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Extraits de l'audition de Monsieur Jean-Louis X...,
Secrétaire général de la COMMUNAUTÉ URBAINE
DE LILLE (le 18 mai 1999)
Texte tiré du rapport de décembre 1999 du
Haut Conseil du Secteur Public intitulé "Quelle régulation
pour l'eau et les services publics ?"
(8 rue de la Tour-des-Dames - 75435 PARIS CEDEX 09 - tel 01 55 07 49 23 - fax
01 55 07 46 80)
Monsieur Dominique Y...
Désirant préciser notre réflexion engagée sur
l'opportunité d'une régulation du secteur de l'eau, nous avons
souhaité aujourd'hui profiter de la forte expérience de la COMMUNAUTÉ URBAINE
DE LILLE en matière de délégation de services publics.
Monsieur Jean-Louis X...
Permettez-moi tout d'abord de vous présenter (...) Monsieur Gérard
Z..., en charge du contrôle de gestion de la COMMUNAUTÉ URBAINE
DE LILLE.
(...)
L'accès aux documents comptables et aux contrôles techniques devient un élément contractuel essentiel dans une délégation de service public.
Nous avons entamé une négociation serrée avec la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD au terme de laquelle d'une part, le prix du m3 d'eau a baissé de 43 centimes, et d'autre part, 84 millions d'investissements nous ont été garantis sur la durée du contrat, de même qu'une participation aux travaux neufs de 35 millions par an (qualité de l'eau, branchements au plomb...). Nous avions constaté des dérives considérables dans les comptes de la concession, notamment 1 milliard de francs de provisions pour renouvellement du matériel dont les produits financiers ne nous étaient pas reversés mais prêtés aux maisons mères à des taux d'intérêt très favorables. Les négociations ont donc porté sur la destination de cette provision et la reversion des produits financiers.
(...)
Monsieur Gérard Z...
La concession du secteur de l'eau - qui représentait 300 millions
de francs de chiffre d'affaires après reversement des taxes d'assainissement
- était dévolue par la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE à la
SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD, filiale de VIVENDI et de SUEZ-LYONNAISE
DES EAUX. Le contrat initial date de 1985 et clarifiait, pour une durée
de trente ans, le schéma de distribution de l'eau et de l'assainissement
sur le territoire de la Communauté.
A l'époque, la maîtrise de la collectivité en la matière était très faible ; on ne parlait pas de compte d'exploitation prévisionnel. Fin 1997, nous avons en effet été alertés par l'existence d'une provision de 1,027 milliard de francs. Bien qu'il n'y ait pas de compte rendu financier de concession, il nous était facile de consulter les comptes de la société au greffe du Tribunal de Commerce car 90 % de l'activité de la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD reposaient sur la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE. Au vu des comptes, nous avons été confortés dans l'idée que la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD avait une activité essentiellement bancaire !
Nous avons voulu rectifier la situation et préserver l'avenir en négociant au bénéfice exclusif des usagers et de la Communauté, sans aucun investissement de cette dernière ni fléchissement du service rendu. Le prix du m3 d'eau, dans la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE, était d'environ 18 francs ; nous avons signé deux avenants permettant de réduire l'équivalent de 1,20 franc le coût concessionnaire alors à 5,30 francs. Nous avions une marge de manoeuvre importante car, sur 52 millions de m3 d'eau distribués, cela correspond en fait à un gain annuel et répétitif d'environ 60 millions de francs pour les usagers.
Tout a été discuté à la lettre avec beaucoup de prudence, jusqu'à l'analyse devant le tribunal administratif d'un adverbe de l'article de révision quinquennale, pour obtenir la simple autorisation de discuter ! Notre première démarche a consisté à faire étudier les comptes de concession par une commission arbitrale. Elle s'est traduite, dans un premier avenant strictement économique, par un gain de 51 centimes sur le prix de l'eau, réparti en une baisse de 43 centimes pour l'usager et une enveloppe de 84 millions de francs de travaux supplémentaires financés par le concessionnaire. L'affichage stratégique de cette négociation permettait de limiter l'importance du gain apparent. Nous avons forcé le concessionnaire à expliciter la garantie de renouvellement, c'est à dire la dotation en provisions, par des travaux réels en fonction du patrimoine existant.
Nous avons, dans une seconde démarche, saisi la Chambre régionale des comptes pour faire vérifier les comptes du distributeur. Un rapport a permis de démontrer que 95 % de la provision de 1,027 milliard de francs inscrite dans les comptes de la société, devaient être attribués à la concession, et non la moitié. La Chambre régionale des comptes a, de plus, précisé que les produits financiers de cette provision devaient revenir à la concession, estimant qu'à la fin de la concession, le solde du poste provisions non utilisé était une dette du concessionnaire vis à vis du concédant.
Cependant, le contrat faisant la loi entre les parties, nous avons dû négocier âprement un nouvel avenant pour obtenir 35 millions de francs d'investissements supplémentaires par an de la part du concessionnaire. Rapportés au prix du m3 d'eau, l'ensemble des gains correspondant à ces deux avenants représentent environ 1,20 franc par m3.
Ce deuxième avenant a par ailleurs établi un protocole de contrôle financier, technique et qualité. Les contrôles techniques étaient bien définis pas nous avons obtenu que le contrôle financier définisse les modes et les bases de calcul pour chaque type de charges (réelles, réparties et calculées).
(...)
Monsieur Jean-Louis X...
Lors d'un récent appel d'offres, nous avons été surpris
par la similitude des prix proposés par une filiale de VIVENDI et par
BOUYGUES. A la limite, pour certains élus, cela ne modifiait guère
les données du problème puisqu'ils s'éprouvaient comme confrontés à
une mise en adjudication au moins disant. Les mises en causes judiciaires et
certaines formes de contrôle des Chambres régionales des comptes
leur paraissent, en effet, leur enlever toute marge d'appréciation autre
que le prix. C'est pour cela que, lors des négociations, nous avons insisté sur
le contrôle des moyens qui permettra d'éviter des dérives
et de préserver l'avenir.
Dans l'affaire qui nous a opposés à la SOCIÉTÉ DES EAUX DU NORD, l'intervention de la Chambre régionale des comptes, qui a rendu possible notre négociation, n'a pu se faire que grâce à une sorte de subterfuge. L'introduction d'un avenant a permis au Préfet de consulter la Chambre régionale des comptes, ce qui a été déterminant mais n'aurait pas été admis dans un contexte différent. Il faut qu'un dispositif législatif oblige les sociétés à beaucoup plus de transparence et à transmettre les informations.
Grâce à son poids, la COMMUNAUTÉ URBAINE DE LILLE peut mobiliser des moyens d'investigation importants. Tout cela soulève le problème du morcellement communal. Une des critiques formulées, après les lois de 1982, considérait que la décentralisation bénéficiait aux grandes sociétés.
(...)