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Chambre Régionale des Comptes Ile-de-France
Lettre d'observations définitives du 31/07/1998 sur la gestion du Syndicat
intercommunal des eaux d'Ile-de-France (SEDIF) - Paris
Par lettre du 30 mars 1995, la Chambre régionale des comptes a fait connaître au Syndicat des Eaux d'Ile-de-France diverses observations faisant suite à l'examen auquel elle avait procédé de la gestion de cet établissement public. Les principaux points de ces observations ont été repris par la Cour des comptes dans son rapport public de cette même année.
Depuis lors, la convention liant le syndicat à la Compagnie Générale des Eaux a été modifiée par un avenant du 11 décembre 1997. Cet avenant porte sur plusieurs des points qui avaient fait l'objet des critiques de la Chambre et de la Cour des comptes.
Ainsi qu'a tenu à le souligner le président du syndicat, la préparation de cet avenant a été conduite avec le concours du Cabinet Arthur ANDERSEN International et en étroite concertation avec les services chargés du contrôle de légalité.
Son adoption a été précédée de la communication à la Chambre, par le préfet de la Région Ile-de-France, préfet de Paris, d'un projet de révision des articles 6, 7 et 8 de la convention traitant du régime des travaux du syndicat. La Chambre a fait connaître au préfet son analyse, qui maintenait plusieurs critiques. Elle a, d'autre part, reçu communication des grandes lignes du futur avenant que le président du syndicat lui avait fait connaître, par lettre du 22 octobre 1997. Dans ces conditions, la délibération prise le 11 décembre 1997 par le comité du syndicat ne pouvait faire état de «l'accord donné ... par la Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France».
Cette mention ne correspond ni à la teneur quant au fond des correspondances échangées, ni à la nature des attributions légales de la Chambre. Celle-ci peut certes, comme elle l'a fait, adresser des communications au préfet dans le cadre fixé par l'article 128 du décret n° 95-945 du 23 avril 1995 ou encore, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, formuler un avis, conformément à l'article L. 1411-18 du Code général des collectivités territoriales sur une convention relative à une délégation de service public transmise par le préfet après son adoption. Mais, elle n'a pas compétence pour donner un accord préalable à l'adoption d'une telle convention.
La Chambre régionale des comptes a estimé utile, après l'adoption de cet avenant, d'examiner les suites données dans ce nouveau cadre à ses observations de 1995 et à celles de la Cour des comptes. Cet examen l'a conduite à formuler, à titre définitif, les observations ci-après.
Par ailleurs, la Chambre informe le syndicat de ce qu'elle ne peut donner suite à la demande de l'exploitant, souhaitant la publication de sa réponse à la lettre d'observations provisoires dont il avait reçu copie en application de l'article L. 241-14 du Code des juridictions financières.
En effet, les textes qui régissent les Chambres régionales des comptes ne prévoient pas de telles publications. Rien ne s'oppose toutefois à ce que le syndicat fasse connaître cette réponse aux membres du comité syndical lorsque celui-ci prendra connaissance de la présente lettre d'observations définitives.
1. LES RÉPONSES APPORTÉES PAR L'AVENANT DU 11 DÉCEMBRE 1997 AUX OBSERVATIONS DES JURIDICTIONS FINANCIERES SUR LE FONCTIONNEMENT COURANT DE LA RÉGIE
1.1. Sur l'organisation comptable et financière du service :
La Chambre avait observé qu'il existait une dualité comptable du service du fait que les dispositions de l'article R. 324-6 du Code des communes, relatives à l'organisation comptable des services exploités dans le cadre d'un contrat de régie intéressée, n'avaient pas été mises en oeuvre par le syndicat et son régisseur sans que cette question ait, jusqu'alors, jamais été soulevée par le contrôle de légalité.
