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Chambre Régionale des Comptes de Picardie
Lettre d'observations définitives de gestion du 28/10/1999 sur :
- la gestion municipale de la commune de Laon (Aisne) de l'eau et de l'assainissement sur la période 1991-1996
- la gestion de la société laonnoise d'aménagement et de défense de l'environnement sur la période 1992-1996
- les comptes rendus par le délégataire de l'eau et de l'assainissement au titre des exercices 1995 et 1996.

 

Observations définitives sur la gestion municipale de l'eau et de l'assainissement à Laon

Le dispositif mis en place à partir de 1991 donne lieu à des observations portant sur :

l'organisation effective des services de l'eau et de l'assainissement et le rôle de la Société Laonnoise d'Aménagement et de Défense de l'Environnement (SLADE),

l'information du conseil municipal,

les conditions de la gestion des services de l'eau et de l'assainissement,

les informations remises par le délégataire.

 

 

1 - Le dispositif initial

La production, la distribution de l'eau, la collecte et le traitement des eaux usées, la gestion des eaux pluviales et d'une manière générale la gestion des services d'eau et d'assainissement s'organisent à Laon autour de trois acteurs qui sont la ville, une SEM locale (la SLADE) et un délégataire de service public (la société lyonnaise des eaux Dumez).

Six conventions principales définissent les attributions respectives de chacun d'eux et organisent leurs relations.

Il s'agit tout d'abord de la convention du 4 mars 1991 pour la recherche de nouvelles ressources, la construction des installations de traitement et de refoulement de l'eau potable et leur gestion à laquelle se sont substituées dès le 13 septembre 1991 les conventions portant concession à la société lyonnaise des eaux Dumez des services de distribution d'eau potable et d'assainissement.

La convention du 30 septembre 1991 entre la ville et la SLADE définit le partage des compétences entre la ville et la Société.

Le bail emphytéotique du 25 juillet 1994, passé entre la ville et la société lyonnaise des eaux Dumez, fixe quant à lui les conditions de construction d'un bâtiment à usage de bureaux pour partie destiné à la SLADE.

Enfin, la convention du 27 septembre 1994 définit les relations entre la SLADE et la société lyonnaise des eaux Dumez. Elle a été complétée le même jour par une convention d'occupation des bureaux construits par le délégataire.

Il résulte des débats du conseil municipal ayant précédé la création de la SLADE, que la ville entendait se doter d'un outil capable d'accompagner et pérenniser les investissements prévus dans le contrat d'agglomération, d'être l'observateur de la nature, le gestionnaire des services d'eau et d'assainissement et l'un des acteurs de l'urbanisme local.

L'article 2 des statuts de la SEM définit les contours de ce large domaine de compétences puisque, outre l'entretien du réseau pluvial, elle a pour objet l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, ouvrages ou installations en rapport avec l'aménagement hydrographique, l'entretien et l'aménagement de l'Ardon, la maîtrise des eaux pluviales, la lutte contre la pollution, la protection et la conservation des eaux superficielles et souterraines, la sauvegarde des sites, des milieux naturels aquatiques et des zones humides, le renouvellement des canalisations d'eaux usées et eaux pluviales, le relevé, la facturation, le recouvrement des sommes dues par les usagers et, enfin, la préparation administrative et financière des dossiers d'investissements relatifs aux services eau et assainissement.

L'étendue de cette mission est confirmée par les articles 5H et 5E des contrats de concession eau et assainissement. Il s'agissait en effet pour la SEM de veiller à la protection des eaux, de préserver les zones humides, d'assurer la gestion des eaux pluviales, l'information des usagers, la promotion de la politique de raccordement.

En 1991, les rôles et missions de chacun paraissaient donc assez clairement définis. Cette organisation avait alors été mise en place pour répondre à un besoin de traitement déficient des eaux usées, à une demande en eau de qualité et à des contraintes propres à la ville de Laon et se caractérisant par un réseau de collecte ancien et principalement unitaire.

La Chambre note que l'organisation décrite avait pour objectif d'apporter une réponse à une situation que l'ordonnateur qualifie de catastrophique s'agissant :

de la qualité de l'eau potable distribuée (taux de nitrate, entre autres, avoisinant les normes maxima admissibles),

de l'efficacité du réseau de collecte des eaux usées n'acheminant que 36 % des eaux à la station, cette situation étant, selon lui, à l'origine des affouillements et autres effondrements observés à Laon,

de l'absence d'efficience de la station d'épuration ne traitant alors que 35 % des matières oxydables et 10 % du phosphore, d'où une forte pollution des ruisseaux de l'endroit à l'origine d'une recherche en responsabilité de la ville.

