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Cour des Comtes
Extraits du rapport de janvier 1997 n° 4327 sur la gestion des services publics locaux d'eau et d' assainissement

La Cour des comptes publie, sous la forme d'un fascicule séparé, un rapport concernant la gestion des services publics locaux d'eau et d'assainissement. Ce rapport est le résultat des travaux de onze chambres régionales des comptes et des contributions de trois autres chambres de la Cour ; il a été établi sous l'égide du comité de liaison qui associe la Cour et les chambres régionales. Le présent document est un résumé, destiné à faciliter la lecture et le commentaire du rapport de la Cour des comptes.
SEUL LE TEXTE DU RAPPORT LUI-MÊME ENGAGE LA JURIDICTION.
Il est rappelé que les réponses des administrations, organismes, collectivités et entreprises intéressés sont jointes au rapport.

INTRODUCTION

PREMIERE PARTIE : LE CADRE JURIDIQUE ET FINANCIER
I. - L'OBJECTIF DE QUALITE
A. - Les conséquences de la loi du 3 janvier 1992 sur la qualité de l'eau
B. - La redéfinition des compétences locales relatives à l'assainissement
II. - LE PRINCIPE DU FINANCEMENT PAR L'USAGER
A. - La réaffirmation du principe
B. - La persistance de transferts anormaux aux dépens des usagers
III. - LES AIDES AUX INVESTISSEMENTS LOCAUX
A. - Les sources de financement
B. - L'ampleur croissante des besoins

DEUXIEME PARTIE : LA GESTION DIVERSIFIEE DES SERVICES
I. - L'EXCESSIVE DISPERSION DE L'ORGANISATION LOCALE
A. - Des structures intercommunales trop étroites
B. - L'interconnexion nécessaire des réseaux
II. - LES DEFICIENCES DANS LA GESTION DIRECTE ET DANS LA MAITRISE D'OUVRAGE
A. - Les défauts d'organisation des régies
B. - La maîtrise imparfaite des investissements
III. - LE CONTROLE INSUFFISANT DE LA GESTION DELEGUEE
A. - Les aspects financiers de la délégation
B. - L'ambiguïté des relations contractuelles
C. - Les effets d'une concurrence imparfaite
D. - Le manque d'information et de contrôle

CONCLUSION

INTRODUCTION

Depuis la fin du XIXe siècle, la gestion de l'eau et de l'assainissement relève de la compétence des communes, dont les responsabilités ont été accrues en raison des exigences d'une plus grande qualité de l'eau et d'une protection améliorée de l'environnement. Cette compétence s'étend aujourd'hui à l'ensemble du cycle de l'eau, de la production de l'eau potable à l'assainissement des eaux usées.

La complexité de l'organisation administrative et financière dans le domaine de l'eau (voir pages 4 à 7 du rapport)

Avec la loi du 3 janvier 1992, et la réglementation ultérieure, la France a entendu mettre en place une politique globale de l'eau qui réponde aux objectifs assignés par les directives européennes du 15 juillet 1980 sur les normes de potabilité des eaux distribuées et du 21 mai 1991 relatives au traitement des eaux usées urbaines.

Si la responsabilité des services de l'eau et de l'assainissement relève de la compétence communale, les capacités techniques et financières de chaque collectivité sont souvent trop limitées pour assurer ces services. C'est pourquoi toute la gamme des institutions de l'intercommunalité est utilisée par les communes pour se regrouper, cette diversité juridique s'accompagnant d'une très grande diversité dans l'importance de la population du ressort des organismes concernés. En outre, la gestion de l'eau et de l'assainissement d'une commune peut relever, pour les différentes étapes du cycle de l'eau, d'institutions intercommunales différentes.

Le mode de gestion des services entraîne un degré supplémentaire de complexité : chaque commune ou établissement intercommunal peut soit gérer directement le service dans le cadre des diverses formes de régies, soit déléguer tout ou partie de cette gestion à un organisme public ou privé en signant avec celui-ci un contrat de concession d'affermage, ou de régie intéressée.

