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Chambre Régionale des Comptes Champagne-Ardenne
Lettre d'observations définitives du 21/09/1995 sur la gestion du Syndicat intercommunal d'assainissement de la Haute-Seine (Aube)

 

La Chambre a constaté que les difficultés financières que subit le syndicat d'assainissement de la Haute-Seine depuis les débuts de son activité proviennent de plusieurs causes précisément identifiables.

Si les problèmes d'évaluation préalable de la capacité du réseau (I) n'ont eu que des conséquences marginales sur les finances syndicales, les conditions défavorables du raccordement des usagers au réseau (II) et l'insuffisante tarification des prestations (III) expliquent la situation actuelle.

D'autre part, la Chambre a relevé que la quasi-gratuité des prestations accomplies au profit du syndicat intercommunal d'assainissement, par le syndicat départemental des distributions d'eau de l'Aube pénalisait financièrement ce dernier (IV).

Enfin, elle a observé que le choix de prestataire de services engagé par le syndicat intercommunal d'assainissement pour assurer la maintenance de ses installations s'était effectué en méconnaissance du droit des marchés publics (V).

 

 

I- LES PROBLEMES D'EVALUATION PREALABLE DE LA CAPACITE DU RESEAU

La Chambre relève que la station d'épuration, élément important du réseau, a été construite en prévision de rejets d'eau usée correspondant à dix mille équivalents-habitans. Or, la population totale des communes concernées compte à peine, actuellement, quatre mille trois cents habitants.

Cet équipement a donc été livré en surcapacité de production, et ses coûts de construction et de maintenance sont, par voie de conséquence, plus élevés que ce qu'ils devaient être.

La Chambre ne mésestime pas les difficultés de l'exercice consistant à définir exactement la capacité d'un tel équipement en sa basant sur des hypothèses d'évolution à moyen terme des populations locales.

Ainsi, il ne lui a pas échappé que la disparition d'une usine d'équarrissage, au moment même du démarrage du réseau, s'était traduite par la disparition de huit cent équivalents-habitants. Cependant, ce problème bien circonscrit ne saurait justifier à lui seul la différence observée entre les prévisions initiales et la réalité présente.

Si les différents acteurs du projet ont répondu à la Chambre qu'ils s'étaient entourés de toutes les garanties possibles, il nen demeure pas moins que la station d'épuration actuellement en service est loin de fonctionner pour l'effectif d'équivalents-habitants prévu à l'origine par le syndicat.

D'autre part, si le coût de construction de la station d'épuration a été à 80 % couvert par des subventions provenant en particulier de l'État et ne pèse donc, à l'heure actuelle, que faiblement sur les difficultés financières du syndicat intercommunal d'assainissement de la Haute-Seine, ces subventions sont financées par des crédits publics provenant de l'effort demandé aux contribuables.

La Chambre souhaite que le syndicat intercommunal d'assainissement soit rapidement en mesure d'atteindre ses objectifs initiaux de quantités d'effluents traités, ce qui se traduirait immédiatement par une amélioration sensible de sa situation financière.

 

 

II- LE RACCORDEMENT DES USAGERS AU RESEAU

L'article L 33 du Code de la santé publique dispose que les usagers potentiels d'un réseau d'assainissement bénéficient d'un délai de deux ans pour s'y raccorder à dater du moment où l'équipement devient opérationnel.

Or, les riverains du réseau de la Haute-Seine ont attendu souvent la fin de cette période de grâce pour demander leur raccordement. Ainsi, leur participation financière a été différée, alors que la charge d'investissement se faisait déjà lourdement sentir sur les finances syndicales.

Mais cette difficulté, découlant des effets de la loi, a été aggravée encore par le refus des autorités syndicales de facturer aux nouveaux abonnés le prix de l'accès au réseau. En effet, chaque branchement correspond à une dépense estimée à 2 500,00 F, que, légalement le syndicat aurait pu exiger des nouveaux abonnés et dont il leur a fait remise complète.

Ainsi que le reconnaît l'autorité syndicale dans ses réponses aux observations provisoires de la Chambre, le syndicat départemental des distributions d'eau de l'Aube, organisme chargé de la gestion du syndicat intercommunal d'assainissement, lui avait d'ailleurs conseillé de facturer cette prestation.

La Chambre constate que, dans ce domaine, tout comme dans celui de la tarification, les réticences du syndicat à faire payer aux abonnés le prix réel du service rendu ont provoqué l'apparition de difficultés financières dont l'organisme n'a pas été en mesure, pour l'instant, de se dégager.

 

 

III- LA TARIFICATION DES PRESTATIONS DU SYNDICAT

Par la volonté du comité syndical, la tarification des prestations du syndicat est restée au même niveau depuis son démarrage, en 1987, jusqu'en 1992. Durant ces années, le tarif d'abonnement a représenté 1 200,00 F (1 236,00 F en 1992), tandis que le prix du mètre cube d'eau assainie s'établissait à 3,30 F, pour monter à 3,40 F en 1992.

Une tarification assise sur de telles bases s'est avérée insuffisante pour faire face aux charges induites par l'installation du réseau, son fonctionnement et sa maintenance.

Pourtant, une étude réalisée en 1985 par le syndicat départemental des distributions d'eau de l'Aube (SDDEA) à la demande du comité syndical du syndicat intercommunal d'assainissement de la Haute-Seine aurait pu guider celui-ci dans ses choix tarifaires. Ce document prévoyait la nécessité d'une facturation des prestations augmentant graduellement la redevance moyenne (part fixe et part variable) passant de 2 050,00 F en 1989 à 2 765,00 F en 1994.

