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Chambre régionale des Comptes Haute-Normandie
Lettre d'observations définitives du 10/12/1998 sur la gestion du Syndicat intercommunal d'adduction d'eau et d'assainissement de la Vallée de l'Eaulne pour les exercices 1991 et suivants - Saint-Germain sur Eaulne

 

1. Situation financière

La Chambre a analysé les comptes consolidés du syndicat. Elle a relevé, en ce qui concerne l'exécution du budget d'investissement :

- un faible niveau du recouvrement des recettes par rapport aux prévisions en 1993 (19,7 %) ;

- des taux de réalisation particulièrement faibles, tant en dépenses qu'en recettes, s'agissant des deux derniers exercices examinés (31,8 % des dépenses réalisées en 1995 et 29,1 % des recettes, respectivement 27,4 et 26,4 % en 1996).

Si le résultat courant des exercices 1991, 1993 et 1994 a été déficitaire, le résultat cumulé de fonctionnement comme celui du total des deux sections confondues apparaît excédentaire sur l'ensemble de la période examinée, compte tenu des excédents antérieurs.

Toutefois, corrigés des restes à réaliser, les résultats globaux cumulés d'exécution du budget apparaissent déficitaires à hauteur de 1.859.500 F en 1993 et 1.968.969 F en 1994, soit respectivement 35,6 et 39 % des recettes de fonctionnement.

Cette situation était due à l'importance des restes à réaliser en dépenses d'investissement au terme des deux exercices considérés (3 MF en 1993, 2,5 MF en 1994).

L'importance de ces déficits (supérieurs à 10 % des recettes de fonctionnement) aurait dû conduire le représentant de l'Etat à saisir la Chambre, conformément aux dispositions combinées des articles L. 1612-14 et 20 du Code général des collectivités territoriales.

En 1992 et 1994, la marge d'autofinancement courant était négative, traduisant ainsi l'insuffisance de la part des ressources ordinaires affectées aux investissements, compte tenu de l'amortissement de la dette en capital.

La Chambre prend acte, au vu des éléments chiffrés dont elle dispose, du rétablissement de la situation financière du syndicat opéré depuis lors.

 

2. Cumuls d'emplois de l'ancienne secrétaire du Syndicat

L'ancienne secrétaire du syndicat, qui a exercé ses fonctions du mois d'avril 1985 au mois d'août 1995, avait été employée sur un poste de secrétaire à temps plein, soit 39 heures de travail par semaine, avec le grade de commis. Au cours de cette période, elle avait simultanément été recrutée, toujours en qualité de commis pour deux autres fonctions : le secrétariat de la mairie de Callengeville, le 1er novembre 1990 (pour un horaire hebdomadaire de 23 heures) et le SIVOS de Smermesnil, le 1er septembre 1989 (8 heures par semaine).

Elle avait donc trois employeurs, cumulant ainsi officiellement un total de 70 heures de travail par semaine (hors heures supplémentaires).

Aux termes de l'article 8 du décret n° 91-298 du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet, un fonctionnaire ne peut occuper un ou plusieurs emplois à temps partiel que si la durée totale de service qui en résulte n'excède pas de plus de 15 % celle afférente à un emploi à temps complet (6 heures, soit un maximum de 45 heures par semaine au total).

Or, le temps global de travail de la secrétaire du syndicat dépassait sensiblement cette limite.

Il appartenait par ailleurs à l'employeur municipal d'ouvrir un compte de cumul récapitulant les rémunérations versées par d'autres organismes.

 

3. Indemnité de fonction de l'ancien président

En 1991 et 1992, le président a perçu deux fois l'indemnité de fonction à laquelle il pouvait prétendre.

Par délibérations en date des 22 septembre 1987 et 18 mars 1992, le comité syndical a décidé d'attribuer au président du syndicat, outre l'indemnité à laquelle il avait droit pour l'exercice de la fonction en application du code des communes, une deuxième indemnité de même montant au titre de la "régie d'eau".

La première de ces deux délibérations se réfère à une délibération antérieure en date du 7 mars 1973, qui avait fixé le montant de l'indemnité de base du président pour la "régie d'eau", "affecté d'un coefficient de 87 % pour le syndicat".

Le principe de la double indemnisation du président a donc été formalisé dès cette date.