De plus, en application de la loi du 7 janvier 1983 sur la répartition des compétences, les régions et les départements sont également concernés par les services d'eau et d'assainissement.

Toujours au niveau local, les services déconcentrés de l'Etat doivent veiller à assurer la bonne exécution des lois et règlements relatifs à l'investissement, à la police des eaux, à l'hygiène et à la santé publiques et jouent un rôle de conseil et de coordination.

Depuis 1964, cette organisation s'inscrit dans le cadre des six grands bassins hydrographiques qui couvrent le territoire national et relèvent chacun de la compétence d'une agence de l'eau, établissement public de l'Etat doté de ressources financières provenant en partie de la facture d'eau.

Ainsi, la traduction financière de cette organisation complexe se retrouve dans la facture d'eau des usagers qui comprend outre le prix proprement dit de l'eau et la (TVA) au taux réduit de 5,5 %, une série de taxes, surtaxes et redevances.

L'augmentation du prix de l'eau facturé à l'usager (pages 7 et 8)

D'un recensement mené par dix-sept organisations de consommateurs portant sur douze millions d'habitants répartis sur tout le territoire, hors Ile-de-France, il ressort que le prix moyen de l'eau au mètre cube facturé, qui était de 8,60 francs en 1990 s'élevait à 14 francs en 1994, la moyenne globale de l'évolution du prix de l'eau de 1990 à 1994 étant évaluée à + 47,7 %. Les chambres régionales des comptes sont arrivées à des constats du même ordre et ont mis en évidence les raisons principales de cette évolution : les exigences nouvelles de qualité conduisent à la réalisation d'investissements importants qui expliquent le plus souvent l'augmentation du prix et rendent d'autant plus nécessaire une gestion rigoureuse visant à la maîtriser.

Selon des données recueillies par la profession, en six ans (de 1990 à 1995), les redevances d'assainissement ont en moyenne presque doublé en francs courants, alors que le prix de l'eau proprement dit n'augmentait que d'environ 30 % ; pendant la même période, les redevances aux agences de l'eau ont, de leur côté, plus que triplé, leur part moyenne dans le prix facturé augmentant, pour en représenter environ 15 %.

L'examen des chambres régionales des comptes a porté sur la gestion d'environ trois cents services d'eau et d'assainissement, représentatif de la diversité des modes de gestion. Le champ de l'enqu'te, relativement étendu, n'a cependant pu intéresser l'ensemble du territoire national et les observations reprises à titre d'exemples dans le rapport ne sauraient sans abus faire l'objet d'une généralisation, à l'égard des collectivités comme des entreprises délégataires.

Les constatations convergent pour montrer que les communes éprouvent des difficultés à mobiliser les moyens nécessaires en vue de réaliser les objectifs définis par les autorités communautaires et le législateur fran­ais, cette situation résultant en premier lieu de l'insuffisance des moyens financiers et des limites d'une progression du prix de l'eau. Le développement encore trop faible de la coopération intercommunale est un autre facteur d'explication. Enfin, les collectivités territoriales ne se sont pas donné elles-mêmes, dans leur gestion, les moyens requis.

Contribuent encore aux difficultés le défaut de clarté des régimes contractuels, l'insuffisante concurrence entre les entreprises privées, de même que les lacunes constatées dans l'information des élus et des usagers ; enfin les contrôles des délégations de service public sont souvent trop peu rigoureux, voire inexistants.

L'enqu'te n'a pas pu prendre en compte l'application des lois des 2 et 8 février 1995 qui visent à réaliser d'importants progrès. En attendant que ces dispositions nouvelles donnent pleinement leurs effets et alors que la réalisation d'un service de qualité implique la mobilisation de moyens importants, l'organisation et la gestion d'un service déterminant pour l'usager et le contribuable local apparaissent encore mal maîtrisées par certaines collectivités.

