement à ce qui est soutenu, la requête enregistrée au greffe le 10 octobre 1994 et dirigée contre les mêmes décisions que celles objet du recours gracieux n'est pas tardive ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu par la commune, la requérante, alors même qu'elle est tiers par rapport au contrat critiqué, est en droit de demander l'annulation de l'acte détachable que constitue la décision du maire de signer l'avenant critiqué

 

Sur les conclusions afin d'annulation de la délibération en date du 28 avril 1994 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 121.10 du Code des communes : <<... lll Dans les communes de 3500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. Si la délibération concerne un contrat de service public, le projet de contrat ou de marché accompagné de l'ensemble des pièces peut, à sa demande, être consulté à la mairie par tout conseiller municipal dans les conditions fixées par le règlement intérieur...>> ; que contrairement à ce que soutient la commune le moyen tiré de la violation des dispositions précitées, qui ont pour objet d'assurer l'information des conseillers municipaux et par delà l'information des administrés peut être soulevé par tout requérant ayant intérêt à l'annulation d'une délibération du conseil municipal et alors même qu'il ne serait pas conseiller municipal ; qu'il résulte toutefois des pièces versées au dossier que les membres du Conseil Municipal d'Avignon ont reçu en même temps que leur convocation au conseil municipal du 28 avril 1994, le projet de la délibération critiquée, un tableau des tarifs des consommations d'eau, des simulations tarifaires variant entre les différentes catégories d'abonnés, des comparaisons entre les propositions soumises au conseil municipal et les propositions repoussées antérieurement par le conseil, enfin l'information que l'ensemble des pièces du dossier étaient à leur disposition en mairie ; que, par suite, il ne peut être soutenu que l'obligation d'information prévue par les dispositions précitées n'aurait pas été respectée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau : <<...ll Dans le délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi, toute facture d'eau comprendra un montant calculé en fonction du volume réellement consommé par l'abonné à un service de distribution d'eau et pourra, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume, compte tenu des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement...>> ; que si l'avenant n° 5 à la convention en date du 14 août 1985 entre la VILLE D'AVIGNON et la SOCIÉTÉ AVIGNONNAISE DES EAUX pour l'exploitation par affermage des services de distribution d'eau potable et d'assainissement a prévu que les nouveaux tarifs seraient applicables aux consommations de l'ensemble du premier semestre 1994 alors que le dit avenant n'a été signé que le 28 avril 1994, le caractère rétroactif de la délibération critiquée ne constitue pas une illégalité dés lors que la prise d'effet au début de l'année 1994 était rendue nécessaire pour se conformer aux dispositions législatives précitées de la loi publiée le 4 janvier 1994 ; que pour les mêmes motifs que ci-dessus exposés, l'avenant ne saurait être déclaré illégal à raison que la délibération l'approuvant n'aurait été transmise en préfecture que postérieurement à la date de prise d'effet ; que la circonstance que les nouveaux tarifs prévus dans l'avenant critiqué auraient été appliqués aux consommations d'eau du dernier trimestre de l'année 1993 est sans influence sur la légalité de la délibération dès lors que l'avenant approuvé par la dite délibération n'a pas disposé en ce sens ;

Considérant que l'association requérante soutient que les tarifs des services de l'eau et de l'assainissement approuvés par la délibération critiquée méconnaissent le principe d'égalité des usagers devant les charges publiques dés lors que, compte tenu de la partie forfaitaire de la facture, le prix du m3 est plus élevé pour les consommateurs consommant le moins que pour les gros consommateurs ; que les dispositions législatives précitées ont rendu obligatoire une proportionnalité entre la consommation d'eau et le montant de la facture des usagers et ont autorisé un montant fixe de la facture  lié aux charges du service et aux caractéristiques du branchement ; que dés lors, compte tenu du coût fixe de l'abonnement aux services de l'eau et de l'assainissement, la loi a nécessairement pour effet d'autoriser une facturation qui n'est pas strictement proportionnelle à la consommation d'eau ; que la requérante ne saurait soutenir que les usagers consommant le moins sont nécessairement les plus défavorisés économiquement ;

Considérant que l'avenant critiqué a institué pour le prix de l'eau un abonnement semestriel proportionnel au diamètre du compteur et un prix du mètre cube d'eau croissant par tranche de consommation jusqu'à 1500 m3 par semestre et dégressif au delà ; qu'en approuvant ainsi un tarif qui incite la majorité des consommateurs à économiser l'eau, tout en maintenant un tarif dégressif pour les gros consommateurs qui sont le plus souvent des entreprises, la délibération attaquée n'a pas méconnu le principe d'égalité des usagers devant le service public ; que contrairement à ce qui est soutenu les tarifs concernant les eaux usées ne sont pas contraires à la loi précitée dés lors qu'ils comportent un abonnement commun à tous les usagers et une partie proportionnelle à la consommation d'eau ;