Pour la période examinée par la Chambre, le président du syndicat a ainsi perçu un montant total net annuel de :
Année 1991

33.850,84 F

Année 1992

35.007,55 F

TOTAL

68.858,39 F

Par ailleurs le prélèvement de la contribution sociale généralisée opéré sur la rémunération brute s'est élevé respectivement à 358,56 francs et 369 francs pour les 2 exercices.

Deux mandats et deux bulletins de paye distincts étaient trimestriellement établis au nom de l'intéressé, les pièces afférentes aux dépenses imputées sur le budget du syndicat étant revêtues l'une du cachet du "syndicat d'adduction d'eau et d'assainissement de la vallée de l'Eaulne", l'autre du cachet du "syndicat d'adduction d'eau de la vallée de l'Eaulne - Régie".

En 1991 et 1992, la comptabilité de l'établissement était retracée dans un budget principal et deux budgets annexes, l'un pour l'eau, l'autre pour l'assainissement. Il n'en demeure pas moins qu'il n'a toujours existé qu'un établissement public, et donc une seule personne morale, la "régie d'eau" n'ayant aucune réalité juridique autonome.

Or, l'indemnité de fonction versée au président d'un établissement public de coopération intercommunale, encadrée et calculée selon un dispositif légal et réglementaire précis, est conditionnée par l'exercice effectif de cette fonction, indépendamment du nombre ou de la nature des budgets annexes rattachés au budget principal de l'établissement public.

Les délibérations citées ci-dessus ont donc attribué indûment une double indemnité au président du syndicat en méconnaissance des dispositions du code des communes applicables en l'espèce.

Le fait que ces délibérations aient échappé au contrôle de légalité, ainsi que le fait valoir dans sa réponse l'ancien président du syndicat, est sans conséquence sur le caractère illicite des mesures qu'elles contiennent.

 

4. Gestion des fournitures consommables

La comptabilité générale de l'établissement ne comporte pas de comptes de stocks.

La gestion des fournitures consommables ne fait pas l'objet d'un suivi rougoureux.

a) Gazole

En novembre 1993 le SIAEP a acheté une cuve à hydrocarbures de 1 500 litres installée au domicile d'un des fontainiers, dans une localité voisine du siège du syndicat.

Les factures de gazole, pour la période vérifiée, font ressortir des consommations en progression sensible, puisqu'elles passent de 5 805 litres en 1991 à 7 999 litres en 1994 (+ 38 %).

Les factures payées par le comptable, conformément du reste à la réglementation en vigueur relative aux pièces justificatives des paiements et à leur contenu, mentionnent seulement la quantité de gazole achetée, avec attestation de service fait signée de l'ordonnateur. Au seul vu de ces documents, le comptable ne peut donc s'assurer au moment du paiement que ce carburant est bien destiné aux véhicules du syndicat, tels qu'ils figurent à l'état de l'actif.

En l'absence de volucompteur sur la pompe et faute de comptabilisation des entrées et sorties de stocks, cette vérification ne pouvait être assurée.

b) Carburant léger

Les factures d'essence payées pour les années considérées correspondent à des consommations de 203 litres en 1992, 313 en 1993 et 343 en 1994.

Aucun véhicule à essence ne figure à l'état de l'actif. Seuls les engins légers à moteur dont dispose le syndicat sont consommateurs de ce type de carburant, soit une tondeuse achetée en 1992 et une débroussailleuse-découpeuse acquise en 1993.

La pompe utilisée pour vider, après de fortes pluies, des poches d'eau susceptibles de souiller la nappe phréatique à travers des fissures (bétoire) fonctionne également au carburant léger.

Il apparaît cependant que le syndicat ne tenait pas d'état permettant le suivi quotidien de ces consommations.

c) Achat de pièces pour l'entretien du réseau

En novembre 1994, la Lyonnaise des Eaux a vendu au syndicat des pièces diverses pour que les fontainiers effectuent des réparations sur le réseau, pour un montant de 78 304 francs.

Le matériel a été entreposé à la station de pompage de St Germain sans aucune consigne particulière, ni de stockage, ni d'utilisation, ni de sécurité.

L'examen de ces divers postes de dépenses conduit la Chambre à préconiser la mise en place d'une procédure de gestion comprenant la tenue d'une comptabilité matière et permettant de contrôler le stockage, le déstockage et l'utilisation des produits consommables.

