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Tribunal correctionnel de Lyon
6° chambre
16 novembre 1995
N° 7579
Ministère public
c/
Monsieur Frédéric B...
Monsieur Jean-Jacques A...
Monsieur Louis D...
Monsieur Marc-Michel Z...
Monsieur Alain X...
Monsieur Jean-Louis Y...
Madame Claudine Y... épouse C...
Monsieur Pierre Z...
A l'audience publique de la 6° chambre du tribunal de grande instance de Lyon séant au palais de justice de ladite ville, du seize novembre mil neuf cent quatre vingt quinze tenue pour les affaires correctionnelles après débats à l'audience des 25, 26, 27, 28, 29 septembre 1995, 02, 03, 04, 05, 06 octobre 1995 tenue par Monsieur CATHELIN président, Monsieur PIFFAUT et Madame PASSET juges, assistés de Mademoiselle CHANEBOUX et Madame RIGAT greffiers, en présence de Monsieur CHARPENTIER, procureur de la République adjoint,
A été rendu le jugement suivant par Monsieur CATHELIN président, Monsieur PIFFAUT et Madame PASSET juges, assistés de Mademoiselle CHANEBOUX greffier, en présence de Monsieur CHARPENTIER, procureur de la République adjoint,
I- Monsieur le procureur de la République près ledit tribunal, demandeur,
d'une part,
II- La CONFÉDÉRATION SYNDICALE DES FAMILLES (CSF)
Partie civile intervenante
Représentée par Maître ALBERT et Maître CRIFO avocats associés au
barreau de Grenoble
III- L'association pour L'INFORMATION ET LA DÉFENSE DES
CONSOMMATEURS SALARIÉS (INDECOSA CGT)
Partie civile intervenante
Représentée par Maître DUFLOT, avocat au barreau de Lyon
IV- L'association grenobloise des usagers de l'eau dénommée EAU
SECOURS
Partie civile intervenante
Représentée par Maître GALLO et Maître ALDEGUER avocats au barreau de Grenoble
V- La VILLE DE GRENOBLE
Représentée par son maire en exercice, Monsieur Michel 014...,
régulièrement autorisé par délibération du
conseil municipal de la ville de Grenoble du 06 juillet 1995 demeurant en cette qualité à l'hôtel
de ville
Partie civile intervenante
Représentée par Maître PRUD'HOMME avocat au barreau de Grenoble et
par Maître ARRUE avocat au barreau de Lyon
VI- L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR (UFC 38)
Partie civile intervenante volontaire
Représentée par Maître BRASSEUR avocat au barreau de Grenoble et Maître
SEON avocat au barreau de Lyon
VII- Les 101 USAGERS du service de distribution d'eau potable de Grenoble
(liste des 101 USAGERS : prénoms, noms, adresses)
Parties civiles intervenantes
Représentées par Maître ALDEGUER et Maître GALLO avocats au barreau de
Grenoble
de même part,
I- Monsieur Frédéric B...
Né le 03 juillet 1952
Journaliste
Jamais condamné
Libre
Contrôle judiciaire du 17 mars 1994
Confirmé le 16 mai 1995
Comparant
Assisté de Maître DOUMITH avocat au barreau de Paris
II- Monsieur Jean-Jacques A...
Né le 08 septembre 1937
Directeur de société
Jamais condamné
Libre
Contrôle judiciaire du 17 mars 1994
Confirmé le 16 mai 1995
Comparant
Assisté de Maître FARTHOUAT et Maître ASSELINEAU avocats au barreau de Paris
III- Monsieur Louis D...
Né le 19 juin 1937
Directeur de société
Jamais condamné
Libre
Contrôle judiciaire du 16 mars 1994
Modifié le 20 avril 1994
Confirmé le 16 mai 1995
Comparant
Assisté de Maître FARTHOUAT et Maître ASSELINEAU avocats au barreau de Paris
IV- Monsieur Marc-Michel Z...
Né le 11 novembre 1943
Président de société
Jamais condamné
Libre
Mandat de dépôt du 16 septembre 1994
Mise en liberté sous contrôle judiciaire le 31 janvier 1995
mainlevée partielle du 16 mai 1995 et du 1er août 1995
Comparant
Assisté de Maître ZELMATI et Maître GUYENARD avocats au barreau de Lyon
V- Monsieur Alain X...
Né le 23 février 1949
Président du conseil général de l'Isère
Jamais condamné
Libre
Mandat de dépôt du 12 octobre 1994
Mise en liberté sous contrôle judiciaire le 03 mai 1995
mainlevée partielle du 16 mai 1995 et du 29 juin 1995
Comparant
Assisté de Maître DANET et Maître GUIGUI avocats au barreau de Paris, Maître BUFFART
avocat au barreau de Saint-Étienne, Maître BERTHIER avocat au barreau de Lyon
VI- Monsieur Jean-Louis Y...
Né le 21 février 1948
Président directeur général de société
Jamais condamné
Libre
Mandat de dépôt du 12 octobre 1994
Mise en liberté sous contrôle judiciaire le 04 avril 1995
Modifié le 16 mai 1995
Comparant
Assisté de Maître GIBAULT et Maître GAZENGEL avocats au barreau de Paris, Maître CHOUVELLON
avocat au barreau de Lyon
VII- Madame Claudine Y... épouse C...
Née le 30 janvier 1943
Gérante de société
Jamais condamnée
Libre
Contrôle judiciaire du 16 septembre 1994
mainlevée partielle du 16 mai 1995
Comparante
Assistée de Maître DE SAINT-GERMAIN avocat au barreau de Paris
VIII- Monsieur Pierre Z...
Né le 13 mars 1945
Ingénieur, chef d'entreprise
Jamais condamné
Libre
Contrôle judiciaire du 22 septembre 1994
mainlevée partielle du 16 mai 1995
Comparant
Assisté de Maître CHANON avocat au barreau de Lyon
d'autre part,
L'affaire appelée à l'audience publique du 15 mai 1995, les prévenus ont comparu et sollicité le renvoi, puis l'affaire a été mise en délibéré au 16 mai 1995 date à laquelle le tribunal a sursis à statuer sur les poursuites dont il est saisi, a maintenu les obligations du contrôle judiciaire prises à l'encontre des prévenus, les modifiant en ce qui concerne Madame Claudine Y... épouse C..., Monsieur Pierre Z..., Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y... et renvoyé contradictoirement l'affaire à l'audience du 25 septembre 1995 6° chambre.
L'affaire appelée à l'audience publique du 25 septembre 1995, il a été donné lecture de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction et des exploits d'huissier de justice donnant assignation à comparaître à l'audience de ce jour et les prévenus ont comparu.
Les prévenus ont été interrogés ;
Les témoins ont été entendus conformément aux articles 444 et suivants du code de Procédure Pénale.
Les greffières ont tenu note des déclarations des témoins et des réponses des prévenus ;
La CONFÉDÉRATION SYNDICALE DES FAMILLES (CSF) est intervenue en qualité de partie civile contre Monsieur Alain X..., Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur Jean-Jacques A..., par le ministère de Maître ALBERT et Maître CRIFO qui ont déposé des conclusions tendant à ce qu'il plaise au tribunal de bien vouloir :
L'ASSOCIATION POUR L'INFORMATION ET LA DÉFENSE DES CONSOMMATEURS SALARIÉS (INDECOSA CGT) est intervenue en qualité de partie civile contre Monsieur Jean-Jacques A..., Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Marc-Michel Z... et Monsieur Alain X..., par le ministère de Maître DUFLOT, qui a déposé des conclusions tendant à ce qu'il plaise au tribunal de bien vouloir :
La VILLE DE GRENOBLE est intervenue en qualité de partie civile contre Monsieur Jean-Jacques A..., Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y... par le ministère de Maître PRUD'HOMME et Maître ARRUE qui ont déposé des conclusions tendant à ce qu'il plaise au tribunal de bien vouloir :
L'association grenobloise des usagers de l'eau dénommée EAU SECOURS est intervenue en qualité de partie civile contre Monsieur Alain X..., Monsieur Jean Louis DUTARET, Monsieur Marc-Michel Z... et Monsieur Jean-Jacques A..., par le ministère de Maître ALDEGUER et Maître GALLO qui ont déposé des conclusions tendant à ce qu'il plaise au tribunal de bien vouloir :
Les 101 USAGERS du service de distribution d'eau potable de Grenoble sont intervenus en qualité de parties civiles contre Monsieur Alain X..., Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Marc-Michel Z... et Monsieur Jean-Jacques A..., par le ministère de Maître ALDEGUER et Maître GALLO qui ont déposé des conclusions tendant à ce qu'il plaise au tribunal de bien vouloir (Les avocats ont développé ces conclusions en plaidant) :
L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR (UFC 38), association de consommateurs agréée, est intervenue en qualité de partie civile contre Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Jacques A..., par le ministère de Maître BRASSEUR et Maître SEON qui ont déposé des conclusions dont il a été donné lecture tendant à ce qu'il plaise au tribunal de bien vouloir :
Le ministère public a résumé l'affaire et requis l'application de la loi ;
Les prévenus et leurs défenseurs ont présenté leurs moyens de défense et ont sollicité leur relaxe ;
Monsieur Frédéric B..., Monsieur Jean-Jacques A..., Monsieur Louis D..., Madame Claudine Y... épouse C..., Monsieur Pierre Z..., par l'intermédiaire de leurs conseils ont déposé des conclusions de relaxe.
Monsieur Jean-Louis Y..., par l'intermédiaire de ses conseils, Maître GIBAULT, Maître GAZENGEL et Maître CHOUVELLON, a déposé des conclusions aux fins de :
Monsieur Alain X..., par l'intermédiaire de ses conseils Maître DANET, Maître BUFFARD, Maître GUIGUI et Maître BERTHIER, a déposé des conclusions aux fins de (Les avocats ont développé ces conclusions en plaidant) :
Sur quoi l'affaire a été mise en délibéré et renvoyée contradictoirement à l'audience de ce jour en laquelle le tribunal a rendu le jugement suivant dont lecture a été faite à l'audience :
Attendu que les prévenus sont poursuivis pour :
Monsieur Louis D... :
Faits prévus et réprimés par l'article 437 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 et par l'article 131-26 du code pénal.
Monsieur Jean-Jacques A... :
Faits prévus et réprimés par les articles 131-26, 432-11, 432-17, 433-1, 433-22, 433-23 du code pénal et par les articles 177, 178, 179, 180, 42 du code pénal abrogés postérieurement à la commission des faits.
Faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7 du code pénal, 437 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 et par les articles 59 et 60 du code pénal abrogés postérieurement à la commission es faits.
Frédéric B... :
Faits prévus et réprimés par les articles 131-26, 321-1, 321-9, 321-10 du code pénal, 460 du code pénal abrogé postérieurement à la commission des faits, 437 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966.
Monsieur Marc-Michel Z... :
Faits prévus et réprimés par l'article 437 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, les articles 131-26, 432-11, 432-17, 433-1, 433-22, 433-23 du code pénal et par les articles 177, 178, 179, 180, 42 du code pénal abrogés postérieurement à la commission des faits.
Monsieur Jean-Louis Y... :
Faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 131-26, 321-1, 321-9, 321-10, 432-11, 432-17, 433-22, 433-23, 434-15, 434-44, 434-45 du code pénal, 42, 59, 60, 177, 178, 179, 460 du code pénal abrogés postérieurement à la commission des faits, 437 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966.
Monsieur Alain X... :
Faits prévus et réprimés par les articles 131-26, 321-1, 321-9, 321-10, 432-11, 432-17, 433-22, 433-23, 434-15, 434-44, 434-45 du code pénal, 42, 59, 60, 177, 178, 179, 180, 460 du code pénal abrogés postérieurement à la commission des faits, 437 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966.
Madame Claudine Y... épouse C... :
Faits prévus et réprimés par les articles 131-26, 321-1, 321-9 du code pénal, 437 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, 460 du code pénal abrogé postérieurement à la commission des faits.
Monsieur Pierre Z... :
Faits prévus et réprimés par l'article 437 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 et par l'article 131-26 du code pénal.
Le 05 novembre 1991 un informateur anonyme, par courrier posté à Lyon, dénonçait au procureur de la République les faits suivants :
« Monsieur Frédéric B... faisait les journaux de Monsieur Alain X... avec sa société DAUPHINÉ NEWS. Il manquait un milliard dans la caisse de DAUPHINÉ NEWS. Monsieur Jean-Jacques A..., directeur général de la LYONNAISE DES EAUX, monte la SERECOM à Lyon. La SERECOM achète DAUPHINÉ NEWS à Monsieur Frédéric B... et bouche le trou de un milliard. Les petits actionnaires de la SEREPI à Lyon pères de la SERECOM et les actionnaires de la LYONNAISE DES EAUX sont refaits par des gangsters qu'il faudra punir d'une façon ou d'une autre. »
Le procureur de la République de Grenoble transmettait par soit-transmis ce courrier au procureur de la République de Lyon, compétent en raison de la domiciliation de la SERECOM dans son ressort (Rillieux la Pape).
Ce magistrat confiait l'enquête judiciaire au SRPJ de Lyon le 06 avril 1992, enquête qui se déroulait jusqu'au 29 novembre 1993.
Une nouvelle dénonciation anonyme parvenait directement aux fonctionnaires du SRPJ dont les termes sont les suivants :
« Suite à l'affaire Monsieur Pierre 015..., l'homme de main dans le sud-est et d'ailleurs, le fusible du président Monsieur Jérôme G... est probablement Monsieur Jean-Jacques A..., directeur général. Monsieur Jean-Jacques A... se sert de Monsieur Marc-Michel Z..., un homme d'affaires lyonnais, pour arroser les élus - par exemple en 1989, la LYONNAISE DES EAUX et la famille MERLIN ont obtenu la concession de l'eau de Grenoble en effaçant les ardoises du maire Monsieur Alain X..., - en juillet 1989 le cabinet d'ingénieurs lyonnais Monsieur Marc-Michel Z... a recommandé au conseil municipal la privatisation de l'eau et dans les jours suivants Monsieur Alain X... a fait aussitôt voter à la hussarde la concession de l'eau à la COGESE, société commune groupe MERLIN-LYONNAISE DES EAUX, en échange Monsieur Jean-Jacques A... a fait racheter par la LYONNAISE DES EAUX deux sociétés d'édition au bord de la faillite, ces deux sociétés grenobloises HOLDING DAUPHINÉ NEWS et DAUPHINÉ NEWS fabriquaient les journaux municipaux et du département pour Monsieur Alain X... et probablement d'autres communications - Monsieur Alain X... avait vidé leur caisse à hauteur de un milliard de centimes - pour racheter les deux sociétés sur demande de Monsieur Alain X..., Monsieur Jean-Jacques A... a créé à Lyon une société bidon la SERECOM, filiale de la SEREPI, filiale de la LYONNAISE DES EAUX - le personnel de DAUPHINÉ NEWS a été licencié et les deux moribondes ont été transférées à Paris pour y mourir un jour ou l'autre - elles sont au 1 rue de Stockholm 8° RCS B347788721 et B350460192 - Que font à Paris des sociétés grenobloises filiales d'une société lyonnaise ? »
L'enquête et l'information révélaient, à partir de ces dénonciations, une série de faits apparaissant comme délictueux que nous examinerons dans l'ordre chronologique de leur découverte : le groupe DAUPHINÉ NEWS, l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain à Paris, la société WHIP, les vols SINAIR et les voyages, les éléments sur le contrat de concession des eaux de Grenoble et la subornation de témoins.
L'exploitation de ces renseignements faisant états des Sociétés SEREPI et SERECOM conduisait les fonctionnaires de police aux vérifications et constatations suivantes :
Les fonctionnaires du SRPJ ne pouvaient s'empêcher d'établir des liens entre, d'une part, le comblement du passif et le rachat du groupe DAUPHINÉ NEWS par la SERECOM et, d'autre part, l'attribution de la concession du marché de l'eau de la ville de Grenoble à la société COGESE, autre filiale de la LYONNAISE DES EAUX et du groupe MERLIN :
Le procureur de la République de Lyon ouvrait une information judiciaire le 07 février 1994 des chefs d'abus de biens sociaux et recel d'abus de biens sociaux.
Les fonctionnaires de police du SRPJ poursuivaient leurs investigations sur commissions rogatoires successives du juge d'instruction, recherchant notamment les motifs de l'utilisation de l'actif de la SEREPI.
Il convient, à ce stade, de faire le point sur le groupe DAUPHINÉ NEWS, sur sa création, sa gestion et sur l'implication de Monsieur Alain X... dans ce groupe de presse.
Monsieur Frédéric B... assumait depuis 1983 les fonctions de rédacteur en chef du journal municipal Grenoble Mensuel, après un parcours journalistique de qualité. Il percevait un salaire de 14 000 francs par mois pris en charge par l'association GRENOBLE ANIMATION INFORMATION (GAI) qui gérait le journal, salaire qu'il continuait de percevoir durant l'opération DAUPHINÉ NEWS.
Monsieur Frédéric B... affirmait qu'il était le seul concepteur de ces journaux, que ce n'était pas l'idée de Monsieur Alain X..., qu'il ne s'agissait pas de publications électorales ou devant favoriser la réélection de Monsieur Alain X... à l'approche des élections cantonales et municipales.
Il rejetait l'idée d'être un exécutant au service de Monsieur Alain X.... Il était parfaitement autonome dans la politique rédactionnelle de ces journaux et ne subissait aucunement d'instructions de la part de Monsieur Alain X....
Il avait seul démarché des industriels sans que Monsieur Alain X... soit intervenu d'une quelconque manière. Il maîtrisait seul l'ensemble des paramètres de DAUPHINÉ NEWS.
Les collaborateurs de Monsieur Alain X... expliquaient que la conception de DAUPHINÉ NEWS avait été envisagée dès 1987 lors des réunions du lundi par les membres du cercle politique de Monsieur Alain X... (Monsieur Denis H..., Monsieur Patrick E..., Monsieur Philippe 011..., Madame Véronique K..., Monsieur Xavier I..., Monsieur Richard 012...) ; qu'il s'agissait d'innover et de constituer un journal d'ambiance favorable à la réélection du maire (expression employée par plusieurs témoins).
Le tribunal, compte tenu de l'importance de chaque mot, de chaque phrase, dans leur articulation avec le contexte, estime nécessaire de faire état des déclarations exactes et précises faites au cours de l'information ou à l'audience par les prévenus ou les témoins.
Monsieur Denis H..., directeur de cabinet, à la mairie de Grenoble, remettait aux fonctionnaires de police lors de son audition du 25 novembre 1994 un planning de la campagne électorale de Monsieur Alain X... pour les municipales de 1989 de 49 points.
Il déclarait lors de son audition du 27 octobre 1994 :
(D 446) « Je confirme intégralement mes déclarations concernant les circonstances de constitution du groupe DAUPHINÉ NEWS. A l'approche des élections municipales, l'équipe du maire et Monsieur Alain X... en particulier ont souhaité lancer un journal destiné à créer une ambiance favorable à sa réélection. Il s'agissait notamment de faire connaître le nouveau candidat afin de lui faire acquérir une certaine notoriété et une bonne image de marque. J'ai effectivement assisté à au moins deux réunions préparatoires auxquelles participaient Monsieur Alain X..., Madame Véronique K..., Monsieur Frédéric B..., Monsieur Patrick E..., Monsieur Xavier I..., probablement Monsieur Richard 012... et moi-même. Ces réunions avaient pour objet de discuter de la campagne des municipales et notamment de DAUPHINÉ NEWS. Je vous remettrais des comptes rendus de réunions si cette question est abordée. Pour moi il est évident que Monsieur Alain X... a pris contact avec les bailleurs de fonds pour le lancement de ce journal. Lors de ces réunions cela a été abordé. Monsieur Frédéric B... n'a été qu'une sorte de "marionnette" dans cette opération. Il a été chargé par le maire de remplir la mission de constitution et de lancement de ce journal qui répondait également à un souhait de sa part. »
(D 836) « Il y a eu un effet d'entraînement sur les dépenses politiques qui ont considérablement augmenté dans le but de permettre à Monsieur Alain X... de conserver ses mandats. DAUPHINÉ NEWS s'inscrit dans cette logique. Je confirme pleinement que l'opération DAUPHINÉ NEWS est une opération électorale décidée en présence de Monsieur Alain X... qui a suivi ensuite ces publications très attentivement. Un certain nombre de personnes avaient été démarchées pour s'occuper de la réalisation de ces publications, notamment Monsieur Lucien 004... et Monsieur Claude 054.... »
Monsieur Patrick E..., directeur de cabinet de Monsieur Alain X... et secrétaire général à la mairie de Grenoble entre 1986 et 1989, déclarait :
(D 445) « Je confirme ce que j'ai déclaré aux enquêteurs, DAUPHINÉ NEWS a bien été une idée conçue, lancée et suivie par Monsieur Alain X.... Il est possible que Monsieur Denis H... ait aussi contribué à ce projet. L'idée de Monsieur Alain X... s'inscrivait dans le cadre d'une "politique folle" de communication de la ville de Grenoble. Il s'agissait pour Monsieur Alain X... de créer une ambiance favorable pour sa réélection aux municipales de 1989. L'idée était d'agir au second degré et de donner la parole à des personnes qui lui étaient proches. Monsieur Frédéric B... n'a été que son exécutant. Madame Véronique K..., directrice de la communication à Grenoble a été l'interface. Pour ma part, j'ai mis cela sur le compte du stress de l'homme politique qui souhaite à tout prix être réélu et je trouvais que ce projet n'avait aucune utilité.
Monsieur Alain X... a trouvé les bailleurs de fonds tant au capital que pour le soutien financier après. Le soutien financier des sociétés SEREPI et SERECOM rentre dans cette logique là.
J'ai assisté à deux réunions préparatoires, je crois, auxquelles assistaient Monsieur Alain X..., Monsieur Denis H..., Madame Véronique K... et Monsieur Frédéric B..., Monsieur Xavier I... devait être présent lui aussi.
Je pense que le vrai initiateur de tout cela était Monsieur Denis H.... Je pense que le système a dû être mis en place assez tôt.
Compte tenu de ce que j'ai vu dans le cadre de mes fonctions, je ne peux pas avoir d'estime pour Monsieur Alain X.... Je pense que l'ambition politique nationale a été son moteur à n'importe quel prix. Il était très préoccupé de son image et il y était poussé par son entourage. Quant à Monsieur Jean-Louis Y... c'était l'argent qui l'animait.
Je crois avoir tout dit. J'éprouvais le besoin de soulager ma conscience. Je sais que je prends peut être des risques en l'ayant fait aussi brutalement et directement. »
Madame Véronique K..., directrice de la communication à la mairie de Grenoble, déclarait :
(D 472) « Courant 1988, je me souviens d'une réunion au conseil général de l'Isère regroupant autour du maire son équipe politique et entre autres Monsieur Denis H..., Monsieur Philippe 011..., Monsieur Patrick E..., Monsieur Xavier I..., Monsieur Richard 012... et moi-même. Les municipales approchaient, il convenait de définir une stratégie et c'est dans ce cadre que cette idée de journal lancée par Monsieur Denis H... a séduit Monsieur Alain X.... Il fallait lancer un journal d'ambiance favorable à sa réélection et Monsieur Frédéric B... semblait la personne la plus capable pour mener à bien ces parutions. »
(D 476) « Je confirme mes déclarations faites devant les enquêteurs le 03 novembre. Je reconnais effectivement avoir participé à une réunion qui s'est tenue au conseil général de l'Isère dans le courant de l'année 1988. mais je ne peux pas préciser exactement la date. Assistaient à cette réunion Monsieur Alain X..., Monsieur Denis H..., Monsieur Patrick E..., Monsieur Xavier I..., Monsieur Philippe 011..., Monsieur Richard 012... et moi-même. C'est au cours de cette réunion qu'a été décidé le principe du lancement d'un journal destiné à créer une ambiance favorable en vue de la réélection de Monsieur Alain X... pour les municipales de 1989. Je crois que cette idée a été lancée par Monsieur Denis H..., Monsieur Alain X... y a adhéré. L'objet de ces journaux était de confirmer l'image moderne de Monsieur Alain X... et de la ville de Grenoble. En effet, Grenoble est par tradition politique une ville plutôt à gauche et l'électorat des jeunes ou des cadres n'était pas acquis à Monsieur Alain X.... Le but du journal était donc de s'adresser en priorité à cette catégorie d'électeurs. Pour ma part j'étais en désaccord avec ce projet. Je pensais que Monsieur Alain X... n'avait pas besoin de cela pour être réélu. Par ailleurs je pensais que c'était une idée risquée et que le moindre grain de sable ferait déraper ce projet.
Le principe de DAUPHINÉ NEWS a donc été décidé par le maire et son équipe politique. Monsieur Frédéric B... a par la suite été l'instrument de la réalisation de ce projet mais il n'a pas participé à la réunion initiale. Je me souviens cependant avoir assisté à une ou plusieurs réunions où Monsieur Frédéric B... est venu exposer la réalisation du projet à cette équipe politique. Il a notamment présenté des maquettes. Je ne sais pas qui avait précédemment exposé à Monsieur Frédéric B... le principe et les grandes orientations de ces journaux. Je ne sais pas comment ont été récoltés les fonds nécessaires à la constitution de ces publications. De même je ne me suis pas occupée du renflouement des sociétés DAUPHINÉ NEWS et NEWS GRATUIT. Je pense que pour le renflouement Monsieur Jean-Louis Y... a apporté sa contribution.
Je reconnais effectivement avoir été destinataire de notes manuscrites rédigées par Monsieur Alain X... concernant la rédaction des publications. Il s'agissait effectivement de donner ses directives pour les journaux mais c'était une manie pour Monsieur Alain X... d'intervenir sur tous les sujets. Je reconnais cependant que le projet ne serait pas né si Monsieur Alain X... n'en avait pas été l'initiateur. Très vite au début de l'année 1989 l'opposition a compris qu'il existait un lien de subordination entre Monsieur Frédéric B... et le maire. Il y a eu à ce sujet une polémique.
Je tiens à préciser que Monsieur Frédéric B... avait une immense affection et admiration pour Monsieur Alain X... et qu'il lui était entièrement dévoué. Il pouvait accéder au bureau du maire sans difficulté. Je pense qu'il a été content de démarrer ce projet car il commençait à s'ennuyer à Grenoble Mensuel. »
Monsieur Lucien 004..., directeur de publicité déclarait :
(D 595) « En avril-mai 1988 Monsieur Frédéric B... m'a sollicité pour participer à la création d'un mensuel économique, Dauphiné News . J'ai connu Monsieur Frédéric B... en 1983-1984. Il était rédacteur en chef de Grenoble Mensuel. Lorsqu'il m'a contacté, j'ai parfaitement compris que c'était Monsieur Alain X... qui était derrière ce projet toujours dans la même optique : à Grenoble il n'y a qu'un seul quotidien local, le Dauphiné Libéré, dont la ligne est fluctuante. Il s'agissait donc de créer un outil de presse afin de permettre à Monsieur Alain X... de s'exprimer. Il est clair que cet outil de presse allait servir à la campagne de 1989. Nous avons discuté de tout cela avec Monsieur Frédéric B.... Il a reconnu que Monsieur Alain X... était derrière ce projet, cependant il m'a dit que ce ne serait pas seulement un outil électoral mais que ce serait également la création d'un groupe de presse.
Il m'a chargé de faire une étude sur la viabilité d'un tel projet. J'ai fait une analyse au terme de laquelle j'ai conclu que le marché publicitaire ne pourrait pas couvrir les charges. Par ailleurs je lui ai dit qu'en dessous de 5 millions de francs de roulement un tel projet ne pourrait pas se poursuivre. Monsieur Frédéric B... m'a assuré qu'il y aurait de l'argent mais je n'ai pas accepté de le rejoindre tant que je n'avais pas de garanties sur les actionnaires et le capital. Pour moi il était évident que ce projet n'était pas viable. Je l'ai dit à Monsieur Frédéric B....
Monsieur Frédéric B... m'a présenté Monsieur Jean-Louis Y... en septembre 1988, je crois. Monsieur Frédéric B... me l'a présenté comme "l'homme clé de Monsieur Alain X..." et comme un avocat. Monsieur Jean-Louis Y... m'est apparu comme le grand patron. Selon moi, c'est lui qui donnait toutes les directives de Dauphiné News. Monsieur Frédéric B... n'a été que "l'expression journalistique". Monsieur Jean-Louis Y... a essayé de me persuader de rejoindre l'équipe. Il m'a assuré que les fonds nécessaires au lancement du journal seraient débloqués. Je n'ai pas accepté car je n'avais pas d'assurance sur les actionnaires. »
Les financeurs de DAUPHINÉ NEWS donnaient une version différente de celle de Monsieur Frédéric B....