La Chambre prend note que la direction de la comptabilité publique, questionnée par le préfet de la Région Ile-de-France, préfet de Paris sur les suites qu'il convenait d'apporter à cette observation de la Chambre, n'avait pas encore fait connaître sa réponse. En conséquence, l'avenant ne revient pas sur l'organisation comptable antérieure. Il en résulte que, dans la forme de l'instruction Monsieur 49 depuis 1995, les écritures du syndicat retracent les opérations d'investissement, tandis que le régisseur gère comptablement le compte d'exploitation du service.
Toutefois, une meilleure transparence de la totalité de la gestion du service devrait résulter du nouvel article 30 reformulé par l'avenant qui prévoit que «les dépenses et les recettes de l'exploitation seront comptabilisées dans une comptabilité entièrement indépendante de celle de la C.G.E. et de celle de ses autres exploitations ou services». Il reste cependant que la question du reversement des fonds libres du service demeure non résolue et que ceux-ci demeurent gérés par le régisseur.
La Chambre note, d'autre part, qu'une suite positive a été donnée, depuis octobre 1996, à sa constatation antérieure montrant l'intérêt qu'il y avait pour le S.E.D.I.F. à régler lui-même ses fournisseurs, en abandonnant un système de paiement par compensation. Celui-ci avait notamment pour inconvénient en effet d'accroître la part de ses fonds gérés directement par l'exploitant.
1.2. La révision du taux de rééchelonnement de la dette et la durée de la convention :
Alors que la convention aurait dû trouver son échéance normale en 1993, la Chambre avait relevé que ce terme avait été repoussé de dix-sept ans jusqu'en 2010, motif étant tiré des avances consenties par la C.G.E. au syndicat pour financer la liaison MARNE-SEINE et rééchelonner sa dette arrêtée au 31 décembre 1985.
La Chambre critiquait le double avantage que retirait le régisseur de cette opération : d'une part, un avantage financier tenant au taux de 12,26 %, singulièrement élevé depuis la baisse des taux ; d'autre part, l'avantage tenant à la prolongation de la durée de la convention.
En ce qui concerne le taux de 12,26 %, sa valeur a été ramenée à 6,5 %. Liée à un remboursement anticipé de la dette du syndicat, cette mesure devrait permettre à l'établissement d'économiser 200 M.F. [en francs 1996] de 2001 à 2010. L'annexe VII de l'avenant du 11 décembre 1997, relatif aux modalités d'application de l'article 20 de la convention, n'a pas fait explicitement référence à ce changement de la valeur du taux. La Chambre a pris acte des indications du président du syndicat selon lesquelles ce point devrait être explicité lors de la présentation au comité syndical des observations définitives.
La Chambre prend, d'autre part, acte de ce que le syndicat n'a pas obtenu du régisseur une réduction de la durée de la convention et de ce qu'aucun article de la convention ne lui permettait de décider unilatéralement une telle réduction. Elle a pris connaissance de la délibération du 11 décembre 1997 du comité du syndicat retenant la date de 2005 pour réformer éventuellement le régime des travaux «... en fonction de l'évolution jurisprudentielle et législative intervenue entre-temps dans le domaine des délégations de service public».
1.3. Les modifications du régime des rémunérations servies au régisseur :
1.3.1. Les rémunérations se situant en-dehors du régime des primes :
La Chambre avait noté, qu'outre les primes attribuées aux régisseurs, l'exploitant bénéficiait du remboursement de la part de l'impôt sur les sociétés assis sur les rémunérations qu'il reçoit en sa qualité de régisseur intéressé. Prévu au huitième point du poste charges de l'exploitation de l'ancien article 34 de la convention, ce remboursement de l'impôt sur les sociétés est désormais supprimé.
Le régisseur bénéficie également des gains de trésorerie que lui procure le recouvrement de la facture globale de l'eau [eau + redevances + T.V.A.] auprès des abonnés du service public.