 

5. Rendement du réseau

a) Les résultats

Pour assurer les besoins en eau des usagers des communes adhérentes au SIAEP de la vallée de l'Eaulne, l'établissement public, qui en puise la plus grande partie, doit cependant compléter ses approvisionnements par des achats à différents fournisseurs.

Volume des pertes (en mètres cubes)

année

1993

1994

1995

1996

volume d'eau puisé ou acheté

1.117.181

982.302

816.991

885.720

m3 vendus

426.578

441.347

486.925

479.919

différence

690.503

540.955

330.066

405.801

perte

61,81 %

55,07 %

40,40 %

45,81%

b) Etude du réseau de distribution d'eau

Comme l'attestent les chiffres qui précédent, l'état du réseau est très mauvais.

Les canalisations défaillantes sont généralement remplacées par les fontainiers qui effectuent ces travaux en régie en utilisant souvent du PVC pour sa facilité de mise en oeuvre.

Or, selon les ingénieurs de la Direction départementale de l'agriculture et de la forêt consultés au cours de l'instruction sur les méthodes de recherche de fuites, le corrélateur acoustique, technique la plus souvent utilisée, se révèle inefficace sur les canalisations non métalliques.

Le syndicat a cependant fait procéder à des études de diagnostic du réseau.

Deux études ont ainsi été réalisées au cours de la période examinée, l'une par le BET SOGETI, l'autre par G2C ENVIRONNEMENT.

(1) Etude du BET SOGETI - LYONNAISE DES EAUX

La Lyonnaise des Eaux avait en charge la recherche des fuites mais n'a jamais facturé ses travaux au motif qu'aucune fuite n'avait été détectée.

Le BET SOGETI, sur la station de pompage de Marques, notait quant à lui une fuite d'environ 13 mètres cubes / heure, sans pouvoir la localiser, et recommandait le remplacement des canalisations pour un coût prévisionnel de 3 095 000 francs HT.

Des travaux ont de fait été réalisés en 1996 sur les sites d'ELLECOURT et MARQUES.

La Chambre constate que depuis 1995 le BET SOGETI et La LYONNAISE DES EAUX ne sont plus les fournisseurs privilégiés du syndicat et que la Direction départementale de l'agriculture et de la forêt n'est plus invitée aux réunions du comité syndical.

(2) Etude de G2C ENVIRONNEMENT

Le syndicat a demandé à G2C ENVIRONNEMENT un bilan global du réseau visant à évaluer les pertes d'eau à partir des chiffres d'exploitation.

(a) Service de NEUFCHATEL

Selon cette étude, le château d'eau de Bihorel devrait être abandonné et la construction d'un nouvel ouvrage envisagé : la cuve n'est plus étanche et le génie civil dégradé entrainant des fuites abondantes (8,47 m3/heure, soit un taux de pertes de 25 %).

(b) Réseau bas service

Dans ce secteur, les pertes sont élevées : 22,1 m3/heure, soit un ratio de 31 %. Une nouvelle recherche de fuite doit être faite sur une partie du réseau.

L'étude préconise de renforcer et de renouveler la conduite en sortie de réservoir.

Ces deux mesures devraient procurer une économie de 10 à 15 mètres cubes / heure.

(c) Réseau haut service (7 secteurs)

Le remplacement de certains tronçons après une campagne complémentaire de recherche de fuites est fortement recommandé.

Le bureau d'étude ne chiffre pas le montant des travaux à envisager.

En dépit des expertises conduites par ces deux bureaux d'études, le rendement du réseau reste anormalement faible.

 

6. Station de pompage de Marques

La station de pompage de Marques a été équipée d'un système de "micro filtration", technologie de pointe, sur les conseils du BET SOGETI en 1991. Mais l'équipement s'est révélé inefficace, en particulier à cause de la nature de la turbidité de l'eau puisée.

En outre, les produits de chloration utilisés ne sont plus fabriqués en France, par suite d'une modification de la formule chimique ; ils doivent donc être importés, et supportent des délais de livraison élevés.

Entre 1991 et 1994, les travaux effectués sur cette station de pompage ont atteint 2,8 millions de F sans pour autant que l'effort consenti aboutisse à une situation satisfaisante puisque le pompage doit être systématiquement stoppé après toute averse de quelque importance, l'eau puisée étant alors impropre à la consommation.