PREMIERE PARTIE :
LE CADRE JURIDIQUE ET FINANCIER

Des normes de qualité plus contraignantes sont définies par une série de directives européennes édictées entre 1975 et 1991, reprises pour partie dans le droit fran­ais par la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau et les actes réglementaires qui l'ont suivie.

La loi a créé une instance de concertation, les comités de bassin, qui élaborent les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).

Désormais acteurs importants de la gestion de la ressource en eau, les communes et leurs établissements publics devraient parvenir à une prise en compte globale de la gestion du cycle de l'eau.

I. - L'OBJECTIF DE QUALITE

A. - LES CONSEQUENCES DE LA LOI DU 3 JANVIER 1992 SUR LA QUALITE DE L'EAU

1) La protection des captages (pages 17 à 20)

Selon une étude du ministère de l'agriculture concernant les communes rurales, il apparaissait qu'au 1er janvier 1995 un peu moins de 10 % seulement des captages recensés bénéficiaient d'une protection correspondant à l'ensemble de la procédure prévue par la réglementation. Or, toute défaillance dans le système de protection peut se traduire par une pollution de l'eau dont la résorption, dans un contexte d'urgence, entraîne nécessairement d'importantes dépenses.

La législation en vigueur impose la délimitation de périmètres de protection autour des captages, la loi du 3 janvier 1992 prévoyant un délai de mise en conformité de cinq années. Des procédures, qui se traduisent par des acquisitions foncières et par le versement d'indemnités aux occupants, ont un impact financier particulièrement important pour les communes rurales faiblement peuplées. La plupart des collectivités ont ainsi pris un retard important par rapport à l'échéance de 1997.

Si les retards constatés peuvent se comprendre pour les petites communes rurales, les insuffisances qui apparaissent dans la protection des captages des villes moyennes sont moins admissibles.

2) Les obligations des communes relatives au traitement de l'eau (pages 20 à 23)

a) Des normes rigoureuses en matière de qualité de l'eau

Ces normes résultent de l'article L.19 du code de la santé publique mettant en oeuvre la directive européenne du 15 juillet 1980 ainsi que du décret du 3 janvier 1989 dont les annexes fixent les normes à ne pas dépasser, notamment pour les substances indésirables.

b) La surveillance par les communes du respect des normes

Il est envisagé de rendre ces dispositions encore plus rigoureuses pour certaines normes (le plomb). Très sensibles à ce sujet, les communes, en collaboration avec les services de l'Etat, se sont donné les moyens d'une veille permanente de la qualité des eaux distribuées. La situation demeure cependant préoccupante pour une part notable de la population qui ne re­oit pas une eau conforme aux normes sanitaires.

Le contrôle des eaux nécessite des milliers d'analyses dont le coût, à la charge de l'exploitant, est en définitive supporté par l'usager. Si la dépense correspondante est répartie sur un grand nombre d'usagers, elle constitue une charge réelle dans les petits services ruraux. Or, précisément les zones agricoles sont sujettes à la pollution des eaux naturelles superficielles ou des nappes par les nitrates ou les pesticides, sans que la participation financière des utilisateurs de ces produits soit exigée.

On peut prévoir que l'instauration de normes encore plus exigeantes, à l'occasion de la nouvelle rédaction envisagée de la directive européenne du 15 juillet 1980, aura pour effet d'augmenter fortement le prix de l'eau.

B. - LA REDEFINITION DES COMPETENCES LOCALES RELATIVES A L'ASSAINISSEMENT

1) Les obligations nouvelles des communes (pages 23 à 26)

La transposition en droit interne des normes imposées à l'échelle européenne sur les eaux résiduaires urbaines entraîne la prise en charge obligatoire par la commune de l'intégralité des dépenses d'équipement et de fonctionnement relatives à l'assainissement, de la collecte des effluents à leur épuration jusqu'à l'élimination des boues.