En compensation, la Compagnie Générale des Eaux a consenti à l'article 40 de la convention la suppression des intérêts qu'elle percevait sur les avances qu'elle consentait à l'établissement pour constituer le fonds de roulement de la régie [d'où une économie évaluée à 3 M.F. par an pour le S.E.D.I.F.]. Cette réforme constitue une amélioration en faveur du syndicat, bien que le gain global de la trésorerie recouvrée par le régisseur ne soit pas pris en compte en totalité.
1.3.2. Le nouveau régime des primes du régisseur :
La Chambre avait regretté que le précédent régime des primes dont bénéficiait l'exploitant ne soit pas plus clairement en rapport avec la prise en compte de critères économiques.
L'avenant du 11 décembre 1997 a entièrement refondu le régime des primes payées à la compagnie. La modification de sa rémunération a pour but de mieux refléter la maîtrise des coûts d'exploitation et la qualité du service tout en conservant l'économie générale du contrat. Ce nouveau régime des primes prenant effet au 1er janvier 1998, la Chambre ne pourra en apprécier pleinement le bien-fondé que lors de l'examen des prochains comptes.
Au vu des seules dispositions contractuelles nouvelles, elle a été amenée à formuler les constats suivants.
A. Le prélèvement sur les produits bruts [article 35 nouveau] :
La Chambre avait noté le prélèvement, à hauteur de 4,5 %, des produits bruts de l'exploitation dont bénéficiait le régisseur.
Désormais, le nouvel article 35 limite ce prélèvement à hauteur de 2,93 % des produits bruts définis limitativement, la part de 1,57 % revenant aux communes étant supprimé [cf. infra, 1.7].
L'attribution d'une part des produits bruts de l'exploitation sera dorénavant modulée de façon à ce que les efforts de gestion auxquels le régisseur est incité ne conduisent pas à des effets négatifs sur la qualité globale du service. Ceci rejoint la préoccupation de la Chambre qui souhaitait que les primes payées à l'exploitant soient en rapport avec ses efforts de gestion.
B. L'intéressement de l'exploitant au résultat du compte d'exploitation [article 36 nouveau] :
La prise en compte des efforts de modernisation du syndicat pour déterminer le partage d'un solde créditeur du compte d'exploitation entre le syndicat et le régisseur entre dans la logique de la régie intéressée, en même temps qu'est récompensé le professionnalisme de l'exploitant dans la gestion de la régie.
La répartition par tranches de 0 à 0,25 % puis de 0,25 % à 2,5 % et enfin au-delà, du résultat d'exploitation entre le compte de premier établissement et le régisseur, est plus progressive et donc plus économique que dans la précédente version de la convention.
Il reste à vérifier l'implication financière de l'exploitant dans l'hypothèse de charges supérieures aux produits. En l'état de l'article 36 inchangé de la convention, cette implication se limiterait à 1,5 % du solde débiteur du compte d'exploitation. Cette perspective est improbable du fait de la vitesse d'ajustement à la hausse des tarifs [article 26 inchangé également de la convention].
C. La prime de gestion [article 44 nouveau] :
Le nouveau régime de la prime de gestion abandonne complètement le précédent système de liquidation indexé sur les prix de revient des fonctions production et distribution par référence à un grand nombre de coefficients, eux-mêmes censés suivre l'évolution des coûts de la productivité du service.
Désormais, la prime de gestion est calculée à partir notamment de la somme de l'évolution du volume d'eau vendu et de l'évolution du nombre des abonnés d'un exercice considéré par rapport aux données de l'exercice 1996. Le produit de la prime est modulé par des coefficients prenant en compte l'écart entre les dépenses de l'exercice de référence et les dépenses de l'exercice considéré.
La prime de gestion de référence regroupe désormais la prime de gestion de l'exploitant, celle du personnel, à l'exclusion de toute référence à l'impôt sur les sociétés. Pour l'année 1996, année de référence, elle s'établit à 222,1 M.F. réparti entre la prime de l'exploitant pour 127,1 M.F. et la prime du personnel à 95 M.F.
D. La prime travaux :
Créée par le nouvel article 44 bis prévu par l'avenant, cette prime sera examinée ci -après à la suite des observations sur le nouveau régime des travaux auquel elle est liée.