 

 

2 - L'organisation effective du service et la marginalisation progressive de la SLADE

La délégation des compétences et des services a été rapidement mise en place mais l'organisation retenue a fait l'objet de modifications substantielles.

La Chambre relève en premier lieu la remarquable brièveté des délais séparant la signature de la convention du 4 mars 1991 pour la réalisation de nouvelles ressources, la construction des installations et de refoulement de l'eau potable et leur gestion et la délibération du conseil municipal, en date du 21 février 1981, l'autorisant.

Parallèlement, elle note que la commune a organisé dès le 1er février 1991 une consultation sur l'avant projet de la nouvelle station d'épuration aboutissant le 13 septembre 1991 à la concession des services d'eau et d'assainissement.

Alors que la collectivité s'engageait pour 25 années, le bilan d'exploitation prévisionnel limité à un seul exercice et la relative brièveté des délais d'instruction des solutions préconisées ayant d'ailleurs conduit un des groupes consultés à répondre tardivement, ont paru insuffisants pour comparer les modes de traitement et options techniques proposés, fixer les objectifs attendus et les moyens à mettre en oeuvre, maîtriser les politiques d'investissement à engager tout en associant les divers partenaires aux discussions.

Les relations triangulaires (commune, SEM, concessionnaire) ont évolué par rapport aux conventions initiales.

La SEM a été rapidement amenée à réduire drastiquement le niveau des travaux réalisés en matière de renouvellement des réseaux d'eau pluviale (37.340 F de dépenses d'investissement en 1996), d'entretien des réseaux d'assainissement (135.926 F de dépenses entre 1991 et 1996) ou même de renouvellement de ce même réseau (1.174.789 F de dépenses entre 1991 et 1996).

Par ailleurs, la SEM n'a pas été associée aux décisions prises en matière de renouvellement et d'extension des réseaux d'eau tant usées que pluviales (rue Saint-Jean ou rue des Vendangeoirs) alors que ces travaux entraient dans son domaine de compétence. Elle n'a pas été davantage associée à la définition du contrat d'agglomération ; elle n'a pas été destinataire des rapports d'études sur le « diagnostic des réseaux » ou même « l'état actuel et perspectives de développement des ressources en eau » commandés par la ville et réglés par elle. Les procès-verbaux des quelques conseils d'administration tenus annuellement révèlent que les débats engagés n'ont à aucun moment porté sur la stratégie de la SEM, l'orientation de ses activités, ses relations avec la collectivité, ses perspectives de développement, l'éventuel partenariat avec d'autres établissements.

Ainsi, la SEM a progressivement été cantonnée à des tâches administratives très circonscrites de relevés de compteurs, de facturation (encore cette mission est-elle sous-traitée à un groupement d'intérêt économique informatique), de gestion des abonnés et de recouvrement alors que la création d'une société est en elle-même génératrice de surcoûts (frais de personnel, taxe professionnelle, honoraires de comptable et de commissaire aux comptes, taxe d'apprentissage, taxe sur les véhicules des sociétés, impôt sur les sociétés et TVA sur des participations hors du champ d'application de cette imposition en situation ordinaire).

S'il ne s'agissait pas de donner à la SEM, comme l'indique l'ordonnateur en réponse à cette observation, « un rôle clé de gestionnaire des services de l'eau et de l'assainissement » et d'en faire « un des acteurs de l'urbanisme local », la Chambre observe néanmoins que :

La Chambre observe que les missions initialement confiées à la SEM ont été considérablement réduites au fil du temps. Elle n'ignore pas que l'instauration de relations tripartites complexes a pu conduire à des ajustements mais elle souligne qu'ils auraient dû trouver leur traduction dans les contrats.

Aussi l'association récente de la SLADE aux politiques mises en œuvres (études sur les conditions de raccordement au réseau entre autre) est apparue tardive et trop épisodique pour être significative.

Cette perte de substance s'est traduite par la baisse de la redevance annuelle au titre de la compétence eau pluviale qui a été ramenée de 2.000.000 F valeur septembre 1991 à 1.200.000 F HT en 1996.

Les principes d'évaluation de cette contribution ne sont pas connus de la Chambre. Il semble plutôt que le versement a été déterminé en fonction des possibilités financières de la Ville et de la situation financière de la Société en totale déconnexion avec le coût réel du service.

Des compétences dévolues à la SEM ont été exercées par la collectivité qui a supporté sur son budget pour la période 1992-1996 des charges importantes : 3.058.235 F pour la compétence eau et 53.560.241 F pour la compétence assainissement. Pour autant les budgets annexes afférents à ses activités n'ont pas été créés.