La Chambre constate que la politique de tarification suivie de 1987 à 1992, et qui aurait été reconduite en 1993 sans intervention d'un arrêté préfectoral réglant le budget en application de l'article 9 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, représente une des causes des difficultés chroniques qui affectent les finances syndicales.

Elle observe également que l'insuffisance des ressources du syndicat intercommunal d'assainissement de la Haute-Seine l'a conduit à une gestion imprudente de sa trésorerie. En effet, à la fin de l'exercice 1993, l'établissement public n'a pas été en mesure de rembourser 4 746 240,00 F d'avances consenties par un de ses prêteurs sous forme de ligne de trésorerie, ce qui a conduit inéluctablement à sa consolidation.

Il a été noté, enfin, que dans les dernières semaines de l'exercice 1994, le comptable du syndicat, par courrier du 7 décembre 1994, a dû saisir l'ordonnateur d'une demande d'émission de titres de recettes en vue du recouvrement de diverses ressources, représentant un apport non négligeable pour la trésorerie syndicale : contribution des communes adhérentes, redevances dues par des stations-services et par le syndicat intercommunal d'assainissement du Vaudois et domaine du Menois.

Cette situation est d'autant plus surprenante qu'un certain nombre d'élus des communes concernées siègent au conseil syndical, ce qui aurait dû constituer une circonstance favorable au règlement de tels problèmes.

La Chambre rappelle que la vigilance dans le suivi du recouvrement des produits d'exploitation représente un élément essentiel du retour à l'équilibre des finances du syndicat.

 

 

IV- LES RELATIONS ENTRE LE SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ASSAINISSEMENT DE LA HAUTE-SEINE ET LE SYNDICAT DÉPARTEMENTAL DES DISTRIBUIONS D'EAU DE L'AUBE

Par délibération en date du 27 juin 1985, le syndicat intercommunal d'assainissement de la Haute-Seine a désigné le syndicat départemental des distributions d'eau de l'Aube comme responsable de sa gestion administrative et financière, au motif que "les travaux administratifs (à mener pour le compte du SIA) seraient "nombreux et divers".

Effectivement, gérer un organisme comme le syndicat de la Haute-Seine nécessite la mise à disposition de moyens humaines (consistant au moins dans un cadre assuré d'un à deux agents d'exécution), de locaux, de matériels de bureautique, de fournitures diverses.

Or, ce service est rendu par le SDDEA en échange d'une participation modique du SIA, représentant 1/25ème des travaux d'équipement réalisés, la dépenses étant ainsi incluse, sans être précisément identifiée sur les documents budgétaires, dans les crédits d'investissement. Cette pratique contrevient à l'obligation légale de sincérité des comptes.

En 1993, les investissements se sont élevés à 219 734,59 F, la rémunération du SDDEA représentant donc 8 789,39 F. Pour 1994, elle a été plus importante, puisque approchant les 76 000,00 F. Ces sommes sont tout à fait insuffisantes pour couvrir les frais exposés par le SDDEA dans la gestion du syndicat de la Haute-Seine, il apparaît donc que les coûts de gestion de celui-ci sont, en conséquence, pris en charge par les autres collectivités et établissements publics membres du SDDEA. Pour ces organismes, le refus de facturer la réalité du prix de la prestation ainsi réalisée est préjudiciable.

D'autre part, dans la perspective d'un règlement par le SIA, des frais engagés par son prestataire de service, procédure inéluctable à terme, la Chambre estime indispensable que le syndicat procède à une évaluation aussi précise que possible de ses coûts de gestion administrative et financière et à leur comptabilisation régulière en charges de fonctionnement.

 

 

V- LE CHOIX DU PRESTATAIRE DE SERVICES CHARGE DU FONCTIONNEMENT ET DE LA MAINTENANCE DES EQUIPEMENTS

Par délibération en date du 7 décembre 1988, le comité syndical a choisi l'entreprise responsable du fonctionnement et de la maintenance de la station d'épuration et de divers autres équipements du réseau.

Cette pièce ne comporte aucune mention du coût estimé de la prestation pour les finances syndicales. A l'évidence, l'instance syndicale la plus importante n'a pas été en mesure d'apprécier la portée de sa décision sur le plan financier. Aucun autre choix ne lui a d'ailleurs été proposé.

La Chambre constate que l'intervention de l'entreprise constitue un marché de services.

De plus, à la lecture de la convention d'une durée de dix ans, établie entre l'entreprise et le syndicat intercommunal d'assainissement le 9 mars 1989, il apparaît que le coût de la prestation accomplie annuellement par la société s'élève, dès 1989, largement au-dessus du seuil au-delà duquel les collectivités publiques doivent recourir à la procédure de mise en concurrence prévue par le Code des marchés publics.

Or, aucune mise en concurrence n'a été effectuée : le droit des marchés publics a donc été méconnu, en l'espèce.

La Chambre note que, n'étant pas en mesure de comparer plusieurs offres, les élus du syndicat ne pouvaient effectuer un choix pertinent sur le plan financier. A retenir d'office l'entreprise choisie au motif qu'elle avait été le constructeur de la station d'épuration, le montant de la prestation a été, en quelque sorte, imposé au syndicat intercommunal assainissement avec tous les effets que cela pouvait entraîner sur la situation de ses comptes.

Pour ces raisons, l'établissement a été engagé dans un accord contractuel dont l'équilibre économique demeure très loin d'être démontré d'autant plus qu'il représente, sur la durée de dix ans retenue, une charge importante pour les finances syndicales.