1.3.3. La limitation du volume de l'ensemble des primes payées au régisseur :
L'ensemble des primes décrites ci-dessus, à quoi s'ajoute la nouvelle prime pour travaux de l'article 44 bis est limité dans son montant. C'était déjà le cas antérieurement. Le système alors en vigueur limitait la rémunération nette globale de l'exploitant, ramenée au mètre cube d'eau vendue, à 5 % du prix contractuel au mètre cube, hors taxe et hors redevance.
Mais, la Chambre avait constaté que le mécanisme d'écrêtement était faussé à l'avantage de l'exploitant. En effet, les éléments de la rémunération contractuelle étaient affectés, avant application du plafonnement, d'un coefficient de 0,5, correspondant au taux de l'impôt sur les sociétés. Ce coefficient n'avait pas été modifié lorsque ce taux avait été abaissé. Le compte de premier établissement où la différence en faveur du syndicat aurait dû s'imputer, était pénalisé de 1987 à 1995 de 147,5 M.F.
Désormais, toute référence à l'impôt sur les sociétés est supprimée par l'avenant. La rémunération de l'exploitant est remise à niveau par une réduction de 23 M.F. de la prime afférente à l'année de référence [1996] et sera limitée à une évolution annuelle maximale de 3 % hors coefficient d'actualisation du prix de l'eau. Le nouveau dispositif devrait globalement être plus incitatif pour le régisseur.
Un système d'écrêtement progressif est prévu au bénéfice du compte de premier établissement avec révision de la rémunération globale au régisseur dès lors qu'elle dépasserait de 6 % le niveau de la rémunération servi l'année précédente. Le montant de la prime de gestion réservé aux personnels est lui-même plafonné à hauteur de 33 % de la masse salariale.
1.4. Les économies obtenues sur les frais généraux [article 34 nouveau] :
Au débit du compte d'exploitation, la Chambre notait le volume élevé [5,05 %] de la part des frais généraux de la régie dans les frais généraux liés aux dépenses d'exploitation propres au service de l'exploitation de la banlieue de Paris de la C.G.E.
L'avenant du 11 décembre va dans le sens de cette observation puisque le taux est désormais de 4,35 %. Selon le syndicat, il en résultera une économie annuelle de l'ordre de 13 M.F. La Chambre prend acte de ce que, pour le syndicat, le débat avec le régisseur n'est pas clos sur ce sujet.
1.5. La baisse des frais informatiques [article 42 nouveau] :
Au terme de l'étude de ces frais [32,8 M.F. en 1992], la Chambre observait que le syndicat devait réorganiser le contenu de l'article 42 de la convention en vue d'approcher au plus près des coûts économiquement justifiés.
La facturation de ces travaux sera désormais établie en prenant en compte le «cycle-quittances» pour un coût unitaire de facturation de 13,00 F «considéré comme correct» par le syndicat. La Chambre note qu'au titre des gains de productivité, une réduction de 10 % de cette charge, en valeur 1992, a été opérée, procurant une économie de 3 M.F. au S.E.D.I.F.
1.6. La modification de la formule de révision du prix de l'eau :
La prise en compte rapide de l'évolution des paramètres économiques entrant dans la liquidation du tarif de l'eau a déjà été évoqué précédemment. Cette prise en compte s'effectue au moyen d'une formule de révision dont la Cour des comptes en son temps puis la Chambre avaient critiqué la faiblesse de la partie fixe : 4 %.
Une amélioration économique est apportée par l'avenant sur ce point. La partie fixe passe à 10 % tandis que la valeur de base des paramètres économiques a pour référence nouvelle l'année 1996.
Il en résultera que, sauf variation importante de l'indice des prix de vente industriels prévue à l'article 26 de la convention, l'augmentation du prix de l'eau sera moins rapide pour les usagers, alors que les gains de productivité issue des importants investissements effectués par le syndicat sont partiellement compensés par la diminution de la consommation et les pertes de recettes en résultant. D'autre part, l'abandon de la référence trop ancienne à l'année 1988 réduira l'effet inflationniste résultant mécaniquement du jeu des paramètres sur une trop longue période.
