Tribunal de Grande Instance de Dunkerque du 25/11/1998 ASSOCIATION DE DÉFENSE DES INTÉRÊTS DES GHYVELDOIS ET DES GHYVELDOISES et usagers c/ SYNDICAT INTERCOMMUNAL À VOCATIONS MULTIPLES (SIVOM) D'HONDSCHOOTE et COMMUNAUTÉ DES COMMUNES DE FLANDRES

(...)  

Par acte d'huissier du 21 avril 1997, l'ASSOCIATION DE DÉFENSE DES INTÉRÊTS DES GHYVELDOIS ET DES GHYVELDOISES et cinquante deux administrés de cette même commune ont fait assigner devant ce tribunal le syndicat intercommunal à vocations multiples d'Hondschoote (ci-après dénommé SIVOM) aux fins de voir cette juridiction :
- constater l'illégitimité de l'assujettissement des requérants à une taxe d'assainissement dès lors que les assujettis ne sont ni raccordés ni raccordables à un tel réseau,
- condamner le syndicat assigné à restituer à chacun des requérants les taxes indûment perçues, en ce compris les intérêts légaux à compter de la perception desdites taxes, et tel qu'il est ci-dessous détaillé (...)
- dire qu'ils n'auront plus à acquitter la taxe d'assainissement à l'avenir et tant qu'ils n'auront pas été raccordés à un réseau d'assainissement,
- condamner le SIVOM à payer à chacun des requérants la somme de 2 000 F à titre de dommages et intérêts pour utilisation abusive de ses prérogatives de puissance publique, outre la somme de 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC,
- condamner le SIVOM en tous les dépens dont distraction au profit de Maître MOUGEL, avocat aux offres de droit.

Les requérants exposent qu'ils paient depuis des années la redevance d'assainissement reçue par le SIVOM par l'intermédiaire de la société Lyonnaise des eaux. Cette taxe, due à raison de l'article L 233-86 du code des communes, a pour contrepartie le raccordement à un réseau d'égout (et non l'entretien des fossés d'évacuation des eaux pluviales ou le pompage de systèmes autonomes). Or, la contrepartie invoquée n'existerait pas dans la mesure où les requérants ne bénéficient pas du raccordement à un réseau d'assainissement. Ils demandent en conséquence la restitution des sommes indûment perçues sur la base de l'article 1376 du code civil et ce, dans la limite de la prescription trentenaire applicable en la matière de répétition de l'indu.

Par conclusions en réplique en date du 13 janvier 1998, le SIVOM expose que la perception de la taxe d'assainissement est justifiée parce que les non raccordables bénéficiaient d'un service. Il consistait en l'entretien des fossés et en l'équipement des stations d'épuration pour la réception des matières de vidange.

En outre, le SIVOM conteste les sommes dont les demandeurs réclament le remboursement et conclut au débouté des demandes des requérants et leur condamnation aux entiers dépens au profit de la SCP d'avocats LECLUSE et autres.

Le 2 décembre 1997, l'association de défense des Ghyveldois a assigné la communauté des communes de Flandres devant le Tribunal de Grande Instance et ce pour le même objet.

Pour cette raison, le juge de la mise en état a joint les deux instances.

Le 10 février 1998 l'association de défense des intérêts des Ghyveldois a conclu au bénéfice de son assignation. Elle a expliqué que les citoyens de la commune avaient réellement payé les sommes réclamées (indûment), que le CGCT prévoit que la redevance d'assainissement n'est pas due par les non raccordables, que le surcroît qu'occasionne l'entretien des fossés ne justifie pas le paiement de la taxe, que depuis 1997 il existe un service des assainissements autonomes chargé de vidanger tous les trois ans les installations autonomes d'assainissement.

Le 23 juin 1998 le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures, deux nouveaux couples (...) demandeurs poursuivant le même objet contre les mêmes défendeurs s'étant constitués le 12 mai 1998.