Les obligations imposées par la loi aux communes peuvent se traduire par la mise en cause de la responsabilité des exécutifs locaux, non seulement en réparation des dommages subis, mais aussi sur le plan pénal. En outre, la loi du 2 février 1995 a instauré la responsabilité des personnes morales vis-à-vis des actes de pollution, l'échelle des peines étant, en ce cas, multipliée par cinq.

Le respect des échéances communautaires implique que les obligations nouvelles soient mises en oeuvre au plus tard en l'an 2000 pour les agglomérations de plus de 15 000 équivalents-habitants et en l'an 2005 pour celles de plus petite taille, le seuil étant ramené à 10 000 équivalents-habitants et l'échéance avancée de deux ans dans les zones sensibles.

Le volume des investissements à réaliser selon un calendrier aussi serré se traduira par un effort financier considérable demandé aux usagers. De moins de 20 milliards de francs de 1987 à 1991, les investissements en réseaux et stations devaient plus que doubler au cours de la période 1992-1996 pour atteindre 43 milliards de francs.

2) Le problème non résolu du traitement des eaux de pluie (pages 26 à 28)

L'urbanisation croissante et l'imperméabilisation des sols entraînent un écoulement des eaux de pluie dans les réseaux plus important qu'antérieurement tandis que, par le lessivage des sols qu'elles opèrent, les eaux de pluie sont souvent extr'mement polluées. Il apparaît donc nécessaire de compléter la dépollution des eaux usées par celle des eaux de pluie avant leur rejet dans un cours d'eau.

Jusqu'à ce jour, aucun financement spécifique n'est prévu, alors que les investissements nécessaires sont considérables. Le budget des communes ne prend en compte les dépenses relatives à l'épuration des eaux pluviales que si les réseaux sont séparatifs. Lorsqu'ils sont unitaires, le partage du financement entre les communes et les services d'assainissement repose sur des clés de répartition nécessairement plus complexes.

L'application minimale de la directive européenne relative aux eaux résiduaires urbaines du 21 mars 1991 correspondra à un volume d'investissements de l'ordre de 25 à 30 milliards de francs sur la période 1992/2005.

II. - LE PRINCIPE DU FINANCEMENT PAR L'USAGER

A. - LA REAFFIRMATION DU PRINCIPE

En application du Code général des collectivités territoriales, les services d'eau et d'assainissement doivent être équilibrés et faire l'objet d'un budget et d'une comptabilité distincts de ceux de la collectivité de rattachement. Leur financement doit être assuré essentiellement par l'usager, dans un cadre prenant mieux en compte la valeur économique du service rendu.

1) L'autonomie des services d'eau et d'assainissement et leur obligation d'équilibre (pages 30 à 33)

a) La distinction eau/assainissement

La loi oblige à distinguer, dans la facturation, ce qui relève de l'eau et ce qui correspond à l'assainissement ; les habitudes administratives expliquent pour partie la différenciation des deux services mais elle est surtout justifiée par un souci de clarté et une exigence de transparence financière.

Les risques d'opacité qui résulteraient de la fusion des services et du regroupement de leurs produits et charges seraient particulièrement regrettables en cas de délégation du service.

b) L'équilibre financier de services autonomes

Le principe de l'équilibre des services d'eau et d'assainissement interdit la compensation pure et simple du déficit de fonctionnement par le budget général et exclut inversement que les budgets d'eau et d'assainissement apportent des recettes au budget de la commune de rattachement.

Des assouplissements légaux ont été apportés à ces principes. Les communes de moins de 3 000 habitants ainsi que leurs groupements peuvent, depuis la loi du 12 avril 1996, subventionner sans restriction leurs services d'eau et d'assainissement, cette possibilité étant soumise à des conditions très restrictives pour les autres collectivités : elle est limitée notamment aux cas où les exigences du service public conduisent à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ou à ceux où le fonctionnement des services exige des investissements qui auraient une incidence excessive sur les prix (plus de 15 % par an).