Monsieur Serge R..., président directeur général de la société CAP GÉMINI SOGETI déclarait dans sa déposition du 22 avril 1994 :
(D 121) « J'ai rencontré Monsieur Alain X... le maire de Grenoble le 27 février 1988. Cet entretien s'est déroulé à sa demande à la mairie. C'est lui qui avait demandé à me rencontrer. Au cours de notre conversation qui a dû durer deux heures/deux heures trente, Monsieur Alain X... s'est d'abord inquiété d'un éventuel transfert du siège de notre société à Paris. Depuis 1985 notre société était cotée à la bourse de Paris. Monsieur Alain X... semblait préoccupé par ce transfert éventuel. J'ai dû lui concéder le maintien du siège à Grenoble. Puis Monsieur Alain X... a dû me proposer un engagement plus public. Il a dû évoquer la possibilité de figurer sur la liste pour des élections municipales de 1989. Ensuite Monsieur Alain X... m'a dit qu'il avait l'intention de créer un magazine destiné à promouvoir la ville de Grenoble et la région et son action. Il m'a dit que la presse locale n'avait pas fait beaucoup de promotion pour la ville et qu'il avait besoin de faire la propagande de l'action qu'il avait menée pour Grenoble depuis son accession à la mairie depuis 1983. Il m'a demandé si j'accepterais de faire passer de la publicité dans ce magazine. Je lui ai clairement dit que la politique ne m'intéressait pas et qu'en outre notre société depuis toujours n'avait jamais effectué de sponsoring, ni de publicité. Je lui ai répondu que je ne pouvais pas lui donner de mon temps, ni un engagement public. En revanche je lui ai dit que je pourrais le soutenir à titre personnel car je disposais d'une surface financière. Quand nous nous sommes séparés, il est clair que le maire de Grenoble avait reçu le message.
Quelques temps plus tard, Monsieur Frédéric B... a téléphoné à ma secrétaire pour prendre rendez-vous avec moi de la part de Monsieur Alain X.... J'ai reçu Monsieur Alain MOUGEOLLE le 21 mars 1988. Il m'a expliqué son projet qui consistait à lancer un magazine sur Grenoble et sur la promotion de l'équipe municipale. Il m'a proposé de devenir actionnaire de DAUPHINÉ NEWS ou que la société CAP GÉMINI SOGETI prenne une participation au capital de sa société. J'ai refusé ces solutions et je lui ait dit que j'étais prêt à titre personnel à faire un prêt à ces sociétés. Monsieur Frédéric B... a alors attiré mon attention sur le fait que ce prêt ne serait peut être pas remboursé, notamment si l'équipe municipale en place perdait les élections de 1989. Je lui ai indiqué que j'étais d'accord pour l'aider personnellement à concurrence de un million de francs. Je tiens à préciser que j'ai connu dans le passé des difficultés personnelles et professionnelles qui m'ont conduit à une certaine générosité. C'est dans cet état d'esprit que j'ai accepté cette aide financière personnelle de un million de francs. Il est clair pour moi que ce prêt sans garantie de remboursement visait directement à rendre service à Monsieur Alain X.... Monsieur Frédéric B... n'étant pour moi que son envoyé. Monsieur Frédéric B... m'a d'ailleurs clairement dit qu'il venait de la part de Monsieur Alain X..., c'est ainsi qu'il a pu d'ailleurs obtenir un rendez-vous avec moi.
Le 07 septembre 1988, j'ai reçu un appel de Monsieur 039... qui appelait de la part de Monsieur Frédéric B.... J'ai dû rappeler Monsieur 039... le 09 septembre 1988. Il m'a dit qu'il attendait mon chèque. J'ai alors signé un chèque de un million de francs le 11 septembre 1988 sur la Banque LAZARE libellé à l'ordre de HOLDING DAUPHINÉ NEWS SA. J'ai également signé une reconnaissance de dette datée du 11 septembre. J'ai également signé une remise de dette abandonnant ma créance de un million de francs, cette remise de dette n'était pas datée et la société HOLDING DAUPHINÉ NEWS représentée par Monsieur Frédéric B... son président pouvait l'exciper en cas de mauvaise fortune.
Pour moi, toute cette opération procède d'une chaîne continue. La visite de Monsieur Frédéric B... du 21 mars fait suite au rendez-vous que j'avais eu avec Monsieur Alain X... à sa demande le 27 février 1988. L'appel de Monsieur 039... en septembre se réfère à l'entretien que j'avais eu avec Monsieur Frédéric B..., le chèque de un million de francs tiré sur mon compte personnel est un acte de soutien pour l'équipe municipale en place à l'époque et qui allait solliciter sa reconduction en mars 1989. Je tiens également à préciser que Monsieur 042..., qui faisait de la publicité à DAUPHINÉ NEWS, a essayé d'obtenir d'un de mes collaborateurs des publications publicitaires dans des journaux publiés par Monsieur Frédéric B....
Toutes les indications de dates vous ont été fournies après consultation de mes agendas ou des notes de ma secrétaire que j'ai conservées. »
Monsieur Serge R... confirmait ses déclarations lors de la confrontation organisée par le juge d'instruction avec Monsieur Frédéric B... (D 182).
Monsieur Marc-Michel Z..., président directeur général des sociétés SDEI, COGESE et SOGEDO émettait cinq factures au bénéfice de Monsieur Frédéric B... :
Marc-Michel Z... déclarait lors de son audition du 18 mai 1994 :
(D 144) « Comme je vous l'ai précisé, j'avais des attaches professionnelles avec Monsieur Alain X.... En début d'année 1989, si ma mémoire est fidèle, j'ai reçu un appel téléphonique de sa part où il m'a exposé qu'il serait souhaitable que je fasse un geste, peu avant la campagne des élections municipales envers une personne qui se référencerait de lui. Il m'indiquait que prochainement je devais être contacté par Monsieur Frédéric B.... J'ai répondu favorablement à cette requête dans la limite de mes moyens mais je ne connaissais pas encore les modalités de ma participation financière.
Ce n'est que quelques temps après, il me semble une ou deux semaines que Monsieur Frédéric B... m'a joint téléphoniquement à la SDEI où nous avons convenu d'un rendez-vous. A l'occasion de cette rencontre, il m'a demandé une contribution financière pour la publication de journaux qu'il avait le soin d'éditer. Je n'ai pas cherché à en savoir plus sur le contenu de ces périodiques et je lui ai indiqué que j'étais en mesure de lui débloquer 800 000 francs environ. Comme je n'avais pas d'argent personnel à mettre dans cette opération, nous avons convenu que mes sociétés, le CABINET D'ÉTUDES MERLIN et la SDEI seraient facturés d'un montant équivalent en parution publicitaire.
C'est Monsieur Frédéric B... en personne qui a trouvé ce subterfuge car il était bien évident pour nous deux que le coût de la prestation aurait été sans comme mesure avec la facturation.
Le jour même ou peut être quelques temps après, je lui ai adressé nos plaquettes publicitaires de la SDEI pour qu'elles soient reproduites et pour qu'elles paraissent sur Grenoble.
Il est évident que le CABINET D'ÉTUDES MERLIN et la SDEI n'avaient aucun intérêt particulier dans ce type de campagne publicitaire eu égard à notre secteur d'activité. D'ailleurs c'est la première fois qu'un tel budget de publicité était alloué. Vous ne retrouverez jamais dans la comptabilité de ces deux affaires des dépenses de ce type pour de tels montants. En effet il nous arrive simplement, en communication extérieure, de paraître dans quelques journaux de ville, à la demande d'élus pour contribuer à l'édition de leur journal. Les sommes sont dérisoires en rapport de celles annoncées plus avant. »
Des informateurs anonymes transmettaient au juge d'instruction, par courriers des 24 mai, 17 juin et 20 juillet 1994 des documents établissant les liens entre la municipalité de Grenoble et l'équipe DAUPHINÉ NEWS (D 151, 154, 188) ;
Parmi ces documents figurait la copie de deux notes manuscrites en date du 19 octobre 1988 et 31 décembre 1988 de Monsieur Alain X... à Monsieur Frédéric B... (dont copie à Madame Véronique K..., directrice de la communication à la mairie de Grenoble).
Ces instructions (ou suggestions) sont les suivantes :
Monsieur Frédéric B... rappelait tout au long de l'information qu'il était le seul concepteur de DAUPHINÉ NEWS, qu'il n'était pas l'instrument de Monsieur Alain X..., qu'il était le seul responsable rédactionnel du groupe et avait été offusqué des suggestions de Monsieur Alain X... (BAT : bon à tirer).
Monsieur Alain X... rejetait toute implication dans la conception de DAUPHINÉ NEWS. Il n'en était pas l'initiateur. Il n'était pas intervenu auprès de Monsieur Serge R... et de Monsieur Marc-Michel Z... pour le financement de l'opération. Il reconnaissait être l'auteur de la note mais affirmait qu'il s'agissait de suggestions et non d'instructions.
Il faisait remarquer que 10 sur 18 entretiens suggérés avaient été réalisés et que s'il avait été le patron du groupe, les 18 auraient été réalisés.
Monsieur Alain X... déclarait qu'il avait parlé à Monsieur Serge R... de la constitution de DAUPHINÉ NEWS par Monsieur Frédéric B.... De même il maintenait qu'il n'était ni le concepteur, ni le dirigeant de fait de ce groupe.
Monsieur Frédéric B... expliquait que c'était grâce à Monsieur Jean-Louis Y..., son avocat, qu'il rencontrait Monsieur Jean-Jacques A..., directeur commercial de la LYONNAISE DES EAUX et directeur de l'eau en août 1989.
Monsieur Jean-Jacques A... marquait son intérêt pour cette opération de communication et pour l'outil que pouvait présenter un groupe de presse pour la LYONNAISE DES EAUX en direction des collectivités locales. Il expliquait au cours de l'information que la LYONNAISE DES EAUX avait tout intérêt à se diversifier dans ce secteur de la communication locale.
Il déclarait :
(D 120) « Lors de ce premier entretien, Monsieur Frédéric B... m'a expliqué qu'il y avait effectivement un énorme effort à entreprendre en matière de communication pour les villes. Il m'a précisé son concept qui reposait sur des idées de magazines, des tranches de vie et de la couleur afin de rendre cette communication plus vivante et moins austère. Monsieur Frédéric B... m'a semblé être un créatif et un professionnel. Il m'a confirmé ce que Monsieur Jean-Louis Y... m'avait déjà indiqué précédemment à savoir qu'il était acculé à la faillite et qu'il recherchait un repreneur.
Par la suite j'ai revu régulièrement Monsieur Frédéric B... qui m'a précisé son projet, m'a présenté ses publications, m'a fait parvenir un document sur le concept MCM qu'il envisageait de réaliser. Il doit effectivement s'agir du document que vous me présentez côte 28. C'est également au cours de ces entretiens que Monsieur Frédéric B... m'a précisé ses difficultés financières résultant de sa précédente expérience professionnelle. En novembre 1989, j'ai su que l'impasse financière était de l'ordre de 5 millions de francs.
J'ai décidé de réaliser ce projet de communication avec Monsieur Frédéric B... qui était également en contact avec d'autres repreneurs. Je craignais la concurrence et je me suis essentiellement attaché au côté personnel de Monsieur Frédéric B..., à sa dimension créative qui m'a semblé plus importante que l'aspect purement gestionnaire.
J'endosse la paternité de cette opération. Cependant, j'ai parlé de la reprise de ces sociétés à Monsieur Bernard W... qui était mon supérieure hiérarchique directeur général de l'eau. J'ai également évoqué ce projet avec la direction économique et juridique. En revanche je n'en ai pas parlé au président de la LYONNAISE DES EAUX Monsieur Jérôme G..., ni au vice président Monsieur 018....
Mon projet était de constituer la société SERECOM, holding de communication qui aurait regroupé les sociétés MCM et SRC (société spécialisée dans le câblage).
Il était important pour moi d'éponger la passif de Monsieur Frédéric B... afin de remettre les compteurs à zéro pour que la concurrence n'exploite pas ces dettes. Par ailleurs la reprise de ce passif était une exigence de Monsieur Frédéric B... qui souhaitait balayer le passé pour venir travailler avec son équipe.
J'ai donc considéré que le rachat de cette équipe d'hommes justifiait un investissement de 5 millions de francs. Par ailleurs le business plan qui avait été élaboré prévoyait un chiffre d'affaires de 9 millions de francs pour 1992 et de 13 millions de francs pour 1993 dont 3 millions de résultat. Ce business plan avait été élaboré par Monsieur Frédéric B.... Ce business plan a été revu par la direction de communication de mon groupe. Par ailleurs la SEREPI a examiné la comptabilité des sociétés de Monsieur Frédéric B... pour préciser le montant des impayés. »
Parallèlement à cette reprise de DAUPHINÉ NEWS, la LYONNAISE DES EAUX prenait 5 % du capital de la société MCM créée par Monsieur Frédéric B... ayant comme objet statutaire de lancer et d'aider à la création de journaux édités par les collectivités locales.
Monsieur Frédéric B... sera alors rémunéré par la société SEREPI à hauteur de 730 000 francs (rémunération et remboursement de frais) refacturés postérieurement à la SERECOM.
Monsieur Frédéric B... sur ce point reconnaissait lors de l'information que cette rémunération était un avantage et n'avait pas donné lieu de sa part à un travail effectif.
Monsieur Alain X... affirmait avoir été informé des difficultés financières du groupe DAUPHINÉ NEWS, mais n'être intervenu à aucun moment.
Monsieur Louis D..., président directeur général des sociétés SEREPI et SERECOM, affirmait quant à lui n'avoir été qu'un exécutant des décisions de Monsieur Jean-Jacques A....
Il convient de rappeler les déclarations de Monsieur Patrick E... :
(D 600) « Je ne pense pas que Monsieur Jean-Louis Y... se soit occupé du lancement de ces publications, mais il est évident qu'à la demande de Monsieur Alain X..., il s'est occupé du renflouement. Monsieur Alain X... avait l'habitude de le solliciter pour les dossiers délicats. Je me souviens que Monsieur Jean-Louis Y... m'a dit que c'était la holding de tête de la LYONNAISE DES EAUX qui avait renfloué DAUPHINÉ NEWS et que c'était une erreur car cela ne rentrait pas dans ses attributions. Selon lui il aurait fallu s'adresser à la LYONNAISE DE COMMUNICATION, filiale de la LYONNAISE DES EAUX qui avait pour objet de prendre des participations dans les entreprises de communication. Je me souviens également que Monsieur Jean-Louis Y... m'a dit que le soutien financier de BOUYGUES était couvert par la loi d'amnistie de 1990 et qu'il n'y aurait pas de problème sur ce point. Il a dû me dire tout cela lorsque je l'ai rencontré au début de l'année 1994 à sa demande. Il se doutait que je serais entendu et il m'a dit ce que je devais expliquer. Sa préoccupation majeure était que l'on évite de parler des négociations de 1987. »
(D 609) « Comme je vous l'ai déclaré, je n'ai appris la reprise du groupe DAUPHINÉ NEWS qu'après mon départ de Grenoble et par la bouche de Monsieur Jean-Louis Y... courant 1990, sans trop de précision. Bien après, au début de l'année 1994 il m'avait confié que ce renflouement connaissait quelques ratées car le montage était imparfait en faisant intervenir une société d'eau au lieu d'une société de communication du groupe LYONNAISE DES EAUX. Je n'en sais rien de plus. »
Monsieur Alain 027..., dirigeant de la société d'imprimerie IN, déclarait :
(D 168) « Il est vrai qu'il s'agit d'une fausse facture mais je n'ai pas agi de ma propre initiative, c'est sur les instructions de Monsieur Frédéric B... que j'ai donné les ordres à mon service comptable de changer de type de prestation et de société facturée.
Effectivement, j'ai été patient dans l'obtention du règlement des prestations effectuées puisqu'en milieu d'année 1989 DAUPHINÉ NEWS restait nous devoir environ 1,4 million de francs alors que lesdits journaux venaient d'arrêter leur parution. Si j'avais eu affaire à un client comme les autres, j'aurais mis en oeuvre les procédures commerciales qui aident aux recouvrement des créances. Je ne l'ai pas fait car je savais que la mairie de Grenoble était derrière le journal. Ma société avait besoin de cet argent, aussi à plusieurs reprises, je me suis simplement contenté de relances verbales et téléphoniques. Monsieur Frédéric B... m'a toujours rétorqué que j'allais être payé sous peu et que Monsieur Alain X... s'employait à trouver les fonds nécessaires. Le dû nous a été réglé en fin d'année 1989, début d'année 1990, tout d'un seul coup. C'est par la presse et bien plus tard que j'ai entendu dire que la LYONNAISE DES EAUX avait renfloué le groupe DAUPHINÉ NEWS.
Les termes employés par Monsieur Frédéric B... concernant Monsieur Alain X... étaient du genre : « Monsieur Alain X... s'y emploie » : « il attend une rentrée d'argent » ; « la solution est trouvée il faut attendre la rentrée d'argent » ; ces propos m'ont été tenus dès l'été, ou même avant à la fin du printemps 1989.
(D 171) « Il est exact que j'ai été patient dans le recouvrement de ma créance. Je me doutais bien que la mairie de Grenoble était derrière la parution de ces journaux. Monsieur Frédéric B... m'avait clairement fait comprendre que Monsieur Alain X... était en train de trouver une solution pour la prise en charge des factures de ma société. J'attendais car je ne pouvais pas faire autrement. J'ai souvent relancé Monsieur Frédéric B.... Monsieur Frédéric B... me faisait patienter. J'ai commencé à avoir des difficultés de paiement très rapidement. »
Le 06 septembre 1994, le magistrat instructeur communiquait le dossier au procureur de la République de Lyon au vu de nouveaux éléments. Il avait reçu une lettre anonyme émise par les citoyens grenoblois datée de Paris le 21 février 1994 qui précisait (D 101) :
« En 1983 Monsieur Alain X... a gardé Monsieur Guy 022... directeur du SIEPARG (EAUX) à 60 000 francs par mois avec engagement de se rallier politiquement à lui, ce qui a été fait. Monsieur Alain X... a monté une société WHIP [au] 286, boulevard Saint-Germain PARIS 75 007, avec Monsieur Jean-Louis Y... son ami, aujourd'hui président de la SOFIRAD. Cette société a acheté l'appartement qui fait aussi bureau, avec quel argent (vérification concierge) ou 3615 Greffe INFO. Monsieur Alain X... a acheté un appartement à l'Alpes d'Huez avec quel argent ? Voir les liens Madame Marie-Claude 023..., Monsieur Jean-Guy 017..., Monsieur Alain X.... Le train de vie de sa famille, voyages, etc. avec manipulation de liquide, origine ? Monsieur Guy 022... s'est fait arrêter à la frontière suisse avec 600 000 francs en liquide il y a deux ans, affaire étouffée. Monsieur le juge nous espérons sur votre fermeté pour arrêter tous ces voyous. Avec l'expression de notre profond respect. »
Le 09 septembre 1994, le procureur de la République de Lyon adressait au juge d'instruction des réquisitions supplétives du chef d'abus de biens sociaux contre Monsieur Marc-Michel Z... et de recel d'abus de biens sociaux contre tous les autres (D 230).
Les renseignements recueillis au registre du commerce de Paris permettaient d'établir, dans un rapport remis le 05 septembre 1994, l'existence d'une société anonyme WHIP SA immatriculée le 23 juin 1988 au capital de 250 000 francs domiciliée initialement 44, Quai de Jemmapes à Paris.
La société WHIP se révélait propriétaire d'un appartement de 280 m2 sis 286, boulevard Saint-Germain à Paris qui lui avait été revendu par la société IMMOBILIÈRE DU BOULEVARD SAINT-GERMAIN, filiale du groupe MERLIN, le 19 décembre 1988.
Cette société IMMOBILIÈRE DU BOULEVARD SAINT-GERMAIN était immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon le 11 février 1986 (radiée le 18 février 1992) et présidée par Madame Colette 036..., tante de Monsieur Marc-Michel Z.... Il s'agissait d'une société anonyme au capital de 6 millions de francs réparti entre les membres de la famille MERLIN et la SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN.
L'unique activité de cette société a été l'acquisition le 14 janvier 1986 d'un appartement de 7 pièces pour un montant de 5 millions de francs, majoré du coût de l'aménagement (706 108 francs) et du mobilier (356 002 francs). Le loyer était de 32 000 francs par mois.
L'expertise financière réalisée par Monsieur Michel BRUYAS (expert commis par le juge d'instruction) révélait qu'aucun loyer n'avait été payé. Au bilan clos au 31 décembre 1987, une somme de 626 400 francs correspondant au montant des impayés était portée au débit d'un compte courant MODERNITÉ RÉGIONALE. Dans le bilan du 31 décembre 1988 figurait une écriture de 417 600 francs correspondant aux loyers à recevoir.
L'expert concluait ainsi son rapport déposé le 15 décembre 1994 :
Nous avons pu constater que le solde de la créance de loyers restant à la charge de Monsieur Jean-Louis Y... (300 000 francs) avait été effectivement réglé à hauteur de 200 000 francs en 1990 et de 100 000 francs en 1991.
Nous avons relevé l'existence d'un paiement de 100 000 francs d'honoraires à la SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN comptabilisé sous le libellé « honoraires de vente » en 1988. La seule vente de l'exercice correspondant à la cession de l'appartement, nous considérons que ces honoraires de vente constituent un prélèvement anormal de l'actif social de la société IMMOBILIÈRE DU BOULEVARD SAINT-GERMAIN au bénéfice de la SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN. »
726 800 francs constituaient des prélèvements abusifs effectués au détriment de la société IMMOBILIÈRE DU BOULEVARD SAINT-GERMAIN.
Les auditions de plusieurs témoins par les fonctionnaires du SRPJ et par le juge d'instruction permettaient d'établir que l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain était essentiellement utilisé par Monsieur Alain X... et n'avait jamais été utilisé par le groupe MERLIN.
Monsieur Thierry F... collaborateur direct de Monsieur Marc-Michel Z... déclarait :
(D 439) « Monsieur Marc-Michel Z... m'a donné mission de réaliser la transaction s'agissant de l'appartement qui lui avait été désigné par Monsieur Alain X... à l'adresse du 286, boulevard Saint-Germain à Paris 7°. Il s'agissait pour moi de régler les modalités juridiques et financières, puis de mettre le bien à la disposition personnelle de Monsieur Alain X... selon le voeu de celui-ci. Je ne sais pas pourquoi son dévolu avait été jeté sur cet appartement, j'ai toujours entendu dire qu'il le voulait à tout prix et j'ai su que d'autres personnalités politiques y avaient été domiciliées et notamment le maire de Bordeaux. Je vous indique immédiatement que je ne me suis jamais rendu sur place et que je n'ai donc jamais visité cet appartement ce qui est en effet curieux alors que je procédais à son achat, mais j'ai su qu'il était situé à deux pas de l'assemblée nationale.
Monsieur Marc-Michel Z... m'avait laissé carte blanche pour négocier avec les anciens propriétaires, les époux 006... et je me souviens que le prix spécifié par Monsieur Alain X... à Monsieur Marc-Michel Z... était de l'ordre de 5 000 000 francs. C'est effectivement sur cette base là que j'ai traité avec les intéressés puisque le coût total d'acquisition pour le groupe s'est monté à 6 000 000 francs environ avec les frais.
Bien entendu, comme vous l'avez compris, nous n'avons jamais été commanditaires de ces travaux. C'est au travers des factures que j'avais à connaître les entreprises qui y travaillaient ou qui fournissaient du mobilier. J'ai entretenu occasionnellement quelques contacts téléphoniques avec une décoratrice parisienne qui semblait orchestrer la décoration de l'appartement, car je n'étais pas d'accord sur certaines factures.
Par contre, je dois vous préciser que quelques travaux, notamment l'installation électrique, ont été directement effectués par nos services techniques me semble t-il la direction de Monsieur Maurice 030..., directeur technique du CETEREC. Celui-ci pourrait vous confirmer plus en détail ces éléments de même que préciser les relations qu'il a directement entretenues avec la décoratrice dont je viens de parler. Néanmoins, il est clair que cette dernière agissait pour le compte de Madame Jacqueline P... et de Monsieur Alain X..., donneurs d'ordre, d'autant qu'en cette matière les goûts personnels ont plus d'importance que le reste.
Comme je vous l'ai déjà dit j'étais destinataire des factures de travaux et j'avais pour instructions de les payer, bien que cela ne me plaisait pas du tout. Je veux dire par là que j'ai toujours été opposé à l'achat de cet appartement puis à sa mise à disposition auprès de Monsieur Alain X..., non pas que la procédure de « cadeaux » m'embarrassait, mais que j'estimais que cette fois-ci on dépassait certaines bornes de façon outrancière. En effet, avant l'arrivée de Monsieur Alain X..., nous nous contentions soit d'offrir des voyages, soit de payer par exemple une piscine à un élu, mais cela restait du domaine du raisonnable. Sur ce point, je trouvais les prétentions de Monsieur Alain X... très excessives, en dehors de l'ordinaire et je ne m'étais pas gêné pour le dire et le redire à Monsieur Marc-Michel Z.... Ainsi, je profitais souvent de l'occasion des factures de travaux pour râler auprès de mon patron. Celui-ci, je dois le préciser, était semble t-il de mon avis et il s'engageait souvent auprès de moi à faire payer certaines factures directement par l'intéressé. Mais ceci est resté un voeu pieux et je pense qu'il a toujours cédé aux exigences de Monsieur Alain X....
A l'issue des travaux Monsieur Marc-Michel Z... m'a présenté physiquement Monsieur Jean-Louis Y... que j'avais eu à quelques reprises au téléphone et dont je savais qu'il était un proche de Monsieur Alain X.... C'est donc vraisemblablement en fin d'année 1986 que Monsieur Jean-Louis Y... ma présenté sommairement l'association MODERNITÉ RÉGIONALE, me donnant pour instruction d'établir un bail locatif à son endroit. L'intéressé ne m'en a pas dit plus sur cette association, je comprenais néanmoins que nous entrions dans la deuxième phase des accords à savoir la mise à disposition du bien au profit de Monsieur Alain X.... L'aspect juridique était orchestré très certainement par Monsieur Jean-Louis Y... qui me demandait seulement d'établir un bail. J'ai donc fait rédiger ce document que j'ai transmis à Monsieur Jean-Louis Y.... J'indique que le bail en question ne m'a jamais été retourné signé. Pour des raisons juridiques et comptables évidentes, j'ai néanmoins considéré qu'il était en vigueur et j'ai dû émettre des factures de loyer au travers de la société IMMOBILIÈRE DU BOULEVARD SAINT-GERMAIN.
En ce qui concerne le bail à Monsieur Jean-Louis Y..., je peux par ailleurs vous indiquer que la signature qui semble correspondre à celle de Madame Colette 036... n'est en fait qu'une imitation. Je suis catégorique sur ce point, car je connais bien sa signature.
En conclusion, s'agissant du bail, je prétends qu'il s'agit là d'un document purement et simplement faux qui a été certainement réalisé a posteriori. »
(D 446) « Je confirme effectivement que vers la fin de l'année 1985, je crois, Monsieur Marc-Michel Z... m'a fait part d'un accord de principe intervenu entre Monsieur Alain X... et lui. Il m'a dit que la maire de Grenoble était prêt à concéder à une société de notre groupe le marché des eaux de la ville de Grenoble à la condition que nous achetions un appartement à Paris pour Monsieur Alain X.... Pour ma part je n'ai effectué aucune recherche d'appartement. Monsieur Marc-Michel Z... m'a dit que Monsieur Alain X... avait arrêté son choix sur un appartement situé 286, boulevard Saint-Germain. Pour ma part, je n'ai jamais vu l'appartement mais j'ai su qu'il était bien situé et qu'il était juste à côté de l'assemblée nationale.
C'est moi qui ai négocié l'acquisition de cet appartement pour un prix de 5 millions de francs. Il y a dû y avoir à peu près un million de francs de travaux effectués courant 1986. Ces travaux on été essentiellement supportés par la société IMMOBILIÈRE DU BOULEVARD SAINT-GERMAIN filiale de SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN. Quelques travaux ont pu être réglés par d'autres sociétés du groupe. Il était parfaitement clair que cet appartement était la contrepartie de la concession du marché de l'eau. Il était prévu qu'à terme Monsieur Alain X... en devienne propriétaire. Par la suite ce transfert de société s'est opéré par la société WHIP sur laquelle je m'expliquerai ultérieurement. A ma connaissance cet appartement devait devenir la résidence parisienne de Monsieur Alain X....
Il est exact que Madame Colette 036..., présidente de la société IMMOBILIÈRE DU BOULEVARD SAINT-GERMAIN, était informée de la destination de ce bien. Elle savait qu'il allait bénéficier à Monsieur Alain X.... Elle était très réticente car elle n'appréciait pas ce genre de pots de vin. »
Monsieur Marc-Michel Z... déclarait :
(D 549) « Je confirme que c'est Monsieur Denis H... qui, à la fin de l'année 1985, m'a indiqué que Monsieur Alain X... souhaitait avoir une structure parisienne lui permettant de développer ses activités politiques à Paris. Monsieur Denis H... m'a dit que Monsieur Alain X... avait arrêté son choix sur un appartement boulevard Saint-Germain. Monsieur Denis H... était l'émissaire de Monsieur Alain X... afin que j'achète l'appartement. Il exerçait les fonctions de directeur de cabinet de Monsieur Alain X... à l'époque.