La Chambre observe que l'article L. 2224.2 du code général des collectivités territoriales interdit en principe aux collectivités de prendre en charge dans leur budget les dépenses de services industriels et commerciaux dont l'équilibre doit être assuré par les produits du service. Or, l'assemblée délibérante n'a pas été appelée à statuer sur le principe de l'instauration d'une surtaxe ; elle n'a pas plus été appelée à délibérer sur les conditions du raccordement des usagers au réseau ou les conséquences à tirer d'un défaut de raccordement (articles L. 35-4 et L. 35-5 du code de la santé). Elle n'a enfin pas délibéré sur les tarifs applicables et notamment sur les rabais pouvant atteindre 85 % du prix de la redevance d'assainissement pour les plus gros consommateurs, l'application de ces rabais n'étant au demeurant pas prévue au contrat de concession.

Cette situation conduit, selon la Chambre, à des transferts de charges entre usagers des services et contribuables observables tant dans les comptes de la SEM que dans ceux de la commune.

La Chambre note que le conseil municipal, par délibération du 21 décembre 1998, a adopté le principe de l'instauration de budgets annexes eau et assainissement. Le 22 février 1999, cette même assemblée a adopté les budgets eau et assainissement, décidé le transfert des actifs et passifs du budget principal vers les budgets annexes et fixé les durées d'amortissement des immobilisations ainsi mises à disposition.

S'agissant des conséquences à tirer du défaut de raccordement aux réseaux créés ou existants, la Chambre prend note de la nécessité de procéder à des enquêtes qui ont commencé en fin d'année 1998. Il conviendra, lorsque les résultats seront connus, de tirer les conséquences d'un défaut de raccordement ou d'un raccordement non satisfaisant.

 

 

3 - L'insuffisante information du conseil municipal

L'absence de budgets annexes distincts et de toute comptabilité analytique au niveau de la SEM avaient conduit la Chambre à juger insuffisante l'information remise au conseil municipal.

La Chambre prend note de la réponse de l'ordonnateur selon laquelle la dégressivité des tarifs appliqués aux plus gros consommateurs résulterait de l'application de principes anciens.

Elle observe cependant que seule l'assemblée délibérante est compétente en la matière, et rappelle que les contrats liant les différents intervenants doivent traduire ces décisions.

La Chambre donne acte à l'ordonnateur du fait que l'information parvenait au conseil municipal ne serait-ce que par le truchement des contrats d'agglomération et autres conventions dont il a eu à débattre.

Elle note que le conseil municipal est désormais appelé à voter annuellement les programmes à mettre en place, en application des dispositions budgétaires et comptables relatives aux services publics à caractères industriel et commercial (M 49). Cette information sera encore améliorée par la décision, certes tardive puisque le principe en avait été posé par la loi 92.125 du 6 février 1992, de créer une commission consultative compétente notamment pour les services publics locaux exploités dans le cadre d'une convention de gestion déléguée.

L'amélioration et le recadrage des renseignements fournis par le concessionnaire permettra aussi d'assurer une meilleure information conformément aux dispositions de l'article L. 1411-3 du code général des collectivités territoriales ;

S'agissant de la réunion du conseil municipal en date du 21 septembre 1992 au cours de laquelle a été autorisée la signature de l'avenant au contrat de concession en date du 6 octobre 1992 la juridiction observe que le contenu de la délibération diffère sensiblement de celui de l'avenant signé par le Maire.

En effet, la délibération du conseil municipal portant sur les modifications à apporter aux conditions de financement de la station d'épuration prévoit :

la mise en place d'abattements dégressifs pour tenir compte du décalage dans la mise en service de la station (en fait, il apparaît que les usagers ont acquitté dès 1993 une redevance de traitement plein tarif alors que la station n'a été mise en service que courant 1995),

l'engagement du concessionnaire acceptant de financer la part supplémentaire d'autofinancement correspondant au nouveau programme (mise aux normes européennes de la station d'épuration),

Or l'avenant traite, en outre, du report d'application des dispositions de l'article 5D du contrat de concession du service de l'assainissement relatif aux conditions d'abondement du « fonds spécial travaux ».

Par ailleurs, le conseil municipal n'a, semble-t-il, pas explicitement été appelé à délibérer sur les conditions dans lesquelles le délégataire supporterait effectivement la part du financement de la station lui incombant.

Cette part avait, à l'origine, été chiffrée à 16,6 millions de francs ; elle n'a en fait été que de 9.404.380 F et a, par la suite, été complétée par la prise en charge des annuités des emprunts souscrits auprès de l'agence de bassin ou l'utilisation de l'enveloppe annuelle des travaux prévus au titre du contrat d'agglomération (article 5C du contrat de concession assainissement).

La Chambre prend acte de la réponse selon laquelle le conseil municipal a précisément eu à connaître des termes de l'avenant du 6 octobre 1992 dont le projet a été adressé selon l'ordonnateur aux membres de l'assemblée délibérante.