Ces dérogations sont fréquentes en zone rurale, mais il n'est pas rare de relever encore des abus, dans des services importants, en zone urbaine ou péri-urbaine, notamment en matière d'assainissement.

2) Une contribution des usagers prenant mieux en compte les réalités économiques (pages 33 à 36)

a) Une comptabilité plus rationnelle issue de l'instruction M49 des ministères du budget et de l'intérieur

En obligeant à une remise en ordre des écritures, le nouveau plan comptable (instruction M49) a contribué à la clarté de la gestion des services, condition première de la vérité des prix. Toutefois, son application n'est pas encore parfaite, même dans des services importants, et en tout état de cause sa mise en oeuvre a été échelonnée dans le temps en fonction de la taille des communes.

b) La prise en compte tarifaire de la valeur économique de l'eau

L'article 13 de la loi du 3 janvier 1992 préconise une nouvelle tarification de l'eau en rapport plus direct avec les quantités consommées. Il exclut l'application des forfaits.

La tarification binôme fondée sur la prise en compte d'une part des charges fixes du service, réparties entre tous les abonnés, d'autre part de la consommation effective de chacun d'eux, tient mieux compte des réalités économiques. Son application a donné lieu parfois à une augmentation sensible des tarifs.

La nouvelle tarification suppose, pour être appliquée rationnellement, une connaissance précise des quantités consommées. Elle implique donc la pose de compteurs. Représentant un investissement important, cette installation a donc un effet direct sur les coûts.

B. - LA PERSISTANCE DE TRANSFERTS ANORMAUX AUX DEPENS DES USAGERS

1) Les transferts de charges des contribuables vers les usagers (pages 37 à 42)

a) Le versement d'excédents budgétaires des services d'eau et d'assainissement au budget principal

Certaines collectivités ont fixé les tarifs des services d'eau et d'assainissement à un niveau supérieur à celui qui aurait permis d'équilibrer ces services, dans le seul but de leur faire financer le budget principal par le reversement d'excédents.

b) Les transferts provenant de versements de droits d'entrée

En échange du droit d'exploiter le service, il arrivait fréquemment que les contrats prévoient le paiement par le délégataire de contreparties financières appelées droit d'entrée. Or celles-ci, en totalité ou en partie, n'étaient pas destinées à couvrir les dépenses des services d'eau et d'assainissement. Elles constituaient, la plupart du temps, des recettes alimentant le budget principal. Par conséquent, la charge financière correspondante n'aurait pas dû être répercutée dans le prix demandé aux usagers. L'enqu'te a mis en évidence de nombreux exemples de ces errements.

Une telle pratique, condamnée par la jurisprudence administrative, est désormais formellement interdite par la loi du 8 février 1995.

c) Des services supportant des charges indues et privés parfois d'une partie de leurs recettes

D'autres formes plus banales de transferts de charges au détriment des usagers peuvent être décelées à l'examen des comptabilités communales, qu'il s'agisse de charges supportées à tort par les services d'eau et d'assainissement (par exemple celles de la lutte contre l'incendie), ou de recettes spécifiques à ces services indûment affectées aux budgets principaux.

2) Les entorses à l'égalité entre les usagers (pages 42 à 46)

Selon une jurisprudence administrative constante, le respect du principe d'égalité entre usagers du service public doit se vérifier entre les différentes catégories d'usagers définies contractuellement.

a) L'égalité entre usagers domestiques

En application de l'article L.35-1 du code de la santé, les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique des branchements sont à la charge exclusive des propriétaires. Or ces branchements sont fréquemment incorporés dans les opérations subventionnées.

