TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-OMER RG N° 11-98-000258 JUGEMENT du 14/01/1999 USAGERS représentés par Me LETARTRE |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS |
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS :
- à l'audience publique du 15 octobre 1998 : Monsieur ZIEGLER, Juge ; assisté
de Monsieur AUBERT, Greffier ;
- lors du délibéré prononcé à l'audience publique
du 14 janvier 1999 : Monsieur ZIEGLER, Juge ; assisté de Madame MAUFFAIT, Greffier
;
LE TRIBUNAL
Par acte du 24 avril et 11 septembre 1998, 459 usagers ont assigné le Syndicat Intercommunal de la région de LANDRETHUN LES ARDRES SIARLA.
A l'appui de leurs demandes, ils exposent :
- que le syndicat intercommunal ci-dessus a étendu ses compétences
à l'assainissement individuel non collectif en plus des compétences
de distribution d'eau et ce par délibération du 23 décembre
1992, approuvée par arrêté préfectoral du 24 février
1994 ;
- qu'un recours auprès du Tribunal Administratif visant à l'annulation
de l'arrêté préfectoral fut rejeté, de sorte que la
délibération du 23 décembre 1992 est restée en vigueur
;
- que les requérants ont reçu des factures au titre de redevances
d'assainissement en application de la délibération du 23 décembre
1992, laquelle est illégale à trois titres :
1° l'intervention du syndicat intercommunal visant à réaliser
lui-même les travaux nécessaires à l'assainissement individuel
n'est pas justifiée par un intérêt public local et porte
atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ;
2° les textes, et en particulier les articles L 33 et L 35 du Code de la
Santé Publique ne permettent pas aux collectivités d'intervenir
sur les systèmes d'assainissement non collectif et de se substituer aux
propriétaires privés en pénétrant sur les propriétés
privées ;
3° la justification d'une redevance d'assainissement implique un service
rendu, alors qu'en l'espèce, il n'y a pas de prestation ;
Les demandeurs concluent au dégrèvement des redevances réclamées, au remboursement des sommes versées et en dernier lieu à l'illégalité de la délibération du 23 décembre 1992 ;
A l'audience, les parties sont valablement représentées.
Les demandeurs confirment leurs demandes exposées dans l'assignation.
Le Syndicat intercommunal, en défense, souligne avant toute défense au fond, l'incompétence du Tribunal d'Instance : d'une part, quant au montant global des sommes réclamées qui dépasse la limite de compétence de la juridiction saisie ; d'autre part, au regard de la demande visant à faire constater l'illégalité d'un acte administratif.
Au fond et à titre subsidiaire, le Syndicat fait valoir :
- que parmi les requérants, un certain nombre ont bénéficié
de prestations réelles d'entretien et qu'un certain nombre ont bénéficié
d'une étude de terrain
- que les redevances contestées ne sont pas prises sur le fondement d'une
délibération illégale, la requête en annulation de
l'arrêté préfectoral du 24 février 1994 ayant été
rejetée ;
- qu'en application des articles L 224-8 et L 224-II du Code Général
des collectivités territoriales, le Syndicat intercommunal avait l'obligation
de prendre en charge les dépenses d'assainissement collectif et celles
relatives au contrôle des systèmes d'assainissement non collectif,
tandis que les services d'assainissement sont gérés comme des services
à caractère industriel et commercial ;
- que la mission d'entretien, non obligatoire, présente un intérêt
public évident afin de préserver la qualité des eaux souterraines
;
- que dans ce cadre non obligatoire, entretien et mise en place d'installation,
ces interventions ont été effectuées dans le cadre contractuel
conformément à la circulaire du Ministre de l'Environnement du
22 mai 1997 ;
- que le Syndicat n'a jamais porté atteinte à la propriété
privée en s'introduisant de force chez les propriétaires ;
- qu'au regard de la redevance, le Syndicat ne peut être jugé comme
un entrepreneur qui aurait facturé des travaux non encore exécutés
;
- que si les plaignants n'ont pas encore bénéficié de prestations
individuelles, les sommes qu'ils ont versées ont permis la mise en place