Dans la foulée, j'ai rencontré Monsieur Alain X... pour qu'il me confirme sa demande. Il m'a dit qu'il souhaitait effectivement disposer d'une structure parisienne politique bien installée. Il m'a dit qu'il avait l'ambition d'être ministre de l'équipement. Il souhaitait disposer d'une antenne à Paris avant la formation du nouveau gouvernement. Il m'a demandé d'acheter cet appartement qui était bien situé, notamment vers le siège du RPR et l'assemblée nationale. Il voulait que les choses se fassent rapidement car il y avait plusieurs acheteurs potentiels. Il était prévu que j'achèterais l'appartement et que Monsieur Alain X... paierait la location. Il m'a dit qu'il s'occuperait lui même de cette location.
J'ai visité une fois cet appartement tout seul le 08 janvier 1986. Ensuite j'ai chargé Monsieur Thierry F... de s'occuper de l'achat de cet appartement qui était bien destiné à Monsieur Alain X.... Monsieur Thierry F... s'est également occupé du bail.
Par conséquent ma rencontre avec Monsieur Alain X... doit remonter à janvier 1986. Je ne me souviens pas précisément où je l'ai rencontré. En tous cas je suis affirmatif sur ce qu'il m'a demandé c'est à dire acheter cet appartement en vue de s'y installer.
Je reconnais effectivement que le montant des travaux de rénovation a été d'un million de francs environ. Il est exact que j'ai protesté devant les factures qui arrivaient. J'en ai parlé à Monsieur Jean-François L... et également à Monsieur Alain X.... Monsieur Alain X... m'a dit qu'il allait voir cela et que c'était son amie qui suivait cela avec la décoratrice. Je lui ai dit que j'augmenterais le prix de location pour tenir compte des suppléments.
J'ai effectivement dit à Monsieur Alain X... que je ferais l'effort d'acheter cet appartement mais qu'en cas de privatisation du marché de l'eau de la ville de Grenoble, il devrait penser à moi. Il m'a dit que si cela se présentait, il ne m'oublierait pas. A cette époque là je pensais que les loyers seraient payés. Il s'agissait effectivement d'un achat que j'acceptais pour entretenir de bonnes relations avec le maire de Grenoble sinon je n'aurais pas effectué un tel investissement.
En 1986, il n'était pas prévu que cette appartement soit un cadeau octroyé à Monsieur Alain X.... Cependant au fil du temps j'ai accepté de consentir cette libéralité à Monsieur Alain X... dans la perspective de bénéficier de différents marchés octroyés par la ville de Grenoble et notamment la concession du marché des eaux.
Je suis d'accord pour reconnaître qu'à la fin de l'année 1987, j'ai compris que je devrais en passer par là pour obtenir le marché de l'eau de la ville de Grenoble. J'ai compris que ce serait les sociétés de mon groupe qui assureraient financièrement la charge de l'achat de cet appartement qui allait bénéficier à Monsieur Alain X.... C'était aussi une façon pour moi de se débarrasser en le vendant de cet appartement occupé mais dont les loyers n'étaient pas payés. Le transfert de propriété ne s'est effectué que plus tard par l'intermédiaire de WHIP et par les factures qui ont été payées par les sociétés de mon groupe. »
Monsieur Denis H... déclarait :
(D 598) « Puis un jour, je me souviens avoir accompagné Monsieur Alain X... voir Monsieur Jacques 016... boulevard Saint-Germain dans les locaux du maire de Bordeaux. C'est à cette occasion que nous avons appris que cet appartement allait se libérer. Nous avons envisagé de faire reprendre cet appartement dans le cadre d'une antenne de la ville de Grenoble mais le projet a été abandonné car trop onéreux. Nous avons également envisagé l'hypothèse d'y installer le siège de l'ASSOCIATION INTERNATIONALE DES VILLES D'AVENIR (AIVA), mais cette association n'a pas pu avoir le budget. C'est dans ce contexte que dans une conversation à bâtons rompus avec Monsieur Marc-Michel Z... j'ai dû évoquer cette recherche d'un appartement pour le compte de Monsieur Alain X... qui ne se concrétisait pas. Monsieur Marc-Michel Z... m'a alors dit qu'il était intéressé lui aussi par un local pour ses affaires. Il a dû ensuite en parler directement en tête à tête avec Monsieur Alain X.... Je n'ai pas assisté à leur conversation. Je ne sais pas sur quels accords ils ont débouché. Monsieur Alain X... ne m'a pas dit où en était la réalisation de son projet d'appartement. Il n'avait pas à me le dire. Je ne m'y suis jamais rendu. J'ai entendu dire que le groupe MERLIN avait acheté cet appartement et qu'il l'avait mis à la disposition de Monsieur Alain X.... Ces bruits ont commencé à devenir plus précis à la fin de l'année 1988. Je n'ai jamais demandé d'explications ou de précisions à Monsieur Marc-Michel Z... ou à Monsieur Alain X... à ce sujet. »
Jean-François L..., chef de cabinet de Monsieur Alain X... au ministère de l'environnement, déclarait :
(D 493) « Effectivement les statuts de cette association [MODERNITÉ RÉGIONALE], prévoyaient sa domiciliation au 286, boulevard Saint-Germain de même que le président y était déclaré domicilié. Pour être complet il faut remonter quelque peu dans le temps car cette élection de domicile faisait suite à des événements ayant eu lieu en fin d'année 1985. Sur certains points la mémoire me fait défaut mais à cette période j'avais reçu pour instructions de trouver un local pouvant accueillir l'activité politique que l'on se proposait de développer.
C'est Madame Jacqueline P... qui a communiqué ses souhaits d'aménagement et de décoration à Mademoiselle Sophie 026... pour ce qui concerne la partie privative, puisque l'appartement était scindé en deux parties. Pour ce faire elle profitait de ses déplacements parisiens puisqu'elle y accompagnait souvent Monsieur Alain X... pour fixer ses choix à Mademoiselle Sophie 026....
Dans les faits, Monsieur Alain X... a partagé ce logement avec Monsieur Jean-Louis Y... au gré des venues sur Paris de Monsieur Alain X.... »
Les développements de l'enquête établissaient que la société IMMOBILIÈRE DU BOULEVARD SAINT-GERMAIN avait inscrit dans ses comptes de charges locatives l'association MODERNITÉ RÉGIONALE.
Cette association avait fait l'objet d'une demande de déclaration à la préfecture en date du 18 février 1986. Le président de cette association en était Monsieur Alain X... qui se domiciliait 286, boulevard Saint-Germain avec comme membres Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur Jean-François L.... L'objet était de « contribuer à l'émergence d'authentiques structures régionales. »
Monsieur Jean-Louis Y... affirmait être l'initiateur de cette association, qu'il s'agissait d'une association mort-née qui n'avait eu aucune réalité.
Monsieur Alain X... précisait tout ignorer de cette association et avoir signé les statuts au milieu de son courrier fort abondant.
Des vérifications permettaient d'établir qu'un bail avait bien été établi au nom de cette association MODERNITÉ RÉGIONALE. Qu'elle était enregistrée au titre de débitrice de loyers de la société IMMOBILIÈRE DU BOULEVARD SAINT-GERMAIN ; que les taxes d'habitation, les factures EDF et de téléphone avaient été envoyées à l'ordre de cette association.
Les investigations démontraient que Monsieur Alain X... était le bénéficiaire principal de cet appartement.
Mademoiselle Sophie 026..., décoratrice de l'appartement avait été choisie par Madame Jacqueline P.... Elle déclarait :
(D 495) « C'est un ami à moi de longue date, Monsieur Jean-François L... qui m'a proposé de prendre en charge la décoration et l'aménagement intérieur d'un appartement utilisé par Monsieur Alain X... situé au 286 de l'adresse précitée. Il m'avait été précisé que ce logement devait être son pied à terre parisien ; c'est d'ailleurs Madame Jacqueline P..., à l'époque sa fiancée je crois, qui m'avait apporté cette indication.
J'ai rencontré Monsieur Alain X... une ou deux fois au début des travaux et je me souviens seulement qu'il avait souhaité que la partie privative de l'appartement soit décorée de tons « chauds ». J'indique au passage que je ne me suis pas occupée de la rénovation de la partie bureau.
Néanmoins j'ai présenté des photos de repérage de meubles ainsi que des échantillons de tissus à Madame Jacqueline P... laquelle m'avait même accompagnée à plusieurs reprises dans des magasins pour y faire des achats notamment de mobiliers. Ceci dit, je précise qu'elle m'a très peu dirigée dans mon travail. »
Madame Mireya 007..., gardienne de l'immeuble, déclarait :
(D 316) « Je suis gardienne de l'immeuble du 286, boulevard Saint-Germain depuis le 02 décembre 1983.
C'est en 1986 que Monsieur Alain X... a commencé à venir dans l'appartement du 4° étage. Il venait chaque semaine. Il arrivait le mardi et repartait le jeudi matin ou le mercredi soir. Il dormait dans l'appartement dans la chambre attenante au salon. Il s'agit bien de la pièce figurant à gauche du plan que vous me présentez. A cette époque, Monsieur Jean-Louis Y... qui était conseiller de Monsieur Alain X... venait également. Il y avait aussi une dame de Grenoble qui m'avait dit qu'elle travaillait pour Monsieur Alain X... là-bas. Elle était venue à Paris pour travailler à l'assemblée.
Je sais que Monsieur Alain X... venait ici notamment quand il était ministre de l'environnement entre 1986 et 1988. J'avais remarqué qu'une voiture de ministère l'amenait ici et lui portait également à manger. »
Madame Claude 006..., habitante de l'immeuble, déclarait :
(D 258) « Il est exact que mon mari et moi avons été propriétaire d'un appartement de 280 m2 comportant 7 pièces principales, une cuisine, 2 salles de bains et 2 W-C, le tout situé au 4° étage de l'immeuble du 286, boulevard Saint-Germain à Paris.
C'est aussi à cette époque ou au plus tard à l'hiver 1986/1987 que Monsieur Alain X... a commencé à fréquenter les lieux. Je ne peux pas vous dire s'il venait régulièrement. Je le voyait de temps en temps, surtout le soir, lorsqu'il montait à l'appartement. Pour moi, l'appartement était un pied à terre de Monsieur Alain X... et Monsieur Alain X... est venu dans l'appartement jusqu'en mars ou avril 1993, date à laquelle il a été nommé au ministère de la communication. Il a alors déménagé de l'appartement pour s'installer à son ministère. »
Les investigations ordonnées par le juge d'instruction ont démontré que la société WHIP était devenue propriétaire de l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain racheté au groupe MERLIN et qu'elle constituait une structure écran abritant l'activité politique de Monsieur Alain X....
L'objet statutaire de la société WHIP était : « Représenter et agir au nom de toutes personnes physiques ou morales, civiles ou administratives tant sur le plan national qu'international aux fins de défendre les intérêts de ces personnes dans la question de tous dossiers nécessitant un traitement juridique, administratif, commercial ou institutionnel. »
Le capital se répartissait ainsi :
Madame Claudine Y... épouse C... (président du conseil d'administration) |
15,2 % |
Monsieur Bernard C... (administrateur) |
14,4 % |
Société S.P. Grenoble (Monsieur Denis H...) (participation revendue à la société CIRF) |
14,4 % |
Société GALLIENA (Paris) | 14,4 % |
Monsieur Jean-Louis Y... | 13,6 % |
Monsieur Jean-François L... | 13,6 % |
Madame Véronique K... | 14,4 % |
Total | 100 % |
(Madame Claudine Y... épouse C... est la soeur de Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Bernard C... le beau frère de Monsieur Jean-Louis Y..., la société GALLIENA est dirigé par Monsieur Bernard C..., Madame Claudine Y... épouse C... y est salariée, Monsieur Jean-François L... est l'ancien chef de cabinet de Monsieur Alain X..., Madame Véronique K... l'ancienne directrice de la communication de Monsieur Alain X... et Monsieur Denis H... (SMP), ancien directeur de cabinet de Monsieur Alain X...).
L'acquisition de l'appartement était entièrement financé par un prêt de la banque LYONNAISE DE BANQUE (agence de Lyon) d'un montant de 7,6 millions de francs d'une durée de 15 ans au taux de 9,30 % selon la ventilation suivante :
Bien immeuble | 6 700 000 francs |
Bien meuble | 300 000 francs |
Droits d'enregistrement + frais | 609 000 francs |
Total | 7 609 000 francs |
Monsieur Jean-Georges V..., directeur de l'agence Presqu'Ile de la banque LYONNAISE DE BANQUE, déclarait :
(D 409) « Jamais je n'ai rencontré le ou les dirigeants de la société WHIP ; je n'ai obtenu des pièces nécessaires à la constitution des deux dossiers que par l'entremise de Monsieur Jacques Q.... Ultérieurement des échanges de documents se sont fait par courrier.
Vu mon expérience professionnelle, je n'étais pas dupe qu'il s'agissait d'un don déguisé puisque le cédant allait lui même assurer la bonne fin du prêt à travers les prestations précitées. D'ailleurs, si ma mémoire est bonne, lorsque j'ai rédigé mon dossier pour le service des engagements, j'ai fait un parallèle direct entre les ressources financières de la société WHIP et le montant des échéances du prêt. Ces masses s'équilibraient et si je n'ai pas fait l'analyse de la valeur ajoutée qu'aurait pu dégager la WHIP, c'est que dans mon esprit, les prestations n'allaient occasionner aucune charge. On en revient à l'idée que j'en avais, à savoir d'un don du groupe MERLIN au profit de cette identité juridique.
Au vu des enjeux, le comité des engagements s'est prononcé favorablement après que j'ai verbalement exposé les informations obtenues auprès de Monsieur Jacques Q.... Nous ne savions pas à l'époque que le bien en question allait être occupé par Monsieur Alain X... et je n'ai appris ce fait que dans les six mois suivants. En effet à plusieurs reprises, j'ai questionné Monsieur Jacques Q... sur la personnalité de Monsieur Jean-Louis Y... et il a fini par m'avouer qu'il était le conseiller de Monsieur Alain X..., ancien ministre. Devant des demandes réitérées, il m'a également fait savoir que l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain était quant à lui occupé par Monsieur Alain X..., sans plus de précision.
Toujours dans les mêmes conditions, et après que la SDEI ait obtenu le contrat de concession auprès de la ville de Grenoble, Monsieur Jacques Q... a fini par me dire que l'opération du boulevard Saint-Germain constituait en fait la contrepartie personnelle du donneur d'ordre dans l'obtention du marché de l'eau. »
Pour sa part, Monsieur Jacques Q..., collaborateur de Monsieur Marc-Michel Z..., contestait (D 417) avoir tenu ces propos lors de la confrontation par les services de police avec Monsieur Jean-Georges V..., mais finissait par reconnaître certains éléments :
(D 637) « J'ai fait part de cette observation à Monsieur Thierry F... qui était mon supérieur hiérarchique. Monsieur Thierry F... était l'interlocuteur de Monsieur Marc-Michel Z... à cette époque. Je n'ai pas sur les raisons de ces impayés, ni l'identité du locataire. A la fin de l'année 1988 j'ai su que la société WHIP allait acheter l'appartement. Je me suis occupé des dossiers de prêt auprès de la banque LYONNAISE DE BANQUE. Je savais qu'il y avait un contrat entre WHIP et la SDEI qui allait permettre le remboursement des échéances. J'ai rencontré le directeur de l'agence centrale de la banque LYONNAISE DE BANQUE sur ce dossier. Pour faciliter l'obtention du prêt j'ai dit que le groupe MERLIN retirerait les comptes si le dossier n'était pas accepté. Je pense cependant que la banque LYONNAISE DE BANQUE savait que Monsieur Jean-Louis Y... était un proche de Monsieur Alain X..., ce qui a pu aider. Par ailleurs je crois que Monsieur Marc-Michel Z... avait des discussions directes avec le supérieur hiérarchique de Monsieur Jean-Georges V... dont je ne me souviens plus du nom. »
Les déclarations de Monsieur Marc-Michel Z... sur l'objectif de ce rachat de l'appartement à la société IMMOBILIÈRE DU BOULEVARD SAINT-GERMAIN par la société WHIP sont claires : « l'appartement doit servir à installer l'antenne parisienne de Monsieur Alain X... et d'après Monsieur Jean-Louis Y... les factures WHIP payées par le groupe MERLIN sont un montage pour financer l'appartement. »
Ainsi à compter de 1988 l'appartement est essentiellement occupé par Monsieur Alain X... et son personnel dévoué à ses activités politiques parisiennes.
Les membres de l'équipe parisienne de Monsieur Alain X... étaient entendus et affirmaient qu'ils consacraient la plupart de leur temps à prendre en charge l'activité politique de Monsieur Alain X....
Madame Florence N..., attachée de presse de Monsieur Alain X..., déclarait :
(D 536) « Je reconnais avoir travaillé de 1988 à 1993 boulevard Saint-Germain exclusivement pour le compte de Monsieur Alain X.... Je me suis occupée des relations avec la presse. J'étais chargée de prendre des rendez-vous avec des journalistes de la presse nationale qui souhaitaient rencontrer Monsieur Alain X.... J'ai effectué un travail relationnel avec ces journalistes. Un certain nombre de ces journalistes sont venus boulevard Saint-Germain pour s'entretenir avec Monsieur Alain X.... »
Monsieur Marik O..., chauffeur, déclarait :
(D 528) « J'ai donc pris mes fonctions dans WHIP au tout début de sa création en 1988 après m'être mis en disponibilité du ministère de l'environnement. J'ai bien entendu immédiatement constaté que je retrouvais au sein de cette société deux personnes du ministère de l'environnement attachées au service de Monsieur Alain X..., à savoir Madame Florence N..., ex-attachée de presse du ministre de l'environnement et Madame Pierrette M..., secrétaire de Monsieur Jean-Louis Y....
Sans qu'on ne me l'ait dit à la date de mon embauche, j'ai très vite compris que la société WHIP formait une cellule de travail attachée à Monsieur Alain X.... Je dois dire que je ne connaissait pas personnellement Monsieur Alain X... avant et que c'est après la création de WHIP que j'ai été amené à faire sa connaissance.
La partie privative était à usage d'appartement privé pour Monsieur Alain X... qui passait en moyenne une ou deux soirées par semaine à Paris. Je suis formel, Monsieur Alain X... logeait dans cet appartement. Quant à son épouse, elle y a séjourné à quelques reprises, mais je n'avais pas à m'occuper d'elle. »
Monsieur Hugues U..., chargé de mission, précisait :
(D 478) « Je rencontrais un certain nombre d'élus. Je prenais un certain nombre de rendez-vous pour Monsieur Alain X... sous le couvert de Monsieur Jean-Louis Y... qui s'occupait de l'emploi du temps parisien de Monsieur Alain X.... Environ 80 % de ses rendez-vous concernaient des journalistes. Toutes les grandes plumes politiques toutes presses confondues sont venues boulevard Saint-Germain pour rencontrer Monsieur Alain X.... A compter de sa réintégration au RPR (courant 1991), il a également rencontré beaucoup d'intellectuels et d'hommes de culture.
Monsieur Alain X... venait chaque semaine à Paris. Il arrivait la plupart du temps le mardi soir et repartait en principe le jeudi matin. Il logeait boulevard Saint-Germain dans l'aile droite de l'appartement. Il travaillait également dans son bureau. Travaillaient dans cette équipe parisienne de Monsieur Alain X... : Madame Florence N... attachée de presse, Monsieur Marik O... qui était chauffeur de Monsieur Alain X... lorsque celui-ci était à Paris et de Monsieur Jean-Louis Y... le reste du temps. Madame Pierrette M... qui effectuait des tâches de secrétariat. Pour ma part j'était présent boulevard Saint-Germain comme le reste de l'équipe à l'exception de Monsieur Marik O... qui se déplaçait beaucoup en voiture.
En août 1992 je suis revenu boulevard Saint-Germain pour reprendre mes fonctions de chargé de mission auprès de Monsieur Alain X.... A compter de cette date là je n'ai plus été rémunéré par le CABINET D'ÉTUDES MERLIN mais je suis devenu salarié du conseil général de l'Isère. Je percevais environ 15 000 francs nets par mois.
Le 286, boulevard Saint-Germain était le siège de l'antenne parisienne de Monsieur Alain X.... J'ignore tout des activités de WHIP. Je ne savais pas quels étaient ses clients. Dans les documents facturés par WHIP que la police judiciaire m'a montrés, je n'ai retrouvé aucune synthèse que j'avais personnellement rédigée. De plus le travail que j'effectuais était destiné à Monsieur Alain X... et pas à Monsieur Jean-Louis Y.... »
Monsieur Jean-François L... précisait :
(D 494) « Cela semblait correspondre à un vrai projet qui avait l'air de lui tenir à coeur. Dans la réalité j'ai rapidement obtenu des informations puis constaté que la société en question [WHIP] n'était en fait qu'une cellule politique propre à l'émergence des idées de Monsieur Alain X....
Durant ces deux mois, j'ai continué à mener une action politique pour Monsieur Alain X..., par la préparation de discours et la prise de contact avec les parlementaires, j'ai d'autre part renoué des relations avec des entreprises travaillant dans le secteur de l'environnement. L'autre partie du personnel à savoir Madame Florence N... et Madame Pierrette M... traitait respectivement les rendez-vous de presse de Monsieur Alain X... et le secrétariat politique. Enfin, Monsieur Marik O... devenait le chauffeur de Monsieur Alain X... lorsqu'il venait à Paris et de Monsieur Jean-Louis Y... le reste du temps.
Pendant cette période l'appartement était occupé alternativement par Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y.... Après mon départ, il m'est arrivé à trois ou quatre reprises que je fasse une incursions au 286, boulevard Saint-Germain pour rendre visite à mes anciennes relations en veillant à ne pas y rencontrer Monsieur Jean-Louis Y....
Lors de ces visites, j'ai constaté que tout le personnel oeuvrait toujours dans le même sens pour développer les idées politiques de Monsieur Alain X... et lui assurer sa logistique. J'ai constaté l'arrivée d'un nouveau collaborateur Monsieur Hugues U... et l'on m'avait dit qu'il s'occupait des relations avec les parlementaires. Il était de notoriété publique et surtout pour le monde parisien que Monsieur Alain X... recevait à cette adresse. »
Madame Pierrette M..., secrétaire, déclarait :
(D 538) « En réalité, au lendemain des élections présidentielles de 1988, la logistique de l'activité politique de Monsieur Alain X... sur Paris se retrouvait compromise et c'est la raison pour laquelle la société WHIP a été mise en place. D'ailleurs avant le déménagement du ministère, Monsieur Jean-Louis Y... m'avait demandé si je voulais bien accepter dans les mois prochains un emploi de secrétariat dans la société de sa soeur qui dans les faits était une cellule politique parisienne de l'ancien ministre.
Avec Monsieur Hugues U..., Monsieur Marik O... et Madame Florence N..., nous avons donc oeuvré pour les besoins de Monsieur Alain X... alors que de mon seul côté, j'avais quand même des travaux directement lié à l'activité de WHIP. »
Madame Marie-Édith 010..., relation commune à Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y..., déclarait :
(D 728) « Il est exact que Monsieur Alain X... fréquentait régulièrement les locaux de la WHIP, boulevard Saint-Germain à Paris. Il y venait plusieurs fois par mois mais je précise me souvenir que Monsieur Jean-Louis Y... insistait parfois même lourdement sur le fait qu'il était son invité alors que lui était le patron.
Néanmoins, il est exact que le secrétariat de la WHIP, qui était pour partie l'ancien secrétariat de Monsieur Alain X..., travaillait aussi pour le compte de Monsieur Alain X.... Je ne peux rentrer dans les détails de ces travaux que je n'ai pas eu à connaître. »
Ainsi l'ensemble de ces témoignages faisait ressortir que l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain servait exclusivement à développer l'activité politique parisienne de Monsieur Alain X..., seule Madame Pierrette M... a déclaré avoir effectué quelques travaux de secrétariat pour WHIP qu'elle expédiait aux sociétés du groupe MERLIN.
Il s'avérait également que la société WHIP avait entre 1991 et 1993 financé des leçons d'anglais au bénéfice de Monsieur Alain X... dispensées par la société BERLITZ pour un montant de 61 079 francs.
Le 05 janvier 1995 Monsieur Michel BRUYAS expert mandaté par le juge d'instruction déposait son rapport dont les conclusions étaient les suivantes :
« L'examen de la comptabilité de la société WHIP, que nous avons traité au chapitre I nous a permis de mettre en évidence un certain nombre d'anomalies que nous avons développées au chapitre V. Nous avons notamment relevé des dépenses que nous considérons n'avoir pas été engagées dans l'intérêt de la société WHIP. Il s'agit de :
Par ailleurs nous estimons que les bilans clos au 31 décembre 1989 et au 31 décembre 1992 ne sont ni réguliers ni sincères :
Nous avons développé au chapitre II les conditions de financement de l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain à Paris. Cet investissement disproportionné par rapport à l'activité et aux besoins de la société WHIP a occasionné un coût global de 3 816 352 francs au cours des années 1989 à 1993 et constitue un acte de gestion qui ne paraît pas réalisé dans l'intérêt de la société WHIP à hauteur de 2 818 352 francs.
Le chapitre III a été consacré à l'examen du chiffre d'affaires de la société WHIP. L'incohérence relevée sur certaines facturations, la nature et la faible importance des travaux livrés nous permettent de mettre en doute la réalité même de ces facturations, position qui se trouve corroborée par les déclarations de Monsieur Marc-Michel Z... et de Monsieur Thierry F....
Le chapitre IV est consacré aux moyens humains de la société WHIP. L'examen des effectifs salariés par la société WHIP tant à Paris qu'à Bruxelles, la qualification des personnes employées, leurs propres déclarations lors de leurs différentes auditions, nous ont conduit à considérer qu'une fraction importante des salaires et charges sociales correspondantes avait été payée par la société WHIP dans un but non conforme à son intérêt social. Nous avons valorisé cette dépense à hauteur de 2 925 792 francs. »
L'essentiel de l'activité de WHIP a été effectué au profit des sociétés du groupe MERLIN et de la LYONNAISE DES EAUX.
57,2 % du chiffre d'affaires de la société WHIP a été facturé aux sociétés du groupe MERLIN pour un montant total de 9 373 060 francs.
246 documents relatifs aux travaux facturés par WHIP ont été saisis dont 33 % semblent provenir d'un travail effectif de la société WHIP.
Parallèlement la société LYONNAISE DES EAUX versait entre 1989 et 1994 2 220 000 francs à la société WHIP.
Les sociétés SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN, SDEI et CABINET D'ÉTUDES MERLIN ont été facturées à hauteur de 6 880 000 francs par la SCP DUTARET-LAROZE-LA GIRAUDIERE, société d'avocats d'affaires parisiens dont Monsieur Jean-Louis Y... est l'un des associés, entre 1988 et 1994.
Pour la période allant de 1986 à 1992 les sociétés du groupe MERLIN et la LYONNAISE DES EAUX procuraient à la société WHIP 70 % de ses ressources au travers des contrats de prestations de service suivants :
Trois contrats ont été conclu avec la SDEI, la SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN et le CABINET D'ÉTUDES MERLIN :
Soit la somme de 9 373 060 francs pour l'ensemble du groupe MERLIN.
L'objectif de travail de la société WHIP pour le groupe MERLIN est de « représenter la société concernée auprès de toute personne physique ou entité française ou internationale dans le but de favoriser le développement de l'activité de la société, de présenter et de la défendre là où elle est impliquée, pour obtenir la prise en compte de ses intérêts auprès de tout décideur dans les domaines de la vie économique, politique, administrative ou sociale. »
Par contrat en date du 04 janvier 1989 signé par Monsieur Jean-Jacques A..., la LYONNAISE DES EAUX versait une rémunération initiale de 120 000 francs pour 6 mois correspondant à une prestation de 120 heures. Plusieurs avenants de 1989, 1991 et 1992 augmentaient le coût du contrat. La LYONNAISE DES EAUX versait durant cette période de 1989 à 1993 la somme de 2 220 000 francs à WHIP.
La société WHIP devait représenter la LYONNAISE DES EAUX en France et à l'étranger et plus précisément auprès des autorités de la CEE à Bruxelles, informer la LYONNAISE DES EAUX des projets de réglementation pouvant l'intéresser tant en matière de distribution d'eau que de concession.
La société WHIP facturait en décembre 1988 pour un montant de 490 000 francs et en juin 1989 pour un montant de 350 000 francs la SA SFADT.