S'il n'est certes pas possible de reproduire dans le corps d'une délibération le texte intégral d'un avenant à une convention – dont il est observé que l'exemplaire adressé ne comporte pas le cachet de la Préfecture – il est toutefois paru souhaitable à la Chambre que soit améliorée la rédaction des actes administratifs exprimant la volonté de l'assemblée, de sorte qu'ils soient bien le reflet des décisions prises sans qu'il soit besoin de recourir à d'autres documents pour en mesurer la portée ou le sens.

La Chambre note que le conseil municipal a enfin eu à connaître le 22 février 1999, à l'issue des négociations avec le concessionnaire pour l'établissement d'avenants au contrat de concession, des ajustements définitifs à apporter aux conditions de financement du coût de la construction de la station d'épuration (article 5B de l'avenant n° 2 du cahier des charges pour la concession du service d'assainissement).

Outre l'important décalage constaté entre la consommation de la part des financements incombant au concessionnaire et le vote de l'assemblée délibérante, la Chambre note que le concessionnaire reste à ce jour redevable d'un reliquat de participation de 411.115,11 F, selon la Chambre, dont il conviendra de suivre l'utilisation.

 

 

4 - Les conditions de fonctionnement et de gestion des services d'eau et d'assainissement

1) Les lacunes du contrôle exercé par la ville

Certaines conventions relatives à l'assainissement impliquaient des communes voisines sans que celles-ci aient été associées au processus décisionnel.

Ainsi, et depuis 1991, trois communes ont pu acheminer leurs eaux usées à la station de Laon sans avoir, à aucun moment, contribué aux charges du service. Dès lors, la ville de Laon aurait dû constater la dette qu'elle avait ainsi contractée envers le gestionnaire de la station (article 32 Ab du contrat de concession assainissement). Or cette dette, pourtant proche de 2 millions de francs, n'a pas été comptabilisée.

La Chambre prend acte de l'aboutissement des négociations menées avec les communes concernées et du règlement, à la ville de Laon par celles-ci d'un arriéré de participations pour un total de 2.332.086,45 F.

Elle estime de même que l'insuffisance des contrôles et une négociation des contrats opérée dans les conditions déjà décrites ont conduit à régler au délégataire des services, pendant plusieurs années, des frais de curage des réseaux assis sur un linéaire supérieur à l'existant et révisés en l'absence de toute disposition contractuelle. La facturation établie de façon forfaitaire portait en effet sur un linéaire de 61.000 mètres (totalité du réseau) alors que les réseaux effectivement curés sont d'une longueur de 16.830 mètres au vu des comptes rendus remis par le prestataire.

La Chambre prend note de la médiation intervenue entre la SEM et le délégataire sous les auspices de la municipalité afin de redéfinir les bases du règlement forfaitaire à opérer au profit du prestataire. Elle relève que cette démarche a notamment abouti au reversement par la Lyonnaise des Eaux d'une somme de 349.530,38 F au profit de la SEM SLADE.

Enfin, l'ordonnateur ne conteste pas l'absence de toute enquête jusqu'à une période récente portant sur les conditions de raccordement aux réseaux. En effet des déversements irréguliers autres que domestiques ont pu être effectués ainsi qu'en témoigne l'existence de traces d'eaux de lessives, voire même d'hydrocarbures dans des réseaux ou fossés exclusivement destinés à recueillir des eaux pluviales (exemples relevés ou cités : fossé SNCF chemin des Epinettes, fossé rue de Manoire, fossé du pont de Vaux, fossé de la RN2 sortie Reims Est, rivière Ardon). L'existence de 7 déversoirs d'orage susceptibles d'être en situation de délestage par temps sec et à plus forte raison par temps de pluie ou d'orage aggrave les conséquences du non-respect des dispositions de l'article L35-8 du code de la santé publique relatives aux conditions dans lesquelles peuvent être déversées des eaux usées autres que domestiques dans les égouts publics. En effet, tout déversement d'eaux usées, autres que domestiques, doit être préalablement autorisé par la collectivité à laquelle appartiennent les ouvrages que ces eaux emprunteront avant de rejoindre le milieu naturel. L'autorisation fixe, suivant la nature du réseau à emprunter ou des traitements mis en oeuvre, les caractéristiques que doivent présenter ces eaux usées pour être reçues. A Laon, une seule convention de l'espèce a été signée avec la société Carnaud Métal Box…

La Chambre prend acte de la réponse selon laquelle le contrat pluriannuel récemment signé devrait permettre de résoudre les difficultés évoquées. Elle souligne la nécessité d'un recensement industriel précis.

 

2) Les relations avec le délégataire

Au regard du dispositif législatif et réglementaire actuellement en vigueur, mais aussi des charges et contraintes incombant au délégataire, la Chambre a estimé excessive la durée de 25 ans des contrats qualifiés de concession des services d'eau et d'assainissement.