1.7. La suppression des produits versés aux communes [articles 35 et 36] et la régulation de la majoration communale du prix de l'eau :
Sous les réserves très strictes prévues par l'article L. 2224-2 du Code général des collectivités territoriales, l'article L. 2224-1 du même code pose le principe de l'équilibre d'exploitation des services d'eau et d'assainissement par les recettes provenant des seuls usagers.
La jurisprudence des tribunaux administratifs est conforme à cette règle [tribunal administratif de LYON, jugement du 14 décembre 1993, Paul CHOMAT et autres contre la ville de SAINT-ETIENNE].
Aussi la Chambre avait critiqué la possibilité réservée aux communes par la convention de prononcer une augmentation du prix de l'eau pouvant aller jusqu'à 6 % sur leur territoire. Dès lors, en effet, qu'il n'y a pas adéquation entre les recettes et les dépenses qu'elles pourraient supporter au titre de la partie des réseaux dont elles étaient propriétaires, les communes bénéficiaient de recettes budgétaires irrégulières. La Chambre développait la même critique pour ce qui concernait le prélèvement opéré au titre des article 35 et 36 par les communes sur les produits bruts du compte d'exploitation, ainsi que sur les résultats du compte d'exploitation.
Désormais, les prélèvements dont bénéficiaient les communes en application des articles 35 et 36 sont supprimés [soit, globalement, 42,5 M.F. en 1992], tandis que les majorations ne pourront être prononcées que dans la limite des dépenses engagées par les communes au titre du service de l'eau [article 27]. La mesure prend effet au 1er janvier 1998.
2. LE NOUVEAU RÉGIME DES TRAVAUX
2.1. Le nouveau cadre du régime des travaux :
L'avenant du 11 décembre 1997 modifie sensiblement l'ancien régime des travaux successivement critiqué par la Chambre régionale des comptes et la Cour des comptes. Cette modification était devenue nécessaire.
En effet, le préfet de la Région Ile-de-France, préfet de Paris, dans le cadre de son contrôle de légalité des actes du syndicat a, dès le 10 août 1995, déféré au Tribunal administratif de Paris quatre marchés conclus sous le régime des anciens articles 6, 7 et 8 de la convention dit «de régie intéressée», pour violation de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée et non application des dispositions du Code des marchés publics confirmant les analyses de la Chambre régionale des comptes.
Dans son jugement du 7 mai 1996, le tribunal a prononcé l'annulation de ces marchés. Saisi en appel par le syndicat le 15 juillet 1996, la Cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du Tribunal administratif de Paris par un arrêt du 18 avril 1997.
La nouvelle version des articles 6, 7 et 8 corrige pour l'essentiel les irrégularités relevées dans l'ancienne version de la convention. Elle laisse néanmoins subsister certaines d'entre elles.
2.1.1. La définition du rôle du Syndicat des Eaux d'Ile-de-France, maître d'ouvrage et les obligations de l'exploitation [article 6] :
Cette définition est bien formulée par la nouvelle rédaction de l'article 6-1. L'affirmation développée de la qualité de maître d'ouvrage du syndicat correspond aux responsabilités du maître d'ouvrage définies par l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985, notamment en ce qui concerne la définition de l'ouvrage, sa programmation et la fixation de son estimation financière prévisionnelle. La Compagnie Générale des Eaux cesse d'exercer des attributions relevant de la maîtrise d'ouvrage déléguée qu'elle ne pouvait régulièrement se voir confier.
Le recours à l'exploitant reste prévu pour réaliser les études nécessaires à l'élaboration du programme prévu au paragraphe 6-2. Selon le président du syndicat, ce recours à l'exploitant pour réaliser les études nécessaires à l'élaboration des programmes d'investissement donne lieu à un avis parmi d'autres et ne saurait constituer une quelconque forme de délégation de maîtrise d'ouvrage.