Le motif de ce contrat était pour la WHIP « d'exercer une action de lobbying dont l'objectif était la publication d'un règlement rendant obligatoire le diagnostic des réseaux de distribution d'eau, ainsi que la rémunération de l'intervention de Monsieur Jean-Louis Y... dans le cadre de la prise de participation de la LYONNAISE DES EAUX dans le groupe PHINELEC SEBA contrôlé par Monsieur Gilbert 055.... »
Or ce décret n'a pas été pris en 1989 et Monsieur Jean-Louis Y... n'est pas intervenu dans cette reprise. Monsieur Gilbert 055... reconnaissait que cette facturation à la société WHIP était excessive et ne correspondait pas à un travail réel.
Pour Monsieur Alain X..., Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur Jean-Jacques A..., le travail effectué par la société WHIP était un travail effectif, il ne s'agissait pas d'un habillage et de fausses facturations comme le prétendait le juge d'instruction.
Monsieur Marc-Michel Z... déclarait quant à lui :
(D 477) « Je reconnais effectivement que les sommes versées par les sociétés SDEI, SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN et CABINET D'ÉTUDES MERLIN à la société WHIP entre 1988 et 1993 ne correspondent pas à des prestations économiques réelles. Il s'agissait de factures destinée à permettre le remboursement de cet appartement acquis par la société WHIP à la fin de l'année 1988. J'ai été obligé de céder à ces prétentions car si je refusais, j'aurais été écarté du contrat de concession et des études que nous réalisions avec la ville de Grenoble ; la plupart des documents adressés par la société WHIP constitue l'habillage de cette facturation... Monsieur Jean-Louis Y... a été impératif, il nous a dit qu'il fallait procéder de cette façon là ; que WHIP allait racheter l'appartement et que les sociétés du groupe allaient payer les factures pour assurer le paiement de l'appartement. Par conséquent, je n'avais aucune ambiguïté sur le fondement des factures WHIP... Je savais que si je n'acceptais pas ce système, je n'aurais pas de marché. »
Monsieur 056..., responsable du service juridique, puis secrétaire général du CABINET D'ÉTUDES MERLIN déclarait :
(D 515) « Je reconnais clairement que nous étions abreuvés de documentations diverses dont la plus grande partie ne représentait pas d'intérêt pour le CABINET D'ÉTUDES MERLIN... A la limite notre service documentation aurait pu se charger d'un premier tri dans le journal officiel européen pour alimenter nos techniciens qui auraient exploité ces documents et réalisé la même analyse dont je vous ai parlé plus haut... Connaissant à ce jour le montant de la facturation WHIP au CABINET D'ÉTUDES MERLIN de 1988 à 1993, je reconnais effectivement que cela est sans commune mesure avec le service apporté. »
Il précisait cependant qu'il s'était rendu à Bruxelles pour rencontrer Madame Véronique T... accompagné de cadres du groupe MERLIN afin de prendre contact avec des fonctionnaires de la communauté européenne.
L'ensemble des documents ont permis l'analyse du travail fourni par la société WHIP et envoyé à ses interlocuteurs.
L'expertise de Monsieur Michel BRUYAS démontre que sur 246 documents saisis :
138 documents ont été produits, 19 doublons et 62 pièces déjà examinés par Monsieur Michel BRUYAS peuvent être déduits. Il reste 57 documents dont 52 donnent lieu à une réelle exploitation :
L'expertise réalisée par Monsieur GUIBERT à la demande de la LYONNAISE DES EAUX (rapport du 02 mars 1995) n'apporte pas pour le juge d'instruction d'éléments nouveaux.
Pour Monsieur Michel BRUYAS, les facturations de WHIP à ses clients ne correspondaient à aucune prestation sérieuse et effective.
Madame Véronique T..., juriste installée à Bruxelles et travaillant pour la société WHIP déclarait dans son audition :
(D 682) « J'avais demandé que l'activité ne démarre qu'au 1er février 1989 pour me donner le temps de résilier mon précédent engagement. Entre temps, j'avais toutefois prospecté pour engager la secrétaire Madame 044... et une consultante Madame Martine 009.... Toutes deux ont débuté leur activité pour WHIP le 1er janvier 1989.
Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur 040... m'avaient indiqué que si la plupart des clients seraient des clients WHIP, le bureau serait également amené à s'occuper de clients dépendant du cabinet d'avocats. Il s'agit des clients suivants que l'on m'avait annoncés : GENERAL SUCRIERE et SUCRE UNION. Par la suite j'ai pu constater que je travaillais pour d'autres clients du cabinet d'avocats à savoir la CISAC, l'AFTA, plus un certain nombre de dossiers traités pour des clients occasionnels ou moins réguliers du cabinet.
J'ai travaillé pour d'autres clients mais je ne suis pas sûre qu'il s'agisse des clients WHIP. Ainsi j'ai traité les dossiers ASSOCIATION DES CHASSEURS DE FRANCE, COLGATE, PALMOLIVE, CHAUFFERIE DE GRENOBLE, la ville de Nimes, DUMEZ je crois. C'est tout ce dont je me souviens. Parallèlement à cela Monsieur Jean-Louis Y... nous a commandé aussi plusieurs travaux sur des thèmes généraux tel que l'environnement, les assurances. »
Enfin 4 notes d'honoraires sont considérées par le juge d'instruction comme des abus de biens sociaux :
Monsieur Jean-Louis Y... facture à la SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN 100 000 francs au titre de son travail pour l'acquisition de l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain pour la société WHIP. Cette facture se réfère à « l'étude du compromis de l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain et à la révision des différents points des contrats WHIP / SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN. »
Pour Monsieur Marc-Michel Z..., cette facture est due à la tentative de rachat du journal Minute en procédure de liquidation judiciaire par Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y.... Monsieur Jean-Louis Y... reconnait que 7 millions de francs avaient été versés sur le compte CARPA par Monsieur Marc-Michel Z... avec cet objectif de rachat de Minute et qu'une facture de 50 000 francs pour ses démarches avait été admises et réglée par la SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN.
Intitulées « Études des relations de prestation de service entre la société et le service des eaux de Grenoble ainsi que la mairie », ces factures confirment, pour le juge d'instruction, d'une part, la participation de Monsieur Jean-Louis Y... aux négociations de 1987, d'autre part, l'existence indubitable des ces négociations suffisamment précises et avancées pour justifier de la part de cet avocat la réclamation d'une somme de 100 000 francs au titre de ses interventions.
En ce qui concerne les charges de la société WHIP, l'expert Monsieur Michel BRUYAS relève une liste de dépenses de 192 561 francs constituant des charges indues supportées par la trésorerie sociale ainsi que plusieurs déplacepments des collaborateurs de WHIP.
L'ensemble des charges salariales de la société WHIP à Paris s'élève à 4 169 785 francs entre 1988 et 1993. Madame Véronique T... a perçu durant cette période 2 006 540 francs.
Ce prélèvement anormal est estimé par l'expert à la somme de 2 925 792 francs.
Dans le même temps où ils procédaient à l'ensemble des investigations supra, les fonctionnaires du SRPJ saisissaient le 26 septembre 1994 au siège de la SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN à Lyon un procès verbal de conseil d'administration de cette société (scellé 154) notamment un procès verbal autorisant :
La société SINAIR est installée à Saint-Étienne de Saint-Geoirs (Isère, 60 km de Lyon).
De 1984 à 1993, la société SINAIR a encaissé des sociétés du groupe MERLIN les montants suivants :
L'audition des pilotes (Monsieur 060..., Monsieur 033..., Monsieur 053..., Monsieur 032...), de Monsieur Jean-Claude J..., de son épouse allaient permettre d'attribuer à Alain X... la majorité des vols financés par les sociétés du groupe MERLIN entre le 06 octobre 1984 et le 16 juillet 1993.
192 vols ont été financés par le groupe MERLIN, Monsieur François 020..., Monsieur Philippe 021..., Monsieur François 019... ont été les autres bénéficiaires.
142 vols sont imputés à Alain X... d'un montant de 2 487 598 francs TTC ; sur ces 142 vols, 44 concernent des déplacements d'agrément du fait de leur destination (Corse, Malaga, Barcelone, Baleares, Dubrovnik) pour un montant de 911 809 francs TTC.
Le SRPJ établissait le tableau suivant des vols imputés à Monsieur Alain X... :
(D 632) :
N° RÉF | DATE | VOYAGE | FRANC HT | FRANC TTC |
1 | 06/10/1984 | Grenoble Ajaccio | 8 750 | 9 362,50 |
2 | 07/10/1984 | Ajaccio Grenoble | 8 750 | 9 362,50 |
7 | 01/12/1984 | Grenoble Turin | 3 750 | 4 012,50 |
8 | 01/12/1984 | Turin Grenoble | 5 000 | 5 350 |
9 | 15/01/1985 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Strasbourg Strasbourg Dôle Dôle Le Bourget |
23 750 | 25 412,50 |
10 | 16/01/1985 | Paris Grenoble | 7 500 | 8 025 |
11 | 19/01/1985 | Grenoble Paris Paris Grenoble |
15 000 | 16 050 |
12 | 04/04/1985 | Grenoble Ajaccio Ajaccio Grenoble |
15 000 | 16 050 |
13 | 08/04/1985 | Grenoble Ajaccio Ajaccio Grenoble |
15 000 | 16 050 |
15 | 12/05/1985 | Grenoble Paris Paris Grenoble |
16 250 | 17 387,50 |
16 | 14/05/1985 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
16 250 | 17 387,50 |
17 | 24/05/1985 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
16 250 | 17 387,50 |
18 | 25/05/1985 | Grenoble Ajaccio Ajaccio Grenoble |
15 000 | 16 050 |
19 | 28/05/1985 | Grenoble Ajaccio | 7 500 | 8 025 |
20 | 09/06/1985 | Grenoble Orly Orly Grenoble |
16 250 | 17 387,50 |
21 | 18/06/1985 | Grenoble Le Bourget | 7 500 | 8 025 |
22 | 19/06/1985 | Le Bourget Grenoble | 7 500 | 8 025 |
23 | 24/06/1985 | Grenoble Le Bourget | 7 500 | 8 025 |
24 | 25/06/1985 | Le Bourget Grenoble | 7 500 | 8 025 |
N° RÉF | DATE | VOYAGE | FRANC HT | FRANC TTC |
26 | 29/08/1985 | Grenoble Dôle Dôle Grenoble |
7 500 | 8 025 |
27 | 26/09/1985 | Grenoble Barcelone Barcelone Grenoble |
17 500 | 18 725 |
28 | 02/10/1985 | Grenoble Barcelone Barcelone Grenoble |
17 500 | 18 725 |
29 | 05/10/1985 | Grenoble Orly Orly Grenoble |
15 000 | 16 050 |
30 | 08/10/1985 | Grenoble Strasbourg Strasbourg Le Bourget Le Bourget Grenoble |
20 000 | 21 400 |
31 | 16/10/1985 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
15 000 | 16 050 |
32 | 19/10/1985 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
15 000 | 16 050 |
33 | 24/10/1985 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
16 250 | 18 387,50 |
34 | 01/12/1985 | Grenoble Le Bourget | 8 750 | 9 362,50 |
35 | 03/12/1985 | Le Bourget Grenoble | 8 750 | 9 362,50 |
36 | 18/12/1985 | Grenoble Nantes | 17 500 | 18 725 |
37 | 18/12/1985 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
17 500 | 18 725 |
38 | 14/01/1986 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
17 500 | 18 725 |
39 | 18/02/1986 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
17 500 | 18 725 |
40 | 19/02/1986 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Nevers Nevers Grenoble |
18 750 | 20 062,50 |
41 | 26/02/1986 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Épinal Épinal Grenoble |
17 500 | 18 725 |
42 | 05/03/1986 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Bourges Bourges Grenoble |
15 000 | 16 050 |
N° RÉF | DATE | VOYAGE | FRANC HT | FRANC TTC |
45 | 24/03/1986 | Grenoble Montpellier Montpellier Grenoble |
6 250 | 6 687,50 |
47 | 26/08/1986 | Grenoble Nice Nice Grenoble |
12 500 | 13 375 |
50 | 19/09/1986 | Grenoble Le Bourget | 8 750 | 9 362,50 |
50 bis | 20/09/1986 | Le Bourget Grenoble | 8 750 | 9 362,50 |
52 | 26/09/1986 | Grenoble Tours Tours Grenoble |
12 500 | 13 375 |
53 | 01/10/1986 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Épinal Épinal Grenoble Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
22 500 | 24 075 |
54 | 02/10/1986 | Le Bourget Grenoble | 8 750 | 9 362,50 |
55 | 08/10/1986 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
15 000 | 16 050 |
56 | 18/10/1986 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Ajaccio Ajaccio Le Bourget |
27 500 | 29 425 |
57 | 21/10/1986 | Le Bourget Grenoble | 20 000 | 21 400 |
58 | 22/10/1986 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
7 500 | 8 025 |
62 | 27/11/1986 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
16 250 | 17 387,50 |
63 | 01/12/1986 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
15 000 | 16 050 |
64 | 07/12/1986 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
15 000 | 16 050 |
65 | 05/01/1987 | Grenoble Le Bourget | 7 500 | 8 025 |
66 | 06/01/1987 | Le Bourget Grenoble | 8 750 | 9 362,50 |
67 | 17/04/1987 | Grenoble Ajaccio Ajaccio Grenoble |
12 500 | 13 375 |
68 | 27/04/1987 | Grenoble Ajaccio Ajaccio Grenoble |
15 000 | 16 050 |
N° RÉF | DATE | VOYAGE | FRANC HT | FRANC TTC |
69 | 10/05/1987 | Grenoble Béziers Béziers Grenoble |
15 000 | 16 050 |
71 | 20/08/1987 | Grenoble Figari Figari Grenoble |
17 500 | 18 725 |
75 | 30/10/1987 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
15 000 | 16 050 |
77 | 07/11/1987 | Grenoble Barcelone | 10 000 | 10 700 |
78 | 08/11/1987 | Barcelone Grenoble | 10 000 | 10 700 |
79 | 03/12/1987 | Grenoble Tours | 8 750 | 9 362,50 |
80 | 04/12/1987 | Tours Grenoble | 8 750 | 9 362,50 |
84 | 12/04/1988 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble Grenoble Le Bourget |
22 500 | 24 075 |
85 | 13/04/1988 | Le Bourget Grenoble | 7 500 | 8 025 |
86 | 13/04/1988 | Grenoble Le Bourget | 8 750 | 9 362,50 |
87 | 08/06/1988 | Le Bourget Grenoble | 8 750 | 9 362,50 |
88 | 09/06/1988 | Grenoble Le Bourget | 8 750 | 9 362,50 |
89 | 20/06/1988 | Le Bourget Grenoble | 8 750 | 9 362,50 |
90 | 21/06/1988 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
16 250 | 17 387,50 |
91 | 28/06/1988 | Grenoble Le Bourget | 8 750 | 9 362,50 |
92 | 29/06/1988 | Le Bourget Grenoble | 8 750 | 9 362,50 |
93 | 30/07/1988 | Grenoble Dubrovnik Dubrovnik Grenoble |
30 000 | 32 100 |
94 | 0608/1988 | Grenoble Dubrovnik Dubrovnik Grenoble |
30 000 | 32 100 |
95 | 18/08/1988 | Grenoble Figari Figari Grenoble |
17 500 | 18 725 |
97 | 27/09/1988 | Grenoble Naples Naples Satolas Satolas Grenoble |
27 500 | 29 425 |
N° RÉF | DATE | VOYAGE | FRANC HT | FRANC TTC |
100 | 15/10/1988 | Grenoble Ajaccio Ajaccio Grenoble |
15 000 | 16 050 |
101 | 21/10/1988 | Grenoble Ajaccio Ajaccio Grenoble |
15 000 | 16 050 |
102 | 12/11/1988 | Grenoble Toulon Toulon Grenoble |
10 000 | 10 700 |
103 | 14/11/1988 | Grenoble La Môle La Môle Grenoble |
10 000 | 10 700 |
106 | 29/01/1989 | Grenoble Orly | 8 750 | 9 362,50 |
107 | 30/01/1989 | Orly Grenoble | 7 500 | 8 025 |
108 | 06/02/1989 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
15 000 | 16 050 |
109 | 22/02/1989 | Grenoble Nice Nice Grenoble Grenoble Nice Nice Grenoble |
20 000 | 21 400 |
110 | 08/03/1989 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
15 000 | 16 050 |
111 | 17/03/1989 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
15 000 | 16 050 |
112 | 13/05/1989 | Grenoble La Môle La Môle Grenoble |
8 750 | 9 362,50 |
113 | 21/05/1989 | Grenoble La Môle La Môle Grenoble |
8 750 | 9 362,50 |
117 | 15/07/1989 | Grenoble Nice Nice Grenoble |
7 500 | 8 025 |
118 | 29/07/1989 | Grenoble Figari Figari Grenoble |
15 250 | 16 317,50 |
119 | 30/07/1989 | Grenoble Orly Orly Grenoble |
13 750 | 15 712,50 |
120 | 18/08/1989 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
15 000 | 16 050 |
N° RÉF | DATE | VOYAGE | FRANC HT | FRANC TTC |
121 | 08/09/1989 | Grenoble Perpignan Perpignan Grenoble Grenoble Perpignan Perpignan Grenoble |
42 000 | 44 940 |
122 | 14/10/1989 | Grenoble Orly Orly Nice |
21 000 | 22 470 |
123 | 15/10/1989 | Nice Grenoble | 6 000 | 6 420 |
124 | 25/10/1989 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
18 000 | 18 990 |
127 | 16/01/1990 17/01/1990 |
Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
18 000 | 18 990 |
128 | 15/02/1990 | Grenoble Malagua Malagua Grenoble |
36 000 | 37 980 |
129 | 18/02/1990 | Grenoble Liège Liège Grenoble |
18 000 | 18 990 |
130 | 18/02/1990 | Grenoble Malagua | 18 000 | 18 990 |
131 | 19/02/1990 | Malagua Grenoble | 18 000 | 18 990 |
132 | 25/02/1990 | Grenoble Malagua Malagua Grenoble |
36 000 | 37 980 |
133 | 20/03/1990 | Grenoble Le Bourget | 9 000 | 9 495 |
134 | 21/03/1990 | Le Bourget Grenoble | 9 000 | 9 495 |
135 | 14/04/1990 | Grenoble Ajaccio Ajaccio Grenoble |
18 000 | 18 990 |
136 | 18/04/1990 | Grenoble Ajaccio Ajaccio Grenoble |
18 000 | 18 990 |
137 | 29/04/1990 | Grenoble La Môle La Môle Grenoble |
15 000 | 15 825 |
138 | 01/051990 | Grenoble La Môle La Môle Le Bourget Le Bourget Grenoble |
27 000 | 28 486 |
141 | 29/071990 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
22 500 | 23 737,50 |
142 | 18/08/1990 | Grenoble La Môle La Môle Grenoble |
15 000 | 15 825 |
N° RÉF | DATE | VOYAGE | FRANC HT | FRANC TTC |
144 | 18/10/1990 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
22 500 | 23 737,50 |
146 | 30/12/1990 | Grenoble marseille marseille Bastia Bastia Grenoble |
25 000 | 26 375 |
147 | 03/01/1991 | Grenoble Bastia Bastia Grenoble |
22 500 | 23 737,50 |
148 | 24/01/1991 | Grenoble Orly Orly Grenoble |
22 500 | 23 737,50 |
154 | 01/08/1991 | Grenoble Figari Figari Grenoble |
25 000 | 26 375 |
155 | 30/08/1991 | Grenoble Figari Figari Grenoble |
25 000 | 26 375 |
156 | 12/09/1991 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
22 500 | 23 737,50 |
161 | 26/01/1992 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
22 500 | 23 737,50 |
162 | 10/04/1992 | Grenoble Milan Milan Grenoble |
20 000 | 21 100 |
163 | 17/04/1992 | Grenoble Biarritz Biarritz Grenoble |
22 500 | 23 737,50 |
164 | 24/04/1992 | Grenoble St Sebastian St Sebastian Grenoble |
25 000 | 26 375 |
166 | 06/06/1992 | Grenoble La Môle La Môle Grenoble |
20 000 | 21 100 |
167 | 08/06/1992 | Grenoble La Môle La Môle Grenoble |
20 000 | 21 100 |
170 | 03/07/1992 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
22 500 | 23 737,50 |
171 | 04/07/1992 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
22 500 | 23 737,50 |
172 | 09/07/1992 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
22 500 | 23 737,50 |
N° RÉF | DATE | VOYAGE | FRANC HT | FRANC TTC |
173 | 18/08/1992 | Grenoble La Môle La Môle Palma Palma Grenoble |
30 000 | 31 650 |
174 | 22/08/1992 | Grenoble Minorque Minorque Bari |
35 000 | 36 925 |
175 | 28/08/1992 | Bordeaux Grenoble | 12 500 | 13 187,50 |
178 | 17/09/1992 | Le Bourget Grenoble | 12 500 | 13 187,50 |
179 | 30/10/1992 | Grenoble Bordeaux Bordeaux Grenoble |
25 000 | 26 375 |
180 | 01/11/1992 | Grenoble Bordeaux Bordeaux Grenoble |
25 000 | 26 375 |
181 | 09/01/1993 | Grenoble Le Bourget | 15 000 | 15 825 |
182 | 10/01/1993 | Le Bourget Grenoble | 15 000 | 15 825 |
183 | 11/01/1993 | Grenoble Le Bourget | 15 000 | 15 825 |
184 | 12/01/1993 | Le Bourget Grenoble | 15 000 | 15 825 |
185 | 01/02/1993 | Grenoble Le Bourget | 15 000 | 15 825 |
186 | 02/02/1993 | Le Bourget Grenoble | 15 000 | 15 825 |
187 | 04/02/1993 | Grenoble Bordeaux Bordeaux Grenoble |
30 000 | 31 650 |
188 | 11/02/1993 | Grenoble Le Mans Le Mans Grenoble |
30 000 | 31 650 |
189 | 06/03/1993 07/03/1993 |
Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
25 000 | 26 375 |
190 | 03/03/1993 | Grenoble Clermont Clermont Nice Nice Grenoble |
27 750 | 29 276,25 |
191 | 08/03/1993 | Grenoble Le Bourget Le Bourget Grenoble |
25 000 | 26 375 |
192 | 16/07/1993 | Grenoble Aix Aix Grenoble Grenoble Aix Aix Grenoble |
30 000 | 31 650 |
TOTAL FRANC | 2 336 250 | 2 487 598,50 |
Pour arriver à ce chiffrage, les enquêteurs du SRPJ, en l'absence de tout agenda de Monsieur Alain X... ou du manifeste passager, ont pris en compte :
Monsieur Jean-Claude J..., dirigeant de la compagnie SINAIR, déclarait :
(D 431) « Je confirme mes précédentes déclarations. A compter de 1984 / 1985, Monsieur Marc-Michel Z... m'a demandé de mettre à la disposition de Monsieur Alain X... des appareils de ma compagnie. Il était prévu que le coût de ces heures de vol destinées à Monsieur Alain X... serait pris en charge par les sociétés du groupe MERLIN, c'est à dire les sociétés SOGEDO, SDEI et CABINET D'ÉTUDES MERLIN.
Je reconnais que 90 % environ des vols Saint-Geoirs / Paris et Paris / Saint-Geoirs concernent Monsieur Alain X.... Nous le prenions à Saint-Geoirs et nous le déposions au Bourget ou l'inverse. C'était souvent à des heures tardives.
Je reconnais effectivement que Monsieur Alain X... s'est aussi déplacé dans d'autres villes de France que Paris, comme Montpellier, Strasbourg, Valenciennes, Bordeaux. Il s'agissait de vols facturés aux sociétés du groupe MERLIN. Il y a eu aussi des vols d'agrément comme Dubrovnik en juillet 1988 où Monsieur Alain X... et des gens de sa famille étaient allés faire du bateau.
Je pense effectivement que le montant des vols supportés par les sociétés du groupe MERLIN concernant Monsieur Alain X... peut être évalué entre 3 et 4 millions de francs sur 10 ans. »
Il donnait des précisions et des anecdotes dont lui ou ses pilotes se souvenaient à propos des vols effectués par Monsieur Alain X....
Monsieur Marc-Michel Z... déclarait :
(D 477) « C'est effectivement dans le courant de l'année 1984 que Monsieur Alain X... m'a demandé dans un premier temps de le dépanner en utilisant une ou deux fois un avion de la compagnie SINAIR réglé par les sociétés de mon groupe. C'est Monsieur Denis H... (à l'époque directeur de cabinet de Monsieur Alain X...) qui m'a présenté Monsieur Jean-Claude J..., dirigeant de la compagnie SINAIR. Monsieur Denis H... m'a dit que la compagnie SINAIR avait des difficultés financières et que mon aide serait bien vue de la municipalité. J'ai donc commencé à voler avec cette société car je me déplaçais beaucoup. Concernant Monsieur Alain X... il avait été prévu initialement qu'il pourrait utiliser les avions SINAIR en cas d'urgence, puis par la suite c'est devenu une pratique courante que je n'ai même plus contrôlée. SINAIR nous envoyait les relevés d'heures de vol qui étaient réglés par les sociétés de mon groupe. »
Monsieur Alain X... reconnaissait en fin d'information (26 janvier 1995) que certains vols SINAIR pouvaient le concerner. Il rejetait le nombre de vols qui lui était imputé par le SRPJ et le juge d'instruction.
Il précisait que ces vols étaient rattachés à son activité politique.
Lors de ses auditions du 24 octobre 1994, Monsieur Thierry F..., pour la première fois évoquait une croisière au bénéfice de Monsieur Alain X..., payée par le groupe MERLIN.
L'enquête établissait qu'une goélette Bohème II avait été louée par le groupe MERLIN du 08 au 23 août 1987 à la société cannoise CAMPER & NICHOLSON (factures de 170 784 francs et de 42 696 francs).
Madame Sarolta 008..., cuisinière sur le bateau, déclarait :
(D 626) « Comme je vous l'avais déclaré lors de notre conversation téléphonique, je tenais un livre de bord où je consignais en quelque sorte des notes personnelles et quotidiennes sur le déroulement de la croisière et sur les menus que je composais. Malheureusement, je n'ai pu retrouver ces cahiers, mais ayant une excellente mémoire, je peux néanmoins vous relater les faits avec suffisamment de précisions et d'exactitude.
La croisière dont il est question a débuté le 08 août 1987, je m'en souviens particulièrement puisque le lendemain était mon anniversaire. Elle a duré un peu plus de 15 jours, puisque nous sommes revenus à Cannes que le 23 août après avoir navigué en Méditerrannée, le long de la côte métropolitaine mais aussi aux alentours de la Corse.
En définitive, la croisière s'est déroulée avec Monsieur Alain X... que nous appelions notre "petit ministre" en raison de sa petite taille comparée à celle du capitaine qui est immense, Madame Jacqueline P... qui nous a été présentée comme sa femme, une dame blonde dont je ne me souviens plus de l'identité mais qui était semble t-il la soeur de Madame Jacqueline P... avec ses eux garçons âgés de 12 et 17 ans je crois, l'aîné se prénommant Christophe.
La croisière ne s'est pas terminée avec cinq passagers, puisque nous avons débarqué Monsieur Alain X... et Madame Jacqueline P... au sud de la Corse, aux alentours du 20 août, et que ceux-ci ont regagné la métropole par avion depuis l'aéroport de Figari d'après ce qui m'a été rapporté. Je me souviens qu'ils sont venus tous deux saluer les membres de l'équipage avant leur départ. Monsieur Alain X... a même était très généreux à mon égard puisqu'il m'a remis un pourboire de 500 francs. Je ne sais pas quelle somme il a pu remettre aux autres mais en tout cas il a vu tout le monde.
Je suis formelle sur le point de dire que Monsieur Alain X... était présent du 08 août, soit le début de la croisière, jusqu'à son débarquement en Corse aux environs du 20. »
Un vol SINAIR Figari / Grenoble en date du 20 août 1987 a été pris en charge par le groupe MERLIN et attribué à Monsieur Alain X....
Ce dernier conteste être resté sur le bateau aussi longtemps. Il y serait resté 2 à 3 jours et serait rentré à Paris postérieurement.
Monsieur Jean-Louis Y... affirmait quant à lui qu'il était présent sur le bateau en compagnie de Monsieur Alain X....
Un voyage en Australie au bénéfice de Monsieur Jean-Louis Y... était également répertorié pour un montat de 137 690 francs supporté par la trésorerie de la SDEI.
Monsieur Jean-Louis Y... estimait qu'il s'agissait d'un cadeau d'affaires, traditionnel de la part de Monsieur Marc-Michel Z....
Le 21 septembre 1994, suite à la découverte de ces nouveaux éléments, le juge d'instruction transmettait le dossier au procureur de la République sur l'opportunité de décerner un réquisitoire supplétif.
Le 06 octobre 1994, il communiquait à nouveau la procédure au procureur de la République par une ordonnance dûment motivée sur de nouvelles infractions apparues au cours de l'enquête et notait que l'ensemble des faits exposés « pourrait être de nature à démontrer l'existence d'une opération concertée réunissant Monsieur Alain X..., Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur Marc-Michel Z..., susceptible de revêtir la qualification de corruption. » (D 375)
Le 11 octobre 1994, le procureur de la République lui adressait un réquisitoire supplétif visant ses ordonnances des 21 septembre et 06 octobre 1994 et le saisissant des faits nouveaux de :
Des mises en examens et mises en examens supplétives étaient notifiées en vertu des réquisitoires des 09 septembre et 11 octobre 1994.