En outre, la Chambre observe que la charge des dépenses d'investissement incombe pour l'essentiel à la collectivité ou à la SLADE.

Elle note que la commune a profité de la renégociation des termes des contrats pour obtenir la suppression des clauses de reconduction qui auraient pu permettre de prolonger la période de vie des contrats au-delà du terme déjà évoqué.

Cette réduction de la durée potentielle du contrat dit de concession à 25 ans se justifiait amplement. L'équilibre du contrat implique en effet que la durée d'une concession soit déterminée de sorte que l'exploitant assure le fonctionnement du service dans de bonnes conditions et répartisse l'amortissement des installations financées sur la durée du contrat sans trop peser sur le prix du service. Cependant dès lors qu'une partie des travaux réalisés ou prévus a été ou est susceptible d'être répercutée directement sur l'usager (dispositif de télégestion, dépenses liées au forage et à la station de déferrisation, programme annuel de travaux), une durée de trente ans était pour le moins excessive.

L'article 2 du contrat de concession du service de l'eau stipule que le concédant s'engage à mettre à la disposition du concessionnaire, en état de fonctionnement, les ouvrages publics correspondants financés à ses frais ou à ceux de la régie des eaux. Le même dispositif est prévu en matière d'assainissement.

Ces dispositions supposent qu'un inventaire contradictoire des biens remis au délégataire soit dressé.

Or, il faudra attendre le 20 août 1992 pour que soit dressé un état non contradictoire et incomplet (longueur des réseaux, nature des équipements mis à disposition et notamment postes de relèvement) des biens mis à disposition. Cette mise à disposition n'a pas encore été traduite au niveau des comptes de la commune qui continuent de comporter aux chapitres 21 et 23 la charge des investissements que cette dernière supporte ou préfinance.

Une convention récemment conclue entre la ville de Laon et la Lyonnaise des Eaux définit la longueur et les caractéristiques des réseaux unitaires. Cependant l'état des équipements remis au concessionnaire, que la juridiction estime pourtant directement utile à la compréhension des documents financiers établis annuellement par le délégataire, n'a pas été établi.

La Chambre relève que la commune n'a pas davantage mis en oeuvre le mécanisme du transfert des droits à déduction de la TVA prévu aux articles 216 bis à 216 quater de l'annexe I du code général des impôts auxquels renvoient pourtant expressément les contrats de concession de l'eau et de l'assainissement.

Elle note qu'à la suite de cette observation les services municipaux ont adressé les attestations nécessaires au délégataire lequel a d'ores et déjà reversé un total de 1.746.539,01 F à la collectivité, cette somme correspondant à la TVA ayant grevé les travaux réalisés au titre des exercices 1996 et 1997.

Il conviendra de suivre le remboursement des droits à déduction ayant grevé les mêmes opérations de l'exercice 1998 soit, en l'état des informations communiquées par la direction régionale de la Lyonnaise des Eaux, 631.582,66 F.

S'agissant de la formule de révision du prix de l'eau et de la redevance d'assainissement, la Chambre rappelle que les formules de révision des prix de base doivent être en relation directe avec l'objet de la prestation ou du contrat.

Elle relève que la partie fixe retenue (0,10) est d'une importance trop faible alors qu'à l'inverse celle de l'index du coût de la main d'oeuvre pour les industries mécaniques, électriques et produits réfractaires y est trop importante eu égard à la réalité du contrat. La formule de révision du prix de l'eau intègre enfin un index assis sur l'évolution du prix des canalisations avec fourniture de tuyaux en fonte alors que cette charge est marginale au cas particulier.

Certes, la révision du prix de base convenu dans les conditions décrites aura jusqu'alors été d'une importance toute relative dans l'augmentation du prix de l'eau. Mais, l'application de cette formule peut se révéler onéreuse et en décalage avec l'objet du contrat.

S'il est vrai que pour apprécier l'évolution du prix de l'eau il convient d'intégrer les conséquences de l'érosion monétaire et des exigences nouvelles imposées en matière d'environnement et plus particulièrement de station d'épuration, une étude insuffisante des prix de base proposés, conjuguée à une imparfaite définition des travaux à réaliser, peut également expliquer que le coût des travaux prévus à l'article 5A du contrat (station de pompage et de déferrisation) de concession de l'eau soit passé de 4,8 millions de F HT à plus de 7,5 millions de F. Celui de la station d'épuration est quant à lui passé de 41,5 millions de F (sans que le contrat ne précise si ce prix doit être entendu HT ou TTC) à plus de 53,4 millions de F HT.