2.1.2. Le nouveau régime général des travaux et prestations [article 7] :
L'article 7 nouveau, paragraphe 1, précise les catégories de travaux pour lesquelles le syndicat, maître d'ouvrage, passe les marchés conformément au Code des marchés publics, alors que le texte ancien du même article [article 8, alinéa 4] prévoyait seulement l'attribution des marchés «dans des formes semblables à celles fixées par le Code des marchés publics». Il est à noter également que la Compagnie Générale des Eaux n'interviendra plus dans les phases relatives à la sélection des candidatures ni dans le choix des entreprises.
En ce qui concerne les travaux et les prestations visés à l'article 7-2 qui relèvent de l'exécution des plans quinquennaux prévus à l'article 6-2, et pour lesquels ces plans constatent la nécessité d'une intervention du régisseur, une mission permanente d'ingénierie est dévolue à ce dernier. Cette mission peut se justifier en application des dispositions de l'article 104-II-2° du Code des marchés publics relatif aux marchés négociés sans mise en concurrence préalable, dès lors qu'un savoir faire particulier n'est possédé que par une seule entreprise. Il reste évidemment nécessaire que la démonstration permanente de ce savoir faire puisse être effectuée, faute de quoi ce régime privilégié pour la Compagnie s'apparenterait à un avantage injustifié par rapport à d'autres entreprises.
La Chambre a pris connaissance de l'argumentation de l'exploitant selon laquelle ce dernier pouvait se trouver investi d'une mission permanente d'ingénierie en raison même de sa qualité de régisseur intéressé et non pas sur le fondement de l'article 104-II-2° du Code des marchés publics. Elle ne peut que confirmer que dès lors que des travaux sont exécutés au nom et pour le compte du syndicat, le Code des marchés et la loi M.O.P. sont applicables tant aux travaux eux-mêmes qu'aux prestations d'ingénierie y afférents.
D'autre part, il n'est pas fait référence explicitement aux modalités d'attribution des prestations d'ingénierie afférentes aux travaux pour lesquels l'intervention du régisseur n'est pas indispensable. On peut estimer que, s'agissant par exemple de la construction de nouveaux équipements, des concours devraient être organisés en application des dispositions des articles 314 bis et ter du Code des marchés publics.
Enfin, il devrait être admis et précisé qu'en ce cas, la compagnie ne doit pas être reçue à concourir, sa participation aux études et essais préalables et plus généralement la connaissance qu'elle possède des installations du S.E.D.I.F. étant de nature à rompre à son avantage l'égalité entre les candidats.
Il est rappelé à cet égard que l'article 6 de la loi du 12 juillet 1985 interdit d'ailleurs le cumul de la mission de conduite d'opération avec celle de maîtrise d'oeuvre et que la circulaire n° 86-24 du 4 mars 1986, relative aux conditions d'entrée en vigueur de la loi M.O.P., contient, à la suite de l'article 2 de cette loi, les recommandations suivantes :
La possibilité offerte au maître de l'ouvrage de confier à une personne publique ou privée les études nécessaires à l'élaboration du programme, ne doit entraîner en aucun cas un abandon de responsabilité : ces études peuvent se justifier en particulier pour la programmation d'ouvrages complexes mais la définition des objectifs n'appartient qu'au seul maître de l'ouvrage.
Lorsque de telles études ont été ainsi confiées à une personne publique ou privée, il est recommandé que cette personne ne soit pas ensuite chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre sur ce programme lorsque cette mission fait l'objet d'un concours d'architecture et d'ingénierie.
La Chambre prend acte de ce que le Syndicat adhère à cette analyse.
Les dispositions du nouvel article 7 pourraient donc appeler des précisions, en conformité avec le Code des marchés publics et la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique. En toute hypothèse, le syndicat devra en pratique observer les règles ci- dessus rappelées, afin d'éviter toute difficulté contentieuse ultérieure.