L'égalité entre usagers domestiques n'est pas non plus respectée, pour la distribution de l'eau, lorsque l'existence de compteurs collectifs dispense certains usagers du paiement de la partie fixe du tarif alors que d'autres, disposant de compteurs divisionnaires, y sont assujettis.

b) L'égalité entre usagers domestiques et usagers industriels

Les gros consommateurs bénéficient parfois d'avantages tarifaires. Selon la jurisprudence, des différenciations restent possibles dès lors que les usagers se trouvent placés dans des conditions différentes au regard de la fourniture d'eau potable. Mais une application contractuelle trop large de ce principe au bénéfice de services et établissements industriels ou commerciaux, dont la consommation est généralement très supérieure à celle des abonnés domestiques, peut pénaliser ces derniers.

Cependant, c'est surtout dans le domaine de l'assainissement que les anomalies les plus graves sont révélées. En effet, l'examen des modalités d'assiette de la redevance d'assainissement conduit à estimer que son rendement pourrait être augmenté et sa répartition plus équilibrée au profit des usagers domestiques.

Si les obligations de service public en matière d'assainissement collectif ont uniquement pour objet la collecte et le traitement des eaux usées domestiques, le raccordement d'installations industrielles au réseau public d'assainissement peut néanmoins être autorisé par les communes. Ces prestations pouvant entraîner des surcoûts, la loi prévoit que ces autorisations peuvent être subordonnées à une participation financière des bénéficiaires des prestations. Il ne semble pas que toutes les potentialités de cette disposition aient été jusqu'à présent systématiquement exploitées par les collectivités.

c) L'égalité entre les usagers publics et les autres usagers

Une partie significative de la consommation d'eau des services publics locaux, quand ce n'est pas celle de leurs agents, n'est pas facturée, soit en application d'usages anciens, soit grâce à l'instauration de tarifications spécifiques ou de systèmes de ristourne.

D'une manière générale, même si elle a déjà donné lieu à des hausses de prix, la prise en compte de la valeur réelle de l'eau n'est pas encore achevée. Elle supposerait un élargissement de l'assiette de la redevance à tous les types de consommation.

Les obligations nouvelles qui pourraient apparaître seront difficiles à mettre en oeuvre dans un contexte où l'augmentation du prix de l'eau a déjà été rapide dans la période récente pour beaucoup d'usagers.

III. - LES AIDES AUX INVESTISSEMENTS LOCAUX

Si l'effort financier principal repose sur l'usager, plusieurs régimes d'aides financières existent au profit des communes, en provenance des agences de l'eau, de l'Etat, des départements et des régimes. Les fonds structurels de l'Union européenne peuvent constituer un complément de financement, dans des zones limitées géographiquement.

A. - LES SOURCES DE FINANCEMENT

1) Les aides des agences de l'eau (pages 48 et 49)

Le VIe programme des agences de l'eau (1992/1996) illustre leur rôle central dans le financement des investissements des communes dans le secteur de l'eau et de l'assainissement.

La situation des maîtres d'ouvrage locaux au regard des aides fournies par les agences varie cependant d'un bassin à l'autre. Des risques de différenciations des aides des agences aux communes entre régions plus ou moins bien dotées apparaissent donc, avec leurs conséquences tarifaires (voir tableau page 49).

2) Les apports de l'Etat (pages 49 et 50)

Depuis que la dotation d'équipement a été insérée dans une enveloppe globale, l'Etat intervient dans le financement de l'eau et de l'assainissement par le biais des contrats de plan dont l'avantage est de permettre une certaine coordination des aides (voir tableau page 48).

L'utilisation des ressources du fonds national de développement des adductions d'eau (FNDAE), qui, il est vrai, s'amoindrissent, font l'objet de conventions pluriannuelles mises en place depuis 1991 avec 65 départements qui apportent un financement d'un volume au moins équivalent.

3) Les apports des régions et des départements (pages 51 et 52)

Les subventions des régions et des départements pour l'équipement des services sont d'une ampleur inégale et variable dans le temps. Lorsqu'elles sont possibles, les aides des régions visent moins à soutenir directement les programmes des communes qu'à améliorer l'état des infrastructures hydrographiques globales du bassin.