de structure et d'études préalables aux prestations dont chacun
bénéficiera selon un cycle de 4 ans ;
- que la surtaxe sur l'eau, chaque mètre cube consommé étant
un mètre cube à épurer, est apparue le système le
plus juste ;
- que si des particuliers ont refusé de faire vidanger leur unité
autonome d'assainissement, le service d'assainissement proposé était
à leur disposition de sorte que c'est un service rendu de façon
collective dont chacun peut bénéficier tous les quatre ans ;
- que la mission de contrôle a commencé depuis que la redevance
est perçue, contrôle qui doit s'étaler sur une période
de quatre années ;
- qu'ainsi la redevance correspond à un service rendu sur une période
pluriannuelle
SUR CE :
Pour une bonne administration de la Justice, il a lieu d'ordonner la jonction des procédures référencées sous les numéros 98/258 et 98/481 ;
Sur l'exception d'incompétence :
Attendu qu'en application de l'article 36 du Nouveau Code de Procédure Civile, en cas de demandes collectives, le taux de compétente et le taux du ressort doivent être calculés sur la part d'intérêt de chacun des demandeurs dans l'action commune ; qu'ainsi chaque demande doit en l'espèce être appréciée individuellement ;
Attendu qu'aux termes de l'article R 321-1 du Code de l'Organisation Judiciaire le Tribunal d'Instance connaît en matière civile des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 30.000,00 francs selon le décret du 10 avril 1985 ;
Attendu qu'il est constant que les demandes portent sur des montants inférieur à ce seuil, le Tribunal se déclarera compétent de ce chef ;
Sur l'exception d'illégalité soulevée au regard de la délibération du syndicat intercommunal du 23 décembre 1992 :
Attendu que le délibération incriminée : "décide d'étendre la vocation actuelle du Syndicat Intercommunal d'Adduction et de Distribution d'eau potable de la Région de LANDRETHUN LES ARDRES aux travaux d'assainissement" ;
Attendu que le Tribunal Administratif de LILLE a par jugement du 13 novembre 1997 rejeté la demande visant à faire annuler l'arrêté préfectoral en date du 24 février 1994, lequel avait approuvé la délibération prise par le Syndicat intercommunal d'adduction et de distribution d'eau potable de la région de LANDRETHUN LES ARDRES en date du 21 décembre 1992 ;
Attendu que la légalité d'un acte administratif même réglementaire échappe à la compétence du Juge civil lorsque sa validité est sérieusement contestée, que tel n'est pas le cas de sorte qu'il n'y a pas lieu à exception préjudicielle d'illégalité. L'exception d'illégalité comme l'exception d'incompétence seront donc rejetées.
Attendu qu'aux termes de l'article L 2224-8 du Code Général des Collectivités Territoriales : "Les communes prennent obligatoirement en charge les dépenses relatives aux systèmes d'assainissement collectif... et les dépenses de contrôle des systèmes d'assainissement non collectif. Elles peuvent prendre en charge les dépenses d'entretien des systèmes d'assainissement non collectif" ;
Attendu que les litiges considérés portent sur le bien fondé de redevances constituant la rémunération des prestations fournies par le service d'assainissement du syndicat intercommunal, service public à caractère industriel et commercial justifiant la compétence des Juridiction de l'Ordre Judiciaire ;
Attendu qu'il est constant que suite à son extension à la mission
d'assainissement par délibération du 21 décembre 1992 approuvée
par l'autorité préfectoral, les objectifs poursuivis étaient
d'assurer :
- outre l'entretien, le fonctionnement et le renouvellement du système
d'assainissement collectif ;
- le contrôle, l'entretien et le renouvellement des assainissements autonomes
;
Attendu qu'à cette fin le service public d'assainissement était
financé au moyen d'une redevance précédemment fixée
ainsi :
- terme fixe annuel de 400,00 frs à 900,00 frs selon diamètre du
compteur ;
- terme variable de 3,20 frs le mètre cube Hors Taxes ;
Attendu qu'il est fait grief au Syndicat intercommunal d'avoir facturé aux requérants disposant de systèmes d'assainissement autonomes des prestations sous forme de redevances d'assainissement alors que les dites prestations d'entretien n'ont pas été fournies ;