Les 16 septembre et 12 octobre 1994 à Monsieur Jean-Louis Y... pour :
Le 12 octobre 1994 à Monsieur Alain X... pour :
Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis DUARET étaient placés sous mandat de dépôt le 12 octobre 1994.
Le 24 octobre 1994 à Monsieur Marc-Michel Z... :
Après avoir maintenu ses dénégations (D 432) Monsieur Marc-Michel Z... devait reconnaître les faits le 07 novembre 1994 (D 477).
Suite au renflouement du groupe DAUPHINÉ NEWS l'enquête menée sous la conduite du juge d'instruction s'orientait parallèlemet vers le contrat de concession du service public d'eau et d'assainissement de la ville de Grenoble à la société COGESE.
Les premiers éléments avaient permis d'établir les points suivants :
Après la mise en examen pour corruption de Monsieur Alain X..., Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Marc-Michel Z..., l'information connaissait alors une évolution déterminante par la révélation de faits qui avaient été jusque là cachés aux enquêteurs et au juge d'instruction notamment avec les déclarations de Monsieur Thierry F..., Monsieur Patrick E... et Monsieur Marc-Michel Z....
Monsieur Thierry F... déclarait le 24 octobre 1994 :
(D 446) « Je confirme effectivement que vers la fin de l'année 1985, je crois, Monsieur Marc-Michel Z... m'a fait part d'un accord de principe intervenu entre Monsieur Alain X... et lui. Il m'a dit que le maire de Grenoble était prêt à concéder à une société de notre groupe le marché des eaux de la ville de Grenoble à la condition que nous achetions à Paris un appartement pour Monsieur Alain X.... Pour ma pat je n'ai effectué aucune recherche d'appartement, Monsieur Marc-Michel Z... m'a dit que Monsieur Alain X... avait arrêté son choix sur un appartement situé au 286, boulevard Saint-Germain. Pour ma part je n'ai jamais vu l'appartement, mais j'ai su qu'il était bien situé et qu'il était juste à côté de l'assemblée nationale.
Je pense que les négociations réelles sur le contrat de concession ont commencé fin 1986 début 1987. Il était acquis compte tenu des accords antérieurs (portant notamment sur l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain) que le concessionnaire serait la SDEI. Cependant Monsieur Alain X... a imposé à Monsieur Marc-Michel Z... une association avec la LYONNAISE DES EAUX. C'est dans ce contexte qu'ont été organisées plusieurs réunions avec les représentants de la société LYONNAISE DES EAUX : Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur 049..., et Monsieur 046..., juriste, Monsieur Marc-Michel Z... et moi pour la SDEI et pour la mairie : Monsieur Patrick E... et Monsieur Charles S..., Monsieur Jean-Louis Y... était toujours présent. Pour moi c'était l'oeil de Monsieur Alain X.... Des réunions ont dû se tenir une fois à Grenoble, mais également à Lyon et Paris. Plusieurs réunions ont également été tenues dans des relais châteaux et notamment à l'Osteau Beaumanière aux Baux de Provence. On discutait de la teneur du contrat, du prix de l'eau facturable et des amortissements possibles.
Je me souviens avoir également surpris une conversation entre Monsieur Marc-Michel Z... et Monsieur Jean-Jacques A... où il était question d'une "participation" de la société LYONNAISE DES EAUX à verser au décideur c'est à dire au maire de Grenoble Monsieur Alain X.... Je ne sais pas quelle forme a pris cette participation ou si elle a été réalisée.
Par conséquent la concession du contrat d'eau a été cédée à la SDEI grâce à un certain nombre de libéralités octroyées au maire de Grenoble : appartement du 286, boulevard Saint-Germain, heures de vol SINAIR. Je me souviens également qu'une des sociétés du groupe MERLIN (la SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN, je crois) a pris en charge une facture correspondant à la location d'un yacht de luxe avec son équipage pour Monsieur Alain X... au cours de l'été 1987. Monsieur Alain X... a effectué une croisière en compagnie de ses proches. Je crois que la facture devait être de l'ordre de 180 000 francs. J'ai visé cette facture sur ordre de Monsieur Marc-Michel Z... qui m'a indiqué qu'elle concernait Monsieur Alain X.... Il a dû y avoir d'autres libéralités mais je ne m'en souviens plus. »
(D 601) « Monsieur Marc-Michel Z... m'a parlé d'un déjeuner au cours duquel le maire de Grenoble lui aurait proposé un partenariat avec la LYONNAISE DES EAUX. Il y a bien eu des négociations dans la dernière partie de l'année 1987 après ce déjeuner dont m'avait parlé Monsieur Marc-Michel Z.... Ces négociations ont porté sur le droit d'usage, le prix de l'eau à lisser sur plusieurs années etc... Du côté de la LYONNAISE DES EAUX, il y avait Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur 049..., du côté de la mairie Monsieur Patrick E... et Monsieur Jean-Louis Y... et quelque fois Monsieur Charles S... et de notre côté, Monsieur Marc-Michel Z... et moi. »
Monsieur Patrick E... déclarait le 24 octobre 1994 :
(D 441) « Je dois souligner que je n'ai pas assisté à la totalité de cette entrevue néanmoins, j'ai retenu que Monsieur Marc-Michel Z..., s'adressant à Monsieur Alain X..., confirmait que malgré la décision de report, les engagements seraient tenus.
Comme je vous l'ai indiqué dans ma déposition précédente les pourparlers ont été repris juste après le scrutin du mois de mars 1989, et dans les formes décrites par moi. Néanmoins, je savais déjà à cette époque que le retour du marché de concession reposait au moins pour partie sur la mise à disposition tout d'abord puis sur le "don" de l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain à Paris. En effet en fin d'année 1988, ou peut être au début de l'année 1989, je m'y suis rendu un jour où il avait neigé. Alors que des travaux de remise en état n'étaient pas encore finis, Monsieur Alain X... qui m'y avait fixé rendez-vous pour une réunion de travail m'a fait visiter les lieux en m'indiquant qu'il s'agissait de son appartement parisien. Ceci matérialisait une fois pour toutes des indiscrétions de son entourage politique grenoblois et notamment de Monsieur Denis H..., directeur de cabinet à la mairie de Grenoble, et qui m'avait fait savoir que le groupe MERLIN avait offert ce bien immobilier en échange du marché de l'eau. »
(D 445) « Le principe de concéder le marché des eaux de la ville de Grenoble a été décidé en octobre 1987. Je me souviens d'un déjeuner auquel j'ai participé le samedi 03 octobre, je crois, au pavillon du conseil général de l'Isère. Participaient à ce déjeuner Monsieur Jérôme G..., Monsieur Jean-Jacques A..., Monsieur Alain X..., Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Jean-Louis Y... et je crois Monsieur Xavier I.... C'est au cours de ce déjeuner auquel j'ai assisté qu'à été entériné le partenariat entre la SDEI et la LYONNAISE DES EAUX pour la concession du marché des eaux de la ville de Grenoble. Il a été arrêté le principe d'une participation de 51 % pour la SDEI et 49 % pour la LYONNAISE DES EAUX. Le nom de la société concessionnaire n'avait pas été déterminé.
J'ai revu par la suite Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur 049... pour la société LYONNAISE DES EAUX, Monsieur Marc-Michel Z... pour la SDEI. Ma tâche était de finaliser le projet sur le plan technique. Pour ma part, j'avais préconisé une concession cédée à une société d'économie mixte.
J'ai participé le 15 décembre 1987 ou aux alentours du 15 à une réunion dans le bureau de Monsieur Alain X... au ministère de l'environnement, avenue Georges Mandel à Paris. Participaient à cette réunion, Monsieur Alain X..., Monsieur Jean-Jacques A..., Monsieur Jean-Louis Y... et moi-même. Il a été décidé qu'il serait plus opportun de renvoyer le projet de privatisation du marché des eaux au lendemain des municipales de 1989. C'est au cours de cette réunion que j'ai entendu Monsieur Marc-Michel Z... dire à Monsieur Alain X... que de toutes façons, malgré la décision de report, les engagements seraient maintenus. J'ai alors compris qu'il y avait autre chose que la stricte négociation. J'ai compris qu'il y avait une contrepartie.
J'ai vraiment compris la forme de cette contrepartie lorsque je me suis rendu au 286, boulevard Saint-Germain dans l'appartement occupé par Monsieur Alain X... au début de l'année 1988, je crois. C'était en quelque sorte la visite du propriétaire. Il nous a fait visiter les lieux. Il se sentait vraiment chez lui. Il y avait à cette réunion, Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Richard 012..., suppléant de Monsieur Alain X... à l'assemblée nationale, Monsieur Philippe 011..., Madame Jacqueline P.... A l'époque ils n'étaient peut être pas encore mariés.
Je connaissais déjà l'existence de cet appartement du 286, boulevard Saint-Germain et je savais que Monsieur Alain X... l'occupait déjà lorsqu'il était ministre de l'environnement. Il m'avait laissé ses coordonnées personnelles et un numéro à cette adresse. Je n'ai jamais eu connaissance d'un autre appartement. Je n'ai pas eu connaissance d'un appartement de fonction qu'il occupait.
Monsieur Denis H... qui était directeur de cabinet de Monsieur Alain X... à la mairie de Grenoble m'a dit que l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain était la contrepartie de la concession du marché de l'eau à la SDEI et à la société LYONNAISE DES EAUX. Il a dû me dire cela courant 1987 peut être. »
(D 600) « Le tableau que vous me présentez intitulé "Fiches d'activités G 89" a été discuté lors de ces réunions. Il s'agit d'un tableau de campagne avec un échéancier d'un certain nombre d'actions à effectuer. Le point 40 visé dans ce tableau concerne effectivement DAUPHINÉ NEWS au niveau départemental. Les initiales de Monsieur Xavier I... figurent à côté de ce point 40 car il était sollicité pour les informations concernant le département. Les initiales "PLV" correspondent à celles de Monsieur Philippe 011... qui était le conseiller en communication de Monsieur Alain X....
La création de ce magazine a été envisagée dès 1987 car il devait concerner non seulement les municipales de 1989 mais également les cantonales de 1988. Je pense donc que ce tableau a été dressé et discuté dès 1987. Comme l'indique le document à entête "Monsieur Philippe 011..." et intitulé "Création d'un magazine départemental" je pense que c'est Monsieur Philippe 011... qui a réfléchi aux différents aspects de ce projet (cible, diffusion, équilibre financier). »
Monsieur Marc-Michel Z... déclarait le 07 novembre 1994 :
(D 477) « Jusqu'à octobre 1987, j'ai pensé que la SDEI était le seul concessionnaire pressenti par la ville de Grenoble pour la privatisation du service des eaux. A l'époque, Monsieur Alain X... avait évoqué un droit d'entrée de l'ordre de 50 millions de francs, ce qui correspondait à la charge financière que pouvaient supporter nos sociétés. Un ou deux mois avant la réunion du mois d'octobre 1987, Monsieur Alain X... m'a dit que la LYONNAISE DES EAUX serait également consultée. Monsieur Alain X... m'a dit qu'il avais pris des engagements avec Monsieur Jérôme G.... Pour ma part je n'étais pas d'accord car je suis indépendant de nature.
Il est exact qu'une réunion s'est tenue au conseil général de l'Isère un samedi du mois d'octobre 1987. Ont participé à ce déjeuner, Monsieur Jérôme G..., Monsieur Jean-Jacques A..., Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Alain X..., Monsieur Patrick E... et moi-même. Monsieur Jérôme G... m'avait demandé de le rencontrer à l'aéroport de Saint-Geoirs juste avant la réunion. Il m'a dit que la LYONNAISE DES EAUX participerait à cette concession à hauteur de 30 %. Pour ma part je ne souhaitais pas une participation de la LYONNAISE DES EAUX supérieure à 10 %. Monsieur Jérôme G... m'a dit qu'en contrepartie il me donnerait la possibilité de prendre une participation de 30 % dans la SEREPI, filiale de la société LYONNAISE DES EAUX installée dans la région. J'ai alors accepté le partenariat avec la LYONNAISE DES EAUX car j'étais intéressé au développement sur la région de l'Ain et de la Courly par le biais de la SEREPI. »
Ces déclarations quant aux négociations antérieures à l'année 1989 et au 03 novembre 1989 (date de la signature de la concession) sont étayées par plusieurs éléments matériels :
Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Jérôme G..., à la suite de la production de ces éléments confirmaient que des négociations et des travaux avaient été réalisés en 1987, qu'ils avaient oublié de le mentionner aux enquêteurs et au juge d'instruction parce qu'il s'agissait de travaux habituels d'étude dont ils n'avaient pas gardé de souvenirs précis.
Il a été fait état, au cours de cet exposé, des déclarations évolutives des témoins et des prévenus. Il est à noter les revirements de certains d'entre eux à compter du mois d'octobre 1994, expliquant avoir subi des pressions de la part de Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Alain X..., de leur entourage ou de leurs avocats (Maître Philippe GUMERY et Maître Jacques BOEDELS).
Il convient de faire état de l'ensemble des éléments constituant un environnement fort désagréable pour le déroulement d'une procédure judiciaire.
Monsieur Charles S..., secrétaire général adjoint de la ville de Grenoble, déclarait le 21 décembre 1994 :
(D 657) « En effet, je vous ai menti sur la période à laquelle ont démarré les négociations avec la groupe MERLIN et la LYONNAISE DES EAUX, car en réalité ces discussions avaient été engagées dès le second semestre 1987. Avant de venir déposer la première fois, j'avais passé un appel téléphonique à Monsieur Xavier I..., alors simplement directeur des services du conseil général et ex-directeur de cabinet de Monsieur Alain X... à la mairie de Grenoble lorsque Monsieur Patrick E... est parti. Lui faisant par de votre convocation, il n'a pas été étonné par mon contact téléphonique et semblant être au courant de l'affaire en cours concernant le marché de l'eau, il m'a demandé de ne pas faire état, dans ma déposition, des pourparlers qui avaient eu lieu avant les municipales de 1989, sans me donner de raisons particulières. Dans mon esprit, j'ai compris que l'objectif était de lier la concession de l'eau au seul renflouement de Dauphiné News dont la presse s'en était fait l'écho. »
Madame Pierrette M... déclarait le 17 novembre 1994 :
(D 538) « A ce moment Monsieur Alain X... m'a suggéré d'écrire une lettre à l'intention du juge d'instruction pour le démarquer de la WHIP en me recommandant d'appeler son avocat Maître Jacques BOEDELS. »
Monsieur Marik O... déclarait le 17 novembre 1994 :
(D 528) « Je confirme avoir été convoqué par Maître Jacques BOEDELS pour rédiger la lettre qui fut ensuite adressée au juge d'instruction. Je me suis donc rendu au cabinet de Maître Jacques BOEDELS situé avenue Hoch dans le 16ème ou 8ème arrondissement de Paris. Je ne me souviens plus exactement du n°, c'était aux alentours du 30. Je connaissais l'adresse de toute manière, car j'avais conduit plusieurs fois Monsieur Alain X... à ce cabinet. Il m'était arrivé du temps où Monsieur Jean-Louis Y... utilisait également mes services, d'apporter des plis à ce cabinet. Je les déposais alors à l'accueil.
Par contre, cette fois-ci, j'ai été reçu par Maître Jacques BOEDELS en personne, que je ne connaissais auparavant que de vue, pour l'avoir rencontré en compagnie de mon employeur Monsieur Alain X.... C'est Maître Jacques BOEDELS lui-même qui m'a accueilli ce jour là et nous ne nous sommes pas dirigés dans son bureau, mais dans une salle de réunion. Je ne saurais pas décrire la pièce, ceci ne m'ayant pas marqué.
Maître Jacques BOEDELS m'a alors demandé de m'installer sur une partie de la grande table, en fournissant, comme je l'ai dit, le papier nécessaire pour recopier le modèle de lettre qu'il me soumettait. Il m'a donné comme instructions de recopier la lettre et m'a laissé seul. Il revenait de temps à autre pour voir où j'en étais. Lorsque j'ai eu fini, il m'a fourni l'enveloppe et l'adresse du juge d'instruction pour que je puisse préparer l'expédition de cette lettre. C'est ensuite moi-même qui me suis chargé de cette expédition en recommandé à mes frais. »
Madame Véronique K... déclarait le 03 novembre 1994 :
(D 472) « Si je demande à être entendue à ce jour, c'est parce que je tiens à faire le point avec vous de tout ce que je sais dans cette affaire. Dans mes deux précédentes dépositions, je ne vous ai pas dit la vérité pour ne pas passer pour une délatrice. De plus, avant ma première déposition, Monsieur Jean-Louis Y..., sachant que je serais convoquée par vous, m'a joint téléphoniquement pour me faire la leçon et surtout m'indiquer de ne pas mettre en cause Monsieur Alain X... dans l'affaire Dauphiné News. Cet avocat proche du maire de Grenoble savait pertinemment comme moi que les deux journaux de Monsieur Frédéric B... étaient des moyens de propagande électorale. Lors de cet entretien téléphonique, Monsieur Jean-Louis Y... n'avait pas abordé la société WHIP. »
Monsieur Patrick E... déclarait le 24 octobre 1994 :
(D 445) « Je reconnais effectivement avoir fait l'objet de pressions, ce qui explique la différence entre ma déposition du 1er juillet chez les enquêteurs et celle effectuée devant vous le 13 juillet 1994.
Le 05 ou le 06 juillet 1994, je me trouvais à Paris dans mon bureau, au ministère de l'industrie. Ma secrétaire m'a passé directement Monsieur Alain X... qui cherchait à me contacter. A l'époque, il était encore ministre de la communication. Il avait manifestement connaissance de mes déclarations du 1er juillet. Il me les a reprochées en me disant que je ne connaissait rien à "Dauphiné News" et que cela allait conduire à sa mise en examen. Monsieur Alain X... m'a dit que Monsieur Jean-Louis Y... allait me contacter afin de trouver une version qui revenait sur mes précédentes déclarations. Je ne me souviens pas si j'ai dit à Monsieur Alain X... que j'étais convoqué par vous.
Le lendemain Monsieur Jean-Louis Y... m'a appelé à Metz pour me fixer un rendez-vous le 11 ou le 12 juillet. Monsieur Jean-Louis Y... savait que j'étais convoqué par vous. Il m'a dit que je devais éviter de dire devant le juge qu'il était "l'autorité de négociation" dans le cadre du contrat de concession de l'eau. Il m'a dit que mes déclarations contribueraient à établir une gestion de fait de Monsieur Alain X... dans le cadre de DAUPHINÉ NEWS. Il m'a fixé un rendez-vous au Café de Flore ou au Deux Magots à Paris juste avant ma convocation chez vous.
Le lundi 11 juillet, j'ai rencontré Monsieur Gérard 025..., ministre de l'industrie, qui revenait de Chine. Après une réunion du conseil régional, il m'a demandé à s'entretenir avec moi en tête à tête. Monsieur Gérard 025... m'a dit qu'il avait reçu un appel de Monsieur Alain X... le matin même. Il lui avait dit que j'avais fait une déposition qui risquait d'entraîner sa mise en examen. Monsieur Gérard 025... m'a demandé de faire un effort pour ne pas le charger. A cette époque Monsieur Gérard 025... commençait lui-même à être mis en cause dans le cadre d'une affaire judiciaire. Il m'a fait comprendre que par solidarité politique il convenait de ne pas charger Monsieur Alain X..., s'agissant d'un ministre du même gouvernement que lui. J'ai dis à Monsieur Gérard 025... que je rencontrais Monsieur Jean-Louis Y... le lendemain. Je ne crois pas que Monsieur Jean-Louis Y... connaisse Monsieur Gérard 025....
Le 11 ou le 12 juillet en fin d'après midi, j'ai rencontré Monsieur Jean-Louis Y.... Il m'a montré un extrait de document qui selon lui provenait du Parquet général et qui citait un extrait de ma déclaration affirmant que Monsieur Jean-Louis Y... avait autorité sur moi lors des négociations dans le cadre du contrat de concession d'eau. Il m'a dit que je devais expliquer les choses différemment, que son nom ne devait pas apparaître de cette façon-là. Il savait que je vous rencontrais le 13 juillet.
C'est à la suite de ces pressions que j'ai été amené à modifier devant vous mes déclarations et à limiter le rôle de Monsieur Jean-Louis Y... dans le cadre du contrat de concession d'eau à la fonction de "superviseur". De même j'ai atténué considérablement le rôle de Monsieur Alain X... dans la direction des journaux édités par le groupe DAUPHINÉ NEWS.
J'ai à nouveau fait l'objet de pression de la part de Monsieur Jean-Louis Y... le 06 septembre 1994. »
Monsieur Marc-Michel Z... déclarait le 07 novembre 1994 :
(D 477) « Je n'ai pas rédigé cette lettre spontanément. J'ai fait l'objet de pressions incessantes après ma mise en examen du 19 mai. A plusieurs reprises, Monsieur Jean-Louis Y... par l'intermédiaire de Maître Philippe GUMERY m'a demandé de changer mes dépositions et de mettre Monsieur Alain X... hors de cause. Maître Philippe GUMERY est venu me voir régulièrement à Sablet dans la résidence où je me reposais. Entre le mois de mai et le mois de juillet, Maître Philippe GUMERY est venu me voir tous les dix jours environs. Il est clair que ces interventions étaient totalement téléguidées par Monsieur Jean-Louis Y... et par Monsieur Alain X..., en tout cas je le pense. Maître Philippe GUMERY m'a remis un courrier que je devais vous recopier et vous adresser au terme duquel je revenais sur mes dépositions. La lettre que je vous ai adressée datée du 12 juillet, a été inspirée de ce modèle mais j'ai enlevé tous les termes qui me paraissaient choquants ou outranciers.
J'ai rencontré Monsieur Jérôme G... le 27 juillet à Paris. Il m'a dit qu'il pourrait y avoir des problèmes à Grenoble mais que je ne devais pas m'en inquiéter. il ne m'a rien dit d'autre. C'est lui qui m'avait demandé de venir le voir. »
Cette déclaration de Monsieur Marc-Michel Z... est confirmée par la déposition de Monsieur Jacques Q..., qui déclarait :
(D 637) « Lorsque nous sommes arrivés à Sablet nous avons discuté un moment avec Monsieur Marc-Michel Z.... Puis Maître Philippe GUMERY s'est entretenu en tête à tête avec Monsieur Marc-Michel Z.... Il est clair que Maître Philippe GUMERY était venu voir en catastrophe Monsieur Marc-Michel Z... pour l'inciter à se rétracter. Ce jour là j'ai compris qu'en réalité Maître Philippe GUMERY n'était pas intéressé par la défense de Monsieur Marc-Michel Z... ou en tout cas qu'elle venait au deuxième plan de la protection des intérêts de Monsieur Jean-Louis Y... qui lui protégeait Monsieur Alain X....
Je suis allé souvent à Sablet avec Maître Philippe GUMERY. Sa principale préoccupation était de le convaincre de revenir sur ses déclarations. Monsieur Marc-Michel Z... était déstabilisé car Maître CHAINE ne partageait pas cette position.
Je me souviens que manifestement Maître Philippe GUMERY était averti par d'autres avocats parisiens des éléments nouveaux du dossier. Dans ces cas-là il me contactait en me demandant d'appeler Maître CHAINE pour qu'il vienne consulter le dossier. A chaque fois il s'agissait d'éléments nouveaux susceptibles de mettre en cause Monsieur Alain X... ou Monsieur Jean-Louis Y.... Je sais qu'à plusieurs reprises Maître CHAINE a attiré l'attention de Monsieur Marc-Michel Z... sur les problèmes que posait le maintien de Maître Philippe GUMERY, du cabinet d'avocats DUTARET, dans le dossier. A chaque fois Maître Philippe GUMERY allait voir Monsieur Marc-Michel Z... pour s'incruster dans le dossier. »
Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y... rejetaient l'infraction de subornation de témoins qui leur était reprochée, sur la personne de Monsieur Patrick E..., en ce qui concerne Monsieur Alain X..., de Madame Véronique K... et Monsieur Marc-Michel Z..., en ce qui concerne Monsieur Jean-Louis Y....
Ils reconnaissaient, dans le cadre de l'information, avoir approché prévenus ou témoins, mais que ces contacts ne constituaient pas des pressions et l'infraction de subornation de témoins.
L'article 437 de la loi 66-537 du 14 juillet 1966 prévoit et réprime le délit d'abus de biens sociaux, à savoir : « l'usage non conforme à l'intérêt social par les dirigeants de droit ou de fait, des biens ou du crédit d'une société commerciale dans le but de satisfaire un intérêt pécuniaire ou moral, direct ou indirect. »
L'article 321-1 du code pénal (article 460 ancien code pénal), prévoit l'infraction de recel : « le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit. Constitue également le recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier par tout moyen du produit d'un crime ou d'un délit. »
La jurisprudence a établi que le délit de recel d'abus de biens sociaux est « le fait de recevoir, de détenir ou tirer profit d'une chose que l'on savait provenir d'un usage abusif des biens ou du crédit d'une société. »
Il y a lieu de vérifier si les conditions juridiques des délits d'abus de biens sociaux, de recel d'abus de biens sociaux et de complicité reprochés aux prévenus sont réunies pour l'ensemble des quatre séries de faits que nous avons décrits supra (chapitre I).
A l'audience Monsieur Marc-Michel Z... maintenait les déclarations faites antérieurement :
(notes d'audience III-XX) « En 1984, j'ai fait la connaissance de Monsieur Alain X..., qui m'a mis en relation avec Monsieur Denis H.... Monsieur Denis H... m'a demandé, fin 1984, d'aider Monsieur Jean-Claude J... à travailler, à la demande de Monsieur Alain X.... J'ai accepté. J'ai procédé par des acomptes d'heures de vol. Monsieur Alain X... m'a demandé d'utiliser ces avions. J'ai donné mon accord. Monsieur Alain X... me l'a demandé personnellement une ou deux fois par téléphone. Ces voyages de Monsieur Alain X... étaient un avantage que je lui accordais, cela a duré sur plusieurs années. J'ai continué à payer ces factures pour ne pas être écarté du contrat de concession. Après 1989, il y avait des recours, le contrat n'était pas garanti, j'ai continué à honorer ces avantages pour garder le contrat. »
A l'audience, Monsieur Alain X... reconnaissait avoir voyagé sur la compagnie SINAIR mais contestait le nombre de 142 vols établi par le rapport du SRPJ.
(notes d'audience III-XXIII) « J'ai effectué quelques déplacements avec la compagnie SINAIR pour des déplacements politiques comme tous les hommes politiques le font. Il y a eu un vol à Palma en 1992 de loisir, un vol à Malaga en 1990, ce sont deux vols de trop. Je ne savais pas que je voyageais sur le compte de Monsieur Marc-Michel Z.... Je ne savais pas que les 49 vols que je reconnais étaient payés par le groupe MERLIN. A par les trois vols contestables, c'était des vols faits dans le cadre de mon activité politique. »
Monsieur Alain X... et ses conseils produisaient en cours d'audience un dossier au soutien de leur thèse.
Ce dossier ayant été régulièrement joint et communiqué au procureur de la République ainsi qu'à toutes les parties, chacun présentait ses observations.
La défense de Monsieur Alain X... s'est rigoureusement élevée contre le fait que les vols effectués au départ de l'aéroport de Grenoble Saint-Geoirs lui étaient quasi-systématiquement imputés, et qu'il revenait en quelque sorte à Monsieur Alain X... de faire la preuve de son innocence, ce qui aboutit à un renversement inacceptable de la charge de la preuve.
Le tribunal observe que :
Si l'on ajoute à ces différents critères, d'une part la prise en compte de l'emploi du temps de Monsieur Marc-Michel Z... et de celui de Monsieur Alain X..., reconstitué partiellement à partir de tableaux de protocole du conseil général et, d'autre part, l'exploitation des notes de frais payées à partir des comptes et cartes bancaires de l'un et de l'autre pendant la période 1984 / 1994, la méthode ainsi utilisée par les enquêteurs apparaît comme la seule qui pouvait l'être au vu des éléments exploitables. Dès lors que l'accusation établit à l'encontre de Monsieur Alain X... la preuve de charges précises et concordantes de recel d'abus de biens sociaux consistant en de très nombreux vols dont il a bénéficié, c'est bien à lui de s'expliquer sur les charges dont il doit régulièrement répondre.
La prévention retient un montant de 2 487 598 francs pour les voyages effectués par Monsieur Alain X... en avions taxis SINAIR entre le 06 octobre 1984 et le 16 juillet 1993 et dont le prix a été supporté par les sociétés du groupe MERLIN contrairement à leur objet social.