S'il demeure tangible, l'engagement financier des départements et des régions est g'né, notamment dans les zones urbaines, par la forte diminution depuis 1992 de la part de leurs ressources fiscales provenant des droits sur les mutations immobilières.

B. - L'AMPLEUR CROISSANTE DES BESOINS

1) Une incidence budgétaire certaine pour les communes (pages 52 et 53)

Devant suppléer les difficultés des services d'eau et d'assainissement à financer les gros investissements, les communes sont conduites à un endettement important. Selon le ministère de l'environnement, le financement du VIe programme reposait, en 1993, à raison de 43 % sur l'emprunt.

2) L'estimation des investissements futurs (pages 53 et 54)

Les conséquences directes des obligations nouvelles (collecte efficace et traitement réel des eaux usées pour les agglomérations de plus de 2 000 équivalents-habitants d'ici 2005 ; traitement du phosphore et de l'azote d'ici le 31 décembre 1998 ; bonne fiabilité des stations d'épuration) correspondent environ à 83 milliards de francs (base 1994) dont 60 milliards devront être engagés au 31 décembre 2000.

Concernant l'assainissement des collectivités de moins de 2000 équivalents-habitants, les exigences directes des nouveaux textes se traduiront par des investissements de l'ordre de 45 à 60 milliards de francs au cours de la période 1995-2005.

Les contraintes de l'urbanisation induiront un surcoût de 8 milliards de francs de 1992 à 2005. Le traitement minimal des eaux de pluie peut être évalué entre 25 et 30 milliards de francs sur la même période.

Au total, le ministère de l'environnement estime que, de 1997 à 2005, les investissements annuels à envisager seraient de l'ordre de 14 milliards de francs (base 1994).

Le financement de ces équipements reposant d'abord sur le prix de l'eau, on peut prévoir qu'au cours des années prochaines l'augmentation de ce prix, pour être moins rapide qu'au cours de la période 1992/1996, devrait cependant se poursuivre ; elle serait alourdie si des normes encore plus sévères, concernant par exemple les nitrates, les pesticides et le plomb, étaient adoptées.

DEUXIEME PARTIE :
LA GESTION DIVERSIFIEE DES SERVICES

La possibilité de déléguer au secteur privé les services publics de l'eau et de l'assainissement a largement été utilisée en France depuis le début du XIXe siècle. Les responsabilités exercées directement par les collectivités territoriales sont donc variables selon la part de la gestion de l'eau et de l'assainissement déléguée aux sociétés privées et selon le mode de délégation adopté (régie intéressée, gérance, affermage, concession) (pages 57 et 58).

Le manque de rigueur constaté concerne tous les modes de gestion, régies ou délégations de service. Les errements retenus intéressent plus particulièrement ce dernier mode de gestion, parce qu'il est le plus répandu, notamment dans le secteur urbain.

Réalisée directement en régie ou indirectement à travers les différentes formes de délégation de service public, la gestion est peu transparente. En outre, la délégation de service public s'exerce en France dans un contexte très peu concurrentiel dont les excès financiers ont appelé une réaction législative et réglementaire récente.

I. - L'EXCESSIVE DISPERSION DE L'ORGANISATION LOCALE

L'enqu'te a montré que l'organisation locale est souvent mal adaptée aux contraintes techniques et financières spécifiques des services publics d'eau et d'assainissement.

A. - DES STRUCTURES INTERCOMMUNALES TROP ETROITES (pages 60 à 64)

En milieu rural, les établissements intercommunaux atteignent rarement la dimension optimale qu'exigerait une gestion plus efficace. Pour des raisons historiques, politiques ou de personnes, les structures existantes sont souvent figées, et le regroupement de syndicats s'avère très difficile, même lorsqu'ils bénéficient de la même ressource en eau.

La création des communautés locales de l'eau prévue par la loi du 3 janvier 1992 devrait permettre de dépasser les clivages nés d'une intercommunalité mal contrôlée.

Les insuffisances de l'organisation administrati