Cette augmentation de l'enveloppe des travaux à exécuter, sans que l'un ou l'autre des contrats n'ait défini un quelconque calendrier et les conséquences à en tirer en cas de dépassement, a, s'agissant du prix de l'eau, été directement répercutée sur l'usager (0,184 F par m3).

La Chambre observe ainsi que le supplément de travaux réalisés par le concessionnaire (3.300.000 F environ) générera une recette théorique de 7.590.000 F en valeur historique (1.650.000 m3/an x 0,184 x 25).

La Chambre estime enfin insuffisantes, indépendamment des comptes rendus techniques et financiers examinés ci-après, les informations remises à la collectivité et relatives aux conditions d'emploi des fonds de renouvellement prévus aux articles 5 D des contrats de concession de l'eau et de l'assainissement. Elle considère qu'il aurait été judicieux de convenir, préalablement à leur exécution, de la nature des travaux à exécuter dans l'année et du barème de leur facturation. Au demeurant, faute de toute révision, leur valeur risquait d'être fortement amoindrie à l'expiration du contrat.

La Chambre relève que la commune a pris en compte l'ensemble de ces observations à l'occasion de la signature d'avenants aux contrats d'origine et négocié :

en matière d'eau : le refinancement des échéances des emprunts mis à la charge du délégataire et la suppression du fonds de renouvellement de travaux en contrepartie de l'obligation faite de remplacer un linéaire de canalisations de 2 000 mètres, les branchements ainsi que 80 % des frais liés au remplacement des conduites en plomb,

en matière d'assainissement : le refinancement des échéances des emprunts mis à la charge du délégataire, l'affectation de sa part de la prime d'épuration à l'amélioration du fonctionnement de la station et la suppression du fonds d'amélioration en contrepartie de la mise aux normes de la station d'épuration en matière de traitement du phosphore, et la prise en charge des frais de dératisation et des frais d'exploitation de quatre stations supplémentaires de relèvement par le concessionnaire.

Le concessionnaire a obtenu une limitation des risques supportés par lui en matière d'évacuation des boues.

La chambre note enfin que la commune a obtenu une réduction de 0,70 F par m3 de la part de la redevance d'assainissement revenant au concessionnaire.

Cette réduction compensera en partie, pour l'abonné, les nouvelles surtaxes municipales instaurées pour assurer le financement des dépenses désormais supportées par les budgets annexes eau et assainissement.

 

 

5 - Les informations financières remises par le délégataire

En application de la loi du 8 février 1995 relative aux marchés publics et aux délégations de service public, tout délégataire doit produire chaque année, avant le 1er juin, à l'autorité délégante, un rapport assorti d'une annexe, avec les comptes retraçant toutes les opérations afférentes à l'exécution de la délégation du service public au cours de l'exercice précédent.

Parallèlement à l'examen de la gestion de la ville et de la SLADE, la Chambre a entrepris le contrôle des comptes rendus remis par le délégataire et notamment des bilans financiers produits au titre de l'exploitation du service pour 1995 et 1996.

Il convient de noter qu'afin de respecter les obligations imposées par la loi précitée le délégataire a suivi les recommandations préconisées par le syndicat professionnel des entreprises de services d'eau et d'assainissement (SPDE).

L'utilisation du modèle de compte rendu préconisé, s'il présente l'avantage de standardiser les informations remises, n'en facilite néanmoins pas la lecture dès lors qu'il n'est pas forcément adapté à chaque collectivité et aux particularités de chaque contrat.

Une des spécificités des services liés à l'exploitation de réseaux est le regroupement de certaines catégories de dépenses à des niveaux variables (le contrat, le secteur, les centres régionaux ou nationaux) dans le souci d'optimiser le service rendu. Le SPDE évoque le terme de « pyramides de compétences contribuant à la valeur ajoutée d'un service » justifiant ensuite la répartition des dépenses engagées à ces différents niveaux en fonction de clefs (les volumes distribués, le nombre des clients, la valeur ajoutée, les m3 relevés...).

Sans contester le fait que les critères de répartition des charges et des produits soient en relation directe avec les contrats, la Chambre estime que la collectivité aurait dû être destinataire de ces clefs afin de mieux appréhender la lecture des comptes rendus remis.

En effet, l'utilisation de termes non adaptés au contrat (partie fixe, partie proportionnelle, frais de contrôle, redevances du domaine privé ou concédé) et l'absence de tout mode d'emploi rendent difficile, en l'état, la compréhension des éléments y figurant.

La Chambre prend note de la réponse du délégataire selon laquelle les informations remises à la collectivité assuraient, dès 1998, une meilleure lisibilité des comptes remis.

En matière de produits, la Chambre estime souhaitable que la collectivité soit destinataire d'informations précises permettant d'apprécier directement les résultats du contrat et d'en analyser les composantes.