2.1.3. Les travaux relevant du régisseur intéressé en sa qualité d'exploitant [article 8] :
De même que l'ancien article 7, l'article 8-1 nouveau réserve à la Compagnie Générale des Eaux et aux entreprises qu'elle peut s'adjoindre avec l'accord du syndicat, la réalisation de plusieurs catégories de travaux relatifs non seulement à l'entretien du réseau, mais aussi à l'exécution de travaux neufs de terrassement, de pose de canalisations d'un diamètre inférieur à 300 mm et de branchements ainsi qu'aux prestations techniques y afférentes. Rapporté au programme de travaux de l'exercice 1996, exercice de référence de l'avenant du 11 décembre 1997, les travaux ainsi définis conduisent, selon le syndicat, à réserver au délégataire une masse annuelle de 273 M.F. H.T., soit un quart environ du programme de travaux de l'exercice.
En 1998, selon le syndicat, sans les charges d'entretien et uniquement donc en ce qui concerne les travaux neufs, ce seraient 555 M.F. qui relèvaient du délégataire et 565 M.F. du champ d'application de la maîtrise d'ouvrage publique et du Code des marchés publics.
Le mécanisme de l'attribution privilégiée à l'exploitant d'un volume important de travaux détaillé au paragraphe 8-1 soulève de la part de la Chambre les mêmes critiques que précédemment.
Pour justifier cette dévolution préférentielle, les commentaires du syndicat relatifs aux textes de l'avenant font référence à l'autonomie de gestion qui serait attachée à la régie intéressée, mode particulier de la délégation de service public. Selon l'argumentaire produit par le syndicat, dans sa lettre du 22 octobre 1997, présentant le futur régime des travaux, le régisseur intéressé, personne morale de droit privé, passerait des contrats relevant de sa mission d'exploitant en qualité d'«entité adjudicatrice».
Cet argumentaire identifie, pour partie, la situation du régisseur intéressé avec celle du concessionnaire. Or, le concessionnaire agit à ses risques et périls, pour son compte propre, ce qui justifie qu'il puisse opérer en-dehors des règles du Code des marchés publics. Ce n'est pas le cas du régisseur intéressé qui, ne supportant pas ou très peu les risques de l'exploitation, reçoit une rémunération pour son savoir-faire sous forme de primes et n'est jamais maître d'ouvrage.
Une autre caractéristique de la situation du régisseur intéressé tient à ce qu'agent direct du maître d'ouvrage, il utilise, pour faire fonctionner le compte de premier établissement ou le compte d'exploitation, uniquement des fonds publics, que ce soit ceux qu'il recouvre auprès des abonnés du service ou ceux provenant du produit des emprunts que le syndicat réalise et lui rétrocède. Une des spécificités du contrat de régie intéressée, est en effet que le régisseur n'affecte jamais définitivement ses propres ressources au fonctionnement du service public.
N'étant ni maître d'ouvrage, ni moins encore «entité adjudicatrice», la Compagnie Générale des Eaux, société privée ne peut se voir non plus déléguer des compétences du maître d'ouvrage en application de l'article 4 de la loi du 12 juillet 1985.
Pour les travaux concernés par l'article 8-1 en sa nouvelle rédaction, la compagnie continue à cumuler des attributions relevant de la maîtrise d'ouvrage, de la maîtrise d'oeuvre et le rôle d'entreprise chargée de l'exécution des travaux, contrairement à la loi M.O.P. De plus, les travaux sont dévolus en-dehors du Code des marchés publics.
2.2. Les conditions d'exécution des travaux :
Pour la part des travaux réalisés sous l'empire de l'article 8-1 nouveau de la convention, la Chambre note que le S.E.D.I.F., au terme d'une négociation avec la C.G.E., a obtenu une baisse de 4,42 % des prix des travaux réalisés sous la responsabilité de l'exploitant par rapport à l'ancien barème datant de 1991.