Attendu que le service public d'assainissement est un service qui s'exerce dans le cadre d'un service géré comme un service à caractère industriel et commercial ce qui implique notamment que la redevance doit trouver sa contrepartie directe dans une prestation fournie à l'usager et qu'ainsi elle ne peut être recouvrée qu'avec la mise en place effective de ce service à l'usager ;
Attendu que parmi les missions confiées, seule celle relative au contrôle des installations autonomes à un caractère obligatoire, tandis que les autres non obligatoires, telle que l'entretien s'inscrit dans le cadre d'un volontariat de la part des deux parties ;
Attendu toutefois que la redevance réclamée annuellement est calculée conformément et est censée couvrir les dépenses obligatoires de contrôle et les dépenses facultatives d'entretien des installations autonomes, que les usagers aient eu recours ou non au service public d'assainissement ;
Attendu que les prestations fournies sont programmées dans le cadre d'un plan pluriannuel de quatre ans ;
Attendu que la redevance perceptible ne peut être que le prix versé en contre partie d'un service rendu et qu'il appartient, conformément aux règles de droit commun et à l'article 1315 du Code Civil à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver ;
Attendu que le Syndicat intercommunal produit un document intitulé pièce n° 1 qui fait état de certaines prestations fournies aux abonnés, sans que ces derniers en aient contesté le bien fondé à l'audience ;
Attendu en premier lieu qu'une liste de 6 abonnés, fait état que ces derniers bénéficient du réseau d'assainissement collectif, de sorte que la redevance réclamée est bien en relation directe avec la prestation fournie, ils seront donc déboutés de leur demande ;
Attendu en second lieu qu'une liste de 64 abonnés fait état de prestations d'entretien fournies entre 1996 et 1998 pour 58 d'entre eux, tandis que les 6 autres, respectivement... l'absence totale de précision sur la nature de la prestation ne permet pas, en l'état, de conclure au bien fondé de la redevance, de sorte que leurs demandes seront accueillies ;
S'agissant des 58 bénéficiaires d'une prestation, respectivement... ils ont bien bénéficié, dans le cadre d'un plan pluriannuel de la mesure d'entretien étalée sur quatre ans, d'une prestation entre 1996 et 1998 en relation avec les redevances réclamées. Ils seront donc déboutés de leurs demandes ;
Attendu en troisième lieu que pour 8 abonnés, respectivement... il est fait état d'une étude de terrain payée par le Syndicat ; attendu que cette prestation n'apparaît pas en adéquation avec la redevance réclamée, de sorte que les demandes de ces 8 requérants seront accueillies ;
S'agissant des autres requérants (dont il n'est pas rapporté la preuve de prestation et en tout cas de prestation d'entretien), il y a lieu d'accueillir leurs demandes sans préjuger des sommes effectivement dues par les requérants ;
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort ;
1- ORDONNE la jonction des procédures n° 98/0258 et n° 98/0481 ;
2- REJETTE l'exception d'illégalité de la délibération du 21 décembre 1992 formée par les demandeurs et dit n'y avoir lieu à exception d'éligibilité préjudicielle ;
3- REJETTE les exceptions d'incompétence formées par le Syndicat intercommunal de la région de LANDRETHUN LES ARDRES ;
4- DÉBOUTE de leur demande, respectivement... les 58 abonnés ayant bénéficié d'une prestation de la part du Syndicat intercommunal de la région de LANDRETHUN LES ARDRES ;
5- ORDONNE le dégrèvement des redevances réclamées en matière d'assainissement pour les années 1995, 1996 et 1997 au profit respectivement de...
6- CONDAMNE le Syndicat intercommunal de la région de LANDRETHUN LES ARDRES à rembourser, sous réserve que celles-ci aient été effectivement versées, les sommes suivantes...
7- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
8- CONDAMNE le Syndicat intercommunal de la région de LANDRETHUN LES ARDRES aux dépens
Ainsi jugé et prononcé en audience publique au jour, mois et an susdits.