Tel n'est pas le cas des comptes rendus remis en matière d'eau ou d'assainissement pour les exercices 1995 et 1996. Ils ne font en effet pas apparaître clairement le produit des ventes d'eau opérées en dehors du périmètre de la délégation ou regroupent sous le vocable « partie fixe » les produits liés au raccordement de communes voisines au réseau laonnois.

La Chambre prend acte des engagements pris par le délégataire de fournir des informations plus accessibles et plus proches de la réalité des contrats.

Au stade des méthodes, la Chambre observe que chacun des postes de dépenses (redevances d'utilisation du domaine privé ou du domaine concédé, garantie de renouvellement, annuités d'emprunts ou rémunération du besoin en fonds de roulement) était recalculé de manière à intégrer le coût des fonds mobilisés. Dès lors, il est surprenant de constater que les produits mentionnés dans les comptes rendus remis se limitent aux seuls produits d'exploitation à l'exclusion de tout produit financier. La logique commandant à l'établissement des comptes rendus voudrait qu'au moins une partie de ces produits financiers soit rattachée au contrat suivant les critères prévalant à la répartition des charges, la remarque valant tout spécialement pour les fonds de renouvellement ou les redevances d'usage, de renouvellement ou d'utilisation (en fait les annuités d'amortissement ou les provisions constituées).

La Chambre relève la contradiction existant entre la réponse de l'ordonnateur, accueillant favorablement la remarque, et celle du délégataire s'y opposant fermement dès lors qu'il estime ne pas être appelé à gérer la trésorerie du service de l'eau et de l'assainissement.

La juridiction estime devoir maintenir son observation. En effet le prix de l'eau réclamé à l'usager intègre des postes de dépenses sous forme de provisions lesquelles ne sont pas utilisées durant les premières années de vie du contrat lorsque les installations et équipements sont récents.

La Chambre a relevé que ne figurait pas davantage dans les comptes du délégataire le montant des primes d'épuration versées par l'agence de l'eau à la ville dont la moitié revient contractuellement au concessionnaire (article 32 Ac du contrat de concession). Ces reversements pourtant effectués par la ville ressortent au total à 1.269.397,75 F (part revenant au délégataire) sur la période 1993-1997 dont 162.450,50 F en 1995 et 830.733,80 F en 1996.

La juridiction procède à la même constatation s'agissant du produit des locations de bureaux à la SLADE (de l'ordre de 64.000 F par an) alors que le coût du crédit-bail des locaux édifiés sur le terrain mis à disposition par la ville a été intégralement porté en charges (284.200,27 F pour la période allant du 10 novembre 1995 au 9 novembre 1996). Il en est de même des recettes liées à la télésurveillance de deux postes de relèvement d'eaux pluviales (71.769 F HT en 1995 et 72.312 F HT en 1996).

La Chambre prend acte de la réponse de l'ordonnateur selon laquelle la ville entend demander que les produits financiers soient rattachés au contrat dans des conditions restant à préciser.

Elle prend également note des informations fournies par le délégataire et des éclaircissements apportés sur les techniques de rattachement des dépenses à partir notamment du ratio des recettes procurées par le contrat sur le secteur. Par ailleurs, le délégataire a indiqué avoir fait figurer dans les comptes rendus de 1997 le montant des primes d'épuration encaissées jusqu'en 1997.

La Chambre estime qu'il aurait été tout aussi logique et certainement plus compréhensible de rattacher au compte l'ensemble des produits liés au contrat et de faire figurer à due concurrence les dépenses nécessaires à la réalisation de ces produits, qu'il s'agisse des échéances de crédit-bail ou des opérations liées à la télésurveillance dès lors qu'elles font partie des compétences dévolues en matière d'eau et d'assainissement.

S'agissant des frais de personnel, la juridiction relève que les salaires et charges du personnel directement affecté sur le site s'élèvent (en millions de francs) :

Eau assainissement

- pour 1995 1,2 1,3

- pour 1996 1,4 1,7

Les comptes rendus produits pour les mêmes exercices font état des dépenses de personnel et charges suivant le détail ci-après (en milliers de francs) :

Eau assainissement

- pour 1995 2,2 3,3

- pour 1996 2,3 3

Ces différences résultent de l'application de clefs de répartition des dépenses salariales en l'espèce engagées au niveau du secteur régional.

La Chambre constate que les dépenses réparties représentent la moitié environ des charges de personnel figurant au compte d'exploitation du concessionnaire.

La même remarque peut être formulée en ce qui concerne les frais divers de gestion lesquels regroupent les produits de traitement, les frais d'analyse, les frais de sous-traitance et les autres achats.

Les charges directes autres que celles réparties s'établissent en effet pour 1996 à 3,6 millions de francs en matière d'eau et d'assainissement pour un total mentionné aux comptes rendus produits proche de 5 millions de francs.

