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Réponse à M.P. MICAUX, JO AN question écrite n° 24748 du 12 avril 1999, p. 2243
Question : quelles conséquences tirer des restructurations industrielles affectant une entreprise délégataire de service public ?
Réponse : le ministre de l'intérieur répond que « les délégations de service public sont conclues selon le principe de l'intuitu personae. La nature et la durée des contrats justifient en effet que le choix du délégant se porte sur un délégataire non seulement en fonction des prestations qu'il est susceptible d'assurer mais aussi en considération des garanties qu'il offre pour la bonne exécution de la convention et le respect des principes propres au service public. La cession d'une délégation remet en cause l'intuitu personae puisqu'elle consiste à transférer à un tiers l'exploitation même du service, objet de la délégation. Compte tenu des modifications apportées à un élément essentiel du contrat initial, il convient d'examiner si le transfert peut intervenir par voie d'avenant avec ou sans remise en concurrence ou s'il justifie la passation d'un nouveau contrat.
Avant l'entrée en vigueur de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, la jurisprudence du juge administratif a reconnu la possibilité d'une telle cession par voie d'avenant sous réserve qu'elle soit autorisée au préalable par l'autorité concédante (CE 20 janvier 1905, Compagnie départementale des eaux et services municipaux c/ Ville de Langres). Le défaut d'accord exprès de l'autorité délégante conduit à la nullité de l'acte de cession. Une collectivité locale ne peut par avance s'engager à agréer d'éventuelles subdélégations ultérieures (CE 6 mai 1985, Eurolat). En outre, la jurisprudence estimait qu'aucun principe général du droit n'imposait une mise en concurrence préalable (CE 24 janvier 1990, Martinetti). La cession n'était en effet soumise à aucune règle de forme particulière dans la mesure où la délégation initiale n'était, elle-même, encadrée par aucun texte spécifique.
La loi du 29 janvier 1993 susmentionnée, tout en réaffirmant que les délégations de service public sont conclues selon le principe de l'intuitu personae, précise qu'elles sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes. Les dispositions de la loi codifiées aux articles L 1411-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales ne comportent cependant aucune indication quant à la cession par le délégataire des droits et obligations résultant d'une convention de délégation de service public. Même si aucune jurisprudence n'est à ce jour venue préciser le droit sur ce point, le simple agrément du nouveau délégataire ne semble plus satisfaire au parallélisme des formes depuis l'entrée en vigueur de la loi du 29 janvier 1993. Il apparaît à tous égards préférable que la collectivité locale délégante respecte la procédure de publicité et de mise en concurrence en cas de cession d'une convention de délégation de service public.
Un premier cas particulier concerne l'hypothèse où l'entreprise délégante fait l'objet d'un changement d'actionnaire majoritaire. D'un point de vue formel, l'intuitu personae n'est pas directement remis en cause puisque la personne morale cocontractante de la collectivité reste la même. La cession d'actions n'est donc pas soumise à autorisation préalable de la collectivité délégante. Néanmoins, un arrêt récent du Conseil d'État a confirmé que la modification de la composition du capital du délégataire autorisait l'autorité délégante, à raison des risques de conflits d'intérêts, à regarder son cocontractant comme ne présentant plus les garanties au vu desquelles la délégation lui avait été accordée et, pour ce motif d'intérêt général, à prononcer la résiliation de la convention, sous réserve des droits d'indemnisation du délégataire (CE 31 juillet 1996, Société des téléphériques du massif du Mont-Blanc).
Par ailleurs, les cessions de contrat peuvent s'inscrire dans le cadre d'une réorganisation propre à une entreprise et conduire notamment au transfert de celle-ci à une de ses filiales sans autre changement des caractéristiques de la délégation. Contrairement au cas précédemment mentionné, l'absence de continuité de la personne morale cocontractante apparaît contraire au respect du principe de l'intuitu personae, alors même que l'on peut considérer, en première analyse, que l'ensemble des moyens humains, matériels et financiers destinés à l'exploitation du service reste inchangé. Toutefois, sous réserve de l'appréciation souveraine du juge et sous réserve d'un examen plus précis d'un éventuel cas d'espèce, une telle opération pourrait être examinée avec l'accord de l'autorité délégante si elle s'opérait par « adhésion » de la filiale au contrat initial, la société mère demeurant partie au contrat et garante de sa bonne exécution jusqu'à son terme. Dans cette hypothèse, une clause au contrat devrait alors préciser que la société mère se substitue de plein droit à la nouvelle entreprise titulaire du contrat en cas de défaillance de celle-ci pour l'exécution de l'ensemble des stipulations de la convention, nonobstant les relations internes au groupe qui n'ont pas vocation à entrer dans le champ contractuel. Il convient en effet de garantir les collectivités locales quant à la bonne exécution du contrat et d'écarter notamment l'hypothèse d'une cession de la filiale par la société mère de nature à remettre en cause l'équilibre du contrat et le respect de l'intuitu personae. »