Le 27 avril 1998 les deux assignés SIVOM et la communauté des communes de Flandres ont conclu au bénéfice de leurs écritures ; ils ont expliqué qu'il est réclamé le remboursement des sommes impayées, des sommes payées sur une autre commune (Dunkerque), que depuis 1997 le service de contrôle et de vidange existe et fonctionne vraiment.

Le 9 juin 1998, l'association demanderesse a argué du succès de la même action diligentée par l'association des Milamois contre le SIVOM DE BOURBOURG-GRAVELINES. Elle a exposé que si après juillet 1997 un service d'assainissement des installations autonomes a bien été créé, il n'est nullement effectif.

Le 1er juillet 1998 le SIVOM et la communauté des communes de Flandres ont conclu exclusivement contre (...) au débouté de leur demande. Ils ont expliqué qu'ils étaient assujettis au paiement de la redevance puisqu'il existait une contrepartie à savoir la vidange des installations autonomes et la construction de la station d'épuration.

Le 23 juillet 1998 l'association de défense des intérêts des Ghyveldois et les nouveaux demandeurs ont conclu au bénéfice de leur assignation. Ils ont argué qu'avant la loi sur l'eau de juillet 1997 il faut bien distinguer l'assainissement et l'entretien des fossés ; qu'après la loi de 1997 la commune peut prendre en charge les dépenses d'entretien de l'assainissement non collectif, mais uniquement sur les usagers qui ont accepté ce service.

Le 28 août 1998 l'association de défense des intérêts des Ghyveldois a conclu que la communauté défenderesse ne pouvait pas imposer aux non raccordés une redevance forfaitaire, et surtout pas avant de mettre en place le service.

Le 1er septembre 1998 le SIVOM et la communauté ont conclu en arguant qu'"assainissement" signifie aussi bien traitement et évacuation des eaux usées que traitement des eaux pluviales

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er septembre 1998

L'affaire a été plaidée le 16 septembre 1998.

 

 

MOTIFS

Il convient de différencier deux périodes ayant 1997 pour année charnière, année de création de l'entretien de l'assainissement non collectif.

Au préalable, concernant la période antérieure à 1997, il convient d'examiner la prescription, soulevée oralement à l'audience, qui s'imposerait en raison de son caractère d'ordre public.

 

Sur la prescription

L'article 1 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 dispose que "sont prescrites au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de 4 ans à partir du 1er juin de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis".

"Sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public".

Il est communément acquis que cette prescription dont le domaine est généré, affecte toutes les créances qu'un particulier peut détenir sur les collectivités publiques ou établissements publics. Seul un texte exprès contraire, qui soumettait exceptionnellement certaines créances à un régime juridique particulier, permettrait de déroger à cette règle.

Le fait que la dette d'une personne publique soit régie, comme ne l'espèce, par le droit civil et soit de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ne saurait faire obstacle à l'application de la législation soumettant à prescription quadriennale les créances sur les collectivités publiques.

Cette prescription affecte donc toutes les créances contre une personne publique ayant pour cause un trop perçu au titre d'un impôt ou un enrichissement sans cause (cas allégué en l'espèce).

C'est pourquoi faisant application de la prescription quadriennale seules pouvaient être envisagées les créances des Ghyveldois envers les défendeurs pour les années 1996, 1995, 1994 et 1993.

 

Sur le bien fondé de l'action en répétition de l'indu

Le 1er juillet 1997 fut créé un service d'assainissement autonome au sein de la communauté des communes de Flandres. Il s'agit d'envisager deux périodes

- période postérieure au 1er juillet 1997
Rendu obligatoire par la loi sur l'eau, le service d'assainissement autonome créé le 1er juillet 1997 est géré comme un service à caractère industriel et commercial, selon avis du Conseil d'État et est soumis à la perception de la redevance assainissement.

Son objet est :
- l'information et le conseil pour l'installation et l'amélioration des assainissements autonomes,
- le contrôle et la vérification de l'installation, la conception et le fonctionnement des assainissements autonomes,
- l'entretien des assainissements autonomes dans la limite d'une vidange des fosses et des bacs dégraisseurs tous les trois ans.