Considérant toutefois qu'il résulte des termes mêmes de la loi sur l'eau que la facture adressée aux consommateurs doit comprendre une part proportionnelle à la consommation effective ; que par suite la requérante est fondée à soutenir que sont illégales les dispositions de l'avenant qui déterminent une facturation forfaitaire pour les consommateurs dont le branchement n'est pas équipé d'un compteur ; qu'il y a donc lieu d'annuler la délibération en date du 28 avril 1994 en tant qu'elle a approuvé lesdites dispositions de l'avenant ;

Considérant qu'aucune disposition de la loi précitée n'interdit d'inclure dans la facture adressée aux usagers une surtaxe perçue par le fermier pour le compte de la commune et proportionnelle à la consommation d'eau ,

Considérant que si  l'association requérante soutient que la délibération approuvant les tarifs de l'eau et assainissement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en tant que les dits tarifs conduisent à une rémunération trop élevée du fermier par rapport à ses  charges et qu'au surplus le fermier ainsi amortit les sommes qu'il a versées en 1985 à la commune d'Avignon à titre de droit d'usage des installations qui lui ont été confiées, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que les tarifs ainsi approuvés soient manifestement disproportionnés avec le service rendu à l'usager du service public ; qu'ainsi et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise le moyen ne peut être retenu ;

Considérant que si la requérante soutient que la délibération du 28 avril 1994 a été prise dans le but de maintenir au fermier la rémunération qu'il tirait antérieurement du contrat conclu avec la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet objectif, qui n'est pas illégal en lui-même dés lors que l'avenant à un contrat ne saurait bouleverser l'équilibre du contrat en vigueur, ait été le seul recherché par le conseil municipal alors qu'il est constant que l'objet essentiel de la délibération a été une mise en conformité avec la loi sur l'eau dont aucune disposition n'impose aux communes de faire baisser globalement le prix des services rendus aux consommateurs ; qu'ainsi le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant que contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, la formule de variation de prix contenue dans l'article 11 de l'avenant critiqué et concernant les travaux neufs que la commune pourrait confier au fermier n'a pas pour objet ni pour effet d'autoriser la conclusion, sans respect des règles de publicité et concurrence, de marchés entre le fermier et la commune ;

Considérant que l'avenant critiqué, dans son article 16, précise le montant de la participation financière versée à la SOCIÉTÉ AVIGNONNAISE DES EAUX pour le traitement  dans la station d'épuration de la commune d'Avignon des eaux usées de la commune voisine du Pontet ; qu'il est constant que la gestion de la dite station a été confiée par la commune d'Avignon à son fermier, la SOCIÉTÉ AVIGNONNAISE DES EAUX ; que pour suite, le contrat confiant au gestionnaire de la station le traitement des eaux usées d'une commune voisine ne pouvait faire l'objet d'une mise en concurrence et n'était donc pas soumis aux dispositions du code des marchés relatives à l'obligation de mise en  concurrence ;

 

Sur les conclusions afin d'annulation de la décision du maire de signer l'avenant n° 5 :

Considérant qu'il résulte des pièces versées au dossier que l'avenant critiqué a été signé par le maire d'Avignon le 28 avril 1994 soit à la même date que la délibération du conseil municipal l'autorisant à le signer ; que la requérante soutient qu'à cette date la délibération n'était pas exécutoire dés lors qu'elle n'avait pas été transmise à la Préfecture pour contrôle de légalité ; qu'en défense la commune ne verse pas au dossier la dite délibération revêtue du tampon à date de la Préfecture, qu'ainsi il est établi qu'à la date de la décision du maire de signer la délibération l'autorisant à signer n'était pas exécutoire ; que, par suite, il y a lieu d'annuler la décision du maire de signer l'avenant n° 5 à la convention conclue entre la VILLE D'AVIGNON et la SOCIÉTÉ AVIGNONNAISE DES EAUX (SAE) pour l'exploitation par affermage des services de distribution d'eau  potable et d'assainissement ;

 

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances en l'espèce, de condamner la commune d'Avignon à payer à L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS D'AVIGNON une somme de 5000 F. au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

 

DÉCIDE

ARTICLE 1er : La délibération du conseil municipal d'Avignon en date du 28 avril 1994 est annulée en tant qu'elle a approuvé les dispositions de l'avenant n° 5 fixant les tarifs applicables aux abonnés démunis de compteurs ;

ARTICLE 2 : La décision en date du 28 avril 1994 du maire d'Avignon de signer l'avenant n° 5 est annulée.

ARTICLE 3 : La commune d'Avignon est condamnée à verser à L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS D'AVIGNON la somme de 5000 F.

ARTICLE 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

ARTICLE 5 : Le présent jugement sera notifié à L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS D'AVIGNON, à la commune d'Avignon et à la SOCIÉTÉ AVIGNONNAISE DES EAUX (SAE).

 

Délibéré à l'issue de l'audience du 5 octobre 1999 où siégeaient :
- Monsieur COUSIN, président-rapporteur
- Messieurs REINHORN et CHERRIER, conseillers, assistés de Mlle SOLA, greffier

Prononcé en audience publique le 19 octobre 1999

La république mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent jugement