Il s'agit du chiffrage établit à la cote D 632, page 59, correspondant à 142 vols SINAIR payés par le groupe MERLIN entre ces deux dates au bénéfice de Monsieur Alain X... étant précisé que Monsieur François 020... a été le bénéficiaire des vols 46, 48, 49, 51 et 51 bis soit 5 vols, Monsieur François 019... des vols 59 et 60 soit 2 vols et Monsieur Philippe 021..., maire de Sète, des vols 70, 72, 73, 74, 81, 82, 98, 99, 114, 115, 116, 125, 126, 139, 140, 152, 153, 157, 158, 159, 160, 165, 168, 169 soit 24 vols et, au total, 31 vols, distincts des 142 vols correspondant à Monsieur Alain X... et supporté par le groupe MERLIN pour un montant de 845 014 francs.
Sur ces 142 vols, la défense de Monsieur Alain X... a versé aux débats un dossier intitulé : "Observations critiques du tableau relatif aux vols SINAIR, PV cote D 632 N0 809/237", se décomposant en trois sous dossiers :
Du rapprochement de ces trois sous-dossiers, il ressort que :
Avant d'analyser les vols il convient d'observer, avec la défense de Monsieur Alain X..., que les enquêteurs ont écarté les vols non compris dans les énumérations précédentes et pour lesquels le bénéficiaire n'a pu être établi avec certitude, soit les vols 3, 4, 5, 6, 14, 25, 43, 44, 61, 76, 83, 96, 104, 105, 143, 145, 149, 150, 151 et 176, soit au total 20 vols.
Les vols 55 et 171 ne figurant pas sur la liste des vols contestés, seront attribués à Monsieur Alain X... qui, sur le total de 142 vols reprochés, en conteste directement 55, indirectement 29, n'en conteste pas ou en reconnaît 57 + 2 = 59, soit 143 vols, la défense contestant à tort le vol 51 attribué à Monsieur François 020....
Les justifications apportées par Monsieur Alain X... pour contester sa présence sur ces vols sont rigoureusement de même nature que celles qu'il joint à l'appui des vols qu'il reconnaît, à savoir des coupures de presse relatant ses activités d'élu et provenant pour l'essentiel du DAUPHINÉ LIBÉRÉ, dont la majeure partie ne fait foi de la date que par l'apposition d'un timbre à date ou d'une mention manuscrite en marge. C'est pourquoi la seule présence d'une coupure de presse sera insuffisante à elle seule pour écarter un vol, d'autres éléments devant s'y rajouter, par exemple les réserves (ou à l'inverse la certitude) de Monsieur Jean-Claude J... quant à l'attribution exacte du bénéficiaire du vol, et ce, d'autant plus que l'intérêt d'utiliser l'avion est, précisément, de réduire considérablement les délais de transport et donc de rendre compatible avec les déplacements reprochés un emploi du temps apparemment serré.
Au bénéfice du doute, et compte tenu des réserves de Monsieur Jean-Claude J..., les vols n° 16 du 14 mai 1985 et 20 du 09 juin 1985 seront écartés.
Seront écartés, pour les raisons énoncées ci-dessus, les vols 29 du 05 octobre 1985 et 31 du 16 octobre 1985.
Le vol 33 du 24 octobre 1985 sera écarté au bénéfice du doute, la date de l'incendie du palais des sports n'étant pas certaine.
Seront écartés les vols 45 du 24 mars 1986, Monsieur Alain X... justifiant d'activités électives à Grenoble, ce jour là, incompatibles avec le vol Grenoble / Montpellier / Grenoble s'étant déroulé entre 7h15 et 17h50, et 51 du 20 septembre 1986, attribué expressément, comme il a été dit plus haut, à Monsieur François 020..., et en conséquence contesté à tort par la défense.
Le vol 76 sera écarté, puisqu'il est contesté à tort par la défense, les enquêteurs ne le reprochant pas à Monsieur Alain X....
Sera écarté le vol 97 du 27 septembre 1988 Grenoble / Naples / Satolas dont Monsieur Alain X... reconnaît qu'il a bénéficié à son proche conseiller, Monsieur Haroun 024....
Seront écarté au bénéfice du doute, les vols 137 du 29 avril 1990 et 138 du 1er mai 1990, Grenoble / La Môle / Le Bourget / Grenoble, puisque Monsieur Alain X... n'a pu, du fait de ses obligations justifiées, participer au vol conduisant probablement deux personnes de son entourage à La Môle pour le week end du 1er mai, même s'il est, selon Monsieur Jean-Claude J..., au nombre des trois passagers qu'il a remontés du midi le mardi 1er mai.
Au bénéfice du doute, le vol 192 du vendredi 16 juillet 1993, Grenoble / Aix, Aix / Grenoble deux fois, concernant dix personnes, sans doute de l'entourage du maire, mais dont ce dernier n'a pas bénéficié directement lui-même, ne sera pas imputé à Monsieur Alain X....
Il ressort de l'analyse systématique des justificatifs produits par la défense que sur les 55 vols qu'elle conteste au titre de l'impossibilité matérielle pour Monsieur Alain X... de s'y trouver, le tribunal estime devoir conserver dans la prévention les vols 17, 18, 20, 21, 22, 32, 34, 35, 37, 39, 40, 50, 52, 53, 54, 62, 63, 71, 75, 77, 78, 79, 80, 88, 89, 90, 91, 92, 102, 103, 108, 111, 112, 117, 118, 122, 127, 154, 155, 156, 172 soit 41 vols.
La même analyse doit être conduite, en observant que la destination de la Corse comme lieu de villégiature des époux Monsieur Alain X... et Madame Jacqueline P... est habituelle selon Monsieur Jean-Claude J..., Madame Jacqueline P... ayant déclaré qu'elle avait de la famille dans l'île de beauté.
Vu l'ancienneté des faits, et du fait que Monsieur Jean-Claude J... n'est pas catégorique, les vols 1 et 2 des 06 et 07 octobre 1984 et 12 et 13 des 04 e 08 avril 1985 seront écartés de la prévention au bénéfice du doute, de même que les vols 23 et 24 Grenoble / Le Bourget / Grenoble des 24 et 25 juin 1985.
Le vol 66 du mardi 06 janvier 1987, retour de Monsieur Alain X... de Paris à Grenoble est, effectivement, peu probable compte tenu du conseil des ministres du mercredi 07 janvier, ainsi que le souligne sa défense. Au bénéfice du doute, ce vol sera écarté.
Au terme de l'analyse de la seconde série de "vols contestés mais attribués par raisonnement des enquêteurs", le tribunal constate que, le plus souvent, ce raisonnement correspond à la réalité, Monsieur Alain X... n'opposant qu'une dénégation purement formelle, alors même qu'il a eu tout le temps matériel pour réunir les attestations et témoignages dont il écrit souvent qu'ils seraient faciles à établir, à l'argument de l'accusation selon lequel le vol est imputé à Monsieur Alain X..., compte tenu de ce qui a été dit sur la méthode d'enquête utilisée, lorsque le déplacement ne peut être attribué à Monsieur Marc-Michel Z..., débute ou se termine à Grenoble Saint-Geoirs, fait l'objet d'une reconnaissance par Monsieur Jean-Claude J... ou l'un de ses pilotes et n'est pas incompatibles avec l'emploi du temps de Monsieur Alain X....
Appliquée à la seconde catégorie de vols contestés, cette analyse conduit en conséquence le tribunal à retenir à charge de Monsieur Alain X... les vols n° 56, 57, 58, 65, 67, 68, 84, 85, 86, 87, 95, 100, 101, 109, 135, 136, 142, 146, 147, 148, 162, 166, 167 soit 23 vols.
Sur les 142 vols visés à la prévention le tribunal en retient en définitive 57 + 41 +23 = 121.
Le prix des vols, tel que calculé par les enquêteurs, ne fait pas l'objet de critiques.
Le montant exact du recel d'abus de biens sociaux au titre des vols SINAIR reproché à Monsieur Alain X... correspond donc à la différence entre le prix total des 142 vols, soit 2 487 598 francs et celui des 21 vols écartés par le tribunal, soit 323 793 francs, ce qui donne : 2 163 805 francs.
Le tribunal ayant ainsi déterminé le nombre et le coût des vols SINAIR payés par les sociétés du groupe MERLIN, ces faits constituent-ils les délits d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux ?
Monsieur Alain X... savait pertinemment que le groupe MERLIN payait ses voyages de 1984 à 1993. Il n'est pas concevable que sur une période de dix ans, Monsieur Alain X... ne se soit pas posé la moindre question sur l'origine des fonds qui permettaient de financer ses voyages. Même s'il avait un emploi du temps chargé, s'il exerçait plusieurs mandats électifs, s'il était ministre, il ne pouvait pas ne pas s'interroger, vu le nombre de voyages effectués, sur le financement de ces voyages.
Il savait que ces voyages, s'il s'agissait de voyages effectués dans l'intérêt de son travail de maire, de président du conseil général ou de ministre, pouvaient être financés par les collectivités locales ou la Ministère, ce qui a été le cas en 1993.
Ministre, il pouvait utiliser les avions du GLAM et bénéficier de facilités de la part de compagnies d'aviations ou de la SNCF.
Est-il acceptable qu'un ministre de la République puisse voyager continuellement aux frais d'industriels et de groupes privés ?
Député, conseiller général, président du conseil général, il ne peut être soutenu que dans ces fonctions là ces voyages étaient indispensables ; l'activité d'un homme politique de province est essentiellement une activité dirigée vers les ministères parisiens et non vers des destinations ensoleillées.
Enfin, un homme politique aussi avisé que Monsieur Alain X... ne pouvait ignorer le trouble considérable causé dans l'opinion publique par la loi d'amnistie de 1988 et aurait dû faire preuve d'attention et de prudence à l'égard de ses financeurs. Il devait refuser la prise en charge quasi systématique de ses voyages par des industriels.
Les déclarations de Monsieur Marc-Michel Z... confirment ces éléments, Monsieur Alain X... savait que ces vols étaient financés par les sociétés de son groupe.
De plus, il est à rappeler qu'aucun agenda ni de Monsieur Alain X... (sauf un, sur un semestre), ni de Monsieur Marc-Michel Z... ou de Monsieur Jean-Claude J... n'a été retrouvé durant l'information, qu'aucun manifeste passager n'a été établi par la compagnie SINAIR lorsque Monsieur Alain X... empruntait ces vols.
Cela confirme, avant que Monsieur Marc-Michel Z... ne reconnaisse les faits, que beaucoup avait été fait pour que les infractions ne puissent être découvertes.
Monsieur Marc-Michel Z... reconnaissait l'infraction d'abus de biens sociaux de ce chef.
Monsieur Alain X... savait que les voyages étaient financés par le groupe MERLIN et ne pouvait ignorer qu'il s'agissait de dépenses contraires à l'intérêt social du groupe MERLIN. Ces infractions constituent le délit de recel d'abus de biens sociaux.
A l'audience, Monsieur Alain X... contestait la durée de la croisière qui lui était imputée. Il reconnaissait avoir été présent sur le bateau deux ou trois jours, invité par Monsieur Jean-Louis Y.... Il contestait les déclarations de Madame Sarolta 008....
Les déclarations de Madame Sarolta 008... (cf page 68 du présent jugement) relatent un ensemble de souvenirs précis ayant trait à la vie à bord du bateau et à la personnalité de Monsieur Alain X.... Elle décrit un personnage sympathique, avec ses habitudes, ses qualités, ses défauts (notamment culinaires) dont les détails ne peuvent avoir été inventés et requièrent une observation de longue durée.
Les dénégations de Monsieur Alain X... ne peuvent être retenues. Il a bien participé à cette croisière du 08 au 20 août 1987. Il est bien parti de Figari (aéroport situé au sud de la Corse) pour Grenoble le 20 août 1987, tels qu'en atteste Monsieur Jean-Claude J... et le vol n° 71 Figari / Grenoble.
Les déclarations de Madame Sarolta 008..., de Monsieur Jean-Claude J..., de Monsieur Marc-Michel Z... : « J'ai payé cette croisière, à la demande de Monsieur Jean-Louis Y..., pour continuer à travailler avec le maire de Grenoble », sont concordantes. Monsieur Marc-Michel Z... soulignait à l'audience (notes d'audience III-XXXIV) que cette croisière était payée « en plein contrat de concession. »
Monsieur Alain X... savait pertinemment que cette croisière, d'un montant de 170 784 francs était payée par le groupe MERLIN et qu'elle avait, pour l'essentiel, bénéficié à sa famille et à lui-même, la présence de Monsieur Jean-Louis Y... étant discutée.
Les infractions d'abus de biens sociaux (Monsieur Marc-Michel Z...) et de recel d'abus de biens sociaux (Monsieur Alain X...) sont établies en ce qui concerne cette croisière.
Les déclarations de Monsieur Jean-Louis Y... (« cadeau d'entreprise de Monsieur Marc-Michel Z... ») ne sont pas éloignées de celle de Monsieur Marc-Michel Z....
Monsieur Jean-Louis Y... reconnaissait avoir bénéficié d'un voyage en Australie du 23 décembre 1988 au 05 janvier 1989 qu'il avait effectué en compagnie de Monsieur Michel 057....
Ses explications ne sont pas sérieuses si l'on se réfère au coût de ce voyage. Il savait pertinemment que le voyage payé par le groupe MERLIN avait un coût important et était contraire à l'intérêt social de ce groupe.
Son défenseur Maître GIBAULT soutient sur ce point qu'un voyage est une prestation de service et ne constitue pas "le recel de chose" prévu par l'article 460 du code pénal.
Il y a lieu de rejeter cet argument, un voyage d'agrément, payé par une société commerciale est bien un avantage contraire à l'intérêt social de l'entreprise et constitue bien le délit d'abus de biens sociaux (Monsieur Marc-Michel Z...) et de recel d'abus de biens sociaux (Monsieur Jean-Louis Y...).
Monsieur Marc-Michel Z... confirmait à l'audience (notes d'audience III-XXXV) les déclarations faites à compter du 07 novembre 1994 :
«C'est Monsieur Denis H... qui m'a clairement demandé cet appartement. Monsieur Alain X... m'a dit qu'il avait besoin de cet appartement. Moi-même, je n'aurais jamais acheté boulevard Saint-Germain, si on ne me l'avais pas demandé. Cet appartement devait servir à Monsieur Alain X.... Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur Alain X... m'ont dit qu'ils allaient trouver une solution quand j'ai su que le loyer n'était pas payé. »
Monsieur Alain X... maintenait à l'audience qu'il n'avait pas demandé à Monsieur Marc-Michel Z... d'acheter cet appartement pour le mettre à sa disposition, qu'il y était passé quelques fois :
(notes d'audience III-XVIII) « Monsieur Denis H... a dû demander à Monsieur Marc-Michel Z.... Monsieur Marc-Michel Z... a dû me dire « j'ai décidé d'acheter des bureaux à Paris que je peux mettre à votre disposition », je n'y ai vu aucune malice. »
Monsieur Jean-Louis Y... niait également avoir utilisé l'appartement à cette époque. Il avait effectivement participé à la rédaction des statuts de MODERNITÉ RÉGIONALE.
Il ressort des déclarations répétées de Monsieur Marc-Michel Z... que c'est bien Monsieur Denis H..., au nom de Monsieur Alain X..., et Monsieur Alain X... lui-même qui lui ont demandé d'acheter l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain pour le mettre à la disposition de Monsieur Alain X....
Ce fait ne peut-être contesté par Monsieur Alain X....
Monsieur Marc-Michel Z... n'avait aucun intérêt personnel à acheter cet appartement. Le groupe MERLIN n'avait aucun besoin d'une antenne de cette importance (280 m2) à Paris.
Monsieur Thierry F... a suivi l'opération d'achat et d'aménagement de l'appartement. Ses contacts avec Madame Sophie 026... et Monsieur Jean-François L... ne laissent aucun doute quant à l'affectation de l'appartement au bénéfice de Monsieur Alain X....
Madame Jacqueline P... a reconnu avoir joué un certain rôle lors de l'aménagement de l'appartement.
L'association MODERNITÉ RÉGIONALE était bien le locataire initial de l'appartement. La création de cette association dont le président est Monsieur Alain X... qui se domicilie 286, boulevard Saint-Germain démontre bien que l'appartement ne servait qu'à Monsieur Alain X....
Monsieur Thierry F... rappelait à l'audience qu'il avait envoyé à MODERNITÉ RÉGIONALE des avis d'appels de loyer trimestriels. Des factures EDF et de téléphone ont été acquittées par MODERNITÉ RÉGIONALE. Cette association n'était pas une association mort-née, comme le prétendait Monsieur Jean-Louis Y.... Elle a été l'interlocuteur du groupe MERLIN dans la gestion initiale de l'appartement au bénéfice de Monsieur Alain X....
Les déclarations de Monsieur Marc-Michel Z..., de Monsieur Thierry F..., de Madame Mireya 007... (cf. page 48), de Madame Claude 006... (cf. page 48), de Monsieur Denis H... (cf. page 46) doivent être prises en compte et constituent un ensemble concordant qui atteste que Monsieur Marc-Michel Z... a bien acheté l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain à Paris pour le mettre à la disposition de Monsieur Alain X... qui en était l'occupant principal.
Ainsi Monsieur Alain X... est à l'origine de la demande de cet appartement auprès de Monsieur Marc-Michel Z... et il en est l'utilisateur.
Monsieur Jean-Louis Y... a aidé Monsieur Alain X... dans la création de MODERNITÉ RÉGIONALE, il a également utilisé l'appartement sachant parfaitement, compte tenu des contacts qu'il avait lui-même avec Monsieur Marc-Michel Z... et Monsieur Thierry F..., que cet appartement appartenait au groupe MERLIN et était mis à la disposition de Monsieur Alain X... pour ses activités parisiennes personnelles.
Ces faits constituent les délits d'abus de biens sociaux (Monsieur Marc-Michel Z...), recel d'abus de biens sociaux (Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Alain X...).
A l'audience, Monsieur Marc-Michel Z... déclarait :
(notes d'audience IV-I) « L'appartement du boulevard Saint-Germain m'a été demandé en septembre 1987 par Monsieur Alain X... en présence de Monsieur Jean-Louis Y... et Madame Jacqueline P... dans les sous-sols du ministère de l'environnement à deux conditions : l'obtention du marché de l'eau et m'entendre avec la LYONNAISE DES EAUX. J'ai accepté et ne pouvais plus reculer. Le transfert à WHIP est un montage mis au point en juillet 1988 en présence de Monsieur Thierry F.... L'essentiel est un habillage par factures adressées à mon groupe. C'est Monsieur Alain X... qui me l'a demandé. Monsieur Jean-Louis Y... a toujours été l'émissaire de Monsieur Alain X.... Monsieur Jean-Louis Y... a proposé cette solution. Monsieur Alain X... voulait cet appartement. Monsieur Jean-Louis Y... a trouvé la solution la moins pire. »
Monsieur Alain X... quant à lui déclarait à l'audience :
(notes d'audience IV-III) « Monsieur Marc-Michel Z... aggrave ses déclarations. Je répète qu'en septembre 1987, jamais avec mon épouse, je ne lui ai indiqué que s'il n'achetait pas l'appartement il serait écarté du contrat de l'eau. Je n'ai pas été l'utilisateur de cet appartement. Pour moi que Monsieur Marc-Michel Z... ait traité ou pas avec WHIP n'aurait rien changé à la prise du contrat d'eau ou pas. Je rejette les déclarations que Monsieur Marc-Michel Z... vient de faire. Monsieur Jean-Louis Y... ne m'a jamais parlé de cette société [WHIP]. Il m'a donné sa philosophie. »
Monsieur Jean-Louis Y... déclarait qu'il était le créateur de la société WHIP, qu'il s'agissait d'une société effective créée pour venir en aide aux industriels, que l'appartement du boulevard Saint-Germain servait pour accomplir ce travail et non pour Monsieur Alain X..., même s'il arrivait qu'il y vienne de temps en temps.
Il ressort des pièces du dossier qu'au 31 décembre 1987 une somme de 626 400 francs correspondant au montant des impayés était portée au débi d'un compte courant MODERNITÉ RÉGIONALE ; que Monsieur Marc-Michel Z... aurait interrogé Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur Alain X... sur ces impayés locatifs, que le groupe MERLIN pouvait avoir des problèmes fiscaux avec cette situation comptable et que l'intérêt de Monsieur Marc-Michel Z... n'était pas de garder la propriété de cet appartement. Il ne pouvait qu'accepter le montage préparé par Monsieur Jean-Louis Y..., faire passer l'appartement du patrimoine du groupe MERLIN à celui d'une société WHIP créée pour la circonstance.
Les déclarations de Monsieur Marc-Michel Z..., de Monsieur Jean-Georges V... (cf. page 50), de Monsieur Thierry F... démontrent que l'objectif principal de la création de la société WHIP au-delà de son objet social, était d'acquérir l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain dans le but de faire en sorte que Monsieur Alain X... y poursuive ses activités politiques parisiennes.
Le tribunal ne peut apprécier, à ce stade, si la démarche de Monsieur Jean-Louis Y... n'était pas de garder la propriété de l'appartement pour son propre compte ou de la faire passer dans le patrimoine de Monsieur Alain X..., ce qui était juridiquement difficile à effectuer (cf. notes de plaidoirie de Maître GAZENGEL).
Ainsi la WHIP a bien été conçue pour remédier aux impayés locatifs dus à la IMMOBILIÈRE DU BOULEVARD SAINT-GERMAIN et pour que dans ce nouveau cadre juridique elle puisse permettre d'assurer la continuité du travail parisien de Monsieur Alain X....
Monsieur Alain X... ne pouvait ignorer les données de ce montage et son objectif. Ses relations étroites de travail avec Monsieur Jean-Louis Y... amènent à penser qu'il était parfaitement informé.
D'autre part, l'organisation du capital social de WHIP (famille de Monsieur Jean-Louis Y..., membres du cabinet de Monsieur Alain X..., Monsieur Denis H..., Madame Véronique K..., Monsieur Jean-François L...), sa direction écran par Madame Claudine Y... épouse C..., soeur de Monsieur Jean-Louis Y..., les déclarations de Monsieur Marik O... (cf. page 51), de Madame Florence N... (cf. page 51), de Madame Véronique K..., de Monsieur Hugues U... (cf. page 51), de Madame Marie-Édith 010... (cf. page 53), de Madame Pierrette M... (cf. page 53), de Monsieur Jean-François L... (cf. page 52), de Monsieur Patrick E...... démontrent également que l'appartement était la structure politique parisienne de Monsieur Alain X..., que tout le personnel (à l'exception de Madame Pierrette M... qui faisait quelques photocopies pour WHIP et de Madame Claudine Y... épouse C...) travaillait essentiellement pour Monsieur Alain X... et était rémunéré pour partie par la société WHIP.
Il s'agit là d'un ensemble d'éléments concordants qui établissent que Monsieur Alain X..., avec l'aide de Monsieur Jean-Louis Y..., à l'époque son directeur de cabinet officieux au ministère de l'environnement, était l'utilisateur principal des parties privatives et d'un bureau et le bénéficiaire principal du travail de son équipe parisienne hébergée dans cet appartement.
Cette structure passive ne produisait aucun travail effectif répondant à l'objet social de WHIP, seule la structure bruxelloise de WHIP faisait un travail conforme à son objet social.
Il doit être rappelé que le groupe MERLIN a versé la somme de 9 373 060 francs à la société WHIP de 1988 à 1993, que les filiales de la LYONNAISE DES EAUX ont versé à la société WHIP de 1989 à 1993 une somme de 2 220 000 francs.
Deux thèses sont en présence :
Les déclarations de Monsieur Marc-Michel Z..., celles des cadres de son groupe (Monsieur 056... (cf. page 57), Monsieur 037..., Monsieur Thierry F...), les déclarations faites dans le cadre de l'instruction par Monsieur Pierre Z... expliquant que la société WHIP n'avait pas produit de travail utile, démontrent que le travail de WHIP n'était pas un travail effectif et que WHIP était un habillage habile du financement des activités parisiennes de Monsieur Alain X....
Elles sont corroborées par les déclarations faites par Madame Véronique T... (cf. page 58) disant que les bureaux de Bruxelles n'avaient fonctionné qu'à partir de février 1989, alors que le groupe MERLIN avait déjà versé à la société WHIP durant l'année 1988 1 125 000 francs. Madame Véronique T... a travaillé essentiellement pour des clients de la SCP DUTARET : COLGATE, GESAL... Il est à noter que trois contrats sont signés par le groupe MERLIN portant sur le même objet, que la même documentation irrigue les trois sociétés de ce groupe.
Le rapport d'audit MAZARS faisait état, sous réserve de justificatifs postérieurs, d'honoraires versés par le groupe MERLIN élevés au regard des services fournis.
De même les factures COVEG, TETRAPOLE, SFADT ne reposent sur aucun travail sérieux et constituent une double facturation pour rémunérer Monsieur Jean-Louis Y... et la société WHIP.
Les collaborateurs de la société WHIP au 286, boulevard Saint-Germain travaillaient exclusivement pour Monsieur Alain X.... La société WHIP à Paris n'avait pas de production propre. Madame Pierrette M... se contentait de photocopier les documents que lui envoyait WHIP à Bruxelles et de les dispatcher aux sociétés du groupe MERLIN et à la LYONNAISE DES EAUX.
Ces éléments démontrent que seule WHIP à Bruxelles (Madame Véronique T... et Madame Martine 009...) a fait un travail effectif pour le groupe MERLIN et la LYONNAISE DES EAUX.
Il est à souligner les déclarations à l'audience de Monsieur 050..., de Monsieur 065..., de Monsieur 046... (cadres supérieurs de la LYONNAISE DES EAUX), celles de Monsieur GUIBERT (expert officieux de la LYONNAISE DES EAUX) précisant que la société WHIP a fait un travail effectif pour la LYONNAISE DES EAUX (notamment activité de lobbying, subvention européenne de 30 millions de francs pour l'usine de Vigneux), les déclarations de Monsieur Pierre Z... à l'audience disant que WHIP a fait un travail effectif, celles de Monsieur 056... et de cadres du groupe MERLIN expliquant avoir, grâce à Madame Véronique T..., pris contact avec des fonctionnaires de la communauté européenne.
Au surplus le rapport de l'expert Monsieur Michel BRUYAS retenait également que WHIP avait eu une production propre (environ 33 %).
En fonction de l'ensemble de ces éléments, le tribunal dit que la société WHIP est essentiellement une société écran qui a servi à maintenir et à développer l'activité parisienne de Monsieur Alain X... ; qu'elle a cependant fait un travail effectif correspondant à son objet social en faveur des sociétés du groupe MERLIN et de la LYONNAISE DES EAUX, mais seulement à partir de son antenne bruxelloise.
Le tribunal possède suffisamment d'éléments pour évaluer le travail effectif de la société WHIP à la somme de 2 373 060 francs en faveur des sociétés du groupe MERLIN et à la somme de 1 million de francs pour la société LYONNAISE DES EAUX.
Monsieur Jean-Louis Y... apparaît comme l'organisateur, le gérant de fait de la société WHIP, sa soeur Madame Claudine Y... épouse C... a joué un rôle d'exécutant mais ne pouvait ignorer l'activité exacte de la société WHIP puisqu'elle était présente tous les mercredis au boulevard Saint-Germain.
Monsieur Alain X..., bénéficiaire de l'appartement et du personnel de la WHIP à Paris, ne pouvait pas non plus ignorer le montage réalisé par Monsieur Jean-Louis Y....
Monsieur Pierre Z... qui avait repris le contrat WHIP en 1991 avait initialement reconnu le rôle exact de WHIP. Il savait bien que l'essentiel du travail de la société WHIP ne correspondait pas aux rémunérations versées par sa société. Le tribunal chiffre le travail effectif de la société WHIP pour Monsieur Pierre Z... à la somme de 300 000 francs.
Monsieur Jean-Jacques A..., signataire du contrat WHIP pour la LYONNAISE DES EAUX en 1989, savait également parfaitement qu'une partie des sommes payées à la société WHIP ne correspondait pas à un travail réel. Le tribunal fait état de cet élément pour mémoire, Monsieur Jean-Jacques A... n'étant pas poursuivi pour abus de biens sociaux de ce chef. Même si l'auteur principal n'est pas poursuivi, la poursuite de recel d'abus de biens sociaux contre Monsieur Jean-Louis Y... est autonome et parfaitement établie.
Maître GIBAULT, conseil de Monsieur Jean-Louis Y..., soutient que ces factures ne peuvent être qualifiées d'abus de biens sociaux ou de recel d'abus de biens sociaux, s'agissant de factures émanant d'une SCP d'avocats et qui ne peuvent être arbitrées que par le bâtonnier de Paris.
Cet argument ne peut-être retenu. Le décret du 23 novembre 1991 stipule qu'en cas de contestation d'honoraires, l'intervention du bâtonnier est requise.
En ce qui concerne ces cinq factures, il ne s'agit nullement de contestation d'honoraires de la part d'un partie.