2.3. Les nouvelles modalités de la rémunération des prestations d'ingénierie réalisé par le régisseur :
Le régisseur assure des missions d'ingénierie pour deux sortes de travaux. D'une part, pour les opérations qui, en application des articles 6-2 et 7-2 de la convention, correspondent aux travaux entrant dans la programmation des investissements arrêtée par le syndicat. D'autre part, le régisseur effectue des prestations d'ingénierie en ce qui concerne les travaux qui lui sont directement confiés en application des articles 6-23 et 8-1 de la convention.
2.3.1. La rémunération des prestations d'ingénierie relevant du régime prévu par les articles 6-2 et 7-2 de la convention modifiée :
Cette rémunération relève elle-même de deux sous-régimes, selon qu'il s'agit des prestations prévues au programme quinquennal et qui, à ce titre, sont confiées au régisseur ou qu'il s'agisse de prestations rattachées aux travaux pour lesquels le régisseur n'assure pas de missions d'ingénierie [article 7-3 de la convention modifiée]. Désormais le régisseur est rémunéré, pour les missions qui lui reviennent au-travers de la prime de gestion. Globalement, il devrait en résulter une économie par rapport à l'ancien système, ce qui devrait permettre au syndicat de financer, du moins en partie, le recrutement, d'ici 2000, de vingt-trois techniciens et de trois agents administratifs spécialisés dans la gestion juridique et financière des marchés.
2.3.2. La rémunération des prestations d'ingénierie relevant du régime prévu par les articles 6-2 et 8-1 de la convention modifiée :
Comme on l'a vu à l'observation n° 2.1.3, l'attribution de ces prestations au régisseur appelle des critiques de fond qui justifient d'ailleurs la clause selon laquelle leur régime pourra être revu en 2005 en considération de l'évolution de l'ensemble des textes et de la jurisprudence gouvernant la délégation de service public et éventuellement de la forme particulière de la D.S.P. que constitue la régie intéressée.
Jusqu'à cette date, l'avenant du 11 décembre 1997 a prévu que le régisseur serait rémunéré de ses prestations d'ingénierie par l'application des règles prévues par un nouvel article 44 bis intitulé «Prime travaux».
L'assiette de cette prime correspond à la somme de deux termes. L'un est égal à 2 % de la masse des travaux de l'article 8-1 et par conséquent, relève des même critiques. L'autre correspond à un quart de la différence entre le montant des travaux de l'exercice et le montant des travaux de l'année de référence [1996] et souffre également pour partie des mêmes critiques, compte tenu cependant de ce que, selon le syndicat, il présente un caractère incitatif.
En effet, la prime travaux est modulable en fonction de l'efficacité technique du régisseur, non seulement dans le respect du coût d'objectif, mais aussi dans la mise en ouvre de technologies abaissant le coût prévu. Cela, pour intégrer le fait que pour les travaux de l'espèce, l'exploitant est à la fois maître d'ouvre et entrepreneur.
Seul l'examen de la mise en oeuvre de cet article, à compter de l'exercice 1998, permettra à la Chambre de juger de sa portée financière.
L'ensemble des dispositions introduites par l'avenant du 11 décembre 1997 se traduit directement par une baisse immédiate de 5,9 % du prix de l'eau acquitté par les usagers à compter du 1er janvier 1998.
Le syndicat bénéficiera, en outre, des économies non chiffrables actuellement qui doivent résulter de l'amélioration de la concurrence s'exerçant sur ses travaux.
Il sera enfin prémuni contre les principaux risques contentieux liés aux graves irrégularités de l'ancien dispositif et dont les décisions des juridictions administratives rendues en 1996 et 1997 avaient apporté la démonstration.
Toutefois, la mise en conformité avec les lois et règlements reste à parfaire. Une clause de l'avenant a prévu que le régime des travaux serait revu en 2005 pour être mis en conformité avec le droit positif au 31 décembre 2005.
Il serait logique d'anticiper cette échéance.