La Chambre observe en outre que les dépenses considérées comme directes c'est-à-dire ne résultant pas de l'application de clefs de répartition, comportent une rubrique intitulée « baisse d'activité » pour un montant de 20.000 F (comptes rendus de 1996).

Le délégataire a indiqué que ces charges correspondaient « au basculement d'une partie des charges de structure de l'activité travaux vers l'activité affermage ».

La Chambre observe que cette explication reste insuffisante et souligne que cette rubrique aurait dû faire l'objet de justifications plus précises.

La Chambre observe que les autres postes de dépenses (redevances d'utilisation du domaine privé, garantie de renouvellement et redevance d'usage du domaine concédé), sont lissés sur la durée du contrat et incluent le coût financier des moyens mobilisés en tenant compte de l'érosion monétaire.

Cette technique fondée sur une logique économique conduit à forfaitiser ces catégories de dépenses et donc à les déconnecter de la réalité des mouvements financiers intervenus.

Sans contester le fait que le concessionnaire ait à constater l'amortissement sur la durée du contrat des dépenses et investissements dont la charge lui incombe ; sans davantage contester la logique économique ayant conduit à intégrer dans cet amortissement le coût des financements ainsi mobilisés, la Chambre observe que pour un investissement réalisé à l'origine du contrat, le taux de retour sur investissement s'établit pour à 2,5 pour une durée de vie du contrat de 25 ans.

La remarque vaut pour la construction de la nouvelle station de pompage et de déferrisation, et la part des travaux afférents à la station d'assainissement supportée par le délégataire.

La rubrique « Redevance d'utilisation du domaine privée » conduit à retenir une charge de 7,5 MF sur la durée du contrat pour la partie des dépenses relative aux compteurs d'eau (entretien renouvellement hors fournitures accessoires et charges salariales reprises par ailleurs).

Le délégataire a indiqué qu'une enveloppe de ce montant correspond approximativement au coût de remplacement du parc des compteurs qu'il sera appelé à changer au moins une fois d'ici la fin du contrat.

La Chambre observe cependant que malgré une demande explicite, le délégataire n'a pu justifier les méthodes de calcul de la « garantie de renouvellement » du matériel (309.000 F de dépenses imputés au compte rendu eau en 1996 et 842.000 F au contrat assainissement).

Il apparaît dès lors que le délégataire constate chaque année des « quasi-provisions », pour l'instant non utilisées conformément à leur objet et portant sur des équipements qui ne lui avaient jusqu'alors pas été officiellement remis.

S'agissant enfin des principes devant prévaloir à la constitution et la justification des provisions, la Chambre rappelle le principe posé par le Conseil National de la Comptabilité (document 327.90.02) selon lequel il est recommandé que le montant des disponibilités dégagées par le concessionnaire, du fait des provisions pour renouvellement, mais aussi des amortissements pour dépréciation, soit, au terme du contrat, remis au concédant.

Il apparaît enfin que, du fait de la sectorisation de divers types de dépenses, les bases de calcul des redevances du domaine concédé ou les sommes devant revenir à l'agence de l'eau au titre de la redevance « prélèvement » ont l'une et l'autre été minorées par rapport à la charge effectivement supportée, comme d'ailleurs les sommes précomptées par la SLADE. Cette minoration est la conséquence de l'application de clefs de répartition (à des dépenses) qui étaient pourtant directement rattachables au contrat.

D'une manière générale la gestion du service de l'eau et de l'assainissement sur la période 1991-1996 a connu de nombreux bouleversements qui ont modifié les rôles respectifs de la ville et de la SEM SLADE. Ces modifications n'ont pas toujours été débattues par le conseil municipal dans des conditions satisfaisantes et n'ont pas été traduites dans les contrats et conventions. S'agissant de la délégation du service public de l'eau et de l'assainissement à la Société Lyonnaise des Eaux, la Chambre prend note des avenants et modifications intervenus dans la période récente mais souligne la nécessité de parvenir à un accord sur les questions restant en suspens (provisions, produits financiers à rattacher au contrat).

Par ailleurs, la Chambre considère que les comptes rendus produits par le délégataire lors du présent contrôle ne reflètent pas la vie réelle du contrat dès lors que les modalités de calcul et d'imputation des dépenses reposent en partie sur des clefs de répartition appliquées à des dépenses qui ne peuvent être vérifiées. Elle relève en outre que la collectivité n'avait jusqu'alors pas été destinataire de ces clefs de répartition.

La Chambre prend acte des améliorations intervenues dans la production des informations remises par le délégataire, lesquelles doivent inciter la collectivité à assurer un contrôle effectif du fonctionnement des services publics d'eau et d'assainissement.