Ces quatres notes d'honoraires émises par Monsieur Jean-Louis Y... constituent des abus de biens sociaux et recel opérés au préjudice des sociétés du groupe MERLIN :
Il en est de même en ce qui concerne les cours BERLITZ payés par la société WHIP à hauteur de 61 079 francs. Il s'agit là encore d'abus de biens sociaux et de recel. L'infraction est bien constituée même si postérieurement Monsieur Jean-Louis Y... a remboursé sur ses deniers personnels la société WHIP.
L'ensemble de ces éléments constitue les délits d'abus de biens sociaux (Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Pierre Z...), de recel d'abus de biens sociaux (Monsieur Jean-Louis Y..., Monsieur Alain X..., Madame Claudine Y... épouse C...).
Monsieur Frédéric B... rappelait à l'audience :
(notes d'audience V-III) « J'ai réalisé le concept de DAUPHINÉ NEWS. Ce projet est antérieur aux réunions de campagne. Je n'ai pas participé à ces réunions. J'ai choisi mon équipe. »
Il confirmait dans la même déposition être le rédacteur en chef du journal, l'avoir créé, avoir trouvé les financiers et gérer les mauvais résultats de ce groupe de presse. Pour lui Monsieur Alain X... n'est pas le gérant de fait de ce groupe, ce que confirmait Monsieur Alain X... à l'audience :
(notes d'audience V-IX) « Je n'étais pas le rédacteur en chef de ce journal. »
Monsieur Jean-Jacques A... confirmait à l'audience la nécessité pour la LYONNAISE DES EAUX de se diversifier sur des segments d'activité répondant aux besoins nouveaux des collectivités locales. C'est par l'intermédiaire de Monsieur Jean-Louis Y... qu'il rencontrait Monsieur Frédéric B... et, séduit par ce dernier, reprenait le passif de DAUPHINÉ NEWS pour développer le produit.
Les déclarations de Monsieur Serge R... (cf. page 34) et de Monsieur Marc-Michel Z... (cf. pages 35-36) ne peuvent être contestées. Ils ont tous les deux clairement affirmé qu'ils s'étaient engagés dans le financement de DAUPHINÉ NEWS à la demande de Monsieur Alain X..., qu'ils ne l'auraient pas fait si ce dernier ne le leur avait pas demandé.
Les déclarations de Monsieur Denis H... (cf. page 31), de Monsieur Patrick E... (cf. page 31), de Madame Véronique K... (cf. page 32), trois des plus proches collaborateurs du maire, de Monsieur Lucien 004..., ne peuvent être contestées. Le groupe DAUPHINÉ NEWS répondait à un travail du staff politique de Monsieur Alain X... (le point 40 de la note rédigée par Monsieur Denis H...), créer un « journal d'ambiance favorable » en vue des élections cantonales (1988) et municipales (1989).
C'est bien Monsieur Alain X... qui est, avec l'aide de ses collaborateurs, à l'origine de la création de ce groupe de presse et de ces journaux.
Monsieur Frédéric B..., bon professionnel, a été l'exécutant journalistique de Monsieur Alain X.... Ses compétences soulignées à l'audience par les témoins Monsieur Paul 043..., Monsieur Aimery 035..., Monsieur 031..., Monsieur Virgile 062...... ne sont pas remises en cause. Il a parfaitement mis en musique la partition écrite par d'autres en faisant de DAUPHINÉ NEWS un journal de qualité.
Monsieur Alain X... s'est impliqué directement dans la réalisation de DAUPHINÉ NEWS.
Qu'un homme politique envoie à un rédacteur en chef de journaux une note aussi détaillée comportant 18 instructions (ou suggestions d'articles) lui demandant également l'envoi du BAT (bonà tirer) n'est pas ordinaire !
Ces directives, même si elles ne sont pas toutes reprises en l'état, marquent bien l'implication réelles de Monsieur Alain X... dans la politique rédactionnelle de DAUPHINÉ NEWS.
Monsieur Alain X... apparaît ainsi comme le véritable initiateur de ces publications qui sont faites dans son intérêt et pour servir son image d'homme politique dynamique, proche du terrain, des gens, des réalités de sa ville, il en surveille également le contenu par ses suggestions et le droit de regard qu'il exerce sur ces publications.
Le renflouement du groupe DAUPHINÉ NEWS par les filiales SEREPI et SERECOM de la LYONNAISE DES EAUX est organisé grâce à l'aide de Monsieur Jean-Louis Y... et dans le but d'éteindre le passif du groupe de presse très proche de Monsieur Alain X....
Monsieur Alain X... se profile également derrière cette opération qu'il a téléguidée avec l'aide de Monsieur Jean-Louis Y.... Les déclarations de Monsieur Denis H..., de Monsieur Alain 027... et de Monsieur Patrick E... sont également sur ce point concordantes et convaincantes.
Monsieur Jean-Jacques A... ne peut soutenir que la LYONNAISE DES EAUX avait de justes raisons de renflouer pour 6,2 millions de francs un groupe qui n'avait plus de personnel. Le groupe de presse de Monsieur Frédéric B... ne représentait aucun intérêt stratégique pour la LYONNAISE DES EAUX, ou alors cette société est bien mal gérée, argument que le tribunal écartera. C'est Monsieur Jean-Jacques A..., déjà négociateur du contrat WHIP, qui gérera cette opération, alors que ce segment communication de la LYONNAISE DES EAUX aurait dû être pris en charge par les filiales communication de la LYONNAISE DES EAUX.
Il est à rappeler la remarque de Monsieur Bernard W..., supérieur hiérarchique de Monsieur Jean-Jacques A... à l'époque des faits, disant « que cette activité de reprise de DAUPHINÉ NEWS n'était pas opportune et n'avait rien à voir avec la communication. » Note du 09 octobre 1989 : « Ce métier n'est pas le nôtre. »
Monsieur Jean-Jacques A... savait pertinemment que les filiales SEREPI et SERECOM n'avaient aucun intérêt à reprendre un tel groupe.
Le fait également d'avoir salarié Monsieur Frédéric B... (qui venait de créer MCM) sans travail effectif de la part de ce dernier, est tout aussi illogique et incohérent si l'on se place sur le terrain économique.
Monsieur Frédéric B..., contrairement à ses déclarations à l'audience, n'a pas fait un travail effectif pour la LYONNAISE DES EAUX lorsqu'il a créé MCM. Il a eu quelques contacts (attestés par son agenda), sans rapport avec les prestations financières perçues.
Monsieur Louis D... reconnaît avoir agi sur instructions de Monsieur Jean-Jacques A..., ce que confirme ce dernier. Il est le signataire des chèques représentant les salaires de complaisance versés à Monsieur Frédéric B... et le créditeur du compte courant de la société MCM. Surtout, il est, en sa qualité de président directeur général des sociétés SEREPI et SERECOM, responsable du renflouement du groupe DAUPHINÉ NEWS.
Monsieur Marc-Michel Z..., en tant qu'administrateur de la SEREPI où il possédait 35 % du capital, était parfaitement informé de l'utilisation des fonds de cette société contraire à son intérêt social.
L'ensemble de ces éléments constituent les délits d'abus de biens sociaux (Monsieur Louis D..., Monsieur Marc-Michel Z...), de recel d'abus de biens sociaux (Monsieur Alain X..., Monsieur Frédéric B...) et de complicité d'abus de biens sociaux (Monsieur Alain X..., Monsieur Jean-Jacques A...).
Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y... sollicitent par l'intermédiaire de leurs conseils, l'application des lois d'amnistie du 20 juillet 1988 et du 15 janvier 1990 aux infractions d'abus de biens sociaux, recel d'abus de biens sociaux et de complicité d'abus de biens sociaux qui leur sont reprochées.
Monsieur Alain X... soutient que les lois d'amnistie du 20 juillet 1988 (article 2.5) et du 15 janvier 1990 (article 19) s'appliquent à tous les faits qu'on lui reproche antérieurement au 11 mars 1988 et 15 juin 1989.
Monsieur Jean-Louis Y... soutient qu'au vu des deux lois citées, il y a lieu de constater l'amnistie des délits d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux qu'on lui impute.
Aux termes de l'article 2.5 de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 sont amnistiés, lorsqu'ils ont été commis avant le 11 mars 1988 les délits « en relation avec des élections de toute nature, notamment en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis politiques. »
Aux termes de l'article 19 de la loi d'amnistie du 15 janvier 1990 sont amnistiés « sauf en cas d'enrichissement personnel de leurs auteurs... toutes infractions en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis et de groupements politiques à l'exclusion des infractions prévues par les articles 175 à 179 du code pénal (ancien) » c'est à dire à l'exception de la corruption.
Chaque loi d'amnistie ayant un champ d'application particulier le bénéfice de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 ne peut-être évoqué pour des faits commis postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi.
L'utilisation du boulevard Saint-Germain, l'utilisation des avions taxis SINAIR, la croisière effectuées sur la goélette Bohème II n'entrent pas dans le cadre prévu par la loi d'amnistie.
Monsieur Alain X..., homme politique bien implanté dans l'Isère, n'a aucunement besoin d'un appartement parisien pour organiser sa vie politique dauphinoise. Cet appartement sert, entre 1986 et 1988, à ses activités personnelles et n'a aucune relation avec le financement d'un parti politique ou d'une campagne électorale dans le Dauphiné. Monsieur Alain X... n'exerce pas, entre 1986 et 1988, de responsabilités politiques nationales au RPR.
La croisière sur la goélette Bohème II n'est pas non plus en relation avec l'activité politique ou à la préparation d'échéances électorales. Il s'agit d'un voyage d'agrément.
Les vols SINAIR de 1984 à 1988, ne peuvent être rattachés, durant cette période, à l'activité électorale ou politique. Il s'agit de vols d'agrément ou de facilités de déplacement accordés par le groupe MERLIN. Si cela correspondait à des activités politiques ou électorales, ils auraient dû être pris en charge par le RPR, par la mairie de Grenoble ou le conseil général de l'Isère. Il n'est pas acceptable qu'un homme politique utilise de manière aussi intensive des heures de vols mises à sa disposition par une compagnie privée payées par un groupe industriel.
L'utilisation des vols SINAIR durant cette période, les factures WHIP finançant l'achat de l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain à Paris ne sont pas en relation avec le financement de campagnes électorales ou d'un parti politique.
Monsieur Alain X... n'avait aucun besoin d'une importante structure politique parisienne (propriété de la société WHIP) pour développer ses activités électorales ou politiques dans le Dauphiné, terre dont il est l'élu.
Les vols SINAIR durant cette période ne sont pas plus en relation avec les activités électorales « voyage à Bastia, Ajaccio, Malaga... », et ne servent pas à préparer des élections dans le Dauphiné ou à financer le travail d'un parti politique.
Ainsi Monsieur Alain X... ne peut prétendre bénéficier de la loi d'amnistie du 15 janvier 1990.
Monsieur Jean-Louis Y..., du fait du même raisonnement ne peut pas plus prétendre au bénéfice des lois d'amnistie.
Au vu de ces éléments, il n'apparaît pas utile de s'interroger sur le critère de l'enrichissement personnel développé par le juge d'instruction, le ministère public ou les parties.
Au surplus, l'absence d'enrichissement personnel démontré, revendiquée par la défense, n'est nullement établie : le non-paiement de toutes les prestations en cause par les intéressés sur leurs fonds personnels les a, à l'évidence, enrichis du montant de leur coût.
Monsieur Jean-Louis Y..., par l'intermédiaire de ses conseils, soutient que les délits d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux réputés commis avant le 05 avril 1989 sont prescrits aux motifs suivants :
« Aux termes de l'article 8 du code de procédure pénale, la prescription court à compter du jour de la commission du délit. En ce qui concerne le délit d'abus de biens sociaux, la prescription court à compter du versement des avantages indus. Pour ce qui est du recel d'abus de biens sociaux qui constitue un délit différent et qui peut se poursuivre au-delà de l'abus de biens sociaux, la prescription court à partir du jour où le receleur se débarrasse de la chose ou cesse de tirer profit du produit obtenu frauduleusement.
La saisine du SRPJ de Lyon, en vue d'une enquête consécutive aux dénonciations, transmise par le Parquet de Grenoble le 15 novembre 1991, est en date du 06 avril 1992. En application de l'article 8 du code de procédure pénale, à la date de déclenchement de l'action publique, la prescription avait fait son oeuvre pour tous les faits accomplis avant le 05 avril 1989. »
L'article 8 du code de procédure pénale stipule que la prescription est acquise trois ans après la commission du délit.
L'action publique destinée à sanctionner l'abus de biens sociaux ne commence à se prescrire que du jour où les délits sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique.
En l'espèce les faits d'abus de biens sociaux relatifs au groupe DAUPHINÉ NEWS ont été dénoncés au procureur de la République de Grenoble qui les a transmis au procureur de la République de Lyon le 15 novembre 1991. Ils donnaient lieu à ouverture d'un enquête de police du SRPJ par soit-disant du 06 avril 1992.
Ce soit-transmis est l'acte interruptif de prescription.
Ainsi la dénonciation des faits d'abus de biens sociaux est effectuée le 15 novembre 1991, date du départ du délai de prescription. L'acte interruptif est du 06 avril 1992. La prescription ne peut-être retenue de ce chef.
En ce qui concerne les faits d'abus de biens sociaux concernant la mise à la disposition gratuite de l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain à Paris entre 1986 et 1988, les facturations WHIP entre 1988 et 1993 ont été portées à la connaissance du juge d'instruction en septembre 1994, dans le cadre du développement de l'information judiciaire. Le point de départ de la prescription pour cet ensemble de faits nouveaux par rapport à la saisine initiale du juge d'instruction est cette date de septembre 1994.
La prescription ne peut-etre retenu de ce chef.
Ainsi si le point de départ de la prescription en matière d'abus de biens sociaux est reporté au jour où l'emploi abusif desdits biens a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, le point de départ de la prescription du délit de recel d'abus de biens sociaux, infraction de conséquence, est le jour où l'infraction d'origine a été constatée dans ces mêmes conditions permettant l'exercice de l'action publique.
Le tribunal vient d'établir que les faits d'abus de biens sociaux n'étaient pas prescrits, en conséquence les faits de recel d'abus de biens sociaux ne peuvent non plus être prescrits.
L'action publique du chef des délits d'abus de biens sociaux, de recel d'abus de biens sociaux, de complicité d'abus de biens sociaux n'est pas éteinte par la prescription et l'amnistie.
En fonction de l'ensemble des éléments de fait et de droit, il convient :
En ce qui concerne Monsieur Louis D... :
En ce qui concerne Monsieur Jean-Jacques A... :
En ce qui concerne Monsieur Frédéric B... :
En ce qui concerne Madame Claudine Y... épouse C... :
En ce qui concerne Monsieur Pierre Z... :
En ce qui concerne Monsieur Jean-Louis Y... :
En ce qui concerne Monsieur Alain X... :
En ce qui concerne Monsieur Marc-Michel Z... :
Les infractions d'abus de biens sociaux, de recel et de complicité d'abus de biens sociaux étant ainsi établies, les faits qui les sous-tendent constituent-ils des contreparties au contrat de délégation du service public de l'eau et de l'assainissement de la ville de Grenoble à la société COGESE ?
Monsieur Alain X..., Monsieur Marc-Michel Z... et Monsieur Jean-Jacques A... sont-ils les acteurs d'un délit de corruption active et de corruption passive ?
Il convient de rappeler que les délits d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux ne constituent pas un cumul idéal d'infraction avec les délits de corruption active ou passive. Il s'agit de deux ensembles d'infractions différentes dont les éléments constitutifs sont différents, délits qui sanctionnent la violation d'intérêts distincts.
En conséquence les mêmes faits qualifiés d'abus de biens sociaux ou recel d'abus de biens sociaux peuvent être pareillement un des éléments du délit de corruption (contrepartie).
L'article 432-11 du code pénal (ancien article 177 du code pénal abrogé) prévoit et réprime le délit de corruption passive :
« Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public, de solliciter ou d'agréer, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques :
L'article 433-1 du code pénal (ancien article 179 du code pénal abrogé) prévoit et réprime le délit de corruption active :
« Est puni de 10 ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende le fait de proposer, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public :
Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif qui sollicite, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé au 1° ou pour abuser de son influence dans les conditions visées au 2°. »
En premier lieu, il est établi que Monsieur Alain X... a signé le contrat de délégation du service de l'eau et de l'assainissement de la ville de Grenoble en tant que maire de la ville de Grenoble après le vote favorable de son conseil municipal le 13 octobre 1989 et cela dans le cadre des pouvoirs qu'il tient du code des communes.
Monsieur Alain X... est bien titulaire d'un mandat électif public. La signature du contrat de délégation est bien un acte de son mandat ou facilité par son mandat.
En second lieu, il ne ressort pas du dossier et les débats à l'audience qu'il y ait un pacte de corruption avec trois acteurs principaux, Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Alain X....
Il en ressort qu'il y a eu deux faisceaux de corruption, l'un émanant de Monsieur Marc-Michel Z... et l'autre de Monsieur Jean-Jacques A... en direction de Monsieur Alain X....
Monsieur Alain X... rejetait toute infraction de corruption. Il niait avoir concédé le marché de l'eau de sa ville moyennant des contreparties. Il déclarait à l'audience :
(notes d'audience I-XIV) « Je n'ai jamais demandé, exigé, souhaité, voulu une quelconque compensation. Je n'ai jamais menacé Monsieur Marc-Michel Z... de l'écarter du contrat de privatisation de l'eau. »
(notes d'audience VIII-XI) « Jamais je n'ai échangé un marché public contre de l'argent. »
Monsieur Marc-Michel Z... à compter du 07 novembre 1994 et du 24 novembre 1994 déclarait :
(D 477) « Je savais que si je n'acceptais pas d'acheter cet appartement, je serais sorti de la compétition du contrat de concession. Je lui ai donc dit que s'il privatisait, il fallait penser à moi. Il m'a dit que je ferais partie de la compétition. »
(D 601) « Si je n'achetais pas cet appartement, je ne serais pas retenu dans la compétition. La formulation de Monsieur Alain X... était très claire. Il s'agissait effectivement d'un achat que j'acceptais pour entretenir de bonnes relations avec le maire de Grenoble, sinon je n'aurais pas effectué un tel investissement. »
(D 594) « Le maire de Grenoble m'a dit que la concession de l'eau était une chose très difficile, qu'il y avait de grosses sociétés sur l'opération et que j'étais le plus petit. J'ai compris que je devais en passer par là. »
Ces déclarations sont corroborées par celles de Monsieur Thierry F... :
(D 446) « Je confirme que vers la fin de l'année 1985, je crois, Monsieur Marc-Michel Z... m'a fait part d'un accord de principe intervenu entre Monsieur Alain X... et lui. Il m'a dit que le maire de Grenoble était prêt à concéder à une société de notre groupe le marché des eaux de la ville de Grenoble à la condition que nous achetions un appartement à Paris pour Monsieur Alain X.... »
Et par celles de Monsieur Patrick E... :
(D 441) « J'ai retenu que Monsieur Marc-Michel Z..., s'adressant à Monsieur Alain X..., confirmait que malgré la décision de report, les engagements seraient tenus. Je savais déjà à cette époque que le retour du marché de concession reposait au moins pour partie sur la mise à disposition tout d'abord, puis sur le rachat de l'appartement. »
Ces trois déclarations, confirmées à l'audience, faites par un proche collaborateur de Monsieur Alain X..., Monsieur Patrick E..., parfaitement informé des éléments du dossier, par l'industriel Monsieur Marc-Michel Z... à compter du 07 novembre et son proche collaborateur Monsieur Thierry F..., doivent être prises en considération et démontrent qu'un accord a pris naissance dès 1985 entre Monsieur Marc-Michel Z... et Monsieur Alain X... qui va donner lieu à des contreparties et à la signature du contrat le 03 novembre 1989.
Cet accord entre Monsieur Marc-Michel Z... et Monsieur Alain X... va s'ébaucher à compter de 1985 et va confirmer dans le temps la convergence de deux volontés, celle de Monsieur Alain X... de concéder moyennant avantages, celle de Monsieur Marc-Michel Z... d'obtenir la concession en finançant ces avantages.
Cette convergence se confirme lors du déjeuner du 03 octobre 1987, l'élément nouveau pour Monsieur Marc-Michel Z... étant le choix par Monsieur Alain X... d'un partenaire, la LYONNAISE DES EAUX. Ce déjeuner marquera le pacte d'actionnariat entre le groupe MERLIN et la LYONNAISE DES EAUX et donnera le signal de travaux intensifs de préparation du contrat.
Le report de la concession décidé par Monsieur Alain X... en décembre 1987 est la décision normale d'un homme politique avisé à quelques mois d'échéances électorales importantes pour lui et s'apparentait bien, ainsi que l'a dit Monsieur Patrick E... à un « tour de chauffe. » Les négociations de 1989 n'ont fait que reprendre le travail effectif fait en 1987.
Cet accord, cette convergence de volontés et d'intérêt seront confirmés par la dimension des contreparties apportées par Monsieur Marc-Michel Z....
Dès 1984 et essentiellement dès 1985, Monsieur Marc-Michel Z... paye des voyages à Monsieur Alain X... sur la compagnie SINAIR.
Dès 1986, Monsieur Marc-Michel Z... achète l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain à Paris pour l'activité parisienne de Monsieur Alain X....
En août 1987, il paye une croisière au bénéfice de Monsieur Alain X....
Dès 1988, Monsieur Marc-Michel Z... paye le rachat de cet appartement à Paris par la société WHIP à l'aide de fausses factures adressées à cette société.
Dès 1988, Monsieur Alain X... continue à utiliser l'appartement et le personnel parisien de la WHIP.
Dès 1988, Monsieur Alain X... s'implique dans la création, la gestion journalistique de DAUPHINÉ NEWS. Monsieur Marc-Michel Z... paye pour 840 000 francs de fausses factures pour le lancement de ce groupe de presse.
L'ensemble de ces contreparties et leur dimension démontrent que Monsieur Marc-Michel Z... a voulu obtenir pour son groupe la concession de l'eau de Grenoble en payant et en finançant au prix fort le train de vie de Monsieur Alain X... et ses activités parisiennes.
Le coût de ces contreparties démontre aussi que l'on a dépassé le domaine classique de l'abus de biens sociaux et du recel d'abus de biens sociaux pour entrer dans le domaine de la corruption.
Le tribunal ne peut concevoir qu'un industriel consente autant d'avantages à un élu sans retirer de son côté un avantage, en l'occurrence le contrat de concession, ce que reconnaît Monsieur Marc-Michel Z....
Le tribunal ne peut concevoir non plus que Monsieur Alain X... ne se soit pas interrogé sur le montant considérable des aides financières dont il a bénéficié de la part de Monsieur Marc-Michel Z....
Le tribunal ne peut concevoir qu'il n'ait pu, à aucun moment, mettre un terme à la spirale folle de l'argent.
Le coût, les dates qui marquent le début du versement de ces contreparties établissent bien qu'il y a retour au décideur public. Monsieur Marc-Michel Z... ne pouvait pas verser autant d'argent sans contrepartie, Monsieur Alain X... ne pouvait pas recevoir autant d'avantages sans qu'il y ait un acte de sa fonction consenti à Monsieur Marc-Michel Z....
Les conditions juridiques de l'infraction sont bien réunies en l'espèce : Monsieur Alain X..., investi d'un mandat électif public, en l'espèce celui de maire de Grenoble, a sollicité, agréé ou reçu directement ou indirectement des dons ou avantages de la part de Monsieur Marc-Michel Z... en vue de l'attribution de la concession du service public de l'eau et de l'assainissement de la ville de Grenoble.
L'ensemble de ces éléments permet d'établir les infractions de corruption active pour Monsieur Marc-Michel Z... et de corruption passive pour Monsieur Alain X....
L'ébauche de l'accord entre Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Alain X... prend naissance à la fin de l'été 1987. La lettre de remerciement (scellé n° 277) adressée par Monsieur Jean-Jacques A... à Monsieur Alain X..., découverte lors de la perquisition au siège de la LYONNAISE DES EAUX « Monsieur le ministre, au terme d'une longue démarche et d'une rude bataille, le pari que nous avions fait à la fin de l'été 1987 a été gagné. » contrairement aux explications de Monsieur Jérôme G... et de Monsieur Jean-Jacques A... signe bien la naissance de l'accord entre Monsieur Jean-Jacques A... (rédacteur de la lettre) et Monsieur Alain X....
Le dîner du 02 octobre 1987 entre Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Marc-Michel Z... confirme cela : Monsieur Jean-Jacques A... rencontrait Monsieur Marc-Michel Z... à la Cour des Loges à Lyon et lui faisait part d'un document adressé à Monsieur Jérôme G... avant le déjeuner du 03 octobre 1987 au conseil général de l'Isère.
Le déjeuner du 03 octobre 1987 marquera une étape importante dans le processus de corruption : le pacte d'actionnariat est défini, Monsieur Alain X... entend déléguer au groupe MERLIN et à la LYONNAISE DES EAUX.
Le revirement tactique de Monsieur Alain X... en décembre 1987 fera reculer la date de la concession. Un véritable travail de préparation du contrat se fera à partir d'octobre 1987 entre la mairie de Grenoble (Monsieur Patrick E..., Monsieur Charles S...), la LYONNAISE DES EAUX (Monsieur Jean-Jacques A..., Monsieur 049...) et le groupe MERLIN (Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Thierry F...).
Si l'accord initial de partenariat de 1987, manifesté par les travaux communs LYONNAISE DES EAUX - groupe MERLIN - ville de Grenoble ne traduit pas, en l'état des documents soumis au tribunal, l'évidence d'une contrepartie à cette époque, il en va tout autrement pour la période de 1989 qui a précédé, accompagné ou suivi la signature du contrat de concession de l'eau le 03 novembre 1989.
Monsieur Jean-Jacques A... signait le 04 janvier 1989 un contrat avec la société WHIP. Nous avons étudié supra que ce contrat, initié en 1989 et poursuivi postérieurement, reposait pour partie sur de fausses facturations (1,2 million de francs) qui permettait à Monsieur Alain X..., par l'intermédiaire du montage WHIP de Monsieur Jean-Louis Y..., de poursuivre son activité parisienne à partir de l'appartement du 286, boulevard Saint-Germain à Paris.
Entre le 13 octobre 1989 et le 29 décembre 1989 (en période de signature des conventions de délégation du 03 novembre 1989), la SEREPI, qui a pour objet l'alimentation des collectivités locales en eau, apportera 3 700 000 francs par plusieurs versements à DAUPHINÉ NEWS. Cet apport ne répond pas à l'intérêt social de la SEREPI.
La SERECOM sera seulement constituée en décembre 1989 et interviendra avant même d'être inscrite au registre des sociétés.
Le 20 décembre 1989, elle rachetait pour zéro franc la majorité des actions de la HOLDING DAUPHINÉ NEWS (cf. page 29).
Dès le 09 janvier 1990, le capital de SERECOM apporté par SEREPI était utilisé pour combler le passif de DAUPHINÉ NEWS (cf. page 29).
Ce montage financier, ces manoeuvres montrent qu'il y avait urgence à renflouer DAUPHINÉ NEWS et qu'il s'agit bien d'une contrepartie offerte à Monsieur Alain X... : reprendre le passif de son groupe de presse en déconfiture contre un avantage : le contrat de concession.
Le montant du renflouement (5,7 millions de francs), la prise en charge financière ultérieurement de Monsieur Frédéric B... (732 000 francs) par la SEREPI, comme nous l'avons écrit supra, ne répondent à aucun critère économique et ne peuvent s'analyser qu'en la volonté de Monsieur Jean-Jacques A... d'aider Monsieur Alain X... dans le but d'obtenir le marché de l'eau.
Ainsi le tissu des dons remis et des complaisances obtenues tel que décrit ci-dessus fait bien la preuve du concert frauduleux unissant Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Alain X... et démontre bien l'existence d'une volonté punissable, chaque fois renouvelée.
Là aussi le coût des contreparties payées sur ordre de Monsieur Jean-Jacques A... au bénéfice de Monsieur Alain X... établit que l'on a dépassé le domaine classique de l'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux pour entrer dans celui de la corruption.
Monsieur Jean-Jacques A... ne peut prétendre avoir tout ignoré de la situation de DAUPHINÉ NEWS. Monsieur Jean-Jacques A... était bien implanté au niveau régional et ne pouvait qu'être informé de la situation exacte de DAUPHINÉ NEWS.
Enfin il y a lieu de s'interroger sur les déclarations évolutives des prévenus et des témoins.
Pourquoi Monsieur Denis H..., Monsieur Patrick E..., Madame Véronique K..., Monsieur Marik O..., Madame Florence N..., Madame Pierrette M..., Monsieur Charles S... ont caché à un moment donné certains aspects du dossier ?
Pourquoi les pressions incessantes de Maître Philippe GUMERY sur Monsieur Marc-Michel Z... ?
Pourquoi les vives insistances de Monsieur Jean-Louis Y... vis à vis de Madame Véronique K..., de Monsieur Patrick E... et de Monsieur Alain X... vis à vis de Monsieur Patrick E... ?