En conséquence tout abonné au service d'eau, mais non raccordable, bénéficie néanmoins du nouveau service d'assainissement autonome et est assujetti à la redevance. Les éléments du dossier prouvent que ce service est effectif.

Aucun remboursement de somme versée après l'année 1997 ne peut être valablement réclamé par les demandeurs. Ils seront déboutés.

- période antérieure au 1er juillet 1997
Les défendeurs prétendent que la perception litigieuse est parfaitement légitime puisque la loi sur l'eau généralise la participation au service public d'assainissement et étend les compétences de la collectivité à l'assainissement non collectif c'est à dire aux habitations non raccordées au réseau.

Or l'article R 372-8 du code des communes, rappelé par la circulaire du 12 décembre 1978, dispose que :
"La redevance d'assainissement est applicable aux usagers du service d'assainissement".
"Sont usagers toutes les personnes raccordées au réseau d'assainissement".

Il en résulte que les demandeurs n'entrent pas dans la catégorie des assujettis et ce d'autant moins qu'ils ne bénéficiaient d'aucune prestation spécifique en contre partie de la redevance qui leur était imposée. C'est bien à tort que les défendeurs invoquent comme contrepartie d'une redevance d'assainissement l'entretien des fossés et des cours d'eau.

En conséquence les 50 requérants individuels de Ghyvelde sont bien fondés à solliciter sur le fondement de la répétition de l'indu le remboursement des sommes versées à la communauté des communes pour les années s'étendant de 1993 à 1997.

Après vérification des sommes versées et des sommes réclamées le Tribunal estime, comme il sera indiqué au dispositif, les sommes revenant aux particuliers.

Le Tribunal estime que Monsieur... et Madame... ne peuvent pas voir leur demande prospérer puisqu'elle est dirigée contre la communauté des communes de Flandres alors que leur créance existe envers le SIDEN.

Le Tribunal constate que Monsieur... et Madame... font partie des demandeurs selon l'assignation du 21 avril 1997 ; qu'ils ne formulent aucune réclamation dans les conclusions communes du même jour ; que la côte de plaidoiries fournie par leur conseil ne contient qu'une fiche d'état civil ; qu'il ne pourra pas être statué sur leur cas.

 

Sur la demande de dommages et intérêts pour utilisation abusive des prérogatives de puissance publique

Les requérants ne justifient pas d'avoir supporté un préjudice économique distinct de celui résultant d'un paiement indu dont ils obtiennent à ce jour le remboursement. Ils seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

 

Sur l'indemnité des défendeurs

Il y a lieu de constater que la communauté des communes de Flandres a repris les prérogatives du syndicat intercommunal à vocations multiples d'Hondschoote le 22 décembre 1995 et que seule la première nommée sera réclamée débitrice

 

Sur la demande d'application de l'article 700 du NCPC

Il serait inéquitable de laisser à la charge des requérants individuels les frais engagés à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens.

Il y a lieu de condamner les défendeurs solidairement à payer à chacun des 50 requérants la somme de 150 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

 

 

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement contradictoirement et en premier ressort,

Déboute Monsieur... et Madame... de leur demande ;

Déboute les demandeurs de leurs prétentions pour la période postérieure au 31 décembre 1997 ;

Constate que les demandes présentées pour la période antérieure au 31 décembre 1997 sont couvertes pas la prescription quadriennale ;

Condamne la communauté des communes de Flandres à rembourser les sommes suivantes (...) sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de l'assignation à savoir 2 décembre 1997 et 12 mai 1998 pour 4 demandeurs ayant agi en cours de procédure ;

Condamne le même débiteur à payer aux mêmes créanciers la somme de 150 F par application de l'article 700 du NCPC ;

Déboute les requérants de leurs demandes de tout autre dommages et intérêts ;

Condamne le défendeur aux dépens dont distraction au profit de Maître MOUGEL

(...)