Pourquoi ce silence de la part de tous les prévenus et participants au déjeuner du 03 octobre 1987 ?
Tout cela avait bien pour but de taire les éléments essentiels du délit de corruption et relevait d'une stratégie organisée qui visait à empêcher que ce délit soit découvert.
Ces éléments accréditent a fortiori la thèse de la corruption entre Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Alain X....
Le délit de corruption active et passive est établi.
Monsieur Alain X..., investi d'un mandat électif public, en l'espèce celui de maire de Grenoble a sollicité, agréé ou reçu directement ou indirectement des dons ou des avantages de la part de Monsieur Jean-Jacques A... en vue de l'obtention de la concession du service de l'eau et de l'assainissement de la ville de Grenoble.
Il reste à ce stade, à faire état des hypothèses développées lors de leur plaidoirie par Maître Richard ZELMATI pour Monsieur Marc-Michel Z... et par Monsieur le bâtonnier DANET pour Monsieur Alain X... :
Le tribunal ne peut que s'interroger sur ces hypothèses qui se complètent, sans apporter de réponse définitive étant donné que Monsieur Jérôme G... a été entendu en qualité de témoin à l'audience, cité par la défense de Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Louis D..., et, pour le tribunal, son rôle ne peut pas dépasser celui d'un témoin.
Maître GIBAULT, au soutien des intérêts de Monsieur Jean-Louis Y..., expose que l'ordonnance de renvoi et la citation délivrée à Monsieur Jean-Louis Y... limitent à la poursuite pour complicité de corruption à l'aide et à l'assistance qu'il aurait apportées à Monsieur Alain X... dans l'accomplissement d'un acte relevant de la fonction de maire de Grenoble et non pour complicité dans la perception de contreparties.
Sur ce point, il y a lieu de donner acte à Maître GIBAULT de sa remarque pertinente en disant que l'ordonnance de renvoi et la citation qui saisissent le tribunal limitent effectivement la poursuite contre Monsieur Jean-Louis Y... à la complicité de corruption par aide et assistance reprochée à Monsieur Alain X....
Durant l'information Monsieur Jean-Louis Y... situait le déjeuner du 03 octobre 1987 plutôt en 1989. Il ne contestait pas formellement à l'audience y avoir assisté. Il reconnaissait avoir fait un certain travail juridique dans l'établissement du contrat de concession mais rappelait avoir été mandaté par toutes les parties et non directement par Monsieur Alain X....
Pour Monsieur Patrick E..., Monsieur Jean-Louis Y... était le superviseur représentant le maire lors des négociations. Pour Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Jean-Louis Y... a joué un rôle important dans la négociation du contrat et représentait le maire. Monsieur 063... (D 615), technicien de la LYONNAISE DES EAUX ayant participé aux négociations de 1989 expliquait que les éléments de négociation du contrat en 1989 étaient transmis à Monsieur Alain X... par Monsieur Jean-Louis Y....
Il ressort de ces éléments que Monsieur Jean-Louis Y... a participé aux négociations de 1987 et à la reprise des négociations en 1989, qu'il avait un rôle important et représentait le maire de Grenoble Monsieur Alain X....
A l'époque Monsieur Jean-Louis Y... était conseiller de Monsieur Alain X... au ministère de l'environnement, il était proche de Monsieur Alain X... et travaillait pour lui, autant en tant que ministre que maire de Grenoble.
Il est l'acteur important, le pivot de la négociation du contrat.
Il est à rappeler que Monsieur Jean-Louis Y... a facturé le 07 octobre 1987 et le 13 novembre 1987 deux fois 50 000 francs à la SOCIÉTÉ DE CONTRÔLE MERLIN pour des « Études de relations de prestations de service entre la société et le service des eaux de Grenoble ainsi que le maire. »
Ces deux factures payées par le groupe MERLIN, émises par Monsieur Jean-Louis Y..., signent bien le rôle actif qu'il a eu, représentant Monsieur Alain X... lors des négociations sur la concession du service des eaux.
Il est à rappeler la déclaration de Monsieur Patrick E... (D 609) disant que 453 000 francs versés par DAUPHINÉ NEWS à Monsieur Jean-Louis Y... avaient servi à monnayer l'intervention de Monsieur Jean-Louis Y... dans le contrat de concession et non pour son aide dans la reprise de DAUPHINÉ NEWS qui reste hypothétique.
Monsieur Jean-Louis Y... a bien prêté aide et assistance à Monsieur Alain X... dans l'établissement du contrat de concession du service de l'eau et de l'assainissement de la ville de Grenoble.
Il savait pertinemment les enjeux et les données de ce contrat et qu'il avait donné lieu à des contreparties de la part du groupe MERLIN et de la LYONNAISE DES EAUX.
Le délit de complicité de corruption est parfaitement établi à l'encontre de Monsieur Jean-Louis Y....
Les conseils de Monsieur Alain X... et de Monsieur Jean-Louis Y... soutiennent que le délit de corruption et de complicité de corruption est prescrit.
Il est à rappeler les éléments de procédure développés supra en ce qui concerne la prescription du délit d'abus de biens sociaux et de recel :
L'article 8 du code de procédure pénale stipule que le délit de corruption se prescrit par l'écoulement d'une durée de trois ans à compter de sa connaissance.
Il est établi que la corruption est une infraction instantanée, mais à chaque manifestation de la volonté coupable le délit se manifeste à nouveau complètement. A chaque acte nouveau, un délit instantané de corruption s'accomplit mais ce délit s'inscrit dans un concert frauduleux qui se tisse dans la durée et seul le dernier marque le point de départ de la prescription.
Ainsi, les éléments du délit de corruption en ce qui concerne Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Alain X... et de complicité en ce qui concerne Monsieur Jean-Louis Y... se manifestent de 1984 (vols SINAIR) à 1993, et en ce qui concerne Monsieur Jean-Jacques A... de 1989 (DAUPHINÉ NEWS) à 1989-1993 (WHIP).
Ils participent d'un concert frauduleux qui se tisse dans la durée et qui s'interrompt en 1993 aux derniers versements (mars 1993). Cette date de mars 1993 marque le point de départ à partir duquel court le délai de prescription.
En conséquence les faits de corruption et de complicité de corruption ne sont pas prescrits. Il convient de rejeter l'argument présenté par la défense de Monsieur Alain X... et de Monsieur Jean-Louis Y....
Il convient de rappeler que la loi d'amnistie exclut de son champ d'application les délits de corruption passive et active et en conséquence la complicité de corruption.
L'argument présenté par la défense de Monsieur Alain X... et de Monsieur Jean-Louis Y... sera de ce fait écarté.
L'action publique du chef des délits de corruption active, de corruption passive et de complicité de corruption passive n'est éteinte ni par la prescription, ni par l'amnistie.
En fonction de l'ensemble de ces éléments de fait et de droit, il convient dès lors :
En ce qui concerne Monsieur Jean-Jacques A... et Monsieur Marc-Michel Z... :
En ce qui concerne Monsieur Alain X... :
En ce qui concerne Monsieur Jean-Louis Y... :
L'article 434-15 du code pénal stipule : « Le fait d'user de promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manoeuvres ou artifices au cours d'une procédure ou en vue d'une demande ou défense en justice afin de déterminer autrui soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s'abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende, même si la subornation n'est pas suivie d'effet. »
Il y a lieu pour l'examen des infractions de subornation reprochées à Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y... de se reporter aux éléments décrits dans le chapitre I et à l'environnement désagréable qui a entouré les déclarations de certains témoins ou prévenus.
Monsieur Patrick E... dans son audition du 12 avril 1994 avait abordé le rôle de Monsieur Alain X... dans le groupe de presse DAUPHINÉ NEWS et le rôle de Monsieur Jean-Louis Y... dans la négociation sur la concession du service des eaux. Il faisait quelques avancées dans une nouvelle déclaration aux fonctionnaires de police le 1er juillet 1994 où il impliquait Monsieur Alain X... dans la conception, la gestion de DAUPHINÉ NEWS et Monsieur Jean-Louis Y... dans la négociation sur le contrat de l'eau.
Le 13 juillet 1994 il revenait sur ses déclarations et tentait de mettre hors de cause Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y....
Il adressait un courrier au juge d'instruction le 19 octobre 1994 pour faire établir « la vérité sur toute autre considération. »
Il était alors entendu le 24 octobre 1994 par le magistrat instructeur et déclarait avoir été l'objet de pressions de la part de Monsieur Alain X... et de Monsieur Jean-Louis Y... dans les termes rapportés au chapitre I.
Il confirmait ces éléments à l'audience. Monsieur Alain X... reconnaissait avoir été en contact avec Monsieur Patrick E... sans qu'il ait fait pression sur lui pour qu'il modifie ses déclarations. Il reconnaissait également avoir été en possession d'un rapport du Parquet général de Lyon sur l'affaire, que détenait un membre de son cabinet.
Monsieur Jean-Louis Y... niait également que son intervention auprès de Monsieur Patrick E... puisse s'apparenter à un pression.
Certes Monsieur Patrick E... est un haut fonctionnaire d'expérience et d'autorité, comme le soutiennent les avocats de Monsieur Jean-Louis Y... et de Monsieur Alain X....
Il n'en reste pas moins que Monsieur Patrick E... était à cette période de juillet 1994 dans un état de dépendance psychologique vis à vis de son ancien "patron" Monsieur Alain X... et de son conseiller Monsieur Jean-Louis Y....
Monsieur Alain X... continuait à exercer sur lui une autorité née des relations de travail qu'ils avaient eues longuement et du poste de ministre de la communication qu'il occupait.
Monsieur Patrick E..., pas plus que beaucoup d'autres témoins, ne pouvait s'affranchir de ses relations avec Monsieur Alain X... et retrouver une certaine liberté. Il était pris dans un tissu de relations, de travail en commun qui l'empêchaient, à la demande de Monsieur Alain X... et de Monsieur Jean-Louis Y..., de dire la vérité.
Les démarches de Monsieur Alain X... et de Monsieur Jean-Louis Y... constituent bien un ensemble de pressions psychologiques destiné à le faire revenir sur des déclarations qui les mettaient en cause et introduisaient une brèche dans leur système de défense.
S'il n'y avait pas eu ces pressions vives et coordonnées de Monsieur Alain X... et de Monsieur Jean-Louis Y..., le 13 juillet 1994, Monsieur Patrick E... aurait fait des déclarations au juge d'instruction plus proches de celles faites le 24 octobre 1994.
Monsieur Patrick E... a bien subi des pressions au sens de l'article 434-15 du code pénal.
Le délit est parfaitement constitué en ce qui concerne Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y....
Madame Véronique K... a confirmé à l'audience les déclarations faites devant le juge d'instruction le 03 novembre 1994 (cf. page 77).
Monsieur Jean-Louis Y... donne une version sereine de ces faits.
Le tribunal a pu constater l'état psychologique de Madame Véronique K... lors de sa déposition à l'audience le 28 septembre 1995 à 18h, sa peur et sa grande dépendance psychologique à l'égard de Monsieur Jean-Louis Y... et de Monsieur Alain X..., de nombreux mois après leur rupture professionnelle.
Les démarches de Monsieur Jean-Louis Y... auprès de Madame Véronique K... doivent également s'entendre comme des pressions psychologiques inadmissibles sur un témoin affaibli.
Le délit de subornation de témoins à l'égard de Madame Véronique K... par Monsieur Jean-Louis Y... est donc parfaitement établi.
Monsieur Marc-Michel Z... a confirmé à l'audience les déclarations faites devant le juge d'instruction le 07 novembre 1994 (cf. page 79).
Ces déclarations sont corroborées par celles de Monsieur Jacques Q... (cf. page 79). Maître Philippe GUMERY était l'exécutant de Monsieur Jean-Louis Y... et participait ainsi à une stratégie de défense faite de pressions sur des témoins ou un prévenu qui devaient se taire par solidarité.
Les démarches incessantes de Maître Philippe GUMERY entre mai et juillet 1994 auprès de Monsieur Marc-Michel Z..., affaibli, constituent bien des pressions sur ce dernier pour qu'il taise certains éléments du dossier compromettants pour Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur Alain X....
Maître Philippe GUMERY, collaborateur de Monsieur Jean-Louis Y..., n'a pas la dimension pour être le concepteur de ce système. Il n'est que l'exécutant de Monsieur Jean-Louis Y....
L'infraction de subornation d'autrui à l'encontre de Monsieur Marc-Michel Z... est parfaitement constituée en ce qui concerne les pressions exercées par Monsieur Jean-Louis Y..., par l'intermédiaire de Maître Philippe GUMERY.
Profiter de la faiblesse et de la dépendance psychologique de certains témoins ou prévenus pour les influencer dans des déclarations faites dans le cadre d'une information judiciaire est parfaitement inacceptable et démontre la perte de tout repère de la part de Monsieur Alain X... et de Monsieur Jean-Louis Y... en situation de toute puissance par rapport à leurs subordonnés et par rapport au déroulement d'une procédure judiciaire.
En fonction de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de déclarer Monsieur Alain X... coupable du délit de subornation de témoins et Monsieur Jean-Louis Y... coupable des délits de subornation de témoins et subornation d'autrui.
Dans l'application de la peine, le tribunal prend en compte les éléments suivants :
Monsieur Frédéric B..., Monsieur Jean-Jacques A..., Monsieur Louis D..., Monsieur Marc-Michel Z..., Madame Claudine Y... épouse C..., Monsieur Pierre Z..., Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur Alain X... n'ont pas d'antécédent judiciaire et bénéficient d'une situation professionnelle stable.
Les faits d'abus de biens sociaux, de recel d'abus de biens sociaux et de complicité constituent des infractions graves qui causent un trouble certain à l'ordre public et à l'ordre économique.
Il n'est pas acceptable que des industriels (Monsieur Pierre Z..., Monsieur Louis D..., Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Jean-Jacques A...) utilisent le crédit de leurs sociétés et procurent des avantages à un élu Monsieur Alain X... et à son associé Monsieur Jean-Louis Y....
Il n'est pas acceptable qu'un élu, Monsieur Alain X..., retire autant d'avantages de la part de groupes économiques (sociétés du groupe MERLIN et de la LYONNAISE DES EAUX) avec qui il est en négociation pour le marché de l'eau.
Il n'est pas acceptable que Monsieur Frédéric B... et Madame Claudine Y... épouse C... prêtent leur concours sciemment à une telle organisation.
Cependant, il convient de dire que le rôle de Monsieur Pierre Z..., de Madame Claudine Y... épouse C..., de Monsieur Louis D..., de Monsieur Frédéric B... est limité et qu'ils sont tous les exécutants de décisions ou d'une politique décidées à un autre niveau que le leur.
Une peine d'emprisonnement avec sursis et une peine d'amende sanctionneront les délits qu'ils ont commis.
Les infractions d'abus de biens sociaux, de recel d'abus de biens sociaux doivent être différenciées dans l'échelle de la gravité des infractions des délits de corruption active et passive reprochés à Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Jean-Jacques A..., Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur Alain X....
Sur le délit de corruption, il y a lieu de distinguer le rôle du corrupteur actif de celui du corrompu. Si la peine prévue par les articles 432-11 et 433-1 du code pénal est la même, leur niveau de responsabilité dans le processus de corruption n'est pas le même.
Les corrupteurs actifs Monsieur Marc-Michel Z... et Monsieur Jean-Jacques A... sont en recherche permanente de tout nouveau marché d'importance pour leurs sociétés, ils livrent une bataille économique continuelle pour faire prospérer leurs entreprises. Compte tenu des enjeux, ils ont dépassé le cadre "classique" de l'abus de biens sociaux en déclenchant par la spirale folle de l'argent le processus de corruption. Ils ont l'argent pour corrompbre. Ils ont beaucoup d'argent. Ils participent à une dérive considérable qui touche et gangrène petit à petit le monde économique et le monde politique : payer pour obtenir un marché.
En face, il y a l'élu, le corrompu, Monsieur Alain X... qui a le pouvoir, en tant que maire, de concéder un marché. Il exerce ce pouvoir seul, les garanties éventuelles (vote et contrôle par le conseil municipal, recours administratifs) n'existent pas compte tenu de la toute puissance politique de Monsieur Alain X..., de sa majorité politique au conseil municipal de Grenoble et des recours administratifs postérieurs.
Il est en situation de résister aux sollicitations continuelles des entreprises ou de se laisser corrompre pour devenir un acteur du processus de corruption, celui qui concède un marché en échange de contreparties.
Sa responsabilité est bien plus grande que celle des corrupteurs actifs.
Il est l'élu.
Il est élu par les citoyens grenoblois à l'une des tâches la plus noble dans une démocratie, la fonction de maire. Il est au surplus conseiller général, ministre.
Il a la confiance de ses concitoyens grenoblois et dauphinois qui par ailleurs le décrivent comme un bon maire.
Il n'a pas le droit de trahir leur confiance, issue de leur bulletin de vote. Une fonction tirée du suffrage du peuple est sacrée et ne peut-être monnayée.
Se maintenir au pouvoir à tout prix, en acceptant de violer cette confiance n'est pas digne de ce pouvoir que Monsieur Alain X... tient du peuple.
Monsieur Alain X... a commis l'acte le plus grave pour un élu, vendre une parcelle de son pouvoir à des groupes privés et en accepter des avantages considérables.
Monsieur Alain X... a perdu tout repère et s'est laissé entraîner dans un tourbillon qu'il ne maîtrisait plus.
Le délit de corruption qu'il a commis attente profondément aux valeurs de la République et mine la confiance des citoyens dans ce noble métier qu'est l'administration de la cité et par là, la politique.
Monsieur Alain X... doit être sévèrement sanctionné pour ces faits par une peine d'emprisonnement mixte dont une partie ferme conséquente ainsi que par une peine d'amende et par l'inéligibilité pour une durée de cinq ans.
Le rôle de Monsieur Jean-Louis Y... est à stigmatiser également.
Il est depuis 1986 le conseiller et l'ami de Monsieur Alain X.... Rien ne lui a échappé comme nous l'avons démontré. Il a participé au processus de corruption en prenant part aux négociations sur le contrat de l'eau en connaissant parfaitement les données de cette négociation. Il a organisé le montage WHIP pour permettre à Monsieur Alain X... de rester au plus haut niveau de l'État.
Monsieur Jean-Louis Y... n'est pas un élu, il doit être sanctionné par une peine d'emprisonnement mixte dont une partie ferme de moindre importance que celle prononcée contre Monsieur Alain X... et par une peine d'amende.
Enfin, il reste à distinguer au niveau des corrupteurs actifs les rôles de Monsieur Marc-Michel Z... et de Monsieur Jean-Jacques A....
Monsieur Marc-Michel Z... a reconnu l'ensemble des infractions qui lui sont reprochées. Le tribunal le sanctionnera par une peine d'emprisonnement mixte dont une partie ferme et par la peine d'amende maximum car il est un élément clef du processus de corruption. Un industriel ne peut bafouer la loi et doit également garder des repères. La bataille économique ne saurait commander le recours à des violations graves de la loi. Même dans une situation économique difficile, l'entreprise n'est pas au-dessus des lois.
En ce qui concerne Monsieur Jean-Jacques A..., le tribunal s'est interrogé (Chapitre II Section II-2) sur les hypothèses émises par les défenseurs de Monsieur Alain X... et de Monsieur Marc-Michel Z....
Le tribunal reste sur ces interrogations : Monsieur Jean-Jacques A... n'est-il que l'exécutant d'une politique de corruption définie à un autre niveau par la LYONNAISE DES EAUX ?
Est-il le corrupteur unique au sein de la LYONNAISE DES EAUX ?
Du fait de ces interrogations, Monsieur Jean-Jacques A... ne pourra être sanctionné par une peine d'emprisonnement ferme, mais par une lourde peine d'emprisonnement avec sursis et par une peine d'amende.
A l'encontre de Monsieur Pierre Z... :
A l'encontre de Monsieur Louis D... :
A l'encontre de Madame Claudine Y... épouse C... :
A l'encontre de Monsieur Frédéric B... :
A l'encontre de Monsieur Jean-Jacques A... :
A l'encontre de Monsieur Marc-Michel Z... :
A l'encontre de Monsieur Jean-Louis Y... :
A l'encontre de Monsieur Alain X... :
L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR (UFC 38) est une association de défense des consommateurs qui peut-être autorisée à exercer, à l'encontre des auteurs des infractions, les droits reconnus à la partie civile, par dérogation légale à l'article 2 du code de procédure pénale.
Elle doit néanmoins, conformément aux dispositions de l'article L 421-1 du code de la consommation, justifier de son agrément.
En l'espèce, cette association ne produit aucun agrément. Il y a donc lieu de déclarer sa constitution irrecevable.
L'association EAU SECOURS a pour objet aux termes de ses statuts : « la défense du service public de l'eau et de l'assainissement, l'amélioration du service des usagers et la préservation de la qualité de l'eau, la protection et l'économie des ressources en eau potable. »
En pratique, il apparaît que ses actions, selon les termes mêmes du bilan établi par elle à l'issue d'une année d'activité, ressemblent de plus en plus à celles d'un comité de défense des usagers des services de l'eau. Il y a donc lieu de faire application de l'article L 421-1 du code de la consommation subordonnant la constitution de partie civile d'une association dont l'objet est la défense des intérêts des consommateurs, à la production d'un agrément.
Or, en l'espèce, l'association EAU SECOURS ne justifie d'aucun agrément. Ayant fait l'objet d'une déclaration à la préfecture de l'Isère le 23 septembre 1994, elle ne justifiait pas de surcroît avant les débats de la présente affaire du délai prévu par l'article 1er du décret du 06 mai 1988 et requis pour l'obtention de l'agrément.
La constitution de partie civile de l'association EAU SECOURS est donc irrecevable.
Il y a lieu d'apprécier la recevabilité de ces demandes, selon les termes de l'article 2 du code de procédure pénale, exigeant la preuve d'un préjudice direct et personnel.
En l'espèce, les associations pour l'INFORMATION ET LA DÉFENSE DES CONSOMMATEURS SALARIÉS (INDECOSA-CGT) et la CONFÉDÉRATION SYNDICALE DES FAMILLES (CSF) fondent leurs demandes sur l'existence d'une atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs qu'elles représentent dans le cadre de cette affaire, atteinte résultant des délits de corruption reprochés aux différents prévenus.
La chambre criminelle de la cour de cassation, dans un arrêt du 03 novembre 1992 a estimé que « les infractions de corruption active et passive ne sont pas de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs. »
Il y a donc lieu de déclarer irrecevables les constitutions de parties civiles des associations pour l'INFORMATION ET LA DÉFENSE DES CONSOMMATEURS SALARIÉS (INDECOSA-CGT) et la CONFÉDÉRATION SYNDICALE DES FAMILLES (CSF), les infractions de corruption reprochées aux prévenus ne pouvant être considérées comme portant atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs qu'elles représentent.
Il y a lieu d'examiner la constitution des 101 USAGERS de l'eau en application de l'article 2 du code de procédure pénale.
Il appartient donc aux 101 USAGERS de l'eau de rapporter la preuve qu'ils ont subi un préjudice personnel et direct du fait des délits de corruption reprochés aux prévenus.
Ils ne démontrent pas, pour chacun d'eux, l'existence d'un préjudice distinct de celui qui est pris en compte par le ministère public.
Au surplus, il résulte des pièces de l'information que les factures d'eau ont connu une augmentation à partir de 1992, si l'information a démontré que les sociétés concessionnaires ont octroyé des avantages au maire de Grenoble en échange de l'accomplissement d'un acte de sa fonction, il n'est pas établi, au vu des éléments du dossier, que la hausse relevée dans les factures d'eau soit la conséquence des actes de corruption reprochés aux différents prévenus.
Les 101 USAGERS de l'eau ne peuvent donc être considérés comme ayant subi un préjudice direct du fait des infractions de corruption.
Leur constitution est donc irrecevable.
Il convient d'apprécier la consitution de la partie civile de la VILLE DE GRENOBLE au regard de l'article 2 du code de procédure pénale.
La VILLE DE GRENOBLE, représentée par son maire, Monsieur Michel 014..., est recevable en la forme à agir. Elle subit, du fait du comportement de son ancien maire, un préjudice propre dont elle peut demander réparation et qui est distinct de celui pris en compte par le ministère public.
La VILLE DE GRENOBLE invoque trois chefs de préjudice :
La VILLE DE GRENOBLE produit aux débats une note intitulée « note relative au contrat de concession de la distribution et de l'assainissement de l'eau » aux termes de laquelle apparaît « un solde positif en faveur du fermier » de 220 000 000 francs dépourvu de toute espèce de justification ; si ce n'est, selon les conclusions de la ville, « l'intention libérale manifestée par le maire de Grenoble en raison des avantages dont il avait précédemment bénéficiés et des engagements pris en faveur par les concessionnaires. »
Si la méthode de calcul retenue par la VILLE DE GRENOBLE n'est pas contestée par la défense, les montants retenus le sont en revanche.
De surcroît, la défense fait valoir qu'à ce jour, en 1995, l'intérêt que la ville retire de l'opération s'élève en valeur actuelle à la somme de 62 millions de francs. Le préjudice invoqué par la ville ne peut donc, selon la défense, être considéré comme actuel.
Au vu de ces différents éléments, au vu des pièces produites par les parties, l'existence d'un préjudice matériel subi par la VILLE DE GRENOBLE n'apparaît pas rapportée, tant les incertitudes liées au calcul du coût de l'eau sont nombreuses, rendant impossible l'établissement de la preuve du caractère certain du préjudice matériel que subirait la VILLE DE GRENOBLE à ce jour.
La demande doit donc être rejetée sur ce point.
Aucun document apporté au dossier ne permet d'établir l'existence d'un préjudice économique particulier résultant de la commission des infractions par les prévenus.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de VILLE DE GRENOBLE sur ce point.
Si une personne morale publique peut demander réparation du préjudice matériel résultant d'une infraction dont elle a été victime, la jurisprudence lui interdit en revanche de demander réparation du dommage moral qui en découle.
La Chambre Criminelle estime en effet que cet intérêt se confond avec l'intérêt social dont la protection est déjà assurée par le ministère public (Crim 1er mai 1925).
Peu importe que l'action civile soit intentée par un établissement, un département ou une commune (Crim 16 janvier 1975).
La demande formulée de ce chef par la VILLE DE GRENOBLE ne peut donc être accueillie favorablement.
En conséquence, la constitution de partie civile de la VILLE DE GRENOBLE est recevable mais non fondée.
Le tribunal, statuant publiquement, en matière correctionnelle et après en avoir délibéré conformément à la loi, par jugement en premier ressort et contradictoirement :
Rejette les moyens soulevés au fond par les prévenus Monsieur Alain X... et Monsieur Jean-Louis Y... en ce qui concerne :
Rejette les autres moyens soulevés par Monsieur Jean-Louis Y....
Relaxe Monsieur Pierre Z... du chef d'abus de biens sociaux concernant les honoraires versés à la société WHIP par le CABINET D'ÉTUDES MERLIN pour la somme de 300 000 francs uniquement.
Relaxe Monsieur Marc-Michel Z... du chef d'abus de biens sociaux concernant les honoraires versés à la société WHIP par les sociétés du groupe MERLIN pour la somme de 2 373 060 francs uniquement.
Relaxe Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur Alain X... du chef de recel d'abus de biens sociaux concernant les honoraires versés à la société WHIP par les sociétés du groupe MERLIN pour la somme de 2 373 060 francs uniquement.
Relaxe Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur Alain X... du chef de recel d'abus de biens sociaux concernant les honoraires versés par la LYONNAISE DES EAUX pour la somme de 1 000 000 francs uniquement.
Relaxe Monsieur Marc-Michel Z... du chef d'abus de biens sociaux et Monsieur Alain X... du chef de recel d'abus de biens sociaux concernant la prise en charge par les sociétés du groupe MERLIN des vols SINAIR effectués par Monsieur Alain X... pour la somme de 323 793 francs uniquement.
Déclare Monsieur Pierre Z..., Monsieur Marc-Michel Z..., Monsieur Jean-Louis Y... et Monsieur Alain X... coupables du surplus des faits qui leur sont reprochés.
Déclare Monsieur Louis D..., Madame Claudine Y... épouse C..., Monsieur Frédéric B..., Monsieur Jean-Jacques A... coupables des faits qui leur sont reprochés.
En répression les condamne à la peine de :
Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du code pénal a été donné aux condamnés dans la mesure de leur présence effective lors du prononcé du jugement.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 francs dont est redevable chaque condamné.
Fixe la durée de la contrainte par corps par application de l'article 750 du code de procédure pénale.
Déclare irrecevables les constitutions de parties civiles de :
Déclare recevable la constitution de partie civile de la VILLE DE GRENOBLE.
Rejette ses demandes au titre des préjudices matériel, économique et morale, comme non fondés.
Déboute les parties civiles de toutes leurs autres demandes.
Laisse à la charge des parties civiles les frais de leur intervention.
En foi de quoi le président et le greffier ont